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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/722/2005

ATA/384/2005 du 24.05.2005 ( VG ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/722/2005-VG ATA/384/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 24 mai 2005

 

dans la cause

 

 

M. L__________
représenté par Me François Membrez, avocat

 

contre

 

CONSEIL ADMINISTRATIF DE LA VILLE DE GENÈVE
représenté par Me Serge Rouvinet, avocat


 


1. M. L__________ est entré le 1er juin 1999 au service des sports de la Ville de Genève en tant que gardien de bains polyvalent. Le 1er juin 2000, il est devenu responsable des salles communales à la Gérance immobilière municipale de la Ville de Genève (ci-après GIM). A partir du 7 mai 2001, M. L__________ a été transféré de la GIM au service des espaces verts (ci-après : SEVE), alors dirigé par M. Roger Beer, après avoir rencontré celui-ci à plusieurs reprises.

Il a été confirmé en qualité de fonctionnaire depuis le 1er juin 2003.

2. A la suite de divers manquements reprochés à M. L__________, le Conseil administratif a signifié à l’intéressé par courrier du 1er septembre 2004 qu’il ouvrait à son encontre une enquête administrative en application de l’article 37 du statut du personnel de l’administration municipale (ci-après : le statut – LC 21.151) et qu’il était suspendu de fonction dès le 1er septembre 2004 pendant toute la durée de l’enquête en question, son salaire étant cependant maintenu.

3. L’enquête administrative a été confiée à M. Axel Tuchschmid, ancien juge à la Cour de justice, assisté de Mme Cécile Jabaudon juriste auprès du secrétariat général de la Ville de Genève.

M. L__________, assisté d’un secrétaire syndical de son choix, a été entendu par les enquêteurs ainsi que plusieurs témoins. Certains témoins ont été entendus de manière contradictoire. D’autres l’ont été hors la présence de M. L__________, les enquêteurs ayant fait application dans deux ordonnances des 5 et 15 octobre 2004 de l’article 42 alinéa 5 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10), en précisant que M. L__________ aurait connaissance des témoignages ainsi recueillis et qu’il serait en mesure de se déterminer à leur sujet. C’est ainsi que le 18 octobre 2004, devant les enquêteurs, M. L__________ a contesté formellement les déclarations de trois des quatre témoins en question. Le 22 octobre 2004 encore, M. L__________ s’est prononcé sur les reproches qui lui étaient adressés et en particulier sur les déclarations du quatrième témoin entendu hors sa présence.

4. Les enquêteurs ont déposé leur rapport le 25 novembre 2004 aux termes duquel il ont proposé au Conseil administratif de prononcer la mise au temporaire de M. L__________, l’intéressé perdant sa qualité de fonctionnaire mais restant engagé sur la base d’un contrat de droit privé.

5. Par décision du 16 février 2005, le Conseil administratif a signifié au représentant syndical de M. L__________ qu’eu égard aux faits établis par le rapport d’enquête qui était communiqué en annexe dudit courrier, le Conseil administratif prononçait à l’encontre de M. L__________, au titre de sanction disciplinaire, une mise au temporaire selon l’article 34 lettre c alinéa 4 du statut. Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours. M. L__________ serait au bénéfice d’un contrat temporaire en application des conditions générales d’engagement du personnel temporaire, sans modification de son traitement de base, lorsque cette décision serait entrée en force. Le recours pouvait être adressé dans les trente jours auprès du Tribunal administratif.

6. Par acte déposé au greffe du Tribunal administratif le 21 mars 2005, M. L__________ a recouru contre cette décision en concluant à son annulation, une telle décision étant disproportionnée. Il se plaignait d’une violation de son droit d’être entendu, la copie du rapport d’enquête administrative lui ayant été communiquée en même temps que la décision attaquée.

7. Le 24 mars 2005, le juge délégué a octroyé au Conseil administratif de la Ville de Genève un délai au 29 avril pour répondre au recours.

8. Le 18 avril 2005, un conseil s’est constitué pour le Conseil administratif en sollicitant une prolongation d’un mois pour répondre audit recours ce qui lui a été refusé, seule une prolongation au 2 mai étant octroyée.

9. Le 22 avril 2005, le conseil de M. L__________ a requis la restitution de l’effet suspensif car son mandant était convoqué le 29 avril au service des ressources humaines de la Ville de Genève et craignait qu’une décision fondée sur son nouveau statut ne rende vain le recours actuellement pendant.

10. Par décision présidentielle du 27 avril 2005, l’effet suspensif a été restitué, le Conseil administratif s’en étant rapporté à justice sur cette question.

11. Le 2 mai 2005, le Conseil administratif a conclu au rejet du recours ; la violation du droit d’être entendu de M. L__________ n’était pas réalisée puisqu’il avait pu se déterminer sur l’ensemble des témoignages dans le cadre de l’enquête administrative.

12. Le 4 mai 2005, le juge délégué a prié le conseil du Conseil administratif de préciser si M. L__________ avait été entendu sur le rapport d’enquête administrative avant le prononcé de la sanction.

13. Le 6 mai 2005, il lui a été répondu que tel n’avait pas été le cas « dans la mesure où la procédure de la Ville de Genève ne le prévoit pas. M. L__________ a eu tout loisir de faire valoir ses moyens dans le cadre de l’enquête administrative ».

14. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

1. Si le Tribunal administratif est l’autorité supérieure ordinaire en matière de recours en matière administrative (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05), le recours devant lui n’est recevable que dans la mesure où une disposition légale réglementaire ou statutaire le prévoit s’agissant des décisions concernant le statut et les rapports de service des fonctionnaires de communes (art. 56B al. 4 litt a LOJ).

En l’espèce, la décision attaquée a été réceptionnée le 18 février 2005. Le délai de recours venait à échéance le 20 mars qui était un dimanche. Il a ainsi été reporté au lundi 21 mars.

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. M. L__________, fonctionnaire de la Ville de Genève, est soumis au statut lequel prévoit en son article 34 lettre c la mise au temporaire, au titre de sanction disciplinaire, pouvant être prononcée par le Conseil administratif. Dans un tel cas, le recours dans les trente jours à compter de la réception du prononcé disciplinaire est ouvert au Tribunal administratif et le recours a effet suspensif (art. 39 litt c et 40 du statut). La mise au temporaire doit être précédée d’une enquête administrative au sens de l’article 37 alinéa 1 du statut. Au terme de l’enquête, le Conseil administratif communique le dossier à l’intéressé et lui notifie le prononcé disciplinaire avec indication des motifs, ainsi que des moyen et voie de recours (art. 38 du statut).

3. Le droit d’être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel (ATF 120 Ib 383 consid. 3b ; 119 Ia 138 consid. 2b F., et les autres arrêts cités). Tel que garanti par l’article 29 alinéa 2 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999, en vigueur depuis le 1er janvier 2000 (RS 101), il comprend le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATA/172/2004 du 2 mars 2004 ; ATA/819/2003 du 2 décembre 2003). Même si le statut ne le prévoit pas expressément, le fonctionnaire doit ainsi pouvoir, avant le prononcé d’une sanction, se déterminer sur le contenu du rapport.

4. Le déroulement des faits précités permet de constater que le respect du droit d’être entendu de M. L__________ a été assuré tout au long de l’enquête administrative.

Il est constant que le rapport de l’enquête administrative n’a été adressé à l’intéressé que le 16 février 2005, en annexe de la sanction prononcée à son encontre et fondée sur les conclusions des enquêteurs, sans que l’autorité ne procède à l’audition de M. L__________ au vu du rapport avant de prononcer la sanction.

5. Cette violation peut être réparée devant l’autorité de recours si celle-ci jouit du même pouvoir d’examen que l’autorité intimée et si l’examen de ces questions ne relève pas de l’opportunité, car l’autorité de recours ne peut alors substituer son pouvoir d’examen à celui de l’autorité de première instance (ATA/73/2005 du 15 février 2005 ; ATA/103/2002 du 19 novembre 2002). In casu, le Tribunal administratif ne dispose pas du même pouvoir de cognition que le Conseil administratif, les éléments d’une décision de mise au temporaire relevant de l’opportunité et échappant à son examen (art. 61 alinéa 2 LPA).

Ainsi, la violation manifeste du droit d’être entendu du recourant ne peut-elle être réparée par le biais du présent recours.

Enfin, il sera relevé que, selon un récent arrêt du Tribunal fédéral concernant une cause genevoise, il n’appartient pas à l’enquêteur de proposer une sanction ou d’émettre un avis juridique, sa tâche consistant à établir les faits uniquement (arrêt du Tribunal fédéral 2P.56/2004 du 4 novembre 2004, consid. 3.7). La proposition de sanction n’invalide toutefois pas l’établissement des faits auxquels ceux-ci ont correctement procédé (ACOM/32/2005 du 27 avril 2005).

6. Pour qu’un acte puisse être déclaré nul, le Tribunal fédéral requiert un vice grave et évident et l’absence d’atteinte à la sécurité juridique en cas de constatation de cette nullité (ATF 104 Ia 172), une telle atteinte n’étant nullement alléguée. Ces deux conditions sont remplies en l’espèce et rien ne s’oppose à la constatation de la nullité de cette sanction, le libellé de l’article 38 du statut n’assurant pas le respect du droit constitutionnel d’être entendu.

En conséquence, la mise au temporaire ordonnée le 16 février 2005 est nulle. Le recours sera donc admis.

7. Il ne sera pas perçu d’émolument. Une indemnité de procédure de CHF 2'500.- sera allouée au recourant à charge de l’intimé (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 mars 2005 par M. L__________ contre la décision du Conseil administratif de la Ville de Genève du 16 février 2005 ;

au fond :

l’admet ;

constate la nullité de la mise au temporaire ordonnée le 16 février 2005 par le Conseil administratif de la Ville de Genève ;

dit qu’il ne sera pas perçu d’émolument ;

alloue au recourant une indemnité de procédure de CHF 2'500.- à la charge du Conseil administratif de la Ville de Genève ;

communique le présent arrêt à Me François Membrez, avocat du recourant ainsi qu'à Me Serge Rouvinet, avocat du Conseil administratif de la Ville de Genève.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :