Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/53/2016

ATA/287/2017 du 14.03.2017 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/53/2016-AIDSO ATA/287/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 mars 2017

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1. M. A______, né en 1984 et originaire de la République démocratique du Congo, est domicilié dans le canton de Genève.

Son épouse, Mme B______, née en 1982 et également originaire de République démocratique du Congo, et lui-même sont parents de trois enfants mineurs.

2. M. A______ a suivi, dès la rentrée académique 2010-2011, un programme de maîtrise d'études avancées (MAS) en droit international humanitaire à Genève. Il était alors immatriculé comme étudiant à plein temps auprès de l'Université de Genève (ci-après : l'université).

3. Il a bénéficié, du 1er juillet au 30 septembre 2011, d'une aide financière du service d'aide aux requérants d'asile (ci-après : ARA) de l'Hospice général (ci-après : l'hospice), devenu depuis lors le service d'aide aux migrants (ci-après : AMIG).

Ce service avait alors accepté de lui allouer une aide financière ordinaire, afin qu'il puisse poursuivre son master à l'université.

4. Après avoir obtenu le statut de réfugié par décision de l'office fédéral des migrations (devenu depuis lors le secrétariat d’État aux migrations) du 12 août 2011, M. A______ a été mis au bénéfice, dès le 1er octobre 2011, de prestations d'aide financière ordinaire distribuées par l'unité des réfugiés statutaires de l'hospice.

Compte tenu de l'engagement de l'ARA en ce sens, l'unité des réfugiés statutaires a maintenu l'aide financière jusqu'à l'obtention du master.

5. En date du 7 octobre 2011 s’est tenu un entretien entre l’intéressé et cette unité.

6. Dès le mois d'octobre 2011, son épouse et leur fils aîné sont arrivés dans le canton de Genève et ont été inclus dans le dossier d'aide financière.

7. Le 22 octobre 2011, M. A______ et Mme B______ ont signé conjointement le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général ».

8. Le 15 novembre 2011 a eu lieu un second entretien de l’intéressé avec l'unité des réfugiés statutaires.

9. Le 6 janvier 2012, M. A______ a terminé le programme de MAS, étant toujours immatriculé comme étudiant à plein temps à l'université.

10. Par courriel du 16 janvier 2012, Mme B______ a transmis deux projets de formation au sein de la Fondation pour la formation des adultes à Genève (ci-après : Ifage) pour l’année 2012 en vue de pouvoir s’intégrer et être autonome en travaillant, consistant en des cours d’anglais et de travail dans le domaine des assurances sociales, à l’assistante sociale de l'unité des réfugiés statutaires s’occupant de son dossier et de celui de son mari (ci-après : l’assistante sociale).

Parallèlement, par courriel du 18 janvier 2012, M. A______ a fait part à l’assistante sociale de points au sujet desquels il souhaitait parler avec elle le 20 janvier suivant, dont les projets de formations de son épouse susmentionnés ainsi que son propre souhait de commencer une formation en gestion de projet I à l’Ifage en même temps que la recherche d’un travail.

L’assistante sociale leur a répondu le 19 janvier 2012 qu’il serait discuté de ces points lors de l’entretien.

11. Par courriel du 9 février 2012, M. A______ a informé l’assistante sociale d’une part de ce qu’il avait introduit, depuis l’entrevue du 20 janvier 2012, une procédure d’inscription au chômage, sans réponse jusqu’alors, d’autre part de son projet professionnel s’articulant autour des cours de l’Ifage gestion de projet I et II ainsi que de cours d’anglais.

12. Le 1er mars 2012, M. A______ a été reçu par la responsable de l'unité des réfugiés statutaires et par l'assistante sociale.

Alors qu'il avait manifesté son intention d'entreprendre un doctorat en droit, ses interlocutrices lui ont indiqué qu'il n'aurait dans ce cas plus droit à une aide financière pour sa famille et lui-même. En effet, à teneur de la législation applicable, les étudiants étaient exclus de l'aide financière ordinaire et seule une aide financière exceptionnelle d'une durée maximale de six mois pouvait être accordée, à certaines conditions.

M. A______ a ainsi pris l'engagement de renoncer à ses études et d'effectuer des recherches d'emploi actives.

13. Le 9 mars 2012, le diplôme de Master of Advanced Studies (LLM) in International Humanitarian Law – le MAS susmentionné – lui a été décerné par l'université.

14. Le 19 mars 2012, M. A______ s'est exmatriculé de l'université.

15. Par courriel du 19 avril 2012, M. A______ a sollicité l’appui de l’assistante sociale en vue de sa candidature pour un stage au sein de l’hospice, suite à quoi celle-ci lui a demandé le jour même de lui adresser par scannage l’offre de stage à laquelle il avait répondu.

16. Le 11 juillet 2012, M. A______ et l’assistante sociale ont eu un échange de courriels au sujet d’une annonce d’emploi dans le domaine social (centre de consultation dans un cadre associatif).

17. Par courriel du 31 juillet 2012, M. A______ a annoncé à l’assistante sociale qu’il venait de bénéficier d’un chèque annuel de formation pour les cours de gestion de projet I et II et lui a demandé si l’hospice pouvait verser le solde des frais de formation, à concurrence de CHF 390.-.

18. Le 10 octobre 2012, l’assistante sociale a abordé avec M. A______ la mise en place d’un contrat d’aide sociale individuel (ci-après : CASI) et lui a remis à cette fin les documents y relatifs pour que son épouse et lui-même les signent.

À teneur du CASI que M. A______ a signé le 29 novembre 2012, ses trois objectifs étaient, premièrement, trouver un travail dans une administration publique à Genève, deuxièmement, trouver un emploi dans une organisation non gouvernementale (ci-après : ONG) également à Genève, troisièmement, s’occuper de sa famille et aider son épouse à se revaloriser professionnellement.

Selon le CASI signé le même jour par Mme B______, ses quatre objectifs étaient, premièrement, compléter sa formation d’assistante sociale / aide soignante grâce à une formation à entamer, avec début en septembre 2013 et fin en juillet 2014, deuxièmement, travailler et vivre de son travail, dès janvier 2014, troisièmement, s’occuper de sa famille dès maintenant, quatrièmement, conduire une automobile grâce à l’obtention du permis de conduire en mars 2013.

Ces CASI ayant été validés par l’assistante sociale, des suppléments d’intégration (ci-après : SI) ont, dès le 1er décembre 2012, été versés à M. A______ et à Mme B______ à hauteur de CHF 100.- pour chacun par mois.

19. Parallèlement, en novembre 2012, l'assistante sociale a proposé à M. A______ de suivre une mesure d'insertion professionnelle par le biais de l'Œuvre suisse d'entraide ouvrière (ci-après : OSEO). Le 26 novembre 2012, son inscription à la prestation individualisée « BIE-HG » de cette œuvre, comprenant des cours et des stages, du 10 décembre 2012 au 10 mai 2013, a été confirmée.

20. Au début de l'année 2013, l’OSEO a informé l'assistante sociale de ce que M. A______ ne pouvait pas effectuer de stages dans le cadre de la prestation, en raison du fait qu'il avait entrepris un doctorat en droit.

21. Le 25 février 2013, l'université a confirmé à l'assistante sociale que l'intéressé s'était réimmatriculé au semestre d'automne 2012, visant l'obtention d'un doctorat en droit. Les taxes pour le semestre de printemps n'ayant pas encore été acquittées, son inscription pour ce deuxième semestre n'était toutefois pas encore confirmée.

22. Le 5 mars 2013, M. A______ a été reçu en entretien par l’assistante sociale et la responsable de celle-ci.

23. Le même jour, les époux ont à nouveau signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général ».

24. Par décision de l'unité des réfugiés statutaires du 7 mars 2013, fondée sur le contenu de l'entretien du 5 mars 2013, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’hospice a mis un terme dès le 1er avril 2013 à l'aide financière accordée à M. A______, au motif que les conditions d'octroi des prestations d’aide financière n'étaient plus réalisées.

M. A______ avait clairement manifesté son intention de ne pas s'exmatriculer de l'université et de poursuivre son doctorat, malgré les explications fournies par l’assistante sociale. Or, à teneur des dispositions légales et réglementaires applicables, les étudiants et personnes en formation n'avaient pas droit à l'aide financière ordinaire, et une aide financière exceptionnelle ne pouvait être accordée que pour une durée limitée pour permettre de surmonter des difficultés passagères et d'achever la formation en cours.

L’intéressé avait volontairement omis d'informer l'hospice s'être réimmatriculé à l'université dès le semestre d'automne 2012 pour un doctorat en droit, en dépit de son engagement à y renoncer et à chercher du travail pris lors de l'entretien du 1er mars 2012 à ce sujet, lors duquel il lui avait été clairement indiqué que s'il persistait dans cette voie il ne pourrait plus bénéficier d'une assistance financière et qu'il devrait alors trouver une activité rémunérée lui permettant de subvenir aux besoins de sa famille tout en poursuivant ses études. Ce comportement était contraire à son obligation d'informer immédiatement et spontanément l'hospice de toute modification de sa situation personnelle, ce à quoi il s'était engagé en signant le document idoine.

Lors de l'entretien du 5 mars 2013, il avait annoncé à l’assistante sociale interrompre du jour au lendemain la mesure OSEO, sans en avoir informé cette dernière au préalable, au motif qu'il débutait le 6 mars 2013 un stage non rémunéré de plus de trois mois dans le cadre d'une ONG. Or, il s'était déclaré d'accord de suivre cette mesure pour laquelle tant l'investissement financier que l'implication des collaborateurs l'ayant suivi étaient conséquents. Il ne respectait pas son devoir de collaborer en l'interrompant subitement.

S'il venait à s'exmatriculer de l'université, l'aide financière pourrait continuer à lui être versée, pour autant que les conditions d'octroi soient remplies.

25. En mars ou avril 2013, M. A______ a renoncé à poursuivre ses études et a, dès lors, pu percevoir à nouveau une aide financière pour l'ensemble de sa famille.

26. Par décision du 14 février 2014 de l'unité des réfugiés statutaires, l’hospice a réclamé à M. A______ la restitution des prestations financières indûment perçues pour la période du 1er octobre 2012 au 28 février 2013, correspondant à celle durant laquelle il avait caché avoir repris ses études, pour un montant total de CHF 18'224.05.

27. Le 10 mars 2014, M. A______ a pris acte de cette décision et a sollicité la remise de la somme de CHF 18'224.05 qui lui était réclamée.

Le remboursement de ce montant, y compris s'il était partiel et/ou échelonné, allait le mettre ainsi que sa famille dans une situation financière difficile et risquait d'avoir des incidences majeures sur la vie du groupe familial. Les prestations de l'hospice étaient pour l'heure sa seule source de revenu.

L’intéressé n’a pas formé opposition contre dite décision.

28. Le 25 mars 2014, M. A______ a été reçu en entretien par une nouvelle assistante sociale. Une évaluation sociale de la situation des époux a été effectuée et la mise en place d’un CASI abordée.

Durant le mois d’avril 2012, les conjoints ont rempli chacun les fascicules pour leurs CASI et, lors d’un entretien du 23 avril 2014, l’assistante sociale les a validés par sa signature.

Pour le mois d’avril 2014, des SI ont à nouveau été versés à M. A______ et à Mme B______ à hauteur de CHF 100.- pour chacun.

Le 29 avril 2014, les époux ont reçu pour la première fois le montant lié à la réalisation des objectifs de leurs CASI respectifs, soit CHF 300.- chacun, pour le mois de mai 2014.

29. Par décision du 13 octobre 2014, le directeur général de l'hospice a rejeté la demande de remise formulée le 10 mars 2014 par M. A______ et a confirmé la décision du 14 février 2014.

Sans en avoir informé son assistante sociale et sachant que c'était un motif d'exclusion de l'aide sociale, M. A______ avait repris ses études. Lors de l'entretien du 5 mars 2013, ce n'était que lorsque l'assistante sociale lui avait indiqué être au courant qu'il s'était réimmatriculé en automne 2012 à l'université qu'il avait admis ce fait.

Au surplus, l'intéressé était président et directeur d’une ONG, dont Mme B______ était conseillère.

Vu les faits ressortant du dossier, M. A______ avait gravement violé son obligation de renseigner, ce qui ne lui permettait pas de se prévaloir de sa bonne foi, première des deux conditions légales cumulatives de la remise.

30. Le 14 novembre 2014, M. A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

Notamment, il n'avait jamais refusé un stage proposé par l'OSEO, cette opportunité ne s'étant jamais présentée. Il avait en revanche, grâce à son statut de doctorant et aux instructions et orientations données par les mesures OSEO, obtenu un stage dans une agence de l'Organisation des Nations Unies (ci-après : ONU), non dans une ONG. Cette distinction était importante dans la mesure où il était plus probable dans la première configuration de décrocher un emploi rémunéré à l'issue des trois mois de stage. Il était par conséquent malsain de tirer de son prétendu refus à l'OSEO un indice ou une source de sa mauvaise foi ou de son défaut de collaboration. Les faits devaient être rectifiés, dès lors que l'hospice, se fondant sur cet inexact faisceau d'indices, avait mis fin aux prestations accordées, au lieu de réduire ou suspendre l'aide financière, alors que le recourant collaborait et recherchait activement un emploi depuis septembre 2011.

31. Par courrier du 1er avril 2015, M. A______ a sollicité de l'unité des réfugiés statutaires de l’hospice le versement rétroactif de SI d’un montant total de CHF 16'200.-, pour la période du 1er décembre 2011 au 28 février 2014, pour son épouse et lui-même. « [C’était] à partir de ce moment-là que [l’ancienne] assistante sociale aurait dû [leur] verser ces frais-là, après la proposition, par elle, de la signature du CASI ; comme elle le fit quand bon lui sembla ».

32. Par décision de la responsable de l'unité des réfugiés statutaires du 29 mai 2015, l’hospice a refusé cette demande.

Dès le début de sa prise en charge par l’hospice, M. A______ avait démontré un manque de collaboration persistant, notamment en ne venant pas à certains rendez-vous qui lui avaient été fixés, en ne fournissant pas les informations importantes relatives à sa situation personnelle, ni les documents demandés par l’assistante sociale. Il avait notamment commencé des études universitaires en vue d’obtenir un doctorat sans en informer celle-ci et en sachant que c’était un motif d’exclusion de l’aide sociale.

Au vu de son manque de collaboration persistant avec l’assistante sociale et de son indisponibilité, il n’avait pas été possible de mettre en place un CASI tel que prévu par l’art. 14 de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), ni avec lui-même, ni avec son épouse. Les conditions d’octroi d’un SI mensuel n’étaient dès lors pas remplies.

Par ailleurs, les prestations de l’aide sociale n’étaient pas versées avec effet rétroactif.

33. Par acte du 3 juin 2015, M. A______ a formé opposition contre cette décision, qu’il qualifiait d’arbitraire.

Il avait à tout le moins droit rétroactivement aux SI pour les périodes de février à septembre 2012 et d’avril 2013 à février 2014, ce qui faisait au total dix-neuf mois non susceptibles d’être remis en question et représentait une somme totale due de CHF 11'400.- ([300.- x 2] x 19).

Le manque de collaboration de sa part à l’égard de l’ancienne assistante sociale, invoqué par l’hospice, ne reposait sur aucun élément probant et était contesté.

De février à mai 2012, il avait effectué un stage auprès d’une ONG à Genève, avec l’accord de l’assistante sociale.

34. Par arrêt du 14 juillet 2015 (ATA/726/2015), la chambre administrative a rejeté le recours de M. A______ du 14 novembre 2014 contre la décision de l’hospice du 13 octobre 2014, dans la mesure où il était recevable.

Le recourant et sa famille avaient pu bénéficier, à titre exceptionnel, de prestations d'aide financière ordinaire pendant qu'il étudiait à l'université en vue de l'obtention d'une maîtrise. Toutefois, lorsqu'il avait manifesté son souhait, dès 2012 après avoir obtenu son diplôme, de poursuivre ses études pour obtenir un doctorat, il avait été immédiatement informé par l'intimé de ce qu'il ne pourrait, dans ces conditions, plus percevoir d'aide financière, ni exceptionnelle, ni ordinaire. Le fait qu'il s'engage alors à chercher un emploi, notamment en participant à des mesures OSEO, et qu'il se soit exmatriculé quelques jours après avoir reçu cette information indiquait qu'il l'avait compris. Il s'était néanmoins réimmatriculé, quelques mois plus tard, sans en informer l'intimé, alors qu'il s'y était engagé par sa signature du document « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général ». Par ailleurs, dans la mesure où il ne remplissait plus les conditions d'octroi, à titre exceptionnel, d'une aide financière lui permettant d'achever une nouvelle formation au sens de l’art. 13 al. 1 et 2 du règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01), l'art. 13 al. 5 RIASI ne lui était pas applicable. Ainsi, le recourant, qui avait manifestement, volontairement et gravement violé son devoir d'information, ne pouvait pas se prévaloir de sa bonne foi pour solliciter la remise du montant perçu indûment durant les cinq mois au cours desquels il était inscrit à l'université, du 1er octobre 2012 au 28 février 2013.

35. Par lettre datée du 3 juin 2015 mais reçue le 28 octobre 2015 par l’hospice, M. A______ s’est plaint d’un dépassement du délai de soixante jours pour statuer selon l’art. 52 LIASI et a sollicité que la décision sur opposition soit rendue dans les deux semaines.

36. Par pli d’une conseillère juridique du 29 octobre 2015, la direction lui a répondu que l’instance d’opposition faisait actuellement face à une surcharge de travail et que les délais des art. 51 al. 1 et 52 al. 2 LIASI étaient des délais d’ordre. La décision sur opposition lui parviendrait le plus rapidement possible.

37. Par décision du 8 décembre 2015 – dont les motifs seront exposés dans la mesure utile dans la partie en droit ci-après –, le directeur général de l’hospice a rejeté l’opposition formée par M. A______ et confirmé la décision de l'unité des réfugiés statutaires du 29 mai 2015.

38. Par acte expédié le 10 janvier 2016 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre cette décision sur opposition, concluant à ce que ladite chambre établisse qu’il y avait violation de la loi et qu’il avait souffert un tort moral inestimable qui équivalait à un manque de respect et une marque d’absence de respect à sa personnalité juste parce qu’il bénéficiait de l’aide sociale et ce malgré une mise en demeure, dise que la décision attaquée du 8 décembre 2015 était nulle et non avenue « puisqu’elle [violait] la loi et [était] illégale et donc non opposable », entérine ses prétention en déclarant qu’il avait droit, pour lui et son épouse, à titre principal, à au moins la somme de CHF 11'400.- au titre de SI à titre rétroactif, ordonne, pour le tort moral et l’ensemble du préjudice subi, à titre de réparation, de manière subsidiaire, le versement de l’équivalent de la somme demandée (soit CHF 11'400.-) en sa faveur, enfin exige que le paiement soit effectué sans délai et nonobstant recours.

Son argumentation était exclusivement fondée sur le dépassement des soixante jours prévus par la loi pour statuer sur opposition.

39. Dans sa réponse du 12 février 2016, l’hospice, par la direction générale, a conclu au rejet du recours, à la confirmation de la décision attaquée et au déboutement du recourant de toute autre ou contraire conclusion.

40. Dans sa réplique du 6 avril 2016, M. A______ a repris les conclusions de son recours et ajouté que ses prétentions étaient fondées et vérifiables et qu’en appui aux éléments factuels mis à sa disposition, le CASI aurait dû être signé pour lui et son épouse, et que « même par extraordinaire, si le recourant n’aurait pas eu droit, au moins son épouse aurait dû en bénéficier ».

Il reprenait et complétait au fond les motifs invoqués dans son opposition du 3 juin 2015 et déposait des pièces nouvelles.

41. Par écriture spontanée du 19 mai 2016, le recourant a encore complété sa motivation et sollicité que la chambre administrative rejette le motif de l’intimé se fondant sur une demande abusive et tardive de SI, et a produit au surplus de nouvelles pièces.

42. Par lettre du 27 mai 2016, la chambre administrative a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

43. Pour le reste, les arguments des parties et certains éléments factuels seront, en tant que de besoin, repris dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 52 LIASI ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’art. 51 al. 2, 1ère et 2ème phr., LIASI, les décisions sur opposition doivent être rendues dans un délai de soixante jours ; elles sont écrites et motivées.

Il s’agit d’un délai d’ordre, la loi ne prévoyant aucune conséquence, en particulier pas l’admission de l’opposition au fond, en cas de non-respect de ce délai (ATA/299/2012 du 15 mai 2012 consid. 6 ; ATA/300/2012 du 15 mai 2012 consid. 6).

Les griefs du recourant afférents au dépassement de ce délai seront donc écartés.

3. En procédure de recours, le recourant n’a invoqué des griefs au fond contre la décision querellée que dans sa réplique, et non dans son recours. Toutefois, compte tenu des circonstances particulières et du fait qu’ils ont déjà été énoncés, en grande partie à tout le moins, dans le cadre de la procédure d’opposition devant l’intimé, ces griefs au fond feront l’objet d’un examen ci-après.

4. a. À teneur de l’art. 14 al. 1 LIASI, en contrepartie des prestations d’aide financière auxquelles il a droit et des mesures d’intégration sociale ou d’insertion professionnelle mises en place, le bénéficiaire s’engage à participer activement à l’amélioration de sa situation ; cet engagement prend la forme d’un contrat, à savoir d’un CASI, qui fait l’objet d’un document écrit signé par le bénéficiaire et l’hospice (art. 16 al. 1 LIASI).

Aux termes de l’art. 15 LIASI, le CASI poursuit un ou plusieurs des objectifs suivants : la restauration de la dignité de la personne, soit l’acquisition d’un savoir-être et d’un savoir-faire de base destiné à rendre la vie quotidienne la moins problématique possible (let. a) ; la socialisation de la personne, soit la reprise de contact progressive avec la vie sociale et professionnelle, notamment à travers l'exercice d'une activité d'utilité sociale, culturelle ou environnementale (let. b) ; l’insertion professionnelle, soit la recherche ou la reprise d'un emploi par le biais de mesures telles que bilan de compétences et orientation professionnelle, formation professionnelle qualifiante et certifiante, stage et placement (let. c) ; l’amélioration de la situation matérielle lorsque la personne réalise des revenus insuffisants (let. d).

En vertu de l’art. 17 LIASI, en principe, le CASI est signé dans un délai de trois mois suivant le dépôt de la demande au sens de l’art. 31 LIASI (al. 1) ; pendant cette période, une aide financière provisoire est accordée conformément à l’art. 28 al 3 LIASI (al. 2).

b. Conformément à l’art. 25 LIASI, peuvent être accordées aux personnes qui, en application des art. 21 à 24 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière, les prestations suivantes : a) les SI à titre de prestations à caractère incitatif ; b) les autres prestations circonstancielles (al. 1) ; le Conseil d'Etat définit par règlement ces prestations et fixe leurs conditions d'octroi (al. 2).

L’art. 6 al. 1 let. a RIASI rappelle que les SI sont des prestation à caractère incitatif, et les art. 7 et 7A RIASI fixent les montants des SI suivant les situations des bénéficiaires.

L’art. 7A al. 1 RIASI dispose en particulier qu’en application de l'art. 25 al. 1 let. a LIASI, un SI mensuel de CHF 100.- est accordé : a) à la signature du CASI, pour une durée d’un mois ; b) au bénéficiaire incapable de fournir une prestation d’intégration ou de signer un contrat d’aide sociale individuel malgré sa bonne disposition avérée.

En outre, à teneur de l’art. 7A al. 3 – actuellement l’al. 4 – RIASI dans sa version en vigueur en mai 2014 – et modifiée depuis lors concernant le montant de CHF 300.- et la let. a –, un SI de CHF 300.- est accordé : a) au bénéficiaire qui atteint l'objectif mensuel fixé dans son CASI ; en cas d'objectif non atteint, le montant du supplément d'intégration peut être diminué à CHF 100.-, voire supprimé ; b) au bénéficiaire ou à son conjoint qui suit une première formation reconnue et qualifiante ou effectue un programme emploi formation (PEF) ; c) au bénéficiaire qui suit une formation professionnelle qualifiante et certifiante au sens et dans les limites de l'art. 42C al. 6 LIASI.

c. Comme il le relève dans la décision litigieuse, l’hospice dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans le cadre de la fixation des objectifs d’un CASI, comme dans celui de l’octroi ou du refus des SI (ATA/828/2014 du 28 octobre 2014 consid. 5b ; ATA/404/2013 du 2 juillet 2013 consid. 9).

L’art. 61 al. 2 LPA prévoit que les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi.

d. En vertu de l’art. 31 LIASI, les prestations d’aide financière prévues par ladite loi doivent faire l’objet d’une demande écrite de l’intéressé ou de son représentant légal, adressée à l’hospice.

À teneur de l’art. 32 al. 1 LIASI, le demandeur ou son représentant légal doit fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière.

Conformément à l’art. 28 LIASI, le droit aux prestations d’aide financière naît dès que les conditions prévues sont remplies, mais au plus tôt le premier jour du mois du dépôt de la demande (al. 1) ; il s’éteint à la fin du mois où l’une des conditions dont il dépend n’est plus remplie (al. 2).

e. Pour déterminer si le recourant a droit au SI qu’il réclame pour des mois qui sont passés, il convient d’apprécier à quelle date il aurait eu la possibilité de signer un CASI (ATA/404/2013 précité consid. 13).

5. a. En l’espèce, le recourant a, par courrier du 1er avril 2015, demandé le versement rétroactif de SI pour son épouse lui-même, restreignant le 3 juin 2015 les périodes sur lesquelles portait sa demande, à savoir février à septembre 2012 – avant son immatriculation à l’université en vue d’un doctorat – et d’avril 2013 – date approximative à laquelle il a renoncé à poursuivre des études – à février 2014.

C’est cette demande rectifiée, portant sur dix-neuf mois pour deux personnes, qui fait l’objet des conclusions en paiement de la somme de CHF 11'400.-.

Les conclusions formulées dans la réplique du recourant, tendant à ce qu’il soit dit que ses prétention étaient fondées et vérifiables et qu’en appui aux éléments factuels mis à sa disposition, le CASI aurait dû être signé pour lui et son épouse, et que « même par extraordinaire, si le recourant n’aurait pas eu droit, au moins son épouse aurait dû en bénéficier », portent sur le fondement de cette conclusion en paiement de CHF 11'400.-, respectivement restreignent, à titre subsidiaire, celle-ci en faveur de l’épouse seule.

b. S’agissant de la période de février à septembre 2012, tant que le recourant effectuait des études, c’est-à-dire jusqu’à son exmatriculation de l’université le 19 mars 2012 suite à l’obtention de son diplôme LLM, l’établissement d’un CASI était inenvisageable et, partant, également le versement de SI.

D’après l’intimé, ces circonstances et violation du devoir de collaboration n’ont pas permis à l’assistante sociale d’aborder avec l’intéressé la mise en place d’un CASI avant le mois d’octobre 2012. En effet, selon ses allégations, lors de son entretien du 26 mars 2012, le recourant n’a pas remis les preuves de paiement de son loyer des mois de février à mars 2012, ni ses relevés bancaires des six derniers mois. De même lors de son entretien du 7 mai 2012, il n’a toujours pas apporté ses décomptes bancaires. En outre, durant cette période et jusqu’au début du mois d’octobre 2012, il effectuait des stages, bénévolement, et suivait des cours, de sorte qu’il lui arrivait de repousser les rendez-vous.

Ces allégations de l’hospice, relativement imprécises, sont contestées par le recourant et ne reposent sur aucun moyen de preuve ou indice concret. Par ailleurs, les courriels et échanges de courriels des 19 avril, 11 et 31 juillet 2012 produits par celui-ci montrent sa motivation en vue de trouver des formations et/ou emplois utiles, avec l’appui ou à tout le moins la compréhension de l’assistante sociale. Au surplus, selon un échange de courriels du 24 février 2012 produit par l’intéressé, celui-ci a accepté de changer la date d’un entretien à la demande de l’assistante sociale.

Cela étant, d’une part, un éventuel CASI n’aurait pas pu être signé tout de suite après l’exmatriculation du 19 mars 2012, mais sa signature aurait dû attendre au moins quelques semaines. D’autre part, l’intéressé s’est à tout le moins le 1er octobre 2012 réimmatriculé à l’université en violation de ses engagements. Cette circonstance n’aurait pu que faire cesser les effets d’un éventuel CASI très rapidement après son entrée en vigueur. Au demeurant, durant cette période d’avril à septembre 2012, le recourant n’a pas demandé la mise en place d’un CASI, ni a fortiori le versement de SI, et il n’est pas démontré qu’il aurait été prêt pour cela.

Dans ce contexte, le dépôt de la demande du recourant le 1er avril 2015 pour obtenir des SI pour une période antérieure de plus de deux ans et jusqu’à trois n’apparaît pas compatible avec le système de la LIASI dans le cadre duquel, pour les prestations de base, le versement des prestations présuppose et suive le dépôt d’une demande de la part de la personne requérante (art. 28 al. 1, 31 et 32 al. 1 LIASI). Cette demande de versement rétroactive, après une année de paiement de SI (dès le 1er avril 2014), apparaît en outre tardive sous l’angle des règles de la bonne foi (art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), qui impliquent notamment que les organes de l'État et les particuliers s'abstiennent d'adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2 ; 134 V 306 consid. 4.2).

À cela s’ajoute le large pouvoir d’appréciation dont dispose l’hospice dans le cadre de la fixation des objectifs d’un CASI, comme dans celui de l’octroi ou du refus de SI.

Il s’ensuit que le recourant n’est aucunement fondé à réclamer des SI à titre rétroactif pour la période de février à septembre 2012.

c. Pour ce qui est de la période d’avril 2013 à février 2014, l’hospice allègue que depuis avril 2013 à tout le moins, toute tentative de communication entre le recourant et l’assistante sociale échouait et qu’un suivi devenait impossible.

Ces allégations, non précises, ne sont toutefois pas corroborées par des documents probants.

En revanche, ne sont pas remises en cause par des éléments probants – mais au contraire confirmées par des échanges de courriels (des 6 août et 12 septembre 2013 ainsi que des 27 février et 5 mars 2014) que le recourant a produits – les allégations de l’hospice à teneur desquelles, afin de ne pas péjorer la situation de l’intéressé et de sa famille, l’assistante sociale a continué à verser des prestations d’aide sociale financière, sans recevoir le recourant, la seule exigence étant qu’il fournisse les documents nécessaires au versement de ses prestations (preuves de paiement et recherches d’emploi). Le recourant n’a ni allégué ni démontré avoir effectué des démarches durant cette période auprès de l’assistante sociale qui auraient pu conduire à l’élaboration d’un CASI.

Partant, comme exposé par l’intimé, la mise en place d’objectifs dans le cadre d’un CASI ne pouvait pas être abordée durant cette période d’avril 2013 à février 2014, ce qui excluait le versement d’éventuels SI (art. 7A al. 1 let. a et, a fortiori, al. 4 let. a RIASI ; ATA/404/2013 précité consid. 13).

Par ailleurs, les considérants énoncés plus haut retenant la tardiveté de la demande de versement rétroactif de SI par le recourant et rappelant le large pouvoir d’appréciation dont dispose l’intimé en la matière valent aussi pour cette période.

Vu ces circonstances, la prétention du recourant portant sur le versement rétroactif de SI pour la période d’avril 2013 à février 2014 est également infondé.

6. En définitive, la décision querellée est conforme au droit, ce qui entraîne le rejet des conclusions du recours.

Les conclusions en réparation du tort moral, outre qu’elles sont rendues sans objet par cette issue, ne relèvent en tout état de cause pas de la compétence de la chambre de céans, mais le cas échéant du Tribunal de première instance en application de l’art. 7 de la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40) et sont donc irrecevables.

7. En matière d’assistance sociale, la procédure est gratuite pour le recourant (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne pourra être allouée au recourant, qui ne l’a au surplus pas sollicitée (art. 87 al. 2 LPA).


* * * * *


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 10 janvier 2016 par M. A______ contre la décision de l’Hospice général du 8 décembre 2015 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à M. A______, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :