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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/754/2022

ATA/309/2022 du 23.03.2022 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/754/2022-FPUBL ATA/309/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 23 mars 2022

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Claudio Fedele, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 



 

 

Vu l’arrêté du Conseil d’État du 28 mai 2014 désignant Madame A______ présidente du conseil d’administration (ci-après : CA) de l’Aéroport international de Genève (ci-après : AIG) pour la période du 1er janvier 2015 au 31 mai 2018 ;

vu les arrêtés du Conseil d’État des 14 novembre 2018 et 6 février 2019 prolongeant la présidence de Mme A______ jusqu’au 30 novembre 2023 ;

vu les échanges de courriels des 15, 22, 24 et 28 février 2022 entre Monsieur B______, Conseiller d’État en charge du département C______ (ci-après : C______), et Mme A______ ;

vu l’arrêté du Conseil d’État du 2 mars 2022, déclaré exécutoire nonobstant recours, désignant Monsieur D______ président du CA de l’AIG, en remplacement de Mme A______ ;

vu le courrier d’accompagnement daté du même jour, par lequel le Conseil d’État a informé Mme A______ de ce que, par sa posture, l’indispensable lien de confiance avait été irrémédiablement rompu entre elle et le magistrat chargé du département C______ ;

vu le recours interjeté le 8 mars 2022 devant la chambre administrative de la Cour de justice par Mme A______ contre cet arrêté, concluant à son annulation et à la restitution de l’effet suspensif ;

que, s’agissant de sa requête de restitution de l’effet suspensif, elle expose que la désignation d’un nouveau président correspond en réalité à une révocation ; que, dans ce cas, l’art. 23 al. 4 de la loi sur l’organisation des institutions de droit public du 22 septembre 2017 (LOIDP – A 2 24) exclut la nomination d’une nouvelle personne à la place de la personne révoquée ; que l’exclusion nonobstant recours de l’arrêté est ainsi contraire à cette disposition ; qu’en tout état, conformément à l’art. 8 al. 2 LOIDP, une intervention directe du Conseil d’État n’est possible qu’en cas de dysfonctionnement grave ; que l’exécution immédiate d’un changement de président n’est justifiée par aucun intérêt public ; qu’à titre subsidiaire, aucun motif ne permet de déroger au principe de l’effet suspensif du recours selon l’art. 66 de la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), étant précisé que l’arrêté du Conseil d’État modifie « profondément » sa situation juridique, sa rémunération passant d’un montant annuel de CHF 120'000.- à celui de CHF 5'000.- ;

que, sur le fond, elle invoque une violation de son droit d’être entendue pour défaut de motivation de la décision entreprise ;

qu’elle fait également valoir que, conformément à l’art. 47 LOIDP et au vu de l’autonomie de l’AIG, le Conseil d’État ne peut révoquer un président qu’en présence de justes motifs ;

que, le 15 mars 2022, le Conseil d’État a conclu à l’irrecevabilité du recours et au rejet de la requête de restitution d’effet suspensif ;

qu’il expose que, selon un premier examen, l’arrêté du Conseil d’État constitue un acte d’organisation interne, de sorte qu’il n’est pas susceptible de recours ;

que, se déterminant sur la requête de restitution de l’effet suspensif, le Conseil d’État relève que l’arrêté attaqué ne déploie pas d’effet suspensif ex lege et que l’art. 23 al. 4 LOIDP n’est pas applicable in casu ; que les intérêts de Mme A______, qui reste membre du CA, ne sont pas gravement menacés par la décision, la perte financière n’étant pas un préjudice difficilement réparable ; qu’enfin, le rapport de confiance entre le président et le magistrat en charge de la tutelle de l’institution a été « totalement bafoué » par Mme A______, de sorte que l’intérêt au bon fonctionnement de l’administration doit primer sur son intérêt privé à user de ses prérogatives de présidente ; qu’en tout état, les chances de succès du recours ne sont pas manifestes ;

que, par réplique du 21 mars 2022, Mme A______ a persisté dans ses conclusions ;

qu’elle expose que l’acte attaqué a un impact notable sur son activité quotidienne et sur le plan financier ; que les reproches de l’intimé ne ressortent d’aucune pièce et qu’aucun motif ne justifie de retirer l’effet suspensif ;

que, sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, que la question de la recevabilité du recours sera en l’état réservée, et son examen reporté à l’arrêt au fond ;

que les mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 LPA ; art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;

qu'aux termes de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que, selon l’art. 1 al. 1 de la loi sur l’Aéroport international de Genève du 10 juin 1993 (LAIG – H 3 25), la gestion et l’exploitation de l’aéroport sont confiés, dans les limites de la concession fédérale, à un établissement de droit public appelé « Aéroport international de Genève » ; l’établissement est autonome et jouit de la pleine personnalité juridique (al. 2) ;

que, selon l’art. 7 LAIG, l’établissement est géré, en conformité avec la concession fédérale, par un conseil d’administration formé, notamment, d’un membre de chaque parti représenté au Grand Conseil, désigné par ce dernier (let. a) et de cinq membres désignés par le Conseil d’État (let. b) ;

que le président et les vice-présidents sont choisis parmi les personnes mentionnées à l’art. 7 al. 1 let. a et b LAIG (art. 12 al. 1 LAIG) ;

que, selon l’art. 6 LAIG, les organes de l’établissement sont définis par la LOIDP ;

que, selon l’art. 8 al. 1 LOIDP, les institutions sont placées sous la surveillance du Conseil d’État ; en cas de dysfonctionnement grave, le Conseil d’État peut intervenir dans la gestion de l’institution et prendre toute mesure urgente commandée par les circonstances afin de sauvegarder les intérêts de l’institution ou de l’État, si l’institution elle-même ne prendre pas les mesures appropriées (al. 2) ;

que selon l’art. 47 al. 2 LOIDP, le Conseil d’État nomme les membres et désigne le président ;

que selon l’art. 23 LOIDP, les membres du conseil qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement, soit par négligence, peuvent faire l’objet, en tout temps, d’une révocation, prononcée par le Conseil d’État, pour de justes motifs (al. 1) ; en cas de recours, le membre révoqué ne peut être remplacé jusqu’à l’issue de la procédure judiciaire (al. 4) ;

que selon l’art. 5 al. 1 du règlement sur l’organisation des institutions de droit public du 16 mai 2018 (ROIDP - A 2 24.01), la rémunération annuelle des membres du conseil des établissements de droit public principaux est fixée comme suit : président : CHF 120'000.- (let. a) ; vice-président : CHF 7'500.- (let. b) ; membre : 5'000.- (let. d) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) –  ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ;

qu'elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution ; qu’elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire ; que la restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités) ;

qu’en l’espèce, on ne saurait a priori souscrire à l’argumentation de la recourante selon laquelle l’exécution immédiate de la décision serait contraire à l’art. 23 al. 4 LOIDP, ledit article traitant, à première vue, de la révocation du conseil d’administration de l’un de ses membres ; que, dans ces conditions, la requête de la recourante doit être traitée sous l’angle de la restitution de l’effet suspensif au sens de l’art. 66 al. 3 LPA ;

que, dans la pesée des intérêts à prendre en compte, l’intérêt public au bon fonctionnement du CA de l’AIG, notamment sa gestion et, prima facie, la qualité de la collaboration avec l’autorité de surveillance, soit le Conseil d’État, est important ;

que l’intérêt privé de la recourante à conserver sa fonction de présidente ainsi que sa rémunération annuelle est, certes, également important ;

que, toutefois, s’agissant de l’aspect financier, la recourante ne fournit aucune précision quant à sa situation financière (éléments de fortune, autres revenus, charges etc.), de sorte qu’elle ne rend pas vraisemblable que le changement de rémunération l’exposerait à un préjudice difficilement réparable ;

que, par ailleurs, selon la jurisprudence de la chambre de céans, la perte d’un revenu ne constitue usuellement pas un préjudice irréparable ;

que, dans ces conditions, la restitution de l’effet suspensif ne s’avère pas indispensable au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis ;

qu’en conséquence, les raisons d’exécuter immédiatement la décision querellée sont, prima facie, plus importantes que celles justifiant le report de l’exécution de celle-ci ; qu’il n’existe en effet pas de justes motifs de restituer l’effet suspensif au recours, les intérêts privés de la recourante ne primant pas les intérêts de la collectivité publique au bon fonctionnement de l’administration et à la bonne gouvernance de l’établissement ;

que, pour le surplus, les chances de succès du recours ne paraissent pas, de prime abord, à ce point manifestes qu'elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif ;

que, partant, la requête sera rejetée ;

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais du présent arrêt incident.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Claudio Fedele, avocat de la recourante, ainsi qu'au Conseil d'État.

 

La présidente

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :