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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2458/2010

ATA/259/2013 du 23.04.2013 sur JTAPI/423/2012 ( ICCIFD ) , ADMIS

Descripteurs : ; DROIT FISCAL ; IMPÔT ; IMPÔT SUR LE REVENU ; DÉCISION DE TAXATION ; CALCUL DE L'IMPÔT ; REVENU ; DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL) ; OBLIGATION D'ENTRETIEN ; PENSION D'ASSISTANCE ; DIVORCE ; PERSONNE DIVORCÉE ; ACTION EN RECTIFICATION ; ERREUR SUR LES MOTIFS
Normes : LPA.60; LPA.85; LIPP-V.5; LIPP-V.71; LIPP-V.72; LIFD.24.lete; LIFD.33.al1.letc
Résumé : Détermination des parts d'une pension alimentaire versée en faveur de deux bénéficiaires indistincts (ex-épouse du contribuable et leur enfant majeur), seule l'une d'entre elles étant déductible (part allouée à l'ex-épouse).
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2458/2010-ICCIFD ATA/259/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 avril 2013

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur S______ et Madame A______-S______
représentés par Me Daniel Schafer, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 mars 2012 (JTAPI/423/2012)


EN FAIT

Monsieur S______, né le ______ 1959, est domicilié à Genève et marié depuis 2007 à Madame A______-S______ (ci-après : les contribuables). Il s'est divorcé de Madame C______ S______, née M______, domiciliée à B______ dans le canton de Vaud, le 23 février 2007. Une fille dénommée T______, née le ______ 1989, est issue de cette union.

Les effets du divorce des ex-époux ont été réglés par une convention (ci-après : convention de divorce) datant de l'automne 2006. Aux termes de celle-ci, l'autorité parentale et le droit de garde sur l'enfant T______ sont conférés à sa mère. M. S______ y reconnaît devoir à C______ S______-M______ « le régulier service d'une contribution d'entretien viagère s'élevant, toutes éventuelles allocations familiales comprises, à CHF 12'000.- par mois (…), avec cette précision que dite contribution englobe les frais liés à l'entretien courant de la jeune T______, tant et aussi longtemps que celle-ci cohabitera avec sa mère.

Dès l’accession de C______ S______-M______ aux prestations AVS et LPP lui revenant, soit dès le ______ 2018, la contribution d'entretien ci-dessus sera réduite de la contre-valeur du tiers de celle-ci (…).

Dès l'âge légal de la retraite de M. S______, soit dès et y compris le ______ 2024, la contribution ci-dessus sera réduite de moitié (…) ».

Dans leur déclaration fiscale 2007, les contribuables ont porté en déduction de leurs revenus la pension alimentaire de CHF 144'000.- (12 x CHF 12'000.-) versée à Mme S______-M______.

Par lettre du 16 mars 2009, l'administration fiscale cantonale genevoise (ci-après : AFC-GE) a demandé aux contribuables les justificatifs des versements de ladite pension. T______ étant devenue majeure le ______ 2007, et les pensions versées à un enfant majeur n'étant pas déductibles, elle souhaitait connaître la part des CHF 144'000.- attribuée à T______ et celle revenant à sa mère, ce à quoi M. S______ a répondu qu'une telle répartition n'avait pas été prévue dans la convention de divorce.

Suite à cette information, le 13 juillet 2009, l'AFC-GE a admis en faveur des contribuables la déduction de l'intégralité des CHF 144'000.- versés dans la taxation 2007. En contrepartie, elle n'octroyait pas de charge de famille pour T______.

Dans leur déclaration fiscale 2008, les contribuables ont sollicité la même déduction de CHF 144'000.- pour les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) et pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD).

L'AFC-GE leur a écrit le 26 mars 2010.

Elle souhaitait obtenir une copie du jugement de divorce, les justificatifs de la pension alimentaire effectivement versée, ainsi qu'une attestation signée de Mme S______-M______ comportant le détail des frais afférents à l'entretien de T______.

Le 22 avril 2010, les contribuables ont produit les attestations relatives à la pension alimentaire versée (12 x CHF 12'000.-).

L'état des relations entre les ex-époux empêchait par ailleurs les contribuables de fournir une attestation signée de Mme S______-M______.

Par deux bordereaux séparés, datés du 18 mai 2010, les contribuables ont été taxés pour l'année 2008 en ICC et en IFD.

Pour l'ICC, l'AFC-GE admettait une déduction de CHF 48'000.- à titre de pension alimentaire en faveur de Mme S______-M______. Le solde de CHF 96'000.- (soit CHF 8'000.-/mois) étant considéré comme versé en faveur d'un enfant majeur. Cette somme n'était pas déductible pour le débiteur de la prestation ; en contrepartie, elle n'était pas imposable chez le bénéficiaire. En revanche, une demi-charge était admise pour l'entretien de T______ (déduction de CHF 3'374.-).

Le même calcul valait pour l'IFD, sauf qu'une pleine charge de famille était accordée (CHF 6'100.-).

Le 27 mai 2010, les contribuables ont formé réclamation contre ces deux bordereaux. Ils sollicitaient notamment la déduction de l'intégralité de la pension alimentaire versée à Mme S______-M______ (CHF 144'000.-). Ils invitaient par ailleurs l'AFC-GE à contacter l'administration fiscale vaudoise (ci-après : AFC-VD) pour connaître le montant de la pension imposée à Mme S______-M______ dans le canton de Vaud.

Par décision rendue sur réclamation le 28 juin 2010, l'AFC-GE, se fondant sur des informations qu'elle avait reçues de l'AFC-VD relatives à Mme S______-M______, a accepté de déduire la pension alimentaire litigieuse à hauteur de CHF 96'000.-, la part afférant à T______ étant fixée à CHF 4'000.- par mois (soit CHF 48'000.- par an). La demi-charge de famille (ICC) et la pleine charge (IFD) étaient par ailleurs maintenues.

Par acte du 5 juillet 2010, les contribuables ont recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative, devenue depuis lors le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), en sollicitant la déductibilité de l'intégralité des CHF 144'000.- versés.

Par jugement du 27 mars 2012, le TAPI a rejeté le recours portant sur l'IFD 2008 et admis partiellement celui concernant l'ICC 2008 (admission de la déductibilité de primes d'assurances maladie et accident, point qui n'est plus litigieux). Il a rejeté le recours pour le surplus.

En IFD, l'art. 33 al. 1 let. c de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) excluait la déduction des contributions d'entretien allouées aux enfants majeurs. La convention de divorce prévoyait que M. S______ verserait à son ex épouse une contribution d'entretien de CHF 12'000.- par mois. Ce montant englobait les frais liés à l'entretien de leur fille T______. Ladite convention ne précisant pas quelle part revenait à celle-ci et quelle part était allouée à sa mère, il avait fallu opérer une répartition. Mme S______-M______ avait déclaré à l'autorité fiscale vaudoise avoir perçu CHF 96'000.- de contributions d'entretien en 2008. Le choix de l'AFC-CH de se fonder sur cette déclaration pour procéder à la répartition entre les deux bénéficiaires de la pension n'était pas arbitraire, bien que Mme S______-M______ ait indiqué devant le TAPI que sa fille habitait encore chez elle en 2008. Il s'ensuivait que la contribution versée à T______ par son père cette année-là était bien de CHF 48'000.- (CHF 144'000.- moins CHF 96'000.-). En application de l'art. 33 al. 1 let. c LIFD, les contribuables ne pouvaient faire valoir en déduction cette somme, T______ étant majeure à cette date.

Le même raisonnement valait pour l'ICC.

La légalité d'autres points contestés dans ce recours, mais qui ne sont plus litigieux, était par ailleurs confirmée. En particulier, la demande d'une charge de famille pour personnes nécessiteuses au sens de l'art. 213 al. 1 let. b LIFD ne pouvait être cumulée avec la pleine charge de famille accordée par l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CHF), s'agissant de T______.

Il était enfin précisé que les ex-époux auraient atteint l'âge de la retraite en 2018, pour M. S______, et en 2024 pour son ex-épouse.

Par acte du 30 avril 2012, les contribuables ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement, en concluant à ce qu'une déduction de CHF 120'000.- sur les CHF 144'000.- versés soit accordée. Ils demandaient également que les dates retenues par le TAPI dans la partie en fait de son jugement concernant l'accession aux prestations AVS et LPP de M. S______ et de son ex-épouse soient corrigées.

La répartition entre T______ et sa mère de la contribution d'entretien de CHF 144'000.- était contestée. L'attribution de CHF 48'000.- à T______ était arbitraire et ne correspondait pas à la réalité économique d'une étudiante de 19 ans.

En sus de la contribution d'entretien litigieuse, ils avaient versé mensuellement en faveur de T______ CHF 530.- d'assurance-maladie et CHF 1'500.- de frais de formation. Étudiante en faculté de droit à Neuchâtel, celle-ci avait en effet encouru des frais de logement (studio) qui avaient été pris en charge par son père.

Certes, la convention de divorce ne prévoyait pas de répartition de la contribution d'entretien entre ses deux bénéficiaires. La réalité des CHF 1'500.- par mois versés en sus à T______ attestait cependant du caractère exorbitant des CHF 4'000.- par mois de contributions d'entretien retenus par l'AFC-GE et l'AFC-CH.

Selon ces autorités, T______ aurait perçu CHF 5'500.- par mois (CHF 4'000.- plus CHF 1'500.-), ce qui dépassait tout calcul raisonnable pour l'entretien d'une jeune fille de 19 ans.

Le TAPI a déposé son dossier le 15 mai 2012.

L'AFC-GE a répondu au recours le 4 juin 2012 en concluant à son irrecevabilité partielle et à son rejet pour le surplus.

La conclusion concernant la correction des dates d'accession aux prestations AVS et LPP retenues par le TAPI était irrecevable, les contribuables ne disposant d'aucun intérêt personnel et pratique à l'admission du recours sur ce point.

S'agissant de la déductibilité de la contribution d'entretien, il appartenait aux recourants, en application des règles et principes régissant le fardeau de la preuve en droit fiscal, de démontrer par pièces que la part afférente à T______ était inférieure à celle retenue par le TAPI. Or, ils avaient échoué dans cette preuve. La répartition effectuée devait ainsi être confirmée.

Le 8 juin 2012, un ultime délai a été accordé aux parties pour formuler toute requête complémentaire. Ce dernier n'ayant pas été utilisé, les parties ont été informées le 3 août 2012 que la cause était gardée à juger.

En annexe à sa réponse, l'AFC-GE a produit trois pièces couvertes par le secret fiscal. Il s'agit de la déclaration fiscale 2007 de Mme S______-M______, accompagnée d'une note, ainsi que de ses déclarations 2008 et 2009. Il ressort de ces documents, et en particulier de la note précitée, que l'AFC-VD a fixé, pour ces années-là, à CHF 2'000.- la pension versée en faveur de T______, attribuant le reste du montant déclaré à sa mère.

Après qu'un délai leur ait été accordé pour formuler toute requête complémentaire, les parties ont été informées le 8 juin 2012 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 145 LIFD ; art. 53 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Les recourants demandent à la chambre administrative de réformer le jugement du TAPI en raison de deux erreurs de dates qu'il contient.

A teneur de l’art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/343/2012 du 5 juin 2012 consid. 2 et références citées).

Selon la jurisprudence, le recourant doit être touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué – qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait – doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 137 II 40 consid. 2.3 p. 43 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.152/2012 du 21 mai 2012 consid. 1.2). Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 134 II 120 consid. 2 p. 122 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; 8C_696/2011 du 2 mai 2012 consid. 5.1 ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009 consid. 3b ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009 consid. 3 et références citées). Un intérêt purement théorique à la solution d'un problème est de même insuffisant. Tel est le cas notamment si le recours vise les motifs de la décision et que, même admis, il n'y aurait pas lieu d'en modifier le dispositif (Arrêt du Tribunal fédéral I.239/05 du 22 mars 2007, consid. 4.2 ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009 consid. 3 ; ATA/5/2009 du 13 janvier 2009 consid. 3 ; P. MOOR, Droit administratif, vol. 2, 2ème éd., Berne 2002, p. 626-627, n. 5.6.2.1).

En l'espèce, le jugement entrepris indique par erreur que les droits à la retraite de Mme S______-M______ et de M. S______ s'ouvrent respectivement en 2024 et en 2018, alors que selon la convention de divorce, c'est l'inverse qui est vrai (1er septembre 2018 pour l'ex-épouse et 1er décembre 2024 pour le contribuable).

Outre que la référence à ces dates est sans pertinence pour résoudre la question juridique litigieuse, elle n'est pas mentionnée dans le dispositif dudit jugement. Dès lors, les recourants ne disposent d'aucun intérêt personnel et pratique à l'admission du recours sur ce point.

Leur conclusion concernant cette erreur de date doit ainsi être déclarée irrecevable devant la juridiction de céans. Une action en rectification d’erreur matérielle devant le TAPI demeure cependant ouverte, si les parties l’estiment nécessaire (art. 85 LPA).

Le recours est recevable pour le surplus.

La seule question juridique qui demeure encore litigieuse à ce stade de la procédure est celle de savoir comment il faut répartir la contribution d'entretien de CHF 12'000.- par mois (CHF 144'000.- pour l'année 2008) versée par M. S______ en faveur des deux bénéficiaires indistincts que sont Mme S______-M______ et sa fille. Cette répartition vise les taxations ICC et IFD de l'année 2008.

ICC 2008 :

La nouvelle loi sur l’imposition des personnes physiques adoptée le 12 juin 2009 par le Grand Conseil a été acceptée en votation populaire le 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08). Cette loi unifie les cinq lois issues de l’adaptation de la législation fiscale genevoise sur l’imposition des personnes physiques aux exigences de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14). A teneur de son art. 69 al. 1 let. e LIPP, ces cinq lois sont abrogées.

Conformément à son art. 71, la LIPP est entrée en vigueur le 1er janvier 2010. D’après son art. 72 al. 1, elle s’applique pour la première fois aux impôts de la période fiscale 2010. Les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent régis par les dispositions de l’ancien droit, même après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Le litige concernant la période fiscale 2008, la loi sur l’imposition des personnes physiques - Détermination du revenu net - Calcul de l’impôt et rabais d’impôt - Compensation des effets de la progression à froid du 22 septembre 2000 (aLIPP-V) s'applique.

Selon l'art. 5 aLIPP-V, sont déduits du revenu la pension alimentaire versée au conjoint divorcé, séparé judiciairement ou de fait, ainsi que les contributions d'entretien versées à l'un des parents pour les enfants sur lesquels il a l'autorité parentale, à l'exclusion toutefois des prestations versées en exécution d'une obligation d'entretien ou d'assistance fondée sur le droit de la famille. Selon la doctrine et la jurisprudence, cette disposition exclut la déduction des contributions d'entretien versées en faveur d'enfants majeurs auprès du contribuable qui en est débiteur, car elles apparaissent comme des prestations effectuées en exécution d'une obligation d'entretien fondée sur le droit de la famille (Administration fédérale des contributions, Circulaire no 14, in : Archives 63 291, Imposition de la famille selon la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct, C. 2 ; X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 184, n° 321 ; P. AGNER/B. JUNG/G. STEINMANN, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, no 9 ad art. 33 p. 130 ; C. JAQUES, De divers aspects du régime de déduction et d'imposition des pensions alimentaires, in : RDAF 1998 II 329 no 6.2 p. 348).

En contrepartie de l'imposition de ces montants chez le débiteur de la prestation, le bénéficiaire n'est pas imposé.

En l'espèce, le TAPI a considéré que sur les CHF 144'000.- versés à Mme S______-M______, CHF 48'000.- devaient être attribués à l'entretien de T______. Pour parvenir à ce résultat, il s'est fondé sur le montant de la pension déclaré par sa mère (CHF 96'000), en considérant que le solde (soit CHF 48'000.-) revenait à T______. Or, il résulte des pièces produites et couvertes par le secret fiscal, en particulier d'une note de l'AFC-VD annexée à la taxation 2007 de Mme S______-M______ que la part mensuelle de la pension afférant à T______ a été fixée par l'AFC-VD à CHF 2'000.- (soit CHF 24'000.- par an). Pour des raisons inconnues, qu'il n'y a pas lieu d'élucider dans la présente affaire, il existe ainsi une discordance dans les montants des versements attestés par M. S______ et les calculs retenus par l'AFC-VD.

Selon l'AFC-VD, la contribution d'entretien versée mensuellement en faveur de T______ serait dès lors de CHF 2'000.-, auxquels s'ajouteraient les CHF 530.- par mois de primes d'assurance-maladie versés par M. S______ en faveur de sa fille en 2008 et tous les autres frais liés à sa formation que ce dernier doit prendre en charge conformément à la convention de divorce. Bien que les versements qu'il produit à cet égard - et qui couvriraient notamment le loyer d'un studio pour T______ - ne concernent pas l'année litigieuse, mais des années ultérieures, il n'en demeure pas moins que l'existence d'une formation universitaire n'est pas mise en doute et que des frais y sont nécessairement liés.

Dans un tel contexte, la somme retenue par l'AFC-VD n'apparaît pas dénuée de réalité. Destinée à ne couvrir qu'une partie des frais d'entretien de T______, à l'exclusion de ceux liés à sa formation, elle satisfait largement aux besoins d'une étudiante de 19 ans issue d'une famille aisée, demeurant chez sa mère et dont les frais d'assurance-maladie sont par ailleurs pris en charge.

Elle est plus conforme à la réalité économique que ne le sont les CHF 48'000.- par an retenus par l'AFC-GE, qui porteraient les frais d'entretien mentionnés ci-dessus à CHF 4'530.- par mois (soit CHF 4'000.- de part de contribution d'entretien + CHF 530.- de primes d'assurance), hors frais de formation.

Ainsi, la référence faite par l'AFC-GE et le TAPI aux sommes retenues par l'AFC-VD n'est pas en elle-même arbitraire. Elle répond à un souci légitime de cohérence et les recourants ont d'ailleurs soutenu et encouragé une telle démarche dans leur réclamation du 27 mai 2010. Il convenait cependant de prendre en compte, pour procéder à la répartition, non pas la contribution d'entretien considérée comme versée à la mère de l'enfant par l'AFC-VD, mais bien les CHF 2'000.- estimés comme étant alloués chaque mois à T______ en plus des autres frais de formation et d'assurances, qui constituent autant de contributions d'entretien non déductibles, fondées sur le droit de la famille.

Ainsi, sur les CHF 144'000.- versés à Mme S______-M______, CHF 24'000.- ne peuvent pas être déduits, car ils sont versés à un enfant majeur. En revanche, CHF 120'000.- peuvent être portés en déduction du revenu des contribuables, en application de l'art. 5 aLIPP-V.

Ce grief sera dès lors admis.

IFD 2008 :

Le même raisonnement vaut pour l'IFD. Il se fonde sur l'art. 33 al. 1 let c. LIFD, dont la teneur est identique à l'art. 5 aLIPP-V et sur l'art. 24 let. e LIFD, qui est son corollaire (exemption des prestations versées en exécution d’une obligation fondée sur le droit de la famille chez le bénéficiaire).

Pour les motifs développés ci-dessus, le montant déductible doit être porté à CHF 120'000.-.

Le recours sera en conséquence admis et la cause sera renvoyée à l'AFC-GE pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Vu l'issue du litige et l'AFC-GE ne pouvant plus, en règle générale, être condamnée au paiement d'un émolument de procédure, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Dès lors qu'ils obtiennent gain de cause, une indemnité conjointe de CHF 1'000.-, à la charge de l'Etat de Genève, sera allouée aux recourants (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare partiellement recevable le recours interjeté le 30 avril 2012 par Monsieur S______ et Madame A______ S______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 mars 2012 ;

au fond :

l'admet, en tant qu'il est recevable ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 mars 2010 ;

annule la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 28 juin 2010 ;

annule les bordereaux de taxation ICC et IFD 2008 du 18 mai 2010 ;

renvoie la cause à l'administration fiscale cantonale pour nouvelles taxations IFD et ICC 2008 dans le sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Monsieur S______ et Madame A______ S______ une indemnité conjointe de CHF 1'000.- à la charge de l'Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniel Schafer, avocat des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :