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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1893/2013

ATA/262/2015 du 10.03.2015 ( LOGMT ) , REJETE

Descripteurs : BAIL À LOYER ; LOCATAIRE ; DROIT AU LOGEMENT ; ALLOCATION DE LOGEMENT ; PRESTATION COMPLÉMENTAIRE ; SUBSIDIARITÉ ; MINIMUM VITAL ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : Cst.8; Cst.29; LGL.39A.al1; LGL.39A.al4
Résumé : La disposition interdisant le cumul entre l'allocation de logement et les prestations complémentaires à l'AVS/AI est conforme au droit supérieur. Le régime légal des prestations complémentaires est un régime intégral, dans lequel l'ensemble des besoins vitaux des personnes concernées est appréhendé. Il est conforme aux principes constitutionnels, notamment de l'égalité de traitement et de la proportionnalité. La jurisprudence de la chambre administrative en la matière a été confirmée par le Tribunal fédéral. Par conséquent, la recourante, mise au bénéfice de prestations complémentaires, n'a plus droit à l'allocation de logement et la question de savoir si elle a entrepris des démarches suffisantes pour trouver un autre logement moins onéreux peut souffrir de rester ouverte.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1893/2013-LOGMT ATA/262/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 mars 2015

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par le Centre social protestant,
soit pour lui, Monsieur Rémy Kammermann, mandataire

contre

 

OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIÈRE



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1943 et d'origine britannique, est locataire depuis le 1er décembre 2007 d'un appartement de trois pièces au 4ème étage de l'immeuble sis chemin B______, 1202 Genève, au Petit-Saconnex.

La demande de location de l'intéressée avait été acceptée le 9 novembre 2007 par l’office du logement, devenu par la suite l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF).

2) À la conclusion du contrat de bail du 16 novembre 2007, son loyer mensuel s'élevait à CHF 1'203.-, charges comprises, soit 14'436.- par an.

3) Par décision du 23 juin 2009, l'OCLPF a octroyé à Mme A______ une allocation de logement pour la période du 1er avril 2009 au 31 mars 2010, à hauteur de CHF 250.- par mois, soit CHF 3'000.- par an.

4) Le 16 juillet 2009, Mme A______ a été informée par sa régie d'une augmentation de son loyer, laquelle faisait suite à une décision de l'OCLPF réduisant dès le 1er septembre 2009 la subvention de cet immeuble sous régime HLM. Elle devait ainsi s'acquitter, dès cette date, d'un montant de CHF 1'338.- par mois, charges comprises, soit annuellement CHF 16'056.-.

5) L'immeuble concerné est sorti du contrôle étatique le 1er janvier 2012.

6) Le 28 mars 2012, l'OCLPF a décidé d'accorder à Mme A______ une allocation de logement en secteur non subventionné pour la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2013. Son attention était attirée sur le fait que la prestation ne se renouvellerait pas automatiquement à l'échéance de cette période et qu'il lui appartenait de déposer une nouvelle demande complète en février 2013. Par ailleurs le renouvellement de l'allocation au logement au 1er avril 2013 était soumis à trois conditions cumulatives, à savoir :

-                 qu'elle maintienne sans interruption sa demande de logement enregistrée auprès des services de l'OCLPF portant sur les secteurs Charmilles-Châtelaine, Grand-Pré-Vermont, Saint-Jean, Sécheron, Petit-Saconnex, étant précisé qu'il lui incombait de prendre contact avec le service des demandes de logement avant la prochaine date d'échéance de ladite demande fixée au 10 juillet 2012 ;

-                 qu'elle effectue des démarches actives en vue de trouver un logement moins onéreux que le sien, notamment auprès de la gérance immobilière municipale et des régies de la place ;

-                 qu'elle ne refuse pas une proposition portant sur un logement moins cher ou qu'elle n'accepte pas une proposition relative à un appartement plus cher, sans motif valable.

7) Le 18 décembre 2012, le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a établi le droit aux prestations de Mme A______ pour l'année 2013. Compte tenu notamment du fait qu'elle percevait une rente de l'assurance-vieillesse (ci-après : AVS) de CHF 547.- par mois, ainsi que des prestations d'assistance de l'ordre de CHF 845.- par mois, elle avait droit à des prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF) à hauteur de CHF 985.- par mois. À teneur du plan de calcul des prestations complémentaires (ci-après : PC), elle n'allait en revanche pas percevoir de prestations complémentaires cantonales (ci-après : PCC). Son loyer était pris en compte dans le calcul à concurrence de CHF 13'200.- par an, charges comprises.

8) Le 13 février 2013, l'intéressée a déposé une demande de renouvellement de l'allocation de logement dès le 1er avril 2013.

9) Par décision du 17 avril 2013, l'OCLPF a supprimé l'allocation de logement accordée à Mme A______ dès le 1er avril 2013, au motif qu'elle n'avait pas allégué avoir effectué des démarches suffisantes en vue de trouver un logement moins onéreux. Elle n'avait présenté aucun justificatif de ses recherches, lesquelles devaient être qualifiées de tardives. Son dossier ne faisait en outre état d'aucun motif susceptible d'être qualifié d'inconvénient majeur.

10) Le 29 avril 2013, Mme A______ a formé réclamation contre cette décision, par un courrier rédigé en langue anglaise. Elle contestait en substance que ses recherches fussent insuffisantes et mentionnait des problèmes de santé qu'elle rencontrait, ainsi que les contraintes qu'ils occasionnaient.

11) Par décision sur réclamation du 13 mai 2013, l'OCLPF a confirmé à Mme A______ que l'allocation de logement ne pouvait pas lui être octroyée.

Malgré ses explications, l'intéressée ne pouvait se prévaloir d'avoir effectué des démarches suffisantes en vue de trouver un logement moins cher, justificatifs écrits à l'appui. En particulier, sa demande de logement auprès des services de l'OCLPF avait été épurée le 11 juillet 2012, alors qu'elle avait été avertie de la date d'échéance y relative. Sa nouvelle demande de logement déposée le 26 novembre 2012 s'avérait insuffisante en raison de son importante restriction géographique. Enfin, elle ne s'était prévalue d'aucun inconvénient majeur au sens de la loi et de la jurisprudence en la matière. Sa réclamation était par conséquent mal fondée.

Au surplus, un nouvel art. 23B (recte : 39A) al. 4 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05) excluait depuis le 1er avril 2013 le cumul entre l'allocation de logement et les prestations complémentaires fédérales et cantonales à l'assurance-vieillesse. Les locataires ne pouvaient ainsi ni cumuler les aides, ni choisir celle qui leur était financièrement la plus avantageuse. Cette règle ne découlait pas d'une directive interne, mais d'une loi formelle approuvée par le peuple. Aucune dérogation ne pouvait être accordée, dans la mesure où l'OCLPF ne disposait d'aucune marge de manœuvre dans l'application de cette disposition. Dès lors que Mme A______ se trouvait au bénéfice des PC, elle ne pouvait plus percevoir l'allocation de logement.

12) Par acte du 13 juin 2013, Mme A______, par l'intermédiaire du Centre social protestant (ci-après : CSP), a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur réclamation précitée, concluant préalablement à l'ouverture des enquêtes, principalement à son annulation.

Elle n'avait jamais cessé de chercher un logement à un prix plus abordable et avait notamment été inscrite auprès du service des demandes de logement de l'OCLPF et des fondations immobilières de droit public durant plus de huit ans. Pendant toute cette période, elle n'avait reçu qu'une proposition adéquate de relogement, dans un appartement finalement attribué à un tiers. Elle avait aussi effectué de nombreuses démarches auprès des régies genevoises, procédant soit en se déplaçant dans leurs locaux, soit par téléphone. Elle avait régulièrement consulté les petites annonces dans les journaux et placé des annonces sur les panneaux des magasins et organisations internationales. Elle s'était adressée à des concierges d'immeubles et avait mobilisé son réseau. Toutes ses recherches s'étaient révélées infructueuses et elle n'avait pas trouvé d'offre plus avantageuse que le logement qu'elle occupait.

Elle avait oublié de renouveler son inscription auprès de l'OCLPF en 2012, en raison de ses problèmes de santé, et avait pallié ce manquement en déposant une nouvelle demande le 26 novembre 2012.

Son état de santé s'était dégradé au fil du temps ; elle avait subi trois opérations chirurgicales pour une hernie discale et souffrait de problèmes de genoux liés à un accident survenu en 2010. Elle avait également du diabète, pour lequel elle suivait un traitement. Sa mobilité était par conséquent fortement réduite. Elle avait, dans ce contexte, fait rénover et adapter sa salle de bains afin de sécuriser ses déplacements. Elle souffrait en outre, depuis plus d'une année, de divers symptômes. Éprouvant des troubles de la vue et de l'équilibre, ainsi que des vertiges, elle s'était récemment soumises à des examens. Deux certificats médicaux établis par le Docteur C______ le 6 juin 2013 attestaient que Mme A______ souffrait d'une maladie neurologique chronique et d'une maladie chronique invalidante ; elle ne se trouvait pas en état de déménager, ce pour une période indéterminée. Son appartement était idéalement situé, à proximité d'une pharmacie et du centre médico-chirurgical dans lequel elle était suivie.

Elle avait ainsi prouvé avoir procédé à des recherches suffisantes d'un logement moins cher. Son état de santé et toutes les conséquences en découlant constituaient des inconvénients majeurs à un déménagement.

L'interprétation que l'OCLPF faisait de la disposition de la LGL concernant le cumul de l'allocation de logement avec les PC était erronée, contrevenait au but du législateur et créait une inégalité de traitement. Cette nouvelle disposition n'excluait que la superposition de deux prestations en tant qu'un tel cumul pouvait conduire à une surindemnisation pour la couverture d'un même besoin. En revanche, elle n'excluait pas qu'une personne perçoive deux prestations différentes tant que l'une couvrait un besoin non couvert par l'autre. Or, dans le cadre de la fixation des PC de Mme A______, le loyer annuel pris en compte était de CHF 13'200.-, alors que son loyer annuel réel s'élevait à CHF 16'056.-. Les PC ne couvraient ainsi pas la part restante, soit CHF 2'856.-. Lorsqu'elle avait reçu des allocations de logement, celles-ci se montaient à CHF 3'000.- par an et son loyer réel était couvert dans son intégralité. Par conséquent, la suppression des allocations de logement revenait à lui retirer une prestation garantissant son minimum vital et créait une inégalité de traitement entre une personne au bénéfice des PC et un autre citoyen.

13) L'OCLPF a répondu le 2 juillet 2013, concluant au rejet du recours.

L'art. 39A al. 4 LGL était conforme à la législation fédérale et cantonale, ainsi qu'aux principes constitutionnels généraux. Le régime des PC de l'AVS/AI était un système intégral couvrant la totalité des besoins des bénéficiaires. L'un des objectifs du projet de loi concernant la loi sur le revenu déterminant le droit aux prestations sociales cantonales du 19 mai 2005 (LRD - J 4 06 ; ci-après : PL 9135), était d'opérer une hiérarchisation et une harmonisation des prestations. Dans la mesure où les besoins vitaux étaient couverts, les bénéficiaires de l'aide sociale ne pouvaient prétendre à une aide économique leur permettant d'accéder à un logement dont le loyer excédait les normes sociales en la matière. Le fait que la prise en compte du loyer dans le cadre des prestations complémentaires soit plafonnée était sans importance. Il n'était pas question d'opérer une différence entre deux catégories de citoyens, soit ceux bénéficiant des PC et les autres, mais de rétablir une égalité en faveur des salariés. Le but de la loi était ainsi respecté et ses dispositions étaient conformes au droit supérieur.

L'OCLPF n'avait donné aucune assurance à Mme A______ quant à l'octroi ou non d'une allocation de logement et ne l'avait nullement incitée à conclure son contrat de bail. La modification de la loi, en particulier l'introduction de la disposition de l'art. 39A al. 4 LGL avait été régulièrement publiée. Le principe de la bonne foi était respecté.

Enfin, la conclusion de la recourante quant à l'ouverture d'enquêtes devait être rejetée, dans la mesure où cela s'avérait inutile et n'était pas de nature à démontrer un fait allégué.

14) Le 8 juillet 2013, Mme A______ a été mise au bénéfice de l'assistance juridique, limitée aux frais, dès le 20 juin 2013.

15) Le 30 juillet 2013, Mme A______ a, sous la plume de son conseil, persisté dans son argumentation et ses conclusions.

16) Le 8 août 2013, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 34 du règlement d’exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 - RGL - I 4 05.01 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante sollicite préalablement l'ouverture d'enquêtes.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1).

b. Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 p. 148 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; ATA/10/2015 du 6 janvier 2015).

c. En l'espèce, la chambre de céans dispose d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige et de se prononcer sur les griefs soulevés en toute connaissance de cause, étant précisé que la question à trancher est de nature essentiellement juridique, comme il sera vu ci-après. Partant, dans la mesure où l'acte d'instruction sollicité ne s'avère pas susceptible d'influer sur l'issue du litige, il ne sera pas donné suite à la requête de la recourante.

3) Le litige porte sur le refus de l'autorité intimée d'octroyer à la recourante une allocation au logement dès le 1er avril 2013, d'une part en raison de l’exclusion du cumul entre cette allocation et les PCF et PCC et, d'autre part, au motif qu'elle n'aurait pas entrepris de démarches suffisantes pour trouver un logement moins cher.

4) La recourante conteste la compatibilité de l'art. 39A al. 4 LGL avec différentes normes de droit supérieur. Cette disposition aurait pour conséquence de la priver des ressources lui permettant de couvrir son minimum vital, ce qui contreviendrait à la volonté du législateur. Elle créerait par ailleurs une inégalité de traitement entre les personnes bénéficiant de PC et les autres citoyens.

5) a. Aux termes de l'art. 39A al. 4 LGL, le cumul entre l'allocation de logement et les PC est exclu.

b. Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances (ATF 138 V 176 consid. 8.2 p. 183 ; 134 I 23 consid. 9.1 p. 42 ; 131 I 1 consid. 4.2 p. 6). Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 138 I 225 consid. 3.6.1 p. 229 ; 138 I 265 consid. 4.1 p. 267 ; ATF 137 V 334 consid. 6.2.1 p. 348 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_582/2013 du 2 mai 2014 consid. 6.2.1). L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 129 I 346 consid. 6 p. 357 ; arrêts du Tribunal fédéral 1F_2/2014 du 3 juillet 2014 consid. 1.3.1 et 2C_200/2011 du 14 novembre 2011 consid. 5.1).

6) a. À teneur de l’art. 39A al. 1 LGL, si le loyer d’un immeuble admis au bénéfice de la LGL constitue pour le locataire une charge manifestement trop lourde, eu égard à son revenu et à sa fortune, et si un échange avec un logement moins onéreux ne peut se réaliser sans inconvénients majeurs, ce locataire peut être mis au bénéfice d’une allocation de logement. L’allocation est allouée du 1er avril de chaque année au 31 mars de l’année suivante (art. 28 al. 1 RGL). Elle est proportionnelle au revenu et vise à ramener le taux d’effort des bénéficiaires aux niveaux fixés à l’art. 21 RGL (art. 24 al. 1 LGL). Elle s’élève au maximum à CHF 1'000.- la pièce par an et ne peut dépasser la moitié du loyer effectif (art. 24 al. 2 RGL).

b. L’allocation de logement se distingue de la subvention personnalisée accordée à certaines conditions aux locataires d'un logement situé dans un immeuble d’habitation mixte (art. 23B LGL). Le cumul entre cette subvention et les PC est exclu par la LGL, à l'instar du cumul litigieux (art. 23B al. 4 LGL). Il en va de même du cumul entre la subvention personnalisée et l'allocation de logement (art. 23B al. 3 LGL).

7) a. Les PCF sont notamment régies par la loi sur les prestations complémentaires du 6 octobre 2006 (LPC - RS 832.30). Elles ont pour but la couverture des besoins vitaux (art. 2 al. 1 LPC). La LPC est complétée et mise en œuvre par la loi cantonale sur les prestations fédérales complémentaires à l’AVS et à l’AI du 14 octobre 1965 (LPFC - J 4 20). En application de l’art. 2 al. 2 LPC, le canton de Genève a prévu des PCC, régies par la loi sur les prestations cantonales complémentaires à l’AVS et à l’AI du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25) et dont les prestations sont supérieures à celles octroyées par la LPC (art. 2 al. 2 LPC et 1ss LPCC).

Le cercle des bénéficiaires des PCF est fixé à l'art. 4 LPC. Y ont notamment droit les personnes majeures qui perçoivent une rente AVS ou AI si elles ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse (art. 4 al. 1 et 6 LPC). Le droit aux PCC est plus restreint. Ainsi, le bénéficiaire suisse d'une rente AVS ou AI ne peut-il y prétendre s'il n'a pas été domicilié sur le territoire suisse ou dans un État membre de l'Association européenne de libre échange ou de l'Union européenne au moins cinq ans durant les sept dernières années précédant la demande (art. 2 al. 2 LPCC).

b. Dans le système des PC, le montant de la prestation annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC et 15 al. 1 LPCC).

En relation avec les PCF, les dépenses reconnues comprennent principalement un montant destiné à la couverture des besoins vitaux correspondant au forfait fixé à l'art. 10 al. 1 let. a LPC - dont la hauteur dépend du nombre de personnes composant le groupe familial - et le loyer d'un appartement et les frais accessoires y relatifs, dont le montant est plafonné à CHF 13'200.- pour les personnes seules et à CHF 15'000.- par an pour les couples avec ou sans enfants (art. 10 al. 1 LPC).

Au niveau cantonal, les dépenses reconnues sont plus élevées et comprennent notamment des forfaits pour la couverture des besoins vitaux et pour les dépenses personnelles (art. 3 al. 1 et 3 RPCC du règlement relatif aux PCC à l’AVS et à l’AI du 25 juin 1999 - RPCC-AVS/AI - J 4 25.03). En revanche, le forfait pour les dépenses de loyer est le même que celui fixé par le droit fédéral (art. 36F let. b LPCC a contrario).

c. Du droit aux PC découle tout un ensemble de droits sociaux complémentaires disséminés dans les lois spéciales, dont notamment les suivants.

Selon l'art. 14 LPC, les cantons remboursent aux bénéficiaires d'une PC annuelle les frais de l’année civile en cours dûment établis de traitement dentaire, d'aide, de soins et d'assistance à domicile ou dans d'autres structures ambulatoires, liés aux cures balnéaires et aux séjours de convalescence prescrits par un médecin, liés à un régime alimentaire particulier, de transport vers le centre de soins le plus proche, de moyens auxiliaires et ceux payés au titre de la participation aux coûts selon l'art. 64 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), soit la franchise de 10 %.

La loi d’application de la LAMal du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05) accorde aux assurés bénéficiaires des PC un droit à des subsides pour tous les membres de la famille correspondant au montant de leurs primes d'assurance obligatoire des soins si ce dernier ne dépasse pas la prime moyenne cantonale (art. 20 al. 1 let. b et 22 al. 6 LaLAMal).

Les bénéficiaires de PC familiales, soit exclusivement des personnes ne pouvant prétendre à des PCF ou à des PCC (art. 36C al. 1 LPCC), ont droit au remboursement des frais dûment établis engagés pour la garde des enfants âgés de moins de 13 ans et pour les frais de soutien scolaire des enfants âgés de moins de 16 ans, dans la mesure où ils supportent eux-mêmes ces frais (art. 36G LPCC).

Sur demande, les bénéficiaires de PC sont exonérés de l'obligation de payer la redevance de réception de la radio et de la télévision (art. 64 al. 1 de l'ordonnance sur la radio et la télévision du 9 mars 2007 - ORTV - RS 784.401).

Ils bénéficient d'une aide sociale ramenant à CHF 66.- pour chacun des membres du groupe familial l'abonnement annuel pour les transports publics genevois (art. 17 LPCC et 7A al. 1 RPCC).

Enfin, les revenus perçus en vertu de la LPC et de la LPCC sont exonérés d'impôts (art. 27 let. i de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08).

8) a. Selon la jurisprudence, la pluralité des prestations et des lois applicables aux bénéficiaires de PC démontre que la couverture des besoins vitaux de ces personnes est considérée de manière globale et consolidée. Il s'agit d'un régime « intégral » dans lequel l'ensemble des besoins des ménages est appréhendé. Le choix opéré par les législateurs fédéral et cantonal de fixer un forfait pour les dépenses du loyer, avec le risque que celui-ci soit inférieur aux dépenses effectives, ne rend pas inconstitutionnelle l'interdiction du cumul, laquelle provient du fait que le régime légal des PC se suffit à lui-même et n'a pas besoin de l'apport d'autres prestations catégorielles, parmi lesquelles les allocations de logement, pour assurer la couverture des besoins vitaux des personnes concernées (ATA/10/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/927/2014 du 25 novembre 2014 consid. 9 ; ATA/805/2013 du 10 décembre 2013 consid. 17 ; ATA/804/2013 du 10 décembre 2013 consid. 15 ; ATA/803/2013 du 10 décembre 2013 consid. 13 ; ATA/802/2013 du 10 décembre 2013 consid. 12).

b. Conformément à la jurisprudence, la situation des bénéficiaires de PC ne peut dès lors être comparée à celle des bénéficiaires potentiels d'une allocation de logement, notamment les salariés, qui ne bénéficient pas des mêmes prestations sociales et sont traités de manière totalement différente par la loi, de sorte que l’interdiction du cumul ne viole pas le principe d’égalité de traitement (ATA/10/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/927/2014 du 25 novembre 2014 consid. 9 ; ATA/805/2013 du 10 décembre 2013 consid. 17 ; ATA/804/2013 du 10 décembre 2013 consid. 15 ; ATA/803/2013 du 10 décembre 2013 consid. 13 ; ATA/802/2013 du 10 décembre 2013 consid. 12).

c. Il découle par ailleurs également des considérations qui précèdent que l’art. 39A al. 4 LGL ne se heurte pas au principe de la proportionnalité, l’exclusion du cumul constituant le corollaire de l’appréhension globale de la situation et des besoins des ménages, y inclus en relation avec leur logement, par le système des PC et étant par conséquent adéquat et nécessaire pour assurer la cohérence dudit système.

d. Le Tribunal fédéral a récemment confirmé cette jurisprudence de la chambre de céans (arrêt du Tribunal fédéral 8D_1/2014 du 4 février 2015 ; voir également l'arrêt du Tribunal fédéral 8D_2/2014 du 4 février 2015 en matière de subvention personnalisée au logement).

9) En l'espèce, au vu de ce qui précède et dans la mesure où il est établi que la recourante bénéficie des PCF depuis le 1er janvier 2013, les griefs de défaut d'une couverture intégrale de ses besoins vitaux et d'inégalité de traitement ne pourront qu'être écartés.

Par conséquent, la décision de l'OLCPF de refuser à la recourante l'allocation au logement dès le 1er avril 2013 au motif que le cumul avec les PC est exclu au sens de l'art. 39A al. 4 LGL est conforme au droit.

10) Compte tenu de ce qui précède, la question de savoir dans quelle mesure la recourante a effectué suffisamment de démarches en vue de trouver un autre logement, moins onéreux, peut souffrir de rester ouverte.

11) Le recours sera ainsi rejeté. En raison des circonstances de la cause et de la proximité de celle-ci avec le domaine des PC, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 juin 2013 par Madame A______ contre la décision de l’office cantonal du logement et de la planification foncière du 13 mai 2013 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au Centre social protestant, soit pour lui Monsieur Rémy Kammermann, mandataire de la recourante, ainsi qu'à l'office cantonal du logement et de la planification foncière.

Siégeants : Mme Junod, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :