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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3297/2018

ATA/384/2021 du 30.03.2021 sur JTAPI/308/2020 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 11.05.2021, rendu le 28.04.2022, REJETE, 1C_273/2021
Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;PERMIS DE CONSTRUIRE;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;PLAN DIRECTEUR;POUVOIR D'APPRÉCIATION;PROTECTION CONTRE LE BRUIT;VALEUR LIMITE(EN GÉNÉRAL);VALEUR LIMITE D'EXPOSITION;VALEUR LIMITE D'IMMISSIONS;VALEUR D'ALARME;PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT;EXCEPTION(DÉROGATION);PRINCIPE DE LA BONNE FOI;CHOSE JUGÉE
Normes : LAT.22; LPE.22; OPB.31.al1; OPB.31.al2
Parties : CHATELAIN Jean ET DEMAUREX & CIE SA, DEMAUREX & CIE SA / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
Résumé : Rejet d’un recours contre un refus d’autorisation de construire trois villas en zone 5 sur une parcelle, vierge de toute construction entourée de parcelles construites, située dans la zone d’approche de l’aéroport. Le projet n’était pas conforme aux normes de protection de l’environnement, un dépassement des VLI avait été constaté. Aucun intérêt prépondérant ne justifiait l’octroi d’une dérogation. Un projet identique avait été autorisé en 2013 suite à un recours admis par la chambre administrative mais l’autorisation délivrée était devenue caduque. L’autorité de la chose jugée s’attachait uniquement à la question tranchée, soit celle du principe de la confiance en lien avec des assurances qui avaient été données en 2008 par le chef du département à l’ancien propriétaire. Depuis cette date, une pratique plus restrictive, s’agissant du principe de l’octroi d’une dérogation au titre de « brèche dans le milieu bâti », était appliquée. Notamment depuis l’adoption du PDCn, (fiche A20) il était prévu que pour les zones à bâtir existantes, lorsque les VLI DSII étaient dépassées, les secteurs seraient affectés à de la mixité avec une large majorité d’activités et/ou à des équipements sans locaux à usage sensible au bruit. Depuis l’adoption en avril 2019, de la 1ère mise à jour du PDCn 2030, il était précisé (fiche A20) que dans le cas d’une ou plusieurs parcelles localisées au cœur d’un tissu largement bâti, aucune dérogation n’entrait en ligne de compte. Rien ne permettait de retenir que le département aurait abusé ou excédé son pouvoir d’appréciation en suivant le préavis du SABRA, considérant que le projet ne remplissait pas les conditions de l’art. 31 al. 1 OPB. Finalement, c’était à juste titre que le TAPI avait confirmé le refus d’une autorisation de construire fondée sur la dérogation prévue à l’art. 31 al. 2 OPB, suite à une pesée d’intérêts qui ne pouvait qu’être confirmée. Le principe de la proportionnalité invoqué par les recourants ne permettait pas d’aboutir à une autre solution. Aucune autre mesure moins incisive n’aurait en effet pu être prononcée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3297/2018-LCI ATA/384/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 mars 2021

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur Jean CHATELAIN
et
DEMAUREX & CIE SA
représentés par Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 mars 2020 (JTAPI/308/2020)


EN FAIT

1) La parcelle no 3'440, feuille 53, de la commune de Vernier (ci-après : la commune), sise en 5e zone de construction à l’adresse 7A, 7B et 7C, chemin des Bouleaux est située dans la zone d’approche et de décollage de l’Aéroport International de Genève (ci-après : AIG). Cette parcelle ne comporte pas de bâtiments, contrairement aux huit parcelles l’entourant au nord, au sud et à l’est, lesquelles comportent des villas accessibles depuis la route de Peney et le chemin des Bouleaux.

Selon le plan d’affectation spécial no 29'343, adopté le 6 mai 2009, un degré de sensibilité DS II est attribué au secteur.

2) Par courrier du 12 juin 2008, l’ancien propriétaire de la parcelle s’est adressé au président du département alors compétent pour la délivrance des autorisations de construire, exposant que, sur suggestion de la police des constructions, il avait demandé au département du territoire (alors compétent pour les questions d’aménagement) d’examiner si sa parcelle pouvait obtenir une dérogation au titre de brèche dans le milieu bâti et avait reçu une réponse négative le 26 mai 2008. Il considérait que ses demandes en autorisation de construire faites le 8 septembre 2000, refusée le 9 janvier 2002 (confirmé par arrêt du Tribunal administratif le 16 août 2005) n’avaient pas été traitées dans le respect du principe d’égalité de traitement, sachant, d’une part, qu’un voisin immédiat avait obtenu une autorisation de construire sa villa sur demande déposée la même année que lui et, d’autre part, que des dérogations au titre de brèche dans le milieu bâti avaient été accordées pour des parcelles dans une situation similaire à la sienne sur le territoire de la commune de Bellevue.

3) Le 19 septembre 2008, le président du département a répondu au propriétaire en ces termes :

« Après un examen attentif de la situation de votre parcelle, ainsi que des valeurs d’exposition au bruit qui lui sont applicables, je suis en mesure de vous confirmer que mon département est prêt à entrer en matière sur le principe d’une dérogation au sens de l’article 31 al. 2 OPB [ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41)].

En effet, comme l’a relevé la direction du domaine de l’aménagement du territoire dans son courrier du 26 mai 2008, votre parcelle ne correspond pas, stricto sensu, à la définition d’une "brèche dans le milieu bâti". Mon département considère néanmoins que le groupe de bâtiments dans lequel s’inscrit cette parcelle constitue une enclave bâtie qui peut être assimilée à un hameau.

Dans cette mesure, la jurisprudence relative à l’octroi d’une dérogation en cas de brèche du milieu bâti pourrait être étendue à la situation de votre parcelle, si, bien entendu, vous déposez un projet qui présente des solutions d’isolation acoustique acceptables et remplit toutes les autres conditions légales applicables ».

4) Le 22 décembre 2008, le propriétaire et Via Domani SA ont conclu une promesse de vente et d’achat de la parcelle sous condition suspensive que la seconde obtienne une autorisation de construire trois villas.

5) Le 4 janvier 2011, le département a refusé à Via Domani SA l’autorisation de construire déposée le 20 mai 2009 (DD 102'893) en application de l’art. 13B de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), un projet de modification des limites de zones MZ 29’730-540 ayant été mis à l’enquête publique.

Le dossier d’instruction contient notamment deux préavis négatif du service de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants (ci-après : SPBR) des 10 juin et 24 juillet 2009 ainsi qu’un rapport acoustique établi par le bureau Architecture & Acoustique SA (ci-après : AA) du 3 juillet 2009.

6) Sur recours de Via Domani SA, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a confirmé le refus de délivrer l’autorisation de construire le 28 octobre 2011.

7) Par arrêt du 30 juillet 2013 (ATA/448/2013), la chambre administrative de la Cour de Justice (ci-après : la chambre administrative) a admis le recours de la propriétaire et renvoyé la cause au département pour délivrance de l’autorisation de construire requise. Le projet de modification des limites de zones
MZ 29’730-540 n’avait pas été adopté le 4 janvier 2013 et, compte tenu de l’écoulement du délai de deux ans, la propriétaire avait recouvré tous ses droits sur la parcelle. La question de savoir si le projet de construction respectait les exigences posées par l’art. 31 al. 1 OPB faisait appel à des compétences techniques et souffrirait de demeurer indécise car l’intérêt public à ce que l’autorité agisse dans le respect du principe de la bonne foi, l’intérêt financier de la propriétaire à la réalisation du projet, comme l’intérêt de ne pas voir les droits à bâtir durablement paralysés sans compensation financière devaient être considérés comme prépondérants par rapport à l’intérêt public à la protection des futurs habitants qui avait été pris en compte par les concepteurs du projet grâce à une disposition parfaitement adaptée des locaux à usage sensible au bruit et à une isolation acoustique de l’enveloppe des bâtiments de très bonne qualité. Les conditions d’octroi d’une dérogation au sens de l’art. 31 al. 2 OPB étaient remplies.

8) Le 9 décembre 2013, le département a délivré l’autorisation de construire DD 102'893.

9) Demaurex & Cie SA (ci-après : Demaurex), active dans le commerce des produits alimentaires et de consommation, de Chavannes-Renens, est devenue propriétaire de la parcelle no 3'440 en mars 2015.

10) Monsieur Jean CHATELAIN, architecte, a déposé le 23 décembre 2016, pour le compte de Demaurex, une nouvelle demande d’autorisation de construire trois villas avec couverts et chauffage par pompe à chaleur auprès du département du territoire (ci-après : le département). La demande a été enregistrée sous DD 109'871.

11) L’instruction de la demande d’autorisation de construire DD 109'871 a notamment donné lieu aux préavis suivants :

- défavorable du service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisant (ci-après : SABRA) du 23 février 2017. Les valeurs limites d’immissions
(ci-après : VLI) de l’annexe 5 de l’OPB correspondant au degré de sensibilité II étaient largement dépassées sur toutes les périodes : dépassement de + 4-5 dB(A) durant la période diurne, de + 4-5 dB(A) de 22 à 23 h et de + 3-4 dB(A) de 23 à 24 h.

- favorable de la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : SPI) du 6 février 2017 ;

- favorable de la commune du 7 février 2017, sous condition que les mesures architecturales proposées soient validées par le SABRA ;

- favorable de la commission d’architecture (ci-après : CA) du 7 février 2017 avec une dérogation selon l’art. 59 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

12) Le 5 octobre 2017, l’architecte a remis au département un rapport du bureau Atelier Acoustique du Bâtiment (ci-après : AAB) du 28 juin 2017.

Les VLI étaient dépassées de jour et de nuit sauf pendant les six heures où il n’y avait pas de vols. L’isolation qui avait été prévue dans le projet ayant donné lieu à l’autorisation DD 102'893 avait été améliorée par le remplacement de certaines fenêtres ouvrantes par des verres fixes, ainsi que la réalisation d’un avant-toit avec panneaux latéraux de protection qui permettraient que les VLI soient respectées.

13) Le 9 novembre 2017, le SABRA a rendu un second préavis défavorable, les exigences de l’art. 31 al. 1 OPB n’étaient pas respectées et une autorisation de construire ne pouvait être octroyée qu’avec l’assentiment de l’autorité compétente selon la dérogation de l’art. 31 al. 2 OPB.

14) Le 25 juillet 2018 le département a refusé l’autorisation de construire sollicitée.

Le projet n’était pas conforme aux art. 22 al. 1 et 2 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et 31  al. 1 OPB. Le dépassement des VLI constaté par le SABRA n’était pas de faible intensité. La prétendue atténuation, non calculée et non démontrée, créée par l’optimisation de l’orientation des locaux sensibles au bruit et l’installation de fenêtres fixes dans le séjour, prévues dans les deux rapports acoustiques produits, était jugée optimiste par le SABRA et ne pouvait être retenue car insuffisante pour rattraper les dépassements de bruit sur la parcelle. Aucun intérêt prépondérant au sens de l’art. 31 al. 2 OPB ne justifiait l’octroi d’une dérogation. La fiche A20 du plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCn 2030) prévoyait comme affectation future de l’activité et non du logement, justifiant d’autant plus le refus du projet. L’autorisation DD 102'893 était devenue caduque et la politique cantonale avait évolué depuis 2013, le département se montrant dorénavant plus sévère lorsque la santé publique était en danger.

15) Par acte du 14 septembre 2018, M. CHATELAIN et Demaurex ont interjeté recours auprès du TAPI contre cette décision de refus en concluant à son annulation.

Le projet refusé était identique à celui autorisé sous DD 102'893, les plans visés ne varietur de l’ancienne autorisation avaient été repris et quelques améliorations concernant l’isolation acoustique ajoutées.

Demaurex avait acquis la parcelle pour reloger les propriétaires des parcelles du secteur Champ-Prévost à Vernier permettant ainsi un déplacement du commerce Aligro, dont elle était propriétaire, du secteur Praille Acacias Vernets (ci-après : PAV) à Champ-Prévost.

Le SABRA avait à tort nié l’effet d’atténuation des mesures acoustiques de 5 dB(A) prévues par le rapport de l’acousticien du 26 août 2017. Les conditions de l’art. 31 al. 1 OPB étaient réunies. La dérogation s’imposait encore davantage puisqu’il s’agissait de réaliser trois nouveaux logements, mais aussi de débloquer une situation dans la zone PAV afin de faciliter les objectifs d’urbanisme du département.

16) Le 8 novembre 2018, M. CHATELAIN et Demaurex ont complété leur recours arguant notamment que la nouvelle demande de construire était identique à la précédente, les plans visés ne varietur de l’ancienne autorisation ayant été repris. Une inadvertance procédurale de l’administré qui avait omis de demander la prolongation de la validité de l’autorisation ou un changement de l’identité du propriétaire ne constituait pas un fait susceptible de justifier une autre solution au même projet immobilier. Le refus querellé violait le principe de l’autorité de la chose jugée et l’examen du département devait se limiter à l’identification d’éventuelles divergences entre les deux projets.

17) Le 23 novembre 2018, le département a conclu au rejet du recours, répondant point par point aux griefs soulevés.

Un courriel de l’office fédéral de l’environnement (ci-après : OFEV) du
14 mai 2018 précisait que le but de l’art. 31 OPB en conjonction avec
l’art. 39 OPB était notamment d’offrir un certain niveau de protection aux alentours immédiats des immeubles et pas seulement à l’intérieur des locaux sensibles au bruit.

18) Les parties ont répliqué et dupliqué. Le 27 juin 2019, s’est tenue une audience de comparution personnelle, lors de laquelle ont été entendus M. CHATELAIN, une représentante du département ainsi que Monsieur Laurent JOSPIN, en charge des projets immobiliers pour Demaurex. Celui-ci a exposé comment la construction des trois villas était liée au déménagement d’Aligro hors du PAV.

Lors d’une seconde audience du 17 octobre 2019, Monsieur Horacio MONTI, acousticien auprès de AAB ainsi que Monsieur Philippe ROYER, directeur auprès du SABRA ont été entendus.

Les déclarations des parties et des témoins seront reprises, dans la mesure utile, dans la partie en droit du présent arrêt.

19) Le 24 octobre 2019, le département a produit la décision de refus du 4 janvier 2011 ainsi que le préavis du SPBR du 24 juillet 2009 et des observations finales le 29 novembre 2019.

20) Le 6 décembre 2019, M. CHATELAIN et Demaurex ont exposé que seules des considérations politiques avaient guidé le département, persistant pour le surplus dans leur argumentation. Le PLQ 30'044 Étoile 1 avait été adopté le 6 novembre 2019 pour un périmètre important du PAV. L’intérêt public à trouver une solution pour qu’Aligro quitte son emplacement actuel s’était encore accru.

21) Par jugement du 26 mars 2020, le TAPI a rejeté le recours.

La cause n’était pas similaire à celle jugée dans l’arrêt de la chambre administrative concernant la DD 102'893, car elle ne concernait pas les mêmes parties. L’autorisation était devenue caduque, faute d’avoir été mise en œuvre dans le délai légal et ne produisait plus d’effets. L’arrêt avait laissé ouverte la question du respect à l’art. 31 al. 1 OPB, faute de compétences techniques et en raison d’un préavis défavorable du SPBR qui ne motivait pas les raisons pour lesquelles les mesures effectuées pour attester du respect des VLI dans le projet ne seraient pas pertinentes ou exactes, contrairement au préavis du SABRA qui exposait clairement ces raisons. Aucune assurance n’avait été donnée à la nouvelle propriétaire.

L’art. 43 al. 2 OPB ne trouvait pas application, la fiche A20 du PDCn 2030 prévoyaient sur la parcelle en cause de l’activité et non du logement.

Il n’était pas contesté que les valeurs d’exposition au bruit dépassaient les VLI du DS II et que ce dépassement ne saurait être considéré comme de faible intensité même en tenant compte de la réduction du bruit que permettraient d’atteindre les mesures d’aménagement spéciales proposées par les acousticiens, lesquelles avaient été considérées comme insuffisantes et trop optimistes par le SABRA.

Sous l’angle de la proportionnalité, aucune autre mesure moins incisive que le refus querellé n’aurait pu intervenir à l’issue de l’instruction du dossier.

22) Par acte mis à la poste le 29 mai 2020, M. CHATELAIN et Demaurex ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI en concluant à son annulation ainsi qu’à celle de la décision de refus d’autorisation de construire. Le dossier devait être envoyé au département pour la délivrance de la DD 109'871. Préalablement, l’apport du dossier d’autorisation DD 102'893-3 devait être ordonné, à l’instar d’une expertise visant à déterminer si les VLI étaient respectées pour les locaux à usage sensible au bruit du fait de l’atténuation issue de leur disposition et des mesures constructives prévues dans le rapport AAB du 28 juin 2017 intégrées dans les plans produits aux pièces 26, 27 et 28. L’audition de MM. JOSPIN, Paulo RODRIGUES, chef de projets au sein de la fondation pour les terrains industriels (ci-après : FTI), Alberic HOPF, attaché de direction auprès de la direction PAV et de Mesdames Véronique TODINI, Isabelle MARTY et Joëlle FLEURY devait être ordonnée.

L’architecte avait un intérêt direct et personnel au recours, comme la propriétaire.

Le jugement litigieux était entaché d’une violation de l’art. 31 al. 1 OPB dont les conditions étaient remplies par le projet, le dépassement des VLI étant absorbé par l’effet d’atténuation lié aux bâtiments et aux mesures constructives. Aucune analyse des éléments factuels, des preuves et des arguments figurant au dossier n’était faite dans le jugement. Les faits avaient été constatés de façon inexacte et incomplète.

En refusant d’ordonner une expertise acoustique sur l’effet des mesures constructives prévues dans l’atténuation des nuisances sonores, le jugement consacrait une violation du droit à la preuve ainsi qu’une constatation inexacte des faits pertinents et un abus du pouvoir d’appréciation. Le dossier contenait deux rapports acoustiques détaillés établis par des experts reconnus et le préavis du SABRA qui arrivait à des conclusions inverses. Une expertise permettrait d’établir les faits.

L’autorité de la chose jugée excluait de faire à nouveau trancher les éléments du projet qui l’avaient déjà été. Ainsi, les caractéristiques immobilières du projet étaient dotées de l’autorité de la chose jugée. De plus, les motifs qui avaient conduit à l’application de l’art. 31 al. 2 OPB par la chambre administrative demeuraient et ce n’était pas les qualités personnelles de l’ancienne propriétaire qui avaient motivé la reconnaissance de certaines garanties à son bien-fonds. L’assimilation de la parcelle à une brèche dans le bâti relevait de sa localisation et de ses qualités qui ne dépendaient pas de son propriétaire.

Aucun nouvel intérêt public majeur n’était à retenir depuis le changement de propriétaire et l’intérêt des futures habitantes devait être pris en compte dans la mesure où elles vivaient dans des maisons vétustes non insonorisées en zone industrielle et artisanale.

Le principe de la proportionnalité n’était pas respecté par l’application rigide de l’art. 22 LPE, contrairement à ce que préconisait la jurisprudence, s’agissant d’une atteinte grave à la garantie de la propriété.

Les intérêts privés en jeu étaient ceux des trois futures habitantes, de M. CHATELAIN quant à une éventuelle responsabilité dans le fait de ne pas avoir sollicité en temps utile la prolongation de l’autorisation de construire DD 102'893 et celle de Demaurex qui avait acheté au prix fort un terrain constructible, doté d’une autorisation de construire en force et de se retrouver avec un terrain inconstructible valant moins de CHF 10.- le mètre carré.

23) Le 11 juin 2020, le TAPI a transmis son dossier, renonçant à formuler des observations.

24) Le 3 juillet 2020, le département a déposé des observations, concluant au rejet du recours.

Le SABRA avait dûment analysé les mesures constructives proposées par les deux rapports acoustiques produits. Toutefois l’atténuation non calculée et non démontrée n’avait fait l’objet d’aucune validation ni cantonale ni fédérale et était jugée trop optimiste compte tenu de la localisation de la parcelle très proche de la trajectoire des avions, comme l’avait exposé de façon claire et détaillée le représentant du SABRA lors de son audition devant le TAPI. Cette position était confortée par le courrier de l’OFEV du 14 mai 2018. C’était à juste titre que le TAPI avait retenu que les conditions de l’art. 31 al. 1 OPB n’étaient pas remplies.

Le TAPI avait correctement effectué la pondération des intérêts publics et privés en présence, et jugé que le refus de l’autorisation de construire intervenait conformément à l’art. 31 al. 2 OPB. Notamment, les trois nouveaux logements ne s’inscrivaient pas dans un processus immobilier plus global et il n’y avait de lien direct entre leur construction et la libération d’une partie de la parcelle du PAV. La question de la brèche dans le milieu bâti ne revêtait pas une importance particulière, comme l’avait relevé le Tribunal fédéral dans une affaire similaire. De surcroît, le PDCn 2030 excluait la dérogation prévue par l’art. 31 al. 2 OPB dans une telle hypothèse dans sa fiche A020.

Aucune assurance n’avait été donnée par le département à la nouvelle propriétaire.

Aucune autre mesure moins incisive que le refus de construire n’aurait pu intervenir.

25) Le 26 août 2020, les recourants ont répliqué.

Ils exposaient à nouveau en détail leur argumentation développée dans le recours.

En tenant compte de la potentielle dispersion du bruit de moins de 7 % des avions au décollage, l’effet d’atténuation dû à l’orientation des bâtiments était en l’espèce de 4,5 à 6 dB(A) et permettait déjà de respecter les VLI. Les mesures constructives étaient efficaces, quelle que soit la trajectoire des avions et offraient, cumulées à l’effet d’écran des bâtiments, une protection de 7 à 8 dB(A). Le rapport complémentaire établi par AAB le 6 juillet 2020 prouvait le large respect des VLI par le projet. L’effet d’atténuation était corroboré par d’autres éléments du dossier dont le rapport AA du 3 juillet 2009, les mesures effectuées sur une villa déjà construite à Genthod présentant un niveau de bruit comparable, le préavis du SPBR du 24 juillet 2009 qui avait reconnu cet effet d’atténuation et l’adéquation des mesures prévues à la situation sonore particulière du projet, l’ATA/448/2013 précité qui avait retenu la crédibilité des mesures acoustiques et la pertinence de tels calculs, la déclaration sous serment de M. MONTI, expert acousticien du bureau AAB ainsi que son rapport de 2017, l’étude détaillée produite (pièce 32 ) illustrant l’emplacement des microphones sur les façades et le détail des calculs pour attester de l’effet d’atténuation lié à la typologie du bâtiment. Ces effets démontrés en l’espèce étaient cohérents avec les études scientifiques existant en la matière.

Le courriel de l’OFEV produit concernait un projet particulier situé 10, chemin Pierre-Grise à Genthod et n’avait pas de portée générale.

Une analyse de la jurisprudence montrait qu’il n’avait jamais été tranché que des dispositifs techniquement aboutis n’étaient pas aptes à protéger un bâtiment contre le bruit des avions qui se disperserait de manière diffuse. Une expertise aurait dû être ordonnée par le TAPI et demeurait essentielle de même que les auditions sollicitées et l’apport du dossier de la DD 102'893.

Dans le contexte de l’art. 31 al. 2 OPB, le niveau de dépassement des VLI n’était pas comparable aux cas sur lesquels le SABRA et le TAPI fondaient leur raisonnement.

Ils soulignaient ensuite tous les éléments qui plaidaient en faveur de la dérogation, soit la conformité à la zone du projet, un dépassement des VLI pouvant entièrement être compensé par les mesures prévues, le fait que la parcelle avait été assimilé à une brèche dans le milieu bâti, l’intérêt public au respect de la bonne foi, l’intérêt public à la création d’une grande quantité de logements dans le PAV s’ajoutait à leurs intérêts privés de voir leur droit de propriété sauvegardé et à voir son bureau d’architecte préservé, l’intérêt public à ne pas devoir indemniser les propriétaires pour une parcelle devenue inconstructible et l’intérêt à la santé publique qui devait tenir compte de la situation particulière des futures habitantes des trois villas qui résidaient actuellement dans des maisons non insonorisées exposées à des nuisances routières, aériennes et ferroviaires importantes.

26) Le 26 octobre 2020, le département a déposé des observations.

Le rapport complémentaire n’établissait pas à satisfaction que les VLI seraient largement respectées pour les locaux à usage sensible au bruit et que l’éventuelle dispersion du bruit ne concernerait aucun avion à l’atterrissage et moins de 7 % des avions au décollage. Le SABRA relevait plusieurs erreurs quant à la méthode utilisée ou à l’interprétation des publications officielles. Il portait sur d’autres objets, tels que les écoles des Ranches et de Vernier Place et ne procédait pas de l’examen du cas particulier.

Le courriel de l’OFEV du 14 mai 2018 ne faisait que confirmer une position générale déjà émise en 2014.

Le SABRA avait exposé, lors de l’audition de son représentant le 17 octobre 2019, que selon les nouvelles courbes du bruit des avions mises à l’enquête publique fin 2019 dans le cadre de la mise en œuvre du projet de nouveau bruit admissible, scénario 2022, les valeurs d’exposition au bruit, à la hauteur du projet, se péjoreraient de manière significative la nuit, soit de + 7 dB(A) lors de la première période et de + 7 à
8 dB(A) lors de la seconde période. L’on se trouvait à 2 dB(A) des valeurs d’alarme, ce qui ne faisait que confirmer le préavis défavorable.

27) Le 12 novembre 2020, les recourant ont déposé une triplique répondant point par point aux observations du département.

La critique du directeur du SABRA relevant que le manuel du bruit aérien se référait à des données radar pour l’établissement des courbes de bruit n’était aucunement de nature à remettre en cause l’analyse des trajectoires à laquelle avait procédé AAB dans son rapport.

Les bâtiments projetés se trouvaient à 2'500 m du point de décollage et d’atterrissage et à 200 m latéralement de l’axe de piste.

Tous les principes et la solution de l’ATA/448/2013 précité, relatifs à l’OPB et au devoir du SABRA de disposer et d’exposer des raisons crédibles pour mettre en cause des rapports d’acousticiens étayés, devaient être repris, compte tenu de l’identité des dossiers d’autorisation.

Le SABRA demandait une évaluation par calcul pour prendre en compte l’ensemble des trajectoires et configurations de vols possibles avec une atténuation devant être calculée et démontrée, soit cent nonante-neuf mille mouvements annuels, sans même préciser si l’évaluation faite sur une année suffisait. La contestation des conclusions du rapport d’AAB, alors que ce bureau avait procédé à des simulations au moyen du même logiciel CadnaA et selon la même méthode que celle utilisée par la direction de l’environnement dans le cadre du grand projet Vernier-Meyrin-Aéroport, et cette persistance à considérer comme trop optimiste les effets d’atténuation n’avaient plus aucun fondement.

L’augmentation des niveaux de bruit évoquée pour les tranches horaires 22h-23h et 23h-24h était improbable en raison de la crise affectant le trafic aérien. La perspective d’évolution du trafic aérien avait radicalement changé avec la crise sanitaire.

Ils avaient produit les 6 juillet et 26 août 2020 diverses pièces en sus du rapport acoustique complémentaire d’AAB, attestant de la possibilité d’atténuer de manière importante le bruit des avions par le biais de l’orientation des bâtiments et/ou de mesures constructives. Les résultats des études produites démontraient leur cohérence avec les calculs des acousticiens en l’espèce. Il avait ainsi été établi que le dépassement des VLI était absorbé par les effets d’écran du bâtiment et par les mesures constructives complémentaires.

28) Le 16 novembre 2020, les parties ont été informée que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) M. CHATELAIN, architecte du projet litigieux, a déposé un recours conjointement avec la propriétaire de la parcelle.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'architecte n'a en principe qu'un intérêt indirect et économique à la délivrance d'une autorisation de construire. Il n'a par conséquent pas qualité pour recourir contre la décision n'autorisant pas (complètement) un projet de construction (arrêt du Tribunal fédéral 1C_61/2019 du 12 juillet 2019 et les références citées). Dans deux arrêts récents, la chambre de céans a nié la qualité pour recourir aux architectes des projets de construction litigieux (ATA/806/2020 du 30 septembre 2020 et ATA/805/2020 du 28 septembre 2020). Les recours déposé contre ces deux arrêts sont, à ce jour, pendants devant le Tribunal fédéral.

En l’espèce, la question de la qualité pour recourir de M. CHATELAIN, architecte du projet, susceptible d’encourir une éventuelle responsabilité pour ne pas avoir sollicité en temps utile la prolongation de l’autorisation de construire, souffrira de rester indécise, dans la mesure où la propriétaire de la parcelle a également fait recours.

3) Le litige concerne une décision de refus d’autorisation de construire rendue par le département le 26 juillet 2018 fondée sur une non-conformité du projet de construction aux art. 22 al. 1 et 2 LPE et 31 al. 1 OPB ainsi que sur la constatation que les conditions d’octroi d’une autorisation dérogatoire au sens de l’art. 31 al. 2 OPB n’étaient pas remplies. Cette décision a été confirmée par le TAPI dans son jugement du 26 mars 2020 qui fait l’objet du présent recours.

4) Les recourants sollicitent plusieurs actes d'instruction déjà requis en première instance et font valoir une violation de leur droit d'être entendus en raison du refus du TAPI de les avoir ordonnés. Il s’agit de l’apport du dossier d’autorisation DD 102'893-3, d’une expertise sur le respect des VLI, de l’audition de M. JOSPIN, du chef de projets de la FTI, d’un attaché de direction auprès de la direction PAV ainsi que des trois personnes qui viendraient habiter dans les villas à construire.

Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.1 et les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.1.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.1).

En l'espèce, de nombreuses pièces ont été produites et le TAPI a procédé à l’audition des parties ainsi qu’à celle de plusieurs témoins, dont M. JOSPIN.

La chambre de céans considère que le dossier est complet et en état d'être jugé. Il ne sera ainsi pas donné suite aux demandes d'actes d'instruction formulées. En effet, plusieurs auditions demandées concernent l’argumentation en lien avec le déménagement d’Aligro du PAV. Comme cela sera vu ci-dessous, ces éléments ne sont pas pertinents pour la solution du litige.

Quant aux aspects acoustiques en lien avec les dépassements des VLI pour lesquels les recourants voudraient voir ordonner une expertise, le dossier contient trois rapports d’acousticiens produits par les recourants, le dernier devant la chambre de céans, ainsi que trois préavis du service compétent en la matière. Comme cela sera vu ci-dessous, la chambre de céans dispose des éléments nécessaires pour pouvoir trancher la question qui se pose.

5) En premier lieu, les recourants estiment que l’autorité de la chose jugée et le principe de la confiance, liés à l’ATA/448/2013 précité, imposent la délivrance de l’autorisation requise.

L’obligation d’obtenir une autorisation de construire est une restriction de droit public de la propriété dont la base légale a été créée pour l’ensemble de la Suisse par l’art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). L’intérêt public consiste dans le contrôle de la conformité du projet de construction avec le droit applicable. La proportionnalité résulte du fait que l’on considère un contrôle préalable plus adéquat que la démolition de constructions dont l’illégalité est constatée après coup (Alexander RUCH, in Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/ Pierre TSCHANNEN [éd.], Commentaire de la LAT, Autorisation de construire, protection juridique et procédure, 2020, n. 29 ad art. 22 LAT p. 95)

Il découle de la nature des autorisations de construire et pour des motifs de stabilisation juridique que les législations prévoient un délai dans lequel le permis de construire doit être utilisé ; il s'agit d'éviter qu'un propriétaire ne puisse indéfiniment opposer l'autorisation qu'il a reçue à un changement de réglementation (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 102-104). En droit genevois, l’autorisation de construire est caduque si les travaux ne sont pas entrepris dans les deux ans qui suivent sa publication dans la Feuille d’avis officielle. L’autorisation peut être prolongée par le département d’une année et, sous réserve de circonstances exceptionnelles, elle ne peut l’être que deux fois (art. 4 al. 5, 7 et 8 LCI).

Comme l’expose la doctrine, le but d’une autorisation de construire étant de permette d’éviter la survenance à l’avenir d’une situation de fait contraire au droit, sa légalité doit être jugée sur la base du droit en vigueur. Selon la jurisprudence, il n’est en effet pas arbitraire d’examiner une demande d’autorisation de construire, dont le dépôt est intervenu sous l’empire d’une ancienne loi, à la lumière des nouvelles dispositions entrées en vigueur au moment où l’autorité statue, et cela même en l’absence de dispositions légales le prévoyant. En outre, lorsque l’affaire est traitée par plusieurs autorités, les prescriptions déterminantes sont celles qui sont en vigueur au moment où statue la dernière juridiction (Milena PIREK, L'application du droit public dans le temps : la question du changement de loi, 2018, p. 322).

Finalement, il faut retenir qu’une autorisation de construire ne crée pas de droit acquis mais lorsqu’elle est utilisée, elle a pour effet durable de légitimer la construction autorisée (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 761 p. 266 et n. 839 p. 300).

6) L’autorité de la chose jugée qui se rapporte à la stabilité du contenu d’une décision, ne concerne que les points effectivement tranchés par l’autorité de recours. Il y a lieu de se référer aux motifs de l’arrêt pour en définir la portée. Ces points ne pourront être revus, en ce qui concerne les mêmes parties, les mêmes faits et les mêmes conclusions que si des motifs de révision sont présents (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 869 p. 308-309).

En l’espèce, l’ATA/448/2013 concernait une autre propriétaire, mais la même parcelle et un projet de construction que les recourants qualifient d’identique, sauf sur certains points d’amélioration, à celui faisant l’objet du présent litige, ce qui n’est pas contredit par l’autorité intimée.

Dans son arrêt, la chambre administrative a laissé indécise la question de la compatibilité du projet avec les exigences posées par l’art. 31 al. 1 OPB (ATA/448/2013 précité consid. 4), mais a tranché en faveur de la propriétaire d’alors, celle du principe de l’application de la dérogation prévue par l’art. 31
al. 2 OPB. La pesée des intérêts en présence faite et en particulier l’intérêt public à ce que l’autorité agisse dans le respect du principe de la bonne foi ajouté à l’intérêt financier de la propriétaire à la réalisation du projet et à ne pas voir les droits à bâtir de sa parcelle durablement paralysés sans compensation financière correspondante, ont été considérés comme prépondérants par rapport à l’intérêt public à la protection des futurs habitants qui avaient, au demeurant, été dûment pris en compte par les concepteurs du projet par les solutions constructives proposées (ATA/448/2013 précité consid. 6). Cette conclusion a été retenue parce que la législation en matière de protection contre les nuisances causées par le trafic aérien n’avait pas été modifié depuis que des assurances avaient été donnée par le chef du département en septembre 2008 et qu’ainsi le principe de la confiance trouvait application, les autres conditions étant par ailleurs remplies.

Comme vu ci-dessus, une autorisation de construire une fois délivrée a une durée de vie assez courte et se périme si elle n’est pas utilisée. Il n’est dès lors pas possible de retenir que l’autorité de la chose jugée puisse stabiliser indéfiniment la décision. En l’espèce, l’autorité de la chose jugée s’attacherait uniquement à la question tranchée, soit celle du principe de la confiance en lien avec les assurances données par le chef du département. S’agissant d’une autorisation de construire, les changements éventuels de la règlementation topique sont déterminants pour examiner la portée de l’arrêt.

7) a. L’art. 22 LAT soumet l’octroi d’une autorisation de construire aux conditions que la construction ou l’installation soit conforme à l’affectation de la zone et que le terrain soit équipé (al. 2), et réserve les autres conditions posées par le droit fédéral et le droit cantonal (al. 3).

La législation fédérale sur la protection de l’environnement fixe des conditions supplémentaires à l’octroi d’une autorisation de construire dans les zones affectées par le bruit (ATA/448/2013 du 30 juillet 2013 précité consid. 3b).

b. Selon l’art. 22 LPE afférent aux permis de construire dans les zones affectées par le bruit, les permis de construire de nouveaux immeubles destinés au séjour prolongé de personnes ne seront délivrés, sous réserve de l'al. 2, que si les VLI ne sont pas dépassées (al. 1) ; si les VLI sont dépassées, les permis de construire de nouveaux immeubles destinés au séjour prolongé de personnes ne seront délivrés que si les pièces ont été judicieusement disposées et si les mesures complémentaires de lutte contre le bruit qui pourraient encore être nécessaires ont été prises (al. 2).

Cette disposition est précisée à l’art. 31 al. 1 OPB dans les termes suivants : lorsque les VLI sont dépassées, les nouvelles constructions ou les modifications notables de bâtiments comprenant des locaux à usage sensible au bruit, ne seront autorisées que si ces valeurs peuvent être respectées par : a. la disposition des locaux à usage sensible au bruit sur le côté du bâtiment opposé au bruit ; ou b. des mesures de construction ou d’aménagement susceptibles de protéger le bâtiment contre le bruit.

À teneur de l’art. 31 al. 2 OPB, si les mesures fixées à l’al. 1 ne permettent pas de respecter les VLI, le permis de construire ne sera délivré qu’avec l’assentiment de l’autorité cantonale et pour autant que l’édification du bâtiment présente un intérêt prépondérant.

L'octroi d'une autorisation de construire fondée sur cette disposition dépend d'une pesée des intérêts en présence et requiert un intérêt à réaliser la construction projetée qui prime celui des futurs occupants à être protégés contre le bruit extérieur (arrêts du Tribunal fédéral 1C_704/2013 et 1C_742/2013 du 17 septembre 2014 consid. 6.2). L'intérêt du propriétaire à pouvoir utiliser sa parcelle de manière conforme à l'affectation de la zone ne peut pas être retenu comme suffisant car il reviendrait à accorder dans tous les cas une autorisation (arrêt du Tribunal fédéral 1C_704/2013 et 1C_742/2013 du 17 septembre 2014 consid. 6.2 ; ATA/1088/2016 précité). Cette disposition implique en outre un important pouvoir d’appréciation de la part des autorités cantonales (arrêt du Tribunal fédéral 1C_196/2008 du 13 janvier 2009 consid. 2.6 ; ATA/1088/2016 du 20 décembre 2016 consid. 5 et les références citées).

c. En l’espèce, depuis 2008, lorsque que des assurances avaient été données par le chef du département à l’ancien propriétaire, s’agissant du principe de l’octroi d’une dérogation concernant la parcelle litigieuse, celle-ci devant être considérée comme étant dans une situation analogue à celle d’une « brèche dans le milieu bâti », le département a affirmé que sa pratique était devenue plus restrictive (ATA/1088/2016 précité consid. 8a).

Ainsi, depuis l’adoption, le 20 septembre 2013, du PDCn, la fiche A20 indiquait que pour les zones à bâtir existantes, lorsque les VLI DSII étaient dépassées, les secteurs seraient affectés à de la mixité avec une large majorité d’activités et/ou à des équipements sans locaux à usage sensible au bruit.

Depuis l’adoption en avril 2019 de la 1ère mise à jours du PDCn 2030,
celui-ci précise dans la fiche A20 que, dans le cas d’une ou plusieurs parcelles localisées au cœur d’un tissu largement bâti, aucune dérogation au sens de l’art. 31 al. 2 de l’OPB n’entre en ligne de compte.

Dans ces circonstances, il n’est plus possible de retenir, comme cela a été fait dans l’ATA/448/2013 précité, qu’en application du principe de la confiance, l’intérêt du propriétaire à construire son projet serait prépondérant au sens de l’art. 31 al. 2 OPB et que l’autorisation de construire devait être délivrée sur cette base. Le grief sera écarté.

8) Les recourants estiment que l’autorisation de construire aurait dû être délivrée sur la base de l’art. 31 al. 1 OPB.

a. Les mesures constructives destinées à protéger le bâtiment contre le bruit au sens de l’art. 31 al. 1 let. b OPB ne sont pas de simples mesures d’isolation, mais doivent constituer des obstacles entre la source du bruit et les bâtiments, de manière à permettre le respect des valeurs limites pour les locaux à usage sensible, fenêtre ouverte. Les immissions de bruit des avions peuvent aussi être déterminées à proximité des bâtiment (art. 39 al. 1 OPB). La détermination du bruit au milieu de la fenêtre ouverte est destinée à préserver le bien-être des habitants, car elle garantit que les fenêtres puissent être ouvertes à des fins autres que l’aération et que le niveau sonore dépasse seulement de manière insignifiante les valeurs limites de planification et d’immissions, y compris dans les environs (jardins, balcons ; arrêt du Tribunal fédéral 1C :191/2013 du 27 août 2013 consid. 3.1).

Lorsqu’elles s’inspirent des moyens de protection contre le bruit routier (création de balcons ou d’avant-toits, aménagement d’impostes au-dessus des fenêtres sur les façades sensibles, installation de système de ventilation permettant d’aérer les pièces sans ouvrir les fenêtres, pose de revêtements non réverbérants sur le sol des terrasses, etc.), les solutions proposées ne permettent généralement pas de lutter efficacement contre le bruit aérien qui se disperse de manière diffuse (arrêts du Tribunal fédéral 1C_588/2016 du 26 octobre 2017 consid. 4.2 ; 1C_451/2010 du 22 juin 2011 consid. 5 ; 1C_196/2008 du 16 janvier 2009 consid. 2.4).

b. Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité inférieure suit les préavis requis – étant entendu qu’un préavis sans observation équivaut à un préavis favorable -, la juridiction de recours doit s'imposer une certaine retenue, qui est fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/284/2016 du 5 avril 2016 consid. 7c ; ATA/109/2008 du 11 mars 2008 consid. 4 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 508 et la jurisprudence citée). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/284/2016 précité consid. 7c ; ATA/51/2013 du 29 janvier 2013). S’agissant du TAPI, celui-ci se compose de personnes ayant des compétences spéciales en matière de construction, d’urbanisme et d’hygiène publique
(art. 143 LCI). Formée pour partie de spécialistes, cette juridiction peut ainsi exercer un contrôle plus technique que la chambre administrative (ATA/284/2016 précité consid. 7c ; ATA/147/2011 du 8 mars 2011 consid. 14).

9) En l’espèce, s’agissant du respect des conditions de l’art. 31 al. 1 OPB, les préavis du SABRA sont tous défavorables à la délivrance d’une autorisation et cela malgré la production par les recourants de trois rapports d’acousticiens de 2009, 2017 et 2020, lesquels concluent que les mesures constructives proposées permettraient de protéger les villas projetées contre le bruit.

Lors de son audition devant le TAPI, le représentant du SABRA a mis en cause les mesures produites, en l’absence de précision quant à leur prise et a relevé que les dépassements des VLI, entre 3 et 5 dB(A), étaient importantes. Les effets d’écran proposés étaient trop optimistes pour la récupération de ces 5 dB(A) car s’agissant de bruit des avions, la source était en l’air et bougeait de sorte que les trajectoires étaient multiples. Il était faux de dire que la majorité du bruit avait lieu du côté de la façade nord. Ce point de vue était confirmé par le courriel de l’OFEV du 14 mai 2018. De plus, les courbes de bruit actuelles avaient été calculées sur la base du trafic en 2000 et étaient obsolètes. Les nouvelles courbes de bruit, connues depuis l’automne 2019 par leur mise à l’enquête publique étaient calculées sur le pronostic 2022, l’AIG ayant demandé des augmentations de vols. Ces nouvelles courbes péjoraient la situation. La nuit, les courbes augmentaient de manière significative et seraient de 7 dB(A), et 7-8 dB(A) lors de la seconde période de la nuit, soit à 2 dB(A) des valeurs d’alarme.

Lors de ces auditions, les recourants et leurs témoins ont allégué que la majorité des vols se faisait aujourd’hui côté nord de la maison. L’acousticien a précisé que l’orientation de la villa permettait déjà de respecter les valeurs de l’OPB et que les autres mesures préconisées permettaient de gagner encore entre 7 et 8 dB(A). Les mesures étaient un couvert partiellement viré au rez côté sud et au premier, un prolongement de l’avant toit avec des fermetures latérales, ce qui permettait de gagner 5 dB(A) au moins. Dans leur rapport du 6 juillet 2020, les acousticiens des recourants ont tenté de répondre au SABRA et de réfuter sa position quant à l’effet d’écran par le calcul de l’atténuation de l’ombre acoustique du bâtiment. La méthode utilisée postulait que 93 % des avions au décollage passaient du côté de l’axe de la route aérienne et moins de 7 % du « mauvais côté » du projet et qu’à l’atterrissage ils passaient tous du côté de l’axe.

Sur cette question de méthode, le SABRA expose que les recourants ne peuvent être suivis, le cadastre du bruit du trafic aérien étant fondé sur des données radar, soit les trajectoires effectivement parcourues par les avions et non sur la méthode de la distribution gaussienne utilisée par les acousticiens. Le SABRA retient également que la méthode utilisée pour calculer l’atténuation apportait des résultats trop optimistes et pas assez précis, sans détails sur les calculs ni les simulations effectuées.

Le département a suivi le préavis de l’autorité technique consultative et l’a confirmé devant la chambre de céans face aux critiques des recourants et cette décision a été confirmée par le TAPI. En l’occurrence, rien ne permet de retenir que le département aurait abusé ou excédé son pouvoir d’appréciation en suivant le préavis du SABRA, en considérant que le projet ne remplissait pas les conditions de l’art. 31 al. 1 OPB.

10) Les recourants requièrent alternativement la délivrance de l’autorisation sur la base de l’art. 31 al. 2 OPB.

Comme vu ci-dessus, cette disposition requiert une pesée des intérêts en présence. Dans le but de démontrer que l’édification du bâtiment présente un intérêt prépondérant qui prime celui des futurs occupants à être protégés contre le bruit extérieur, les recourants veulent que soient pris en compte l’intérêt privé des futures habitantes à pouvoir quitter leurs habitations actuelles ainsi que celui, public, du déplacement d’Aligro, libérant une parcelle du PAV. Or, s’agissant des objectifs du PAV, l’intérêt n’est pas direct et les possibilités pour reloger les trois personnes concernées par le déplacement d’Aligro ne se limitent pas à la parcelle litigieuse. Rien ne permet donc de retenir que le projet des recourants est le seul envisageable pour servir ces intérêts.

Quant aux intérêts privés du constructeur et de son architecte, ils se confondent et s’opposent justement à celui, public, de la protection de la santé, en lien avec l’exposition au bruit.

Il n’est pas contestable que la parcelle en cause se situe dans un secteur fortement exposé au bruit et que les dépassements des VLI ne sont pas de faible intensité ni que l’AIG souhaite développer son activité, notamment à l’horizon 2030, en augmentant le trafic aérien, comme cela ressort notamment du Plan sectoriel de l’infrastructure aéronautique (PSIA du 14 novembre 2018 – fiche d’objet Aéroport de Genève) qui retient à cet horizon, le chiffre de deux cent trente-six mille mouvements au lieu des cent nonante-neuf mille pronostiqués pour l’année 2019.

L’intérêt à la protection de la santé des futurs habitants, qui fonde les dispositions limitant les constructions dans certains secteurs exposés au bruit, sera donc encore plus important pour les parcelles, comme celle concernée, touchée par le bruit des avions. La diminution du trafic aérien lié à la crise sanitaire ne permet pas d’affirmer, sans autre élément de confirmation, comme le font les recourants, que la perspective d’évolution aurait radicalement changé.

En conséquence, c’est à juste titre que le TAPI a confirmé le refus d’une autorisation de construire fondée sur la dérogation prévue à l’art. 31 al. 2 OPB, suite à une pesée d’intérêts qui ne peut qu’être confirmée. Le principe de la proportionnalité invoqué par les recourants ne permet pas d’aboutir à une autre solution. Aucune autre mesure moins incisive n’aurait en effet pu être prononcée.

11) En tous points infondé, le recours sera rejeté.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 mai 2020 par Monsieur Jean CHATELAIN et Demaurex & Cie SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 mars 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur Jean CHATELAIN et Demaurex & Cie SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envo

communique le présent arrêt à Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat des recourants, au département du territoire-oac ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance .

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 


 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :