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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2790/2007

ATA/361/2011 du 07.06.2011 sur DCCR/1127/2009 ( ICC ) , ADMIS

En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2790/2007-ICC ATA/361/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 juin 2011

2ème section

 

dans la cause

 

Hoirie de Monsieur A______, soit pour elle Madame B______ et Monsieur C______
représentée par Me Jean-Pierre Garbade, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 9 novembre 2009 (DCCR/1127/2009)


EN FAIT

1. Monsieur A______ est décédé à Moscou le 31 août 1997. Il disposait d’une autorisation de séjour à Genève, soit un permis B, où il résidait depuis le 15 mars 1995, selon le fichier de l’office cantonal de la population (ci-après : OCP). Dans cette ville, le défunt exerçait une activité lucrative salariée en tant que directeur du groupe U______ S.A., actif dans la production et le négoce de pétrole en Russie.

2. Le 25 mai 1974, le défunt s’était marié avec Madame B______ et le couple avait eu un enfant, Monsieur C______, né le ______ 1977.

3. Les époux ne vivaient plus ensemble depuis plusieurs années. M. C______ avait en 1995, comme son père, obtenu à Genève une autorisation de séjour, même s’il avait ensuite poursuivi des études en Angleterre.

4. Le 27 novembre 2000, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a convoqué M. C______ pour procéder à l’inventaire de la succession. Etait annexée la déclaration de succession qui devait être renvoyée à l’AFC dans les trois mois à dater du décès.

5. Le 14 décembre 2000, le conseil de M. C______ a informé l’AFC que la succession du défunt s’était ouverte à Moscou, comme cela résultait des certificats d’héritiers établis par le notariat public de cette ville les 25 mars et 13 avril 1998 et ladite succession était liquidée. Même si le défunt avait été de son vivant au bénéfice d’un permis de séjour à Genève, il n’avait pas transféré son domicile dans cette ville, de sorte que l’AFC était invitée à renoncer à procéder à la taxation de la succession, faute de critère d’assujettissement au sens des art. 3 ss de la loi sur les droits de succession du 26 novembre 1960 (LDS - D 3 25). Dans un courrier complémentaire du 8 mai 2001, le conseil de M. C______ a précisé que le défunt avait la nationalité allemande depuis 1993. En 1995, Mme B______ vivait séparée de son mari et résidait alors à St-Petersbourg. Depuis, elle était domiciliée dans les Emirats Arabes Unis. Seules des raisons professionnelles avaient incité le défunt à solliciter un permis de séjour à Genève sans pour autant vouloir s’y établir au sens de l’art. 23 du Code civil suisse du 10 décembre l907 (CCS - RS 210). Dès la deuxième moitié de l’année 1996, il avait développé les affaires du groupe U______ S.A. à Vienne, où une filiale, dénommée I______ (Autriche), dont il était le président, avait été constituée. Il avait acheté dans cette ville une villa, détenue par le biais de M______, fondation de droit liechtensteinois, et passait la plupart de son temps « entre Moscou et Vienne ».

Le défunt n’était ainsi pas domicilié à Genève au moment de son décès. Le centre de ses intérêts était toujours resté à Moscou. Subsidiairement, et à partir de 1997, le deuxième centre de ses intérêts s’était situé à Vienne où il disposait économiquement d’un bien immobilier.

6. Après avoir pris des renseignements auprès du service juridique de l’AFC, le chef du service des successions a informé le 7 août 2001 le conseil de M.  C______ que l’AFC avait décidé de renoncer à imposer la succession du défunt à Genève. Au vu des faits portés à sa connaissance, le de cujus n’avait aucun domicile dans cette ville au jour de son décès, au sens de l’art. 3 LDS. Le dossier était clos.

7. Quant à Mme B______, elle se serait établie à Genève en 2001, après avoir épousé Monsieur D______.

8. Le 23 décembre 2003, Me Françoise Demierre-Morand, notaire à Genève, a dressé un certificat d’héritier après avoir procédé à l’audition de deux témoins « dignes de foi », soit Madame E______ et Monsieur F______. Les héritiers du défunt étaient Mme B______ et le fils du couple.

9. Le 13 février 2006, M. C______ a été entendu par l’AFC dans le cadre d’une procédure de contrôle dont il faisait l’objet de la part de celle-ci dans l’affaire S______. A l’occasion de cet entretien, M. C______, assisté de son conseiller, M. F______, a déclaré qu’il souhaiterait que la succession de son père soit ouverte à Genève. Aucun héritier n’avait contesté l’ouverture de la succession en Russie mais il reconnaissait « qu’il n’était pas judicieux d’avoir ouvert une succession en Russie, alors que lui et sa mère ont (avaient) dû fuir le pays ». Lors de cette entrevue, M. F______ a affirmé que son mandant et lui étaient « prêts à prouver que M. A______ serait actionnaire d’un cinquième du capital du groupe U______ S.A, qui représente (représentait) une valeur de CHF 1'000'000'000.- (prospectus mentionnant que M. A______ est un des directeurs de U______, donc actionnaire) ».

Il apparaît en outre qu’un accord avait bien été conclu entre les héritiers et Monsieur S______, ensuite duquel « tous les fonds qui ont été bloqués lors de la procédure pénale (P/15898/2001 ndr) leur ont été restitués, excepté ceux du groupe T______ ».

M. F______ a encore informé l’AFC du fait qu’il disposait de documents dénonçant les malversations de M. S______. M. C______ souhaitait payer CHF 150'000.- à l’AFC pour montrer sa bonne volonté et classer le dossier fiscal dans sa totalité. Les fonctionnaires de l’AFC ont alors expliqué à M. C______ qu’ils attendaient « la décision du juge suite à sa plainte et celle de sa mère pour pouvoir se baser sur des éléments concrets pour déterminer leurs assiettes fiscales, sachant que M. S______ devait recevoir le 25 % des fonds récupérés ».

A l’issue de l’entretien, il a été convenu que l’AFC enverrait à M.  C______ un bulletin de versement de CHF 150'000.- et que si une nouvelle information survenait après avoir clôturé le dossier, l’AFC pouvait le rouvrir en fonction de tout nouvel élément.

10. Les nouveaux mandataires de l’hoirie ont remis le 15 février 2006 à l’AFC plusieurs documents tendant à démontrer que le dernier domicile du défunt se trouvait en réalité à Genève :

- un document dactylographié rédigé en anglais, signé d’une manière illisible, comportant la mention manuscrite : « Mme B______, note manuscrite », selon laquelle cette dernière certifiait que son mari lui avait déclaré qu’il avait été transféré par U______ S.A. à Genève et que sa nouvelle résidence devait être considérée comme son domicile. En raison de tous les avantages de Genève pour sa vie privée, il avait décidé de s’établir en Suisse et elle était heureuse que son fils puisse bénéficier des mêmes privilèges en ayant obtenu une autorisation de séjour dans cette ville en 1995 ;

- une lettre recommandée adressée le 30 janvier 1995 au directeur de l’OCP par le conseil d’alors de U______ S.A. ayant son siège 14, rue R______ à Genève. Une autorisation de séjour avec prise d’emploi sur le contingent cantonal était sollicitée pour M. A______ ;

- diverses attestations de l’AFC du 23 février 2004 certifiant que le défunt avait été soumis à l’impôt cantonal, communal et fédéral du 1er janvier au 31 août 1997 ;

- le certificat d’héritier précité établi par Me Demierre-Morand ;

- un courrier rédigé en anglais émanant du conseil de M. C______ daté du 22 septembre 1997 dont il résulte que le registre de la population de Vienne ne comportait aucune mention de M. A______ ou autre, ce qui accréditait la thèse selon laquelle le défunt avait eu son dernier domicile à Genève ;

- un historique des consultations faites par le défunt auprès de son dentiste, le Docteur Charles-Antoine Zaher, du 2 au 23 mai 1997, puis du 12 au 25 juin 1997, à dix-sept reprises.

Enfin, le 12 février 2004, Mme B______, domiciliée chemin des L______, avait écrit à l’AFC, priant celle-ci de bien vouloir donner à son avocat, Me Droz, toute l’assistance nécessaire dans la recherche qu’il effectuait pour les besoins de la succession de feu son mari. Cette dernière avait été officiellement ouverte à Genève le 23 décembre 2003 par Me Demierre-Morand. Cependant, les autorités à l’Isle de Man demandaient à Mme B______ « de prouver par le truchement du paiement des impôts de son vivant que son dernier domicile était à Genève au moment de son décès ». Par la même occasion, il lui semblait que « la consultation des déclarations d’impôt de feu mon (son) mari pourrait me (lui) faciliter la tâche dans la recherche de ses avoirs ».

11. Lors d’une nouvelle entrevue dans le cadre de l’affaire S______ le 14 mars 2006 à l’AFC, M. C______, accompagné de M. F______ et d’un nouveau mandataire, Monsieur O______, expert-comptable, a à nouveau demandé à l’AFC que le dossier de succession du défunt soit ouvert à Genève. Un avis de saisie avait été émis, portant sur l’appartement sis au 10ème étage, à l’adresse, 7, chemin des L______, qui était à son nom mais dans lequel habitait sa mère. M. C______ souhaitait que l’AFC puisse différer cette date pour lui laisser le temps de vendre l’appartement sis à la même rue, mais au 4ème étage au nom de sa mère. Des déclarations fiscales vierges au nom des deux héritiers ont été remises à M. O______, au cas où l’AFC exigerait que celles-ci soient dûment remplies, les taxations d’office ayant été supérieures à la réalité.

12. L’AFC a convoqué M. C______ pour un inventaire le 17 mai 2006. Ce document, établi le même jour hors la présence de Mme B______, a été signé par M. C______ seul. Il résulte de cet inventaire que « suite au décès, l’ensemble du mobilier et objets d’art contenus dans l’appartement de Genève et la propriété de Vienne ont été subtilisés par sa compagne (la compagne du défunt ndr) domiciliée en Russie. Une plainte pénale a été déposée à Moscou pour récupérer ce mobilier. Elle avait été classée par le procureur à Moscou sans que les héritiers puissent récupérer ces objets ». Le défunt possédait une Mercedes en Autriche, laquelle n’avait pas pu être vendue vu son état d’entretien. Il disposait d’un autre véhicule au nom de U______.

Sous la rubrique « créances et titres », il était indiqué ceci : « à sa connaissance, le défunt détenait des avoirs auprès de la G______ SA, ainsi qu’un coffre auprès du même établissement. Une procédure pénale est en cours et une demande a été formulée au juge pour obtenir les renseignements ».

Suite à la procédure pénale, différents montants revenant à la succession ont été transférés auprès de Genève H______ pour un montant global de USD 26'586'219.-.

A ce montant, il a été versé une commission de USD 6'693'448.- à M.  S______, domicilié actuellement à Dubaï.

Des avoirs auraient également transité via la Banque J______ à Genève, la Banque Ba_____ et également le C______ à Zurich. Depuis lors, les avoirs auprès de la Banque J______ ont été transférés au Lichtenstein auprès de K______ Bank, « documents de ces différents transferts à produire ».

Enfin, sous la rubrique « hors canton », il était indiqué que « le défunt était propriétaire au moment de son décès d’un appartement à Moscou (…) valant environ USD 1'000'000.-. Le défunt détenait également un autre appartement à Saint-Petersbourg, et en Autriche, à Vienne, propriété sous le nom de la société M______ au Liechtenstein, siège de la société. Cette société a été liquidée depuis lors et les immeubles vendus. Le prix de vente de cette liquidation a été transféré auprès de N______ « à produire ».

Sous la rubrique « état des biens », il était indiqué « le défunt détenait initialement environ 20 ou 23 % de la société pétrolière U______ à Moscou, dont les actions étaient déposées auprès de la B_____, de New York. Ces actions auraient vraisemblablement été transférées après le décès auprès de P______ Bank à Moscou. M. A______ ignore qui a donné l’ordre de transfert desdites actions. Il s’agirait vraisemblablement du président de la société U______. Une plainte pénale a été déposée en avril 2001 à Genève pour investiguer sur les droits de détention des actions U______ qui devraient revenir à la succession ».

En dernière page, il était mentionné que « les époux vivaient séparés et le défunt subvenait régulièrement à l’entretien de son épouse ».

13. Le 30 août 2006, l’AFC a envoyé un rappel à M. C______, à l’attention de l’hoirie, la déclaration relative à la succession ne lui ayant pas été retournée. Un délai au 30 septembre 2006 lui était imparti pour ce faire. Le 23 novembre 2006, un dernier rappel fixant un délai au 15 janvier 2007 lui a été envoyé pour les mêmes raisons, et il en a été de même le 21 décembre 2006.

14. Le 16 janvier 2007, Q______ S.A. a informé l’AFC qu’elle venait d’être mandatée par M. C______. Elle sollicitait un délai au 30 juin 2007 pour déposer la déclaration de succession.

15. Le 19 janvier 2007, l’AFC a répondu qu’un ultime délai lui était consenti au 30 mars 2007, le décès remontant à près de dix ans.

16. Le 27 mars 2007, Q______ S.A. s’est référée au courrier du premier mandataire des héritiers du 14 décembre 2000. Le défunt n’avait plus de domicile à Genève au moment du décès, raison pour laquelle la succession ne pouvait juridiquement s’ouvrir à Genève. D’ailleurs, M. C______ lui avait confirmé que son père résidait depuis 1996 à Moscou, subsidiairement dans sa résidence secondaire à Vienne en Autriche. Les héritiers n’avaient certainement pas compris le sens de la réunion, ni celui du procès-verbal d’inventaire, ceux-ci ne parlant ni ne maîtrisant le français. Ils s’exprimaient en russe et en anglais. L’AFC était priée de renoncer à procéder à l’ouverture de la succession à Genève.

17. Le 11 mai 2007, l’AFC a répondu à Q______ S.A. que M. C______ lui-même avait entrepris en 2006 les démarches pour que la succession soit ouverte à Genève, en fournissant des pièces probantes attestant que le de cujus était domicilié dans cette ville au moment de son décès. L’AFC n’entendait pas renoncer à l’ouverture de la succession à Genève et serait contrainte de procéder à une taxation d’office.

18. Le 14 mai 2007, l’AFC a expédié à l’hoirie du défunt, domiciliée chez Q______ S.A., un bordereau de taxation d’office s’élevant à CHF 1'625'965.80, calculé sur une assiette fiscale de CHF 19'826'673.-.

19. Le 16 mai 2007, Q______ S.A. a élevé réclamation à l’encontre de ce bordereau, dont elle demandait l’annulation en reprenant les arguments développés en 2000 par le premier conseil des héritiers.

20. Le 14 juin 2007, l’AFC a rejeté la réclamation, considérant que le défunt était bien domicilié à Genève au moment du décès.

21. Par pli recommandé daté du 9 juillet 2007, les héritiers, représentés par un nouveau conseil, ont recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière d’impôts (ci-après : CCRMI), remplacée par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), devenue à son tour, dès le 1er janvier 2011, le Tribunal administratif de première instance.

Ils ont conclu à l’annulation de la décision sur réclamation, de même qu’à celle du bordereau du 14 mai 2007, ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité de procédure. La durée de la procédure de taxation était étonnante puisque plus de cinq ans et demi s’étaient écoulés depuis la lettre de l’AFC du 10 janvier 2001, informant les avocats des héritiers de la transmission du dossier au service juridique pour examen et taxation. Le service juridique avait dû éprouver de sérieux doutes au sujet de l’existence d’un centre d’intérêts sur la base du seul permis B du défunt. Il résultait de la chronologie des faits rappelés ci-dessus que la conviction de l’AFC de l’existence d’un domicile à Genève se fondait sur le seul certificat d’héritiers établi en 2003, alors que ce document n’avait pas la valeur probante qui lui était attribuée. L’existence d’un domicile au sens de l’art. 23 CCS impliquait la volonté de rester dans un endroit de façon durable et de faire de ce lieu le centre de son existence, de ses relations personnelles et professionnelles, de façon à donner à ce séjour une certaine stabilité. L’existence d’une autorisation de séjour de la police des étrangers n’était pas déterminante, selon la jurisprudence du tribunal fédéral (ATF 120 III 8 consid. 2b et 116 II 503 consid. 4c). Le domicile d’une personne était à l’endroit où se trouvaient ses intérêts personnels, c’est-à-dire celui où vivait sa famille. En l’espèce, le défunt avait été autorisé à travailler à Genève, mais le centre de ses intérêts et notamment ses intérêts familiaux, se trouvaient hors de cette ville. A Genève, il ne possédait aucun appartement et n’en louait aucun. Selon l’avocat de son employeur, il avait même déménagé à Vienne en 1996, comme l’attestait la facture relative au déménagement, puisqu’il était devenu directeur de U______. Il possédait un appartement à Vienne, un à Moscou et un à Saint-Petersbourg, ville dans laquelle son épouse habitait. Il résidait presque continuellement à Moscou ou à Vienne depuis début 1996. Dans cette dernière ville, il possédait deux voitures, dont une immatriculée à son nom. Son fils étudiait à Londres et ne venait presque jamais à Genève.

Le certificat d’héritiers n’était pas probant s’agissant du domicile du défunt car ce document n’avait pour but que d’attester la qualité d’héritier du défunt. De plus, le document produit et établi par le notaire précité le 23 novembre 2003 comportait des considérations relatives au droit international privé, qui ne pouvaient qu’être des déductions faites par le notaire lui-même et ne constituaient en aucun cas des éléments de fait que pourraient attester des témoins. Même si ces derniers avaient déclaré avoir bien connu le défunt « quand vivait, directeur, domicilié à 1223 Cologny, ______ », aucune date n’était mentionnée.

M. C______ n’avait jamais déclaré non plus à l’AFC que son père vivait à Genève et qu’il y avait le centre de ses intérêts en 1997. Il n’était pas juriste et ne comprenait pas le français. Il savait que son père bénéficiait d’une autorisation de séjour à Genève et y percevait son salaire, mais ces éléments ne suffisaient pas à fonder un domicile au sens de l’art. 23 CCS.

22. Le 30 juin 2008, l’AFC a conclu au rejet du recours. Les héritiers eux-mêmes l’avaient priée d’imposer la succession du défunt à Genève. Elle n’avait pas à produire la note interne de son service juridique. Les recourants devaient respecter le principe de la bonne foi. Ils ne pouvaient alléguer que M. C______ ne parlait pas français car les entretiens avec le service du contrôle en 2006 s’étaient déroulés dans cette langue, qu’il comprenait parfaitement. Il n’avait émis aucune réserve lors de la procédure d’inventaire, ni à l’occasion des multiples rappels l’invitant à remplir la déclaration de succession. Les recourants avaient modifié leur version au fil des changements de mandataires et les éléments qu’ils avaient produits suffisaient à démontrer que le défunt était domicilié à Genève au moment du décès. Enfin, selon le fax que le conseil de M. C______ avait adressé à celui-ci le 22 septembre 1997, le défunt ne figurait pas dans le registre de la population de Vienne et l’imposition de la succession devait se faire à Genève, comme l’avait souhaité Mme B______ dans son courrier à l’AFC du 12 février 2004 mentionné ci-dessus. De plus, les dernières factures de dentiste produites démontraient que, du 2 mai au 25 juin 2007, le défunt était à Genève.

23. Le 31 juillet 2008, les recourants ont répliqué en demandant une nouvelle fois que l’AFC produise la note interne de son service juridique qui l’avait incitée, le 7 août 2001, à renoncer à imposer la succession à Genève, aux termes d’une décision entrée en force. Or, la révision d’une telle décision n’était possible que si des faits nouveaux étaient survenus. Tel n’était pas le cas. La note dactylographiée de Mme B______ ne contenait aucun élément de fait concret et n’était pas probante du fait que les époux vivaient séparément depuis cinq ans à la date du décès. De plus, Mme B______ ne parlait pas anglais.

Depuis 1995, M. C______ résidait à Londres. Au moment du décès de son père, il était à Moscou. Enfin, M. S______, entendu dans le cadre de la procédure pénale, qui ne pouvait être soupçonné de complaisance puisqu’il était l’objet de la plainte pour contrainte, voire extorsion, déposée à son encontre par M. C______ notamment, avait déclaré que le 8 septembre 1997, celui-ci était arrivé à Genève sans bagages et vêtu d’un seul costume. Il avait logé à l’Hôtel W______. Cela démontrait qu’il ne disposait pas de l’appartement de son père.

S’agissant des traitements dentaires, l’AFC n’avait pas produit la facture du Dr Zaher, mais un historique du traitement. Le fait que les rendez-vous pris par le défunt aient été aussi rapprochés donnait à penser que celui-ci n’était pas domicilié à Genève. Enfin, le défunt n’était titulaire d’aucun bail à loyer à son nom pour l’appartement figurant à la dernière adresse mentionnée sur son permis de séjour. Aucune facture de consommation d’électricité ou d’utilisation d’un téléphone n’attestait de sa présence. Il disposait d’un appartement à Moscou et d’une villa à Vienne. L’AFC n’avait pas produit d’éléments de fait nouveaux justifiant une révision de sa décision du 7 août 2001. Certes, les recourants avaient sollicité l’imposition de la succession à Genève en 2006, mais le droit devait s’appliquer d’office. La bonne foi du justiciable ne portait que sur la présentation des éléments de fait et non sur l’argumentation juridique. Enfin, selon l’ordonnance de classement prononcée par le Procureur général le 29 mai 2008 (P/5565/01), le défunt n’était plus domicilié à Genève au jour de son décès, ayant établi le centre de ses intérêts personnels et professionnels à Moscou. Ils sollicitaient enfin la production par l’AFC des annexes au courrier du 8 mai 2001 de leur premier conseil, en particulier l’attestation du ministère d’imposition et de perception de la Fédération de Russie du 20 mars 2001 et de sa traduction certifiée conforme en langue française au sujet de l’imposition de la succession en Russie.

24. Le 12 septembre 2008, l’AFC a dupliqué en constatant que la dernière écriture des recourants n’apportait aucun nouvel élément pertinent quant au seul objet du litige, à savoir la détermination du domicile du de cujus au jour de son décès, le 31 août 1997.

Si les recourants contestaient les éléments avancés par l’administration, ils n’apportaient aucun élément ou document probant démontrant notamment la réalité d’un domicile effectif du de cujus à Vienne ou à Moscou au jour du décès.

Il apparaissait des pièces produites qu’un faisceau d’indices suffisant créait une présomption de domicile du de cujus à Genève en 1997. Les informations contenues dans les premiers courriers du mandataire initial des recourants n’étaient pas probantes. En réponse à la requête des recourants, elle produisait les annexes au courrier du premier conseil des intéressés du 8 mai 2001, ne disposant pas des originaux.

L’attestation du 22 mars 2001 indiquait certes que M. C______ était domicilié à Moscou, mais ne donnait aucune indication sur le lieu de domicile du de cujus. Si ce dernier possédait des biens immobiliers à Moscou à la date de son décès, il était possible que les héritiers aient dû payer des impôts en Russie à ce titre, ce qui n’empêchait pas le défunt d’avoir son domicile fiscal à Genève à cette date. L’AFC considérait que le de cujus s’était installé à Genève en 1995 avec l’intention de s’y établir. Les recourants prétendant que la situation s’était profondément modifiée dans le courant de 1997, il leur incombait de démontrer que le défunt s’étais constitué un nouveau domicile cette année-ci. Le fait qu’il ait été propriétaire de biens immobiliers à Vienne ou à Moscou ne constituait pas une telle preuve. Les recourants n’avaient pas été en mesure de produire un contrat de bail à loyer, des factures d’électricité ou de téléphone afin de prouver la réalité d’un domicile dans l’une ou l’autre de ces deux villes. Elle persistait donc dans ses positions et conclusions antérieures.

25. Sans entrer en matière sur le domicile effectif du de cujus au moment de son décès, la commission a, par décision du 28 janvier 2009, admis le recours des héritiers au motif que ceux-ci avaient, dès l’origine, contesté que la succession soit assujettie à Genève, de sorte que les courriers de leur mandataire des 14 décembre 2000 et 8 mai 2001 devaient être considérés comme valant déclaration. En conséquence, le délai de péremption de cinq ans prévu par l’art. 73 al. 1 let. c LDS avait commencé à courir. Le bordereau de taxation d’office du 14 mai 2007 avait ainsi été notifié alors que la péremption était déjà acquise. Il devait être annulé pour cette seule raison.

26. L’AFC ayant recouru contre cette décision le 5 mars 2009 auprès du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), ce dernier a admis son recours par arrêt du 30 juin 2009 (ATA/331/2009), considérant qu’au contraire, aucune déclaration de succession n’ayant été déposée, c’était le délai de péremption de dix ans prévu par l’art. 73 al. 1 let. d LDS qui s’appliquait. La décision de la commission du 28 janvier 2009 était annulée et le dossier lui était renvoyé afin qu’elle statue sur le fond du litige au sens des considérants. Il résultait en particulier du considérant 7 in fine que pour respecter le principe du double degré de juridiction, la cause était renvoyée à la commission afin que celle-ci se saisisse du fond du litige et « qu’elle examine en particulier tant la question du dernier domicile du défunt que celle de la réouverture de la procédure de taxation plusieurs années après la décision de non-assujettissement de l’AFC du 7 août 2001 ».

27. Le 9 novembre 2009, la commission a rejeté le recours. Elle a écarté la requête des héritiers tendant à la production de l’avis du service juridique puisqu’il s’agissait d’une note interne à l’administration, soustraite en application de l’art. 44 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) à la consultation des parties. Elle a retenu en substance que la succession d’un défunt s’ouvrait à son lieu de domicile au moment du décès, quelle que soit la nationalité de l’intéressé (art. 3 al. 1 LDS). Le domicile fiscal correspondait en principe au domicile civil au sens de l’art. 23 al. 1 CCS, mais pour une personne qui alternait les séjours à deux endroits différents, notamment lorsque le lieu où elle exerçait son activité ne coïncidait pas avec celui où elle résidait, il fallait, pour déterminer le domicile fiscal, examiner avec lequel de ces endroits les relations du de cujus avaient été les plus étroites. Au vu des pièces produites, elle a admis que ce dernier avait bien constitué son domicile à Genève en 1995. Les héritiers affirmaient que le de cujus avait quitté Genève plus d’une année avant son décès, pour s’établir à Vienne. Or, les pièces versées à la procédure consistaient notamment en deux courriers contradictoires d’avocats genevois, le premier, du 25 septembre 1997, dont il résultait que le de cujus avait déménagé plus d’une année auparavant à Vienne, et le second, daté du 22 septembre 1997, selon lequel les recherches auprès du registre de la population de Vienne n’avaient pas permis de retrouver la trace du défunt. Enfin, dans un fax du 5 février 1998, ce dernier avocat mentionnait l’enlèvement de biens appartenant au de cujus dans un logement situé à Vienne. La commission a retenu que le défunt avait conservé son activité salariée à Genève, malgré sa nouvelle activité à Vienne. Aucune pièce ne permettait d’établir la durée de ses séjours dans cette dernière ville. Les recourants ne produisaient ni contrat de bail, ni facture de consommation d’électricité ou de téléphone attestant de la réalité du domicile viennois du de cujus. L’AFC avait remis une pièce démontrant que le défunt avait subi à Genève, entre le 2 mai et le 25 juin 2007, un traitement dentaire ayant nécessité dix-sept rendez-vous (dans les mois ayant immédiatement précédé son décès). Ainsi, s’il s’était trouvé à Vienne plus fréquemment durant cette période, il y aurait certainement planifié une telle intervention. Enfin, les recourants n’avaient ni allégué, ni démontré, que la succession du de cujus avait été ouverte et taxée à Vienne. « Au contraire, des pièces versées à la procédure démontrent que tel a été le cas à Moscou, lieu de son décès ».

Les recourants n’avaient ainsi pas prouvé que le de cujus avait transféré son domicile de Genève à Vienne avant son décès.

Quant aux considérants de l’ordonnance de classement prononcée le 29 mai 2008 par le Procureur général dans le cadre de la procédure P/5565/01, et dont il résultait que le de cujus aurait déplacé son domicile de Genève à Moscou, ils ne liaient pas la commission et ces éléments ne figuraient d’ailleurs pas dans le dispositif de ladite ordonnance.

Enfin, en l’absence de convention de double imposition portant sur les droits de succession entre la Suisse et la Russie, une éventuelle taxation russe n’empêcherait pas la perception de l’impôt litigieux.

Les recourants ne contestaient pas l’assiette des droits retenue par l’AFC dans le bordereau du 14 mai 2007. En conséquence, le recours a été rejeté et un émolument de CHF 1'000.- mis à la charge des intéressés.

28. Par pli posté le 14 décembre 2009, Mme B______ et M. C______ ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif, en concluant notamment à son annulation, de même qu’à celle du bordereau du 14 mai 2007. La juridiction devait dire et constater que la succession litigieuse n’était pas ouverte dans le canton de Genève et qu’aucun droit de succession n’était dû.

Ils sollicitaient l’audition en qualité de témoins de Madame X______ et du Dr Zaher.

La commission avait établi les faits d’une manière incomplète. Aussi, ils produisaient de nouvelles pièces. La décision entreprise violait l’art. 3 al. 1 LDS. Par ailleurs, les conditions d’une révision de la décision du 7 août 2001, entrée en force, n’étaient pas réunies, par référence à l’art. 80 let. b LPA. Les arguments nouveaux invoqués par l’AFC étaient les suivants :

- certificat d’héritier du 23 décembre 2003 ;

- note en anglais dactylographiée, intitulée note manuscrite et qui aurait été signée par Mme B______ ;

- relevé de traitement dentaire du défunt à Genève.

La commission n’avait, à juste titre, retenu que ce dernier élément, pour en déduire que le de cujus s’était régulièrement trouvé à Genève durant les mois précédant son décès.

Les éléments qualifiés de nouveaux par l’AFC étaient connus d’elle à la date du 7 août 2001.

Le certificat d’héritiers n’avait pas de force probante car les témoins n’avaient fourni aucune date ni précisé la période durant laquelle ils avaient connu le défunt. De plus, un certificat d’héritier n’avait pas pour but d’établir le domicile du de cujus. Quant aux autres considérations résultant de cet acte, elles émanaient manifestement du notaire et non pas des témoins.

L’attestation de Mme B______ n’était pas pertinente non plus car celle-ci était alors séparée de son mari depuis cinq ans et ne connaissait la situation de celui-ci que par ce qu’il lui en disait. Elle ignorait à l’évidence que ce dernier vivait à Vienne avec une amie.

Quant aux projets professionnels du défunt, il était avéré que ceux-ci ne s’étaient pas concrétisés.

Contrairement aux allégués de l’AFC, M. C______ ne vivait pas à Genève à l’époque du décès de son père. A cette date, il était à Moscou et depuis 1995, il étudiait à Londres. Ces éléments résultaient des déclarations faites devant le juge d’instruction, ainsi qu’à la police par M. S______. Le neveu de M. S______, Monsieur Y______, étudiait d’ailleurs avec M. C______ à Londres et tous deux avaient confirmé que ce dernier avait des soupçons quant aux circonstances du décès de son père, qu’il ne disposait pas de l’appartement de celui-ci à Genève puisqu’il avait dû habiter à l’hôtel et qu’il craignait pour la sécurité de sa mère, qu’il avait fait quitter la Russie.

Le seul élément pertinent invoqué par l’AFC pour fonder la révision de sa décision du 7 août 2001 était le relevé des prestations dentaires du Dr Zaher. Or, la proximité des rendez-vous fixés au défunt tendait au contraire à démontrer que celui-ci n’habitait alors pas dans cette ville car si tel avait été le cas, il aurait pu espacer ses rendez-vous sur une plus grande période.

L’audition du Dr Zaher était sollicitée car celui-ci savait que le de cujus séjournait en mai et juin 2007 à l’Hôtel A______. Quant à Mme X______, domiciliée ______, elle avait fonctionné comme traductrice pour le de cujus durant les séjours de celui-ci à Genève.

Pour toutes les raisons précitées, le de cujus n’était pas domicilié à Genève au moment de son décès, de sorte que les décisions de la commission et celles de l’AFC devaient être annulées.

29. Le 15 janvier 2010, la commission a produit son dossier.

30. Le 28 février 2010, l’AFC a conclu au rejet du recours.

La détermination du domicile fiscal du de cujus au jour du décès n’était pas évidente car il existait dans le dossier plusieurs pièces contradictoires, certaines allant dans le sens d’un domicile à Genève, d’autres indiquant un domicile possible à Moscou et d’autres encore à Vienne.

Les déclarations des héritiers eux-mêmes avaient plusieurs fois changé au cours de la procédure. Après avoir contesté l’ouverture de la succession à Genève en 2000, ils avaient allégué que celle-ci avait été ouverte à Moscou. En 2006, ils avaient insisté auprès de l’AFC pour demander la réouverture de la succession à Genève en produisant des pièces justifiant que le dernier domicile du de cujus se trouvait dans cette ville. M. C______ n’avait fait aucune observation remettant en cause l’ouverture de la succession du 17 mai 2006, ni ultérieurement. La fiduciaire qu’il avait mandatée avait encore demandé un délai supplémentaire au 30 juin 2007 pour remettre la déclaration de succession et ce n’était qu’au moment du refus d’un tel délai que cette fiduciaire avait contesté l’assujettissement à Genève de la succession, en reprenant à son compte les arguments développés en 2000 déjà par le premier conseil des héritiers.

Il appartenait aux recourants, qui supportaient le fardeau de la preuve, d’établir que le de cujus s’était constitué un autre domicile à Moscou ou à Vienne dans les mois précédant son décès. Or, devant la commission, ils avaient continué à soutenir principalement que le domicile du de cujus était resté à Moscou, en invoquant en particulier l’ordonnance de classement du Procureur général du 29 mai 2008.

Dans le cadre de leur recours déposé le 14 décembre 2009 devant le Tribunal administratif, ils alléguaient que cette constatation était erronée, le de cujus s’étant constitué un nouveau domicile à Vienne dès 1996. Dès lors, il fallait déterminer si le de cujus était domicilié à Genève ou à Vienne au moment de son décès.

Devant le Tribunal administratif, les héritiers avaient produit plusieurs pièces nouvelles, soit en particulier des notes de téléphone et d’achat par M______ d’une villa à Vienne. Ces documents n’établissaient cependant pas que cette propriété constituerait le nouveau domicile du de cujus et non pas simplement une résidence secondaire, selon les termes de Q______ S.A. dans sa lettre du 27 mars 2007.

Il était en revanche établi que le de cujus avait conservé son activité salariée à Genève jusqu’à son décès et qu’il avait été soumis jusqu’au 31 août 2007 à l’impôt cantonal et communal, de même qu’aux cotisations sociales. Il ne figurait pas dans le registre de la population de Vienne et il n’avait entrepris aucune démarche auprès de l’OCP à Genève pour signaler son éventuel départ. Si le de cujus avait été domicilié à Vienne, sa succession aurait certainement été ouverte et taxée dans cette ville. Or, les recourants n’avaient ni démontré, ni allégué que tel aurait été le cas. Ils avaient au contraire toujours soutenu que c’était à Moscou uniquement que la succession avait été ouverte et taxée. Il n’existait pas de convention de double imposition entre la Suisse et la Russie en matière de droits de succession, mais il en existait une entre la Suisse et l’Autriche. Comme rien ne permettait d’établir qu’une succession aurait été ouverte en Autriche, cette question de double imposition ne se posait pas.

Enfin, s’agissant du traitement dentaire suivi par le de cujus avant son décès, si le défunt avait réellement transféré le centre de ses intérêts à Vienne, il aurait suivi ce traitement intensif dans cette ville également.

Par ailleurs, l’audition de son médecin-dentiste n’apporterait pas d’élément déterminant par rapport aux pièces figurant dans le dossier.

31. Il résulte encore de ces dernières, et en particulier de la pièce 26 produite par les recourants et non traduite en français, qu’un certain Docteur Gr______ était en possession des clefs de la villa achetée par le biais de M______ et dans laquelle habitaient à Vienne le défunt et son amie et cet avocat avait fait changer les serrures de la villa après le décès.

32. Le 22 mars 2010, les recourants ont répliqué. L’AFC ne s’était pas déterminée sur les conditions d’une révision de sa décision du 7 août 2001.

Ils ont par ailleurs persisté dans leurs allégués et conclusions et requis l’audition de M. C______, de même que celle des deux témoins précités.

33. Le 29 avril 2010, l’AFC a dupliqué.

La réplique ne contenait aucun élément nouveau déterminant susceptible de modifier les conclusions qu’elle avait prises. Les événements nouveaux ayant conduit à la réouverture de la procédure de succession avaient été produits par les héritiers eux-mêmes en 2006. La valeur probante de certains d’eux pouvait être discutée, mais les héritiers ne sauraient de bonne foi prétendre qu’il n’existait pas d’événement nouveau pour rouvrir la procédure selon leur demande expresse, alors qu’ils avaient produit de nouvelles pièces inconnues de l’administration en 2001. A partir de la procédure de recours devant la commission, les héritiers avaient constamment contesté la compétence de Genève, sans établir si le dernier domicile du de cujus était à Moscou ou à Vienne. Ils n’avaient jamais allégué que la succession aurait été ouverte et taxée à Vienne, en invoquant le fait qu’elle avait déjà été ouverte à Moscou. Ce n’était qu’en dernier lieu, devant le Tribunal administratif, que les recourants avaient produit plusieurs pièces nouvelles susceptibles de justifier, de leur point de vue, la création d’un nouveau domicile à Vienne, telles que des factures de téléphone ou d’électricité, alors que le faisceau d’indices était suffisant pour retenir que le de cujus était domicilié à Genève depuis 1995 et au moment de son décès. D’ailleurs, le de cujus ne figurait pas dans le registre de la population de cette ville. Le fait qu’aucune procédure de succession n’ait été ouverte à Vienne suite au décès du de cujus ne faisait que renforcer la conviction de l’administration, qui concluait derechef au rejet du recours.

34. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l'ensemble des compétences jusqu'alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative de la Cour de justice, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2. Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A LOJ ; art. 63 al. 1 let. a LPA dans leur teneur au 31 décembre 2010).

3. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; 127 III 576 consid. 2c p. 578 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C.58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A.15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C.424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; 2C.514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1).

La procédure administrative est en principe écrite (art. 18 LPA). Au vu des pièces figurant au dossier, il ne se justifie pas de procéder à l'audition des recourants pas plus qu'à celle des deux témoins mentionnés par ces derniers.

4. a. Il convient d’examiner préalablement si les conditions d’application de l’art. 80 let. b LPA, concernant la révision et auquel renvoie l’art. 15 LPA relatif à la reconsidération, étaient réunies, la décision prise le 7 août 2001 par l’AFC constatant le non-assujettissement de la succession du de cujus à Genève étant entrée en force.

b. Dans sa dernière décision, la commission n'a statué que sur l'un des deux points pour lesquels le Tribunal administratif lui avait renvoyé la cause. Elle ne s'est ainsi pas prononcée formellement sur les conditions d'application de l'art. 80 let. b LPA.

Cependant, les parties ont pu s'exprimer longuement à ce sujet de sorte que la chambre de céans statuera sur cette question sans renvoyer une nouvelle fois la cause à la juridiction de première instance.

5. La note interne émise par le service juridique de l'AFC en 2001 n'a pas été produite mais l'intimée en a donné le contenu dans sa réponse et sa réplique. Ce document n'étant pas indispensable pour trancher la question du lieu du domicile du de cujus à la date de son décès survenu le 31 août 2007, il sera renoncé à en exiger la production, sans qu’il soit nécessaire d’examiner s’il s’agit d’une note interne pouvant être soustraite à la consultation des parties.

6. Les recourants ont produit de nombreuses pièces en allemand et en anglais sans les traduire ou en en fournissant une traduction libre et partielle de sorte que sous réserve des dernières factures (pièces 14 à 26), celles-ci seront écartées, la langue officielle des tribunaux genevois étant le français (ATA/692/2009 du 22 décembre 2009).

7. Les recourants avaient d'emblée contesté par l'intermédiaire de leur premier conseil l'assujettissement de la succession à Genève, au motif que le de cujus n'avait pas transféré son domicile de Moscou dans cette ville. A l'appui de leurs assertions, ils ont produit un certificat d'héritiers, dûment traduit en français, daté du 13 avril 2008, selon lequel les héritiers du défunt étaient, d’après le droit russe, l'épouse de celui-là à raison de 4/6 èmes, le fils, soit M. C______ à raison de 1/6ème et la mère du défunt, Mme S______, décédée depuis lors, pour 1/6ème également, de même qu'une attestation du ministère d'imposition et de perception de la Fédération de Russie, datée du 22 mars 2001, ne concernant que M. C______, selon laquelle l'héritage de celui-ci était « franc de toutes dettes fiscales », celles-ci ayant été intégralement payées par cet héritier.

L'héritage ainsi taxé provenait « à raison d'un tiers d'une demi-part représentant :

1. apports en numéraire à la banque AA______ :

2. Actions de la société à capital fermé (Z______) Compagnie dépositaire BB______ ;

3. appartement n° 13 au 27 CC______ V.O. à Saint-Pétersbourg ;

4. fonds sur le compte de dépôt auprès de la banque actionnaire DD______ ;

5. actions de la société anonyme ouverte (OAO) EE______ ;

6. actions de l'OAO « Fondation U______ » ;

7. actions de l'OAO « Compagnie pétrolière U______ ».

Certes, le défunt exerçait à Genève son activité lucrative dépendante et y payait ses impôts. Il y disposait - de même que son fils, l'un des recourants - d'un permis de séjour et il louait alors un appartement au ______.

Néanmoins, l'AFC avait admis - aux termes d'une décision du 7 août 2001 entrée en force - que le de cujus ne s'était pas constitué à Genève un domicile au sens de l'art. 23 CCS.

8. En 2006, pour des raisons et dans des circonstances qui ne sont pas claires mais qui apparaissent être en lien avec les deux procédures pénales ouvertes alors à Genève (P/5565/2001, classée le 29 mai 2008 et P/15898/2001 classée en opportunité le 26 septembre 2005) les recourants ont changé d'avis et ce sont eux, par l'intermédiaire de leur nouveau mandataire, M. F______, qui ont prié le 15 février 2006 l'AFC d'imposer la succession à Genève, sans pour autant déférer aux requêtes de celle-là leur enjoignant de déposer une déclaration de succession.

A aucun moment dans la procédure M. C______ ou M F______ n'ont produit une procuration qu'aurait émise Mme B______ en leur faveur.

9. A l'appui de leur demande, les héritiers ont remis :

- le certificat d'héritiers établi à Genève le 23 décembre 2003 par Me Demierre-Morand à Genève, dont ils extraient les termes relatifs au défunt « quand vivait directeur, domicilié à 1223 Cologny, ______ » tirés des dépositions des deux témoins dignes de foi, Mme E______ et M. F______, sans aucune précision de date ;

- le certificat d'héritier émis le 19 mai 2005 par les tribunaux allemands « couvrant entre autres ses activités sous sa nationalité mais soumises au droit fiscal suisse » ;

- une convention de règlement du litige S______ (inculpé dans le cadre de la P/15898/2001 précitée) et les recourants, mais qui devait faire l'objet d'une analyse complémentaire par le conseil des recourants ;

- un courrier de Mme B______, qualifié de « note manuscrite » mais dactylographiée, rédigée en anglais et non traduite ;

- une attestation de l'AFC émise le 23 février 2004 selon laquelle le défunt était assujetti à l'impôt cantonal et communal et à l'impôt fédéral direct du 1er janvier au 31 août 2007 et l'inventaire de la succession établi le 17 mai 2006 par l'AFC.

10. Il convient donc d'examiner les éléments dont ils se sont prévalus pour la première fois à l'occasion d'une procédure de contrôle dont M. C______ faisait l'objet en 2006 à Genève pour solliciter une reconsidération au sens de l'art. 48 LPA.

A teneur de la disposition précitée, « les demandes en reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsque :

a) un motif de révision au sens de l'article 80 lettres a et b existe ;

b) les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision ».

A teneur de l'art. 80 LPA, « il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît :

a) qu'un crime ou un délit, établi par une procédure pénale ou d'une autre manière, a influencé la décision ;

b) que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente ».

La demande doit être adressée par écrit à la juridiction qui a rendu la décision dans les 3 mois dès la découverte du motif de révision. Elle doit toutefois être présentée au plus tard dans les dix ans à compter de la notification de la décision, le cas de l'art. 80 let. a LPA précité pouvant cependant avoir lieu d'office (art. 81 al. 1 et 2 LPA).

En l'espèce, cette demande de reconsidération de la décision du 7 août 2001 a été faite le 15 février 2006, soit dans le délai de dix ans précité.

Aucun des éléments invoqués à l'appui de cette requête ne constitue un fait nouveau que les recourants n'auraient pu invoquer précédemment. Certes, certaines des pièces susmentionnées ont été établies postérieurement à la décision du 7 août 2001 mais le certificat d'héritiers dressé par Me Demierre Morand ne prouve nullement que le défunt était domicilié à Genève et il a pour seul but d'attester la qualité d'héritiers des recourants, laquelle n'est pas contestée.

Les deux autres pièces ne figurent pas au dossier.

Quant à la note qui aurait été établie et signée par Mme B______, elle doit être écartée des débats pour les raisons déjà exposées.

Partant, les conditions d'une reconsidération, respectivement d'une révision au sens de l'art. 80 let. a ou b LPA n'étaient pas remplies, quels qu'aient été les allégués du mandataire des recourants en 2006.

En conséquence, et même si le défunt était domicilié à Genève le 31 août 2007 comme l'a admis la commission, la décision prise par l'AFC le 7 août 2001 était entrée en force et celle-ci ne pouvait plus émettre un bordereau de taxation d'office le 14 mai 2007, les conditions d'une révision, respectivement d'une reconsidération, n'étant pas remplies (ATA/315/2011 du 17 mai 2011).

Il est dès lors superfétatoire d'examiner si celles relatives à la bonne foi et à l'abus de droit le seraient.

11. Le recours sera ainsi admis. La décision de la commission de même que la décision sur réclamation du 14 juin 2007 et le bordereau de taxation d'office du 14 mai 2007 seront annulés.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de l'AFC. Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée aux recourants à charge de l'Etat de Genève (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 décembre 2009 par l’Hoirie de Monsieur A______, soit pour elle Madame B______ et Monsieur C______, contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 9 novembre 2009 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 9 novembre 2009 de même que la décision sur réclamation du 14 juin 2007 et le bordereau de taxation d'office du 14 mai 2007 ;

met à la charge de l’administration fiscale cantonale un émolument de CHF 1’500.- ;

alloue à la recourante une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Pierre Garbade, avocat de la recourante, à l’administration fiscale cantonale ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente siégeant :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :