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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/937/2006

ATA/318/2006 du 13.06.2006 ( DES ) , REJETE

Recours TF déposé le 16.08.2006, rendu le 22.11.2006, REJETE, 2P.202/2006
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/937/2006-DES ATA/318/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 13 juin 2006

dans la cause

Madame X______
représentée par Me Laurent Panchaud, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'ÉCONOMIE ET DE LA SANTÉ


 


1. Par arrêt du 13 décembre 2005 (ATA/846/2005), le Tribunal administratif a rejeté le recours de Madame X______, médecin-dentiste, contre une décision du département de l’économie et de la santé (ci-après : le département) du 18 janvier 2005. Ce dernier avait constaté que la recourante avait tardé à adresser à une ancienne patiente le dossier médical que celle-ci avait requis le 4 septembre 2001, mais qu’il n’y avait plus lieu de prononcer une injonction, le dossier en question ayant été transmis entre-temps. La décision litigieuse était fondée sur un préavis n° 1, rendu par la commission de surveillance des professions de la santé (ci-après : la commission) le 9 décembre 2004.

2. Ce même 9 décembre 2004, la commission avait rendu un préavis n° 2. Le temps qu’il avait fallu à Mme X______, soit près d’une année et demie, pour transmettre le dossier à sa patiente était inadmissible et constituait un agissement professionnel incorrect. La commission a considéré que l’intéressée avait agi avec légèreté et a proposé au département de lui infliger un blâme, ce que ce dernier a fait le 9 février 2006.

3. Le 13 mars 2006, Mme X______ a saisi le Tribunal administratif d’un recours en reprochant au département d’avoir excédé son pouvoir d’appréciation. Selon l’article 117 alinéa 1 de la loi sur l'exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical du 11 mai 2001 (LPS - K 3 05), le département pouvait infliger une sanction, mais n’en avait pas l’obligation. Mme X______ avait compris ses obligations et réalisé ses torts à la lecture de l’arrêt du Tribunal administratif du 13 décembre 2005, qui constituait déjà une « sanction » en soi.

La décision litigieuse violait aussi le principe de la proportionnalité, dès lors que le prononcé d’un blâme ne permettait pas d’atteindre le but d’intérêt public visé par la loi : Mme X______ avait déjà compris que son comportement avait été contraire aux prescriptions légales en la matière. Pour un cas aussi mineur, le principe de la subsidiarité devait amener le département à renoncer à toute sanction, ne serait-ce que pour respecter les intérêts privés de la recourante.

Mme X______ a de plus relevé que son ancienne patiente avait désiré obtenir son dossier dans le cadre d’une procédure civile qu’elle avait intentée contre un autre médecin-dentiste, et qu’elle avait perdue. Cela démontrait qu’elle n’avait pas subi de torts en raison de l’attitude de la recourante. Au surplus, la patiente en question n’avait pas de réel intérêt à obtenir les informations en question.

Enfin, la recourante n’avait aucun antécédent et une analyse de la jurisprudence permettait de conclure que le prononcé d’un blâme était trop sévère, de sorte que la décision litigieuse devait purement et simplement être annulée.

4. Le 22 mai 2006, le Conseiller d’Etat en charge du département s’est opposé au recours. La décision était proportionnée aux faits reprochés à Mme X______, en particulier si l’on tenait compte du fait qu’au cours de la procédure, elle avait fait des déclarations contradictoires pour expliquer le retard qui lui était reproché.

Le fait que la patiente ait été déboutée par la justice civile n’avait aucune pertinence, puisque les médecins devaient communiquer leurs dossiers à leurs patients qui en faisaient la demande, quels qu’en soient les motifs. Mme X______ ne pouvait méconnaître cette obligation, qui existait légalement depuis 1987 et qui avait été rappelée à tous les professionnels de la santé par le Conseiller d’Etat en charge du département en 1993 et par la commission, dans une note adressée à l’intéressée, le 3 mai 2002.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L’article 2 alinéa 3 de la loi concernant les rapports entre membres des professions de la santé et patients du 6 décembre 1987 (LMPSP - K 1 80) stipule que sur demande écrite, le patient est en droit de consulter son dossier. L’article 10 alinéa 5 LMPSP précise qu’en cas de comportement professionnel incorrect dûment constaté, les dispositions relatives aux sanctions prévues aux articles 127 et 128 LPS sont réservées.

3. a. Par agissement professionnel incorrect, il faut entendre l'inobservation d’obligations faites à tout praticien d'une profession de la santé, formé et autorisé à pratiquer conformément au droit en vigueur, d'adopter un comportement professionnel consciencieux, en l'état du développement actuel de la science. Cet agissement professionnel incorrect peut notamment résulter d'une infraction aux règles de l'art, de nature exclusivement technique, par commission, par omission ou par une violation de l'obligation générale d'entretenir des relations adéquates avec les patients (ATA/687/2003 du 23 septembre 2003).

b. L'agissement professionnel incorrect, au sens de l'article 108 alinéa 2 lettre b LPS, constitue une notion juridique imprécise dont l'interprétation peut être revue librement par la juridiction de recours, lorsque celle-ci s'estime apte à trancher en connaissance de cause. Cependant, si ces notions font appel à des connaissances spécifiques, que l'autorité administrative est mieux à même d'apprécier qu'un tribunal, les tribunaux administratifs et le Tribunal fédéral s'imposent une certaine retenue lorsqu'ils estiment que l'autorité inférieure est manifestement mieux à même d'attribuer à une telle notion un sens approprié au cas à juger. Ils ne s'écartent en principe pas des décisions prises dans ces domaines par des personnes compétentes, dans le cadre de la loi et sur la base des faits établis de façon complète et exacte (ATF 109 IV 211 ; 109 Ib 219 ; ATA/396/2005 du 31 mai 2005 ; ATA/687/2003 du 23 septembre 2003 ; ATA H. du 29 avril 1992 ; ATA M. du 7 mars 1990 ; A. GRISEL, Traité de droit administratif, Vol. I., Neuchâtel, 1984, p. 336 et 337).

En l’espèce, c’est à juste titre que le département, à la suite du préavis de la commission et compte tenu du texte clair de l’article 4 alinéa 3 LMPSP, a retenu à l’encontre de la recourante un agissement professionnel incorrect au sens de l’article 108 LPS, en raison du temps qui s’est écoulé entre la première demande de la patiente, le 4 septembre 2001, et la transmission du dossier médical.

4. Les sanctions administratives visent les infractions aux dispositions de la loi ou de ses règlements ainsi que l'agissement professionnel incorrect dûment constaté et qualifié comme tel par la commission (art. 108 al. 2 let. a LPS).

Quand la loi n'en dispose pas autrement, les sanctions sont infligées par le département, sur préavis de la commission (art. 110 al. 1 LPS). Le département est compétent pour prononcer notamment l'avertissement, le blâme et l'amende jusqu'à CHF 50'000.-, celle-ci pouvant être cumulée avec les deux premières sanctions (art. 110 al. 2 let. a à c et al. 3 LPS).

5. Les sanctions disciplinaires doivent être fixées en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/123/1997 du 18 février 1997). En vertu de l'article 1 alinéa 2 de la loi pénale genevoise du 20 septembre 1941 (LPG - E 4 05), les dispositions générales contenues dans le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) sont applicables, sous réserve des exceptions prévues par le législateur cantonal à l'article 24 LPG (ATA/364/2003 du 13 mai 2003).

L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (V. MONTANI, C. BARDE, op. cit., p. 347), une telle sanction n’étant pas destinée à punir la personne en cause pour la faute commise, mais à assurer, par une mesure de coercition administrative, le bon fonctionnement du corps social auquel elle appartient, c’est à cet objectif que doit être adaptée la sanction. Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. A cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.133/2003 du 28 juillet 2003 ; ATF 108 Ia 230 consid. 2b p. 232 ; ATF 106 Ia 100 consid. 13c p. 121 ; ATF 98 Ib 301 consid. 2b p. 306 ; ATF 97 I 831 consid. 2a p. 835 ; RDAF 2001 II 9 35 consid. 3c/bb ; SJ 1993 221 consid. 4 et les références doctrinales citées).

6. Le Tribunal administratif retiendra que le droit des patients à accéder à leurs dossiers médicaux est fondamental et qu’il doit être scrupuleusement respecté par les praticiens, ce qui n’a manifestement pas été le cas en l’espèce.

La désinvolture de Mme X______ face à la demande de sa patiente, le délai qu’elle a laissé s’écouler pour transmettre les pièces demandées, le nombre d’interventions qu’il a fallu- soit d’avocats de la patiente, soit de la commission - pour qu’elle les communique enfin et le lien qu’elle continue de nouer entre l’intérêt qu’avait ladite patiente à obtenir son dossier et l’obligation que la loi lui fait de le communiquer dénotent que la recourante n’a toujours pas saisi quelle est son obligation à l’égard de ses patients dans ce domaine. Sa faute ne peut en conséquence pas être qualifiée de bénigne ou de légère.

Le fait que le Tribunal administratif a déjà rendu un arrêt constatant l’inadéquation de l’attitude de la recourante, même si elle indique en avoir tiré les leçons nécessaires, n’est que peu pertinent : la sanction infligée a tant pour objectif de punir Mme X______ que de stigmatiser ce genre de comportement pour le bon fonctionnement du corps social auquel elle appartient. Le tribunal prendra aussi en considération l’absence d’antécédents de la recourante pendant de nombreuses années.

Ainsi, en tenant compte de l’ensemble de ces éléments, la sanction prononcée par le département est adaptée et doit être confirmée.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 LPA).

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 mars 2006 par Madame X______ contre la décision du département de l'économie et de la santé du 9 février 2006 lui infligeant un blâme ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'500.-;

communique le présent arrêt à Me Laurent Panchaud, avocat de la recourante ainsi qu'au département de l'économie et de la santé.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :