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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1046/2022

ATA/219/2023 du 07.03.2023 sur JTAPI/946/2022 ( PE ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1046/2022-PE ATA/219/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 mars 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Laïla Batou, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 septembre 2022 (JTAPI/946/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1995, est ressortissant d’Afghanistan.

2) Le 23 octobre 2015, il a déposé une demande d’asile en Suisse, quatre jours après y être arrivé. Il a été attribué au canton de Genève.

3) Par ordonnance pénale du 17 novembre 2016, le Ministère public genevois l’a déclaré coupable d’injures, de menaces et de tentative de contrainte et condamné à 120 jours-amende, sous déduction de 84 jours de détention avant jugement, avec un sursis de trois ans.

4) Le 30 avril 2018, le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) a rejeté sa demande d’asile, prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 25 juin 2018 pour quitter la Suisse, en application de l’art. 83 al. 7 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

5) Le Tribunal administratif fédéral a partiellement admis le recours de M. A______ et invité le SEM à prononcer une admission provisoire en raison de l’inexigibilité de l’exécution du renvoi compte tenu de l’état de santé de l’intéressé.

6) Par décision du 23 octobre 2020, le SEM a prononcé l’admission provisoire de M. A______. Cette admission a été renouvelée régulièrement.

7) Le 12 février 2021, M. A______ a sollicité une autorisation de séjour sur la base de l’art. 84 al. 5 LEI auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), requérant la transformation de son admission provisoire en autorisation de séjour.

Il avait fait beaucoup d’efforts pour s’intégrer, ayant appris le français (niveau B1 oral) et s’investissant dans des activités bénévoles et d’intégration à la vie citoyenne. Il avait démontré sa volonté de s’intégrer au marché du travail et n’était plus dépendant de l’Hospice général depuis 2019. Ses efforts d’intégration avaient toutefois été entravés par son état de santé : il souffrait, entre autres, d’une spondylarthrite ankylosante axiale avec syndrome inflammatoire et de douleurs importantes qui généraient une impotence fonctionnelle majeure. Il avait dès lors déposé une demande AI, étant en incapacité de travail à 100 % depuis le mois de janvier 2020. Il ne faisait pas l’objet de poursuites et n’avait plus eu de problème avec la justice à la suite de sa condamnation de décembre 2016.

8) Par ordonnance pénale du 30 octobre 2021, le Ministère public genevois a déclaré M. A______ coupable de dommage à la propriété, d’injures et de menaces ainsi que de voies de fait et l’a condamné à 120 jours-amende, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, ainsi qu’à une amende de CHF 300.-.

Le 23 octobre 2021, il avait traité un agent de sécurité du foyer de « sale arabe, fils de pute, mother-fucker, terroriste ». Le lendemain, il avait menacé le même agent à plusieurs reprises en disant qu’il allait le frapper, que si celui-ci ne venait pas le lundi suivant, il allait le retrouver et le tuer. Le 29 octobre 2021, M. A______ avait traité la même personne de « fils de pute, sale arabe », « mother-fucker, je vais te niquer ta mère, terroriste » et lui avait dit qu’il allait le frapper le soir même, qu’il allait revenir à quatre pour le frapper et « tu vas voir, je vais te faire un truc ce soir », en le pointant du doigt. M. A______ avait ensuite tenté de donner un coup de poing au visage de l’agent, l’avait poussé et, une fois au sol, avait donné de coups de pied dans le torse de celui-ci et tenté de le frapper à nouveau. Les coups de pied donné à l’agent avaient aussi endommagé le téléphone portable de ce dernier.

Entendu par la police, M. A______ avait reconnu les injures, mais pas les menaces et déclaré qu’il s’était uniquement défendu. Les trois autres agents de sécurité présents avaient exposé que M. A______ s’était rendu dans la loge de l’agent agressé, l’avait insulté et était devenu agressif au point où les quatre agents avaient dû utiliser la force pour le maîtriser. M. A______ avait touché l’agent au visage et tenté de lui donner des coups de poing alors qu’il était au sol.

9) Le 20 décembre 2021, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de ne pas accéder à sa requête.

10) Se déterminant à ce sujet, M. A______ a indiqué que sa condamnation récente devait être relativisée et ne suffisait pas à remettre en question le respect du critère d’intégration. Il avait voulu faire opposition à cette ordonnance, mais son avocate avait tardé à agir. Il a produit un courriel de Madame I______, travailleuse sociale de la Ville de de Genève, apportant des précisions sur le contexte dans lequel s’étaient produits les faits ayant motivé le prononcé de l’ordonnance pénale précitée.

11) Par décision du 28 février 2022, l’OCPM a refusé d’accorder une autorisation de séjour à M. A______ et de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM.

L’administré ne remplissait pas les critères prévus aux art. 84 al. 5 let. b LEI et 31 de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) puisqu’il avait été condamné à deux reprises pour des faits similaires.

12) a. Par acte du 1er avril 2022, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à l’octroi d’une autorisation de séjour en lieu et place de son admission provisoire.

Ayant été uniquement condamné par voie d’ordonnance pénale et s’étant vu infliger des peines pécuniaires et une amende, mais aucune peine privative de liberté, les infractions commises ne sauraient être qualifiées de graves. Près de cinq ans s’étaient écoulés entre le prononcé des deux ordonnances pénales. Les faits ayant mené à sa condamnation du 30 octobre 2021 résultaient d’un comportement isolé. L’on ne pouvait retenir un pronostic de récidive favorable, démontrant sa volonté de ne pas se conformer à l’ordre public. Son renvoi vers l’Afghanistan apparaissait durablement inexigible compte tenu de son état de santé et de la situation générale de ce pays.

b. Selon le certificat de travail de T______ SA portant sur la période du 10 septembre 2018 au 31 août 2019, M. A______ y avait travaillé en qualité de personnel d’entretien. La société relevait la ponctualité, la motivation, la flexibilité et le comportement parfait de l’employé, qui avait fait preuve de respect envers les autres et d’une collaboration parfaite avec tous les membres de l’équipe. Il s’était avéré un bon collaborateur.

Le certificat de stage, effectué du 26 janvier au 17 février 2018, auprès du Festival R______, relevait que M. A______ avait été « très apprécié par toutes les personnes avec lesquelles il avait interagi », était « ponctuel, sympathique et d’entière confiance ». M. A______ était en arrêt de travail à 100% depuis le 16 octobre 2019 et à 50% depuis le 18 février 2020, a résilié le contrat pour fin mars 2020.

c. Le service de probation et d’insertion a confirmé, le 28 mars 2022, que le recourant respectait le suivi mensuel en place depuis 17 novembre 2019, soulignant la « très bonne collaboration » de l’intéressé ainsi que le fait qu’il ne s’était pas seulement contenté de l’aide sociale, mais avait travaillé d’abord comme bénévole, puis comme employé dans le domaine du nettoyage, puis de la restauration. Sa volonté de bien faire s’était également manifestée par le remboursement des frais de justice, versant, en dépit de ses faibles revenus, une somme mensuelle de CHF 50.- pour rembourser cette dette.

d. Enfin, M. A______ a produit plusieurs attestations de particuliers : a) celle de Madame B______ du 21 mars 2022 décrivant le recourant comme « discret, attentionné, fidèle en amitié », « tolérant », s’intéressant aux coutumes et traditions des autres pays, ne refusant jamais de rendre service ; b) celle de Monsieur C______ du 20 mars 2022, soulignant les volonté et capacité du recourant à vouloir s’intégrer ; c) celle de Madame D______ du 21 mars 2022, qui avait rencontré le recourant au Troc social, relevant la persévérance de celui-ci à vouloir s’intégrer, apprendre le français. Il était une personne discrète et sincère, s’occupait des enfants avec douceur, sensibilité et bonne humeur, avait travaillé à la ludothèque. Il avait su gagner sa « confiance totale ». Il n’avait jamais tenu des propos violents ni manqué de respect envers qui que ce soit ; d) celle de Madame E______, du 20 mars 2022, exposant avoir rencontré, en sa qualité d’assistante sociale, l’intéressé en janvier 2016 et être restée en contact avec lui. Il était courtois, ponctuel, avenant, faisait preuve d’intégrité, d’une bonne capacité d’adaptation, était assidu dans son apprentissage du français, faisait du bénévolat et était digne de confiance ; e) celles de Mesdames F______ et G______ vantant les qualités humaines de M. A______ ; f) enfin celle de Monsieur H______ du 21 mars 2022, qualifiant le recourant de doux, sensible, attentionné, qui « malgré un soupçon de timidité et une bonne dose d’humilité » parlait facilement à tout type de personnes, engageait une conversation authentique, s’amusant des différences culturelles, d’une « gentillesse extrême ».

13) L’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués dans ce cadre n’étant pas de nature à modifier sa position. La décision était essentiellement motivée par les deux condamnations.

14) Dans sa réplique, M. A______ a fait valoir que ses possibilités de réintégration en Afghanistan et l’exigibilité d’un retour étaient des éléments qui devaient être pris en compte dans le cadre de l’analyse de l’art. 84 al. 5 LEI.

15) Par jugement du 12 septembre 2022, le TAPI a rejeté le recours. Les condamnations ne permettaient pas de retenir que le critère de l’intégration nécessaire à l’octroi d’une autorisation de séjour fondée sur l’art. 84 al. 5 LEI était rempli.

16) Par acte expédié le 13 octobre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation. Il a repris ses conclusions précédentes.

Sa première condamnation était survenue alors qu’il avait 20 ans. Les faits en question ainsi que son relatif jeune âge conduisaient à relativiser sa condamnation. Bien que la gravité des faits ayant donné lieu à sa seconde condamnation soit plus importante, il devait être tenu compte du fait que les faits étaient partiellement contestés. En raison d’une erreur de sa mandataire, il n’avait pas contesté l’ordonnance pénale. Les faits reprochés n’avaient ainsi pas fait l’objet d’une instruction approfondie. Si celle-ci avait eu lieu, sa peine aurait été moins importante.

Les faits incriminés avaient eu lieu à la suite d’un exercice d’évacuation en cas d’incendie. Cet exercice n’avait pas été annoncé et généré un « violent » stress ravivant certains traumatismes. Durant ledit exercice, ses économies avaient disparu et l’intendant du foyer lui avait dit qu’il pouvait déposer plainte, l’ironie dans son ton laissant entendre qu’aucune suite n’y serait donnée. Le recourant avait alors décidé de quitter le foyer. Lorsqu’il y était revenu pour chercher ses médicaments, il était bouleversé. C’était dans ce contexte que l’altercation pour laquelle il avait été condamné avait eu lieu. Selon l’assistant social du foyer, l’intendant avec lequel l’altercation avait eu lieu, exerçait des « abus de pouvoir sur les résidents ».

Son état de santé se traduisait par des douleurs au sacrum et aux hanches, un abaissement de son seuil de tolérance et une mobilité vertébrale réduite. Les événements survenus en été 2021 en Afghanistan avaient, selon son médecin, ravivé son traumatisme et contribué à son attitude lors de l’altercation au foyer. Une demande de prestations de l’assurance-invalidité était pendante depuis le 19 février 2020.

Le peu de gravité des faits pour lesquels il avait été condamné était également à mettre en balance avec ses efforts d’intégration et le soutien apporté aux réfugiés ukrainiens. Vu l’évolution de la situation en Afghanistan, il y avait peu de doutes qu’il allait demeurer en Suisse à moyen, voire à long terme. L’octroi d’une autorisation de séjour aurait un effet positif sur sa stabilité émotionnelle, étant précisé qu’il occupait désormais un logement seul et n’était ainsi plus exposé à la promiscuité propre au foyer.

17) L’OCPM a conclu au rejet du recours, se référant aux motifs déjà exposés.

18) Dans sa réplique, le recourant a insisté sur la qualité de son intégration et les faibles perspectives d’être un jour renvoyé vers l’Afghanistan.

19) Lors de l’audience, qui s’est tenue le 19 décembre 2022 devant la chambre administrative, le recourant a déclaré qu’il logeait toujours dans son appartement. Jusqu'en octobre 2021, il avait perçu des indemnités de l'assurance-maladie. Ensuite, l'assurance chômage ayant refusé ses prestations considérant qu’il n'était pas en état de travailler ; il était aidé par l'hospice général, dans l'attente d'une décision de l'assurance-invalidité.

Depuis 2017, il participait bénévolement aux activités organisées par la Ville de Genève, telles que le marathon, le festival R______, la ludothèque. Il faisait également des courses et discutait avec des ainés ainsi qu'avec des réfugiés. À la demande de Madame I______, assistante sociale auprès de l'Antenne sociale de la Ville de Genève, il lui arrivait de fonctionner comme interprète pour des Afghans se présentant à l'antenne sociale. Mme I______ ainsi que Mme D______, qui était d'ailleurs présente dans le public lors de l’audience, l’avaient énormément soutenu, notamment dans des périodes difficiles.

Revenant sur l'altercation qui avait eu lieu au Foyer J______, il a précisé que, revenant de l'extérieur, il avait constaté que l'étagère et la commode dans laquelle il conservait des effets personnels avaient été fouillées et qu’il manquait de l'argent. Lorsqu’il avait demandé au chef du foyer ce qui s'était passé, il lui avait indiqué qu'un agent de sécurité était entré dans ma chambre. Demandant aux agents en fin de journée qui était entré dans sa chambre, ils lui avaient répondu qu'ils n’avaient pas travaillé dans la journée. Par la suite, il avait appris par d'autres résidents que le chef du foyer et un « K______ » étaient entrés dans sa chambre. Quand il avait fini par appeler la police, celle-ci lui avait dit que ni le « K______ » ni le chef du foyer ne volaient. S’il le souhaitait, il pouvait déposer plainte. La police avait cependant eu un ton moqueur, s'était d'abord entretenue avec le chef du foyer et le « K______ » et lui avait laissé entendre qu’un autre résident avait volé ses affaires. Il s’était également rendu à l'ambassade afghane, qui lui avait toutefois indiqué qu'elle ne pouvait rien faire pour lui. Vu que personne ne voulait l'aider, il avait décidé de quitter Genève. Ce n'est qu'après avoir eu des contacts avec Mme I______ qui lui avait proposé son aide qu’il était revenu deux jours plus tard à Genève. En fait, il entendait se suicider. Il ne se souvenait plus où il s’était rendu ; il avait bu beaucoup d'alcool.

Depuis ce moment-là, il n’était plus retourné au foyer pour dormir mais uniquement pour y chercher des effets personnels. Deux jours après, il avait appris que les Talibans s'étaient introduits chez ses parents et avaient gardé sa sœur en laissant partir son père. Il était bouleversé. Lorsqu’il était retourné au foyer et avait demandé à pouvoir utiliser l'ascenseur, le « K______ » avait refusé au motif qu’il avait voulu déposer plainte pénale contre lui. Il avait appelé son médecin pour qu'il lui explique qu’il n'arrivait pas à monter les escaliers. Alors qu’il avait le Dr L______ au téléphone, le « K______ » à qui il avait donné son appareil téléphonique, l'avait jeté par terre. Il avait donc quitté le foyer.

Le lendemain, il avait souhaité discuter avec le « K______ » et le chef du foyer pour expliquer qu’il avait besoin pour des raisons de santé d'utiliser l'ascenseur. Le « K______ » avait refusé de se rendre avec lui auprès du chef du foyer. Les choses s’étaient alors envenimées et quatre « K______ » s'en étaient pris à lui et l'avaient mis à terre, l'un posant son pied sur sa nuque. Lorsqu’il avait appelé « Mme N______ », une assistante sociale du foyer, au secours, les « K______ » avaient dit à celle-ci de s'éloigner et avaient appelé la police. Il s’était retrouvé menotté et emmené dans les locaux de la police. Le procureur lui avait indiqué que s’il n'était pas d'accord, il pouvait former opposition à l’ordonnance. C'est ainsi qu’il avait mandaté Me M______. Il reconnaissait avoir crié parce qu’il voulait que le « K______ » se rende auprès du chef du foyer. En revanche, il ne l'avait pas frappé. La scène avait choqué « Mme N______ », qui lui avait dit qu'elle n'avait pas pu venir travailler pendant cinq jours.

Il connaissait beaucoup d'Afghans qui s'estimaient maltraités par les « K______ », qui leur disaient qu'ils avaient un mauvais permis. Son avocate a précisé qu’il s'agissait d'agents privés engagés par l'Hospice général, vraisemblablement des employés de S______.

Cela faisait sept ans qu’il vivait en Suisse. Il avait travaillé dès qu’il avait pu parce qu’il voulait obtenir un permis de séjour. À partir du moment où il n'avait plus pu travailler, on lui avait dit qu'il fallait attendre d'avoir une rente AI avant de demander un permis de séjour, ce qu’il avait fait. Toutefois, de manière surprenante, la décision négative de l'OCPM était intervenue une ou deux semaines après sa condamnation. Vu sa taille d'un 1 mètre 63 cm, il était impossible de commettre des violences sur quatre « K______ » équipés beaucoup plus grands que lui. Il n'avait rencontré aucun problème avec qui que ce soit depuis qu’il avait son propre appartement. Il insistait sur le fait que les « K______ » étaient coutumiers de mauvais traitements et d'un manque de respect des bénéficiaires de l'hospice.

À l’issue de l’audience, un délai a été imparti au recourant pour produire des attestations récentes relatives à ses activités bénévoles.

20) Dans le délai imparti, le recourant a produit des attestations annuelles établies par la conseillère administrative de la Ville de Genève le remerciant, chaque année depuis 2017, « pour son engagement au service de la collectivité et sa contribution à la cohésion sociale en tant que bénévole ».

21) Entendue en qualité de témoin le 8 février 2023, Madame N______ , assistante sociale, a déclaré qu’elle avait été présente lors de l'altercation qui avait éclaté entre le recourant et un agent de sécurité du foyer. Ce jour-là, elle était en train de parler à M. A______, qui décompensait et traversait une période très difficile. En évoquant certains évènements qui l'avaient choqué comme le fait que quelqu'un était entré dans sa chambre, il était très agité, très mal. C'était dans cet état qu'il s'était adressé à un agent de sécurité, qui lui avait répondu sans chercher à le calmer. M. A______ allait et revenait entre l'agent et elle. Elle s’était éloignée car un enfant s'était alors approché d’elle, qu’elle avait pris en charge dans son bureau. Elle n'avait pas vu ce qui s’était passé ensuite. Un moment donné, elle avait entendu M. A______ appeler à l'aide. Elle était sortie de son bureau et l’avait vu par terre, les mains dans le dos et du sang dans la bouche. Il y avait dès le départ deux agents. Étaient alors arrivés deux autres agents qui avaient parlé à M. A______ en cherchant à le calmer. Elle précisait que ce dernier était déjà calme. Un des agents lui avait dit qu'il n'y avait plus rien à faire, la police allait arriver. Elle était ensuite partie.

Elle se souvenait que M. A______ avait été indigné lorsque les agents avaient refusé l'accès à l'ascenseur à un autre résident, pourtant handicapé. Lui-même se sentait ciblé et discriminé par certaines situations qu'il avait vécues ou qu'il vivait en Suisse. Les agents et le personnel du foyer avaient l'autorisation d'entrer dans les chambres des résidents, par exemple pour effectuer des travaux ou encore des contrôles d'hygiène. Ils cherchaient à le faire de manière respectueuse, en frappant à la porte ou, si possible, en n’entrant que lorsque la personne était là.

Il y avait eu des vols au foyer. En tant qu'assistante sociale, elle était démunie par rapport à cette problématique. Elle pouvait juste conseiller de déposer plainte et de saisir l'assurance en cas de vol par effraction.

Elle avait travaillé six ans dans différents centres tenus par l'hospice général, Elle avait travaillé au Foyer J______ depuis son ouverture pendant environ une année et demi. Elle avait connu M. A______ en 2018 lorsqu'il résidait dans un autre foyer. Il était alors en bonne santé, c'était quelqu'un de calme qui avait une très forte envie de s’intégrer et de travailler et qui avait d'ailleurs trouvé un emploi chez U______ à Lausanne la nuit alors qu'il avait un permis N. Il était très difficile de trouver un travail avec un tel permis. Au moment de l'altercation, il était en arrêt de travail et très affecté dans sa santé mentale. De manière générale, la santé mentale des réfugiés n'était pas suffisamment prise en charge dans les foyers. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle elle avait démissionné. Hormis une difficulté évoquée par une collègue au foyer du Grand-Saconnex, elle n'avait jamais entendu ses collègues se plaindre du comportement de M. A______.

Lorsque M. A______ était à terre, il n'avait eu aucun geste agressif envers les agents. L'altercation en question avait été pour elle la goutte qui avait fait déborder le vase. Ce n'était pas l'altercation en elle-même qui l'avait choquée mais les situations de décompensation qu’elle était amenée à gérer. Elle avait eu un arrêt de travail à la suite de cette altercation.

De manière générale, en tant que professionnel, on devait mettre de côté son ressenti personnel lorsqu'on était pris à partie, comme l'avait été par exemple l'agent de sécurité. Elle avait eu l'impression que lorsque M. A______ l'avait interpelé, il s'était un peu laissé emporter par ses émotions.

À l’issue de l’audience, la cause était gardée à juger.

22) Figurent également au dossier :

-          une attestation de l’Association O______ relative à son engagement bénévole du 17 octobre 2917 au 27 mars 2018 à raison de deux fois deux heures par semaine consistant à animer un espace de jeux et loisirs pour des enfants de 7 à 12 ans. M. A______ était « disponible », « dynamique », « curieux », avait vite trouvé sa place dans l’équipe et avec les enfants. Il avait été « très apprécié de tous ». « Son attitude enthousiaste et positive » avait rendu la collaboration avec lui « particulièrement agréable » ;

-          un courrier d’une conseillère municipale de la ville de Genève du 23 mai 2018 attestant du fait que M. A______ se rendait régulièrement à l’« P______ » aux Grottes afin de perfectionner ses connaissances de la langue française. Il progressait beaucoup, était « très enthousiaste, attentif aux autres et très honnête ». Il était « une personne en qui [elle] avait une grand confiance » ;

-          une copie de la « Charte du Troc social », signée le 5 mars 2018, où M. A______ était bénéficiaire d’un engagement d’une bénévole de lui fournir « une conversation française autour d’un repas », une autre copie de ladite Charte où M. A______ intervenait en tant que bénévole au bénéfice de l’« Espace enfants Q______» deux heures les mardi et jeudi ;

-          une attestation de fréquentation du centre de jour de la Croix rouge genevoise, relevant que M. A______ s’était intégré aux activités du centre, avait « montré un grand intérêt dans l’apprentissage du français et progressé de manière remarquable ». Il avait un « intérêt marqué » pour aller à la rencontre des autres, avec qui il entretenait des rapports « empreints de respect et de bonne humeur ». Il avait noué de nombreux contacts et saisi chaque opportunité pour « mettre à profit ses compétences, pratiquer le français et s’intégrer dans la vie citoyenne ». En raison de l’ensemble de ses qualités, M. A______ avait « toute notre confiance » ;

-          une autre attestation, positive, de la Croix rouge genevoise relative à l’engagement de M. A______ lors de la journée internationale des personnes âgées ;

-          une attestation de l’antenne sociale de proximité Servette Petit-Saconnex/Saint-Jean du 23 janvier 2018, faisant état de l’engagement bénévole de M. A______ depuis octobre 2017 dans le cadre des projets « P______ » pour les personnes âgées et l’« espace jeux pour enfants ». « Son implication régulière, son engagement au service des autres, son écoute attentive, sa sensibilité, sa fiabilité et sa gaieté » faisaient qu’il assumait son bénévolat à entière satisfaction. L’antenne sociale espérait « vivement » pouvoir continuer à compter sur cette collaboration.

-          deux attestations de l’antenne sociale précitée des 23 mai 2018 et 12 décembre 2020, retraçant l’ensemble de l’engagement du recourant auprès de celle-ci. Il participait « avec enthousiasme et joie » aux rencontres auxquelles il apportait une « coloration douce, chaleureuse et impliquée ». « Son respect de la personne âgée, sa bienveillance » l’avaient rapidement fait être apprécié. Soucieux de parfaire son français, il avait été mis en lien avec une bénévole disposée à l’aider. « Par son implication régulière, son engagement au service des autres, son écoute attentive, sa sensibilité, sa fiabilité et son dynamisme relationnel, M. A______ assure ses différents mandats de bénévole de façon remarquable ». Elle le remerciait pour « l’excellente qualité de ses prestations et son engagement ».

-          plusieurs attestations médicales, dont il ressort que M. A______ est compliant, que sa maladie est très douloureuse, qu’il avait eu une réponse « très modeste » au traitement immuno-suppresseur et aux antalgiques. Les douleurs étaient invalidantes et induisait un sentiment de frustration difficile à gérer dans certaines situations émotionnellement difficile.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieuse la question de savoir si le refus de l'OCPM d'octroyer au recourant une autorisation de séjour et de transmettre son dossier au SEM avec un préavis positif est fondé.

a. Aux termes de l'art. 84 al. 5 LEI – demeuré inchangé lors de la révision entrée en vigueur le 1er janvier 2019 – les demandes d'autorisation de séjour déposées par un étranger admis provisoirement et résidant en Suisse depuis plus de cinq ans sont examinées de manière approfondie en fonction de son niveau d'intégration, de sa situation familiale et de l'exigibilité d'un retour dans son pays de provenance. L'étranger admis provisoirement qui sollicite une autorisation de séjour en application de l'art. 84 al. 5 LEI n'a toutefois pas droit à la délivrance d'une telle autorisation, qui consisterait en la transformation du permis F en permis B (arrêts du Tribunal fédéral 2C_696/2018 du 27 août 2018 consid. 3.1 ; 2D_32/2017 du 10 août 2017 consid. 4). Cette autorisation ne peut lui être octroyée qu'en dérogation aux conditions d'admission prévues par les art. 30 LEI et 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

b. Les dérogations aux prescriptions générales d'admission sont énoncées de manière exhaustive à l'art. 30 al. 1 LEI ; il est notamment possible de déroger aux conditions d'admission dans le but de tenir compte des cas individuels d'extrême gravité (let. b). En vertu de l'art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l'OASA.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 137 II 345 consid. 3.2.1).

c. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré, tant socialement que professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que l'intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable ou encore que la personne étrangère possède des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 et les références citées).

d. La notion mentionnée à l'art. 84 al. 5 LEI d'exigibilité d'un retour dans son pays de provenance d'un étranger admis provisoirement n'est pas identique à la notion d'exigibilité de l'exécution du renvoi telle qu'elle apparaît à l'art. 83 LEI. Il faut, en effet, distinguer les personnes visées par l'art. 84 al. 5 LEI – qui sont par essence au bénéfice d'une admission provisoire, c'est-à-dire d'une mesure qui suspend, du moins temporairement, l'exécution du renvoi pour l'un des motifs relevant de l'art. 83 LEI, y compris celui relatif à l'inexigibilité de l'exécution du renvoi – et celles visées par l'art. 83 LEI, dont l'examen du cas déterminera précisément si elles doivent ou peuvent être mises au bénéfice d'une admission provisoire. On ne saurait partir du principe que la question de l'exigibilité du retour dans le pays de provenance ne se pose par définition pas s'agissant d'une personne admise provisoirement. Même si le cas d'espèce n'est pas exemplatif à ce titre, puisqu'aucun élément du dossier permet de considérer que le recourant pourrait prochainement faire l'objet d'une procédure relative à la levée de son admission provisoire, il ne peut pas pour autant être totalement exclu qu'une telle procédure soit intentée un jour, compte tenu des motifs pour lesquels il a été admis provisoirement en Suisse (ATAF C-1136/2013 du 24 septembre 2013 consid. 6.3.2).

e. L'autorité cantonale compétente dispose d'un large pouvoir d'appréciation, l'étranger ne bénéficiant pas d'un droit de séjour en Suisse fondé sur l'art. 84 al. 5 LEI (arrêts du Tribunal fédéral 2C_276/2017 du 4 avril 2017 consid. 2.1 ; 2D_67/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3.2). Les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son intégration (art. 96 al. 1 LEI).

f. Dans l’ATA/339/2020 du 7 avril 2020, la chambre administrative a admis la transformation d’une admission provisoire en autorisation de séjour d’une personne vivant depuis longtemps en Suisse, ayant commis des vols en 1995 et en 1997 et été reconnue coupable en 2014 de complicité de vol en bande et par métier, escroquerie, recel et blanchiment d'argent. Si les infractions commises étaient graves, l’intéressée ne constituait plus une menace pour l'ordre public. Elle avait exercé quelques activités professionnelles ponctuelles, l’absence d’autorisation de séjour ayant souvent été un empêchement pour obtenir un poste fixe. Ses formations attestaient d'une réelle volonté de parvenir à une indépendance financière. Ses dettes ne résultaient pas d’une mauvaise gestion de ses finances, mais des frais de justice afférents à la procédure pénale ayant conduit à sa condamnation en 2014. Plusieurs attestations témoignaient des bonnes relations qu'elles entretenaient. Elle avait déployé une importante activité bénévole qui lui avait également permis de mieux s'intégrer dans son quartier. Elle avait passé avec succès le test de validation de ses connaissances d'histoire, de géographie et des institutions suisses. Sa réintégration dans son pays paraissait sujette à caution. Sa fille, de nationalité suisse, semblait être sa seule famille.

g. Lorsque le complexe de faits soumis au juge administratif a fait l’objet d’une procédure pénale, le juge administratif est en principe lié par le jugement pénal, notamment lorsque celui-ci a été rendu au terme d’une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés (arrêt du Tribunal fédéral 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/783/2022 du 9 août 2022 consid. 3a ; ATA/712/2021 du 6 juillet 2021 consid. 7a). Il convient d’éviter autant que possible que la sécurité du droit soit mise en péril par des jugements opposés, fondés sur les mêmes faits (ATF 137 I 363 consid. 2.3.2). Le juge administratif peut toutefois s’en écarter lorsque les faits déterminants pour l'autorité administrative n'ont pas été pris en considération par le juge pénal, lorsque des faits nouveaux importants sont survenus entre-temps, lorsque l'appréciation à laquelle le juge pénal s'est livré se heurte clairement aux faits constatés ou encore lorsque le juge pénal ne s'est pas prononcé sur toutes les questions de droit (ATF 139 II 95 consid. 3.2 ; 136 II 447 consid. 3.1 ; 129 II 312 consid. 2.4).

Si les faits retenus au pénal lient donc en principe l’autorité et le juge administratifs, il en va différemment des questions de droit et de l’appréciation juridique à laquelle s’est livrée le juge pénal (arrêt du Tribunal fédéral 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/783/2022 précité consid. 3a ; ATA/712/2021 précité consid. 7a).

3) En l'espèce, le recourant remplit le critère de la durée de séjour requise par l'art. 84 al. 5 LEI. Cet élément n'est cependant pas à lui seul suffisant pour considérer qu'il remplirait les conditions permettant de le mettre au bénéfice d’une autorisation de séjour, point qu’il convient donc d’examiner.

Le refus d’octroi de l’autorisation de séjour est fondé sur les deux condamnations pénales du recourant. Il convient cependant de relever que dans son arrêt relatif à l’admission provisoire, le TAF a relevé que la condamnation de 2016 pour injures, menaces et tentative de contrainte, n’avait pas eu trait au bien juridique « vie », de sorte que cette condamnation ne s’opposait pas à l’octroi d’une admission provisoire. Au vu de cet élément ainsi que du fait que la condamnation précitée se rapporte à des faits commis alors que le recourant était âgé d’à peine 20 ans, elle doit donc être relativisée.

En ce qui concerne la récente condamnation, il y a lieu de relever, en premier lieu, qu’elle est intervenue par voie d’ordonnance pénale du 30 octobre 2021, fondée sur le rapport de police du 29 octobre 2021. Les faits, notamment ceux constitutifs de voies de fait et aux menaces que le recourant a toujours contestés, n’ont pas fait l’objet d’une instruction approfondie. En particulier, le recourant n’a pas eu l’occasion d’interroger des témoins, singulièrement les agents de sécurité privés présents lors de l’altercation. En outre, l’assistante sociale entendue par la chambre de céans a déclaré qu’elle s’était, juste avant l’altercation, entretenue avec le recourant, qui était en phase de décompensation, « très mal ». Il lui avait fait part, entre autre, du vol de ses effets personnels situés dans sa chambre au Foyer J______, du fait que d’autres résidents lui avaient rapporté que le chef du foyer et un agent de sécurité privé étaient entrés dans sa chambre en son absence. Bien qu’elle n’ait pas assisté à l’altercation, ayant pris en charge dans son bureau un enfant qui s’était adressée à elle, elle avait noté que l’agent de sécurité privé n’avait pas répondu au recourant qui l’avait interpellé au sujet du vol de ses économies de manière à le calmer, mais s'était un peu laissé emporter par ses émotions. Par ailleurs, alors que l’ordonnance pénale évoque la présence de quatre agents de sécurité lors de l’altercation, le témoin n’a parlé que de deux agents, les deux autres s’étant joints après l’altercation. Ainsi, il subsiste des doutes tant sur la responsabilité pénale du recourant que sur le déroulement des faits, qui n’ont pas été élucidés au cours d’une instruction publique ordinaire. Dans ces circonstances, il ne saurait être accordé une importance déterminante pour l’issue du présent litige à la condamnation de 2021.

Au contraire, il y a lieu d’apprécier la situation du recourant au regard de l’ensemble des circonstances. Il ressort du dossier que celui-ci a régulièrement recouru au soutien de l’Hospice général. Il y a cependant recouru dans une moindre mesure pendant les périodes durant lesquelles il a travaillé, réalisant alors de modestes revenus. Après avoir travaillé à titre bénévole, il a été engagé dans le domaine du nettoyage, puis dans celui de la restauration, à l’entière satisfaction de ses employeurs. À teneur des attestations médicales produites, il n’est plus en mesure d’exercer une activité professionnelle. L’assurance-chômage le considère comme incapable de travailler ; une demande de prestations de l’assurance-invalidité est en cours.

Comme cela a été exposé ci-dessus (consid. 2f) et également été relevé par le témoin entendu par la chambre de céans, le fait d’avoir, alors qu’il ne dispose que d’une admission provisoire, trouvé et conservé un emploi jusqu’à son incapacité de travail est particulièrement remarquable. Ses employeurs ont été élogieux dans l’appréciation de son travail, de son attitude et de son comportement sur son lieu de travail. Ses problèmes de santé, invalidants, l’ont empêché de continuer à travailler et contraint à diminuer son engagement bénévole.

Les attestations d’amis et de connaissances qu’il a produites font toutes l’éloge de ses qualités humaines, notamment de sa disponibilité, sa serviabilité et de sa générosité, de sa volonté de s’intégrer et de sa capacité à s’exprimer couramment en français. L’engagement social du recourant est particulièrement exceptionnel. Comme cela ressort des attestations et courriers produits à la procédure, le recourant s’est engagé bénévolement et pendant de longues périodes auprès de l’association dans l’animation de l’espace jeux, auprès de l’antenne sociale de proximité Servette Petit-Saconnex/Sainte Jean avec des personnes âgées et des enfants notamment ou encore auprès du « Troc social ». Étaient soulignés la régularité de ses participations, son « extrême bienveillance », sa « sympathie dans les relations », son enthousiasme et la joie qu’il manifestait aux personnes qu’il rencontrait, à qui il apportait douceur et chaleur, son écoute attentive, sa sensibilité, sa fiabilité et sa gaieté, sa disponibilité, la confiance placée en lui. L’intensité et l’excellence de son engagement bénévole doivent être qualifiées d’extraordinaires.

Le recourant a également noué des relations personnelles avec de nombreuses personnes, particulièrement marquées par ses qualités humaines dans leurs rapports avec elles, soulignant toutes sa volonté d’intégration et d’apprentissage rapide et continu de la langue française. Les attestations tant des particuliers que des associations auprès desquelles le recourant a œuvré bénévolement témoignent d’une intégration sociale particulièrement remarquable.

Enfin, compte tenu de ses problèmes de santé et de la situation en Afghanistan, la réintégration dans son pays paraît sujette à caution.

Au vu de l’ensemble des éléments qui précède, du point de vue du droit des étrangers, on ne voit pas quel intérêt public serait compromis en ne maintenant pas le recourant dans son statut actuel et en ne refusant pas de stabiliser sa situation en lui octroyant une autorisation de séjour, dès lors qu'il est au bénéfice d'une admission provisoire et peut ainsi rester sur le territoire suisse, sans qu'un renvoi apparaisse envisageable même à long terme. Il en découle que l'intimé a excédé son pouvoir d'appréciation en refusant de reconnaître en l'espèce un cas individuel d'extrême gravité.

Le recours sera ainsi admis et le jugement querellé ainsi que la décision de l'OCPM seront annulés.

Les critères des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA impliquant une situation représentant un cas individuel d'extrême gravité étant remplis, le dossier sera renvoyé à l'OCPM pour suite de la procédure (art. 99 al. 1 et 2 LEI ; art. 85 al. 1 OASA ; art. 5 let. d de l'ordonnance du département fédéral de justice et police relative aux autorisations soumises à la procédure d'approbation et aux décisions préalables dans le domaine du droit des étrangers du 13 août 2015 (RS 142.201.1).

4) Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument et une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée au recourant (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 octobre 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 septembre 2022 ;

au fond :

l’admet et annule le jugement précité ainsi que la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 28 février 2022 ;

renvoie la cause à l'office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Monsieur A______, à la charge de l’État de Genève (OCPM) ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Laïla Batou, avocate du recourant, à office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.