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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1974/2007

ATA/212/2008 du 06.05.2008 ( DCTI ) , ADMIS

Parties : SCHMID Solange, AKRE Pia, AKRE James, SCHMID Pierre et Solange et autres, SCHMID Mireille, DALL'AGLIO Eric / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, KRISCHER Joachim, KRISCHER Dorothée et Joachim, COMMISSION DES MONUMENTS, DE LA NATURE ET DES SITES
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1974/2007-DCTI ATA/212/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 6 mai 2008

dans la cause

 

Madame Solange et Monsieur Pierre SCHMID
Madame Pia et Monsieur James AKRE
Madame Mireille SCHMID et Monsieur Eric DALL'AGLIO
représentés par Me Karin Grobet Thorens, avocate

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION

et

Madame Dorothée et Monsieur Joachim KRISCHER
représentés par Me Christophe Zellweger, avocat


EN FAIT

Madame Dorothée et Monsieur Joachim Krischer (ci-après : les époux Krischer) sont propriétaires des parcelles n°s 11062 et 11418, feuille 8 de la commune de Confignon, à l'adresse chemin de la Chapelle 42.

La surface de la parcelle n° 11062 est de 488 m2, dont 365 m2 sont situés en zone de construction 5 et 123 m2 en zone de construction 4B protégé. Une villa y est édifiée. La parcelle n° 11418, sise en zone 4B protégée, est quant à elle d'une surface de 368 m2. Elle abrite une construction d'environ dix mètres de long sur cinq mètres de large et deux mètres de haut. L’un des murs vient s’appuyer contre celui d’une ancienne ferme, située sur la parcelle voisine n° 11417.

Le 24 juillet 2003, les époux Krischer ont déposé auprès du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, devenu depuis lors le département des constructions et des technologies de l'information (ci-après : le département), une demande définitive d'autorisation de construire, portant à la fois sur :

l’extension de la villa sise sur la parcelle n° 11062 ;

la démolition de la construction existante sur la parcelle n° 11418 ;

l’édification d'une annexe sur la parcelle n° 11418.

Cette requête, enregistrée sous n° DD 98674-4, a été publiée dans la Feuille d'Avis officielle (ci-après : FAO) le 23 février 2004.

L’instruction de la demande, qui n’a soulevé aucune opposition, a donné lieu aux préavis suivants :

a. Le 4 août 2003, la direction du patrimoine et des sites a constaté que le projet était envisageable avec une dérogation à l'article 106 de la loi sur les constructions et installations divers du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), car les distances aux limites de propriété étaient insuffisantes.

b. Le 6 août 2003, l'inspection de la construction a fait la même remarque.

c. La commission des monuments, de la nature et des sites (ci- après : CMNS) a émis un préavis favorable le 12 août 2003, sous réserve que le choix des matériaux, des couleurs et les détails ainsi qu'un plan détaillé de la pose des panneaux solaires soient soumis au service des monuments et des sites (ci-après : SMS).

Le 7 octobre 2003, elle a confirmé son préavis favorable sous réserve, et approuvé la dérogation à l'article 106 LCI.

d. Le même jour, la commission d'architecture (ci-après : CA) a rendu un préavis favorable.

e. Le 23 octobre 2003 la commune de Confignon (ci-après : la commune) a fait de même.

Le département a délivré l'autorisation de construire définitive (DD 98674-4) et l'autorisation de démolir (M 5316-4) le 19 février 2004. Ces décisions ont été publiées dans la FAO le 23 février 2004, sans mention de la dérogation accordée. Elles n’ont pas fait l’objet de recours.

Le 4 avril 2005, Madame Solange et Monsieur Pierre Schmid habitant au chemin du Vuillonnex 22 (parcelle n° 10946), Madame Pia et Monsieur James Akré habitant au chemin du Vuillonnex 24 (parcelle n° 10947) ainsi que Madame Mireille Schmid et Monsieur Eric Dall'Aglio habitant chemin de Vuillonnex 26 (parcelle n° 10948) (ci-après : les voisins ou les recourants) ont écrit au département. Ils ont soulevé la question de la conformité à l'autorisation de construire (DD 98674-4) de la construction bâtie sur la parcelle n° 11418.

Le 11 avril 2005, ils ont adressé une demande identique et des photos de la construction litigieuse à la CMNS.

La police des constructions a effectué deux contrôles sur place, les 15 et 21 avril 2005. Elle a constaté que l'annexe n'était pas conforme à l'autorisation de construire DD 98674-4 en raison de sa hauteur, qui était de 3,50 mètres au lieu des 2,90 mètres prévus dans les plans visés ne varietur.

Le 31 mai 2005, elle a ordonné aux époux Krischer de déposer une demande d'autorisation de construire complémentaire, ce qu'ils ont fait en date du 27 juin 2005.

Ladite demande a été enregistrée sous le n° DD 98674/2 et publiée dans la FAO du 8 juillet 2005.

Le 12 juillet 2005, les voisins se sont opposés à l'autorisation de construire complémentaire. Les 30 juillet et 4 août 2005, d’autres voisins, à savoir Madame Madeleine et Monsieur Richard Albrecht (chemin de Vuillonnex 20C - parcelle n° 11057 ; ci-après : les époux Albrecht), respectivement Madame Anita et Monsieur Gérard Chardonnens (ci-après : les époux Chardonnens), se sont aussi opposés à l’autorisation complémentaire en question.

L'instruction de la demande a donné lieu aux préavis suivants :

a. La CMNS a émis un préavis favorable le 23 août 2005. Elle n’a pas formé d'objection s’agissant du nouveau gabarit ou de la pose de panneaux solaires et elle a approuvé les teintes et les matériaux choisis par les époux Krischer et soumis au représentant du SMS lors de sa visite sur place. La volumétrie simple de la construction pouvait supporter un traitement contemporain. La toiture végétale et le motif des verres sérigraphiés contribuaient à l'intégration de cette construction neuve.

b. La commune a rendu un préavis favorable le 4 octobre 2005.

c. Le SMS a émis un préavis favorable le 27 octobre 2005. Il n’avait pas d'objection à une dérogation à l'article 106 LCI concernant les limites et les vues droites.

Le 11 janvier 2006, le département a informé les voisins et les époux Chardonnens et Albrecht de la délivrance de l'autorisation de construire complémentaire et a procédé à la publication de cette dernière dans la FAO du 16 janvier 2006 (n° DD 98674/2).

Une pétition comportant dix-sept signatures de personnes habitant le chemin de Vuillonnex 20B, 20C, 22, 24, soit sur des parcelles mitoyennes avec celles des époux Krischer, a été adressée au conseil municipal de la commune de Confignon le 7 février 2006. Les pétitionnaires se sont plaints d'une violation de leur droit d'être entendus et du fait qu’ils subissaient une grave dégradation de leur environnement. Le projet avait été mené dans l'irrespect le plus total du voisinage. Il y avait eu tromperie sur les plans, avec la construction d'un mur de plus de cinq mètres de haut en limite de propriété et la pose de panneaux de verre en façade. L’effet miroir de ceux-ci était de nature à générer des nuisances importantes.

Le 15 février 2006, les voisins ont recouru contre l'autorisation de construire n° DD 98674/2 auprès de la commission cantonale de recours en matière de construction (ci-après : la CCRC) en invoquant la violation des articles 33 et 34 LCI. Principalement, ils ont conclu à la nullité de l'autorisation initiale (n° DD 98674/1) et de l'autorisation complémentaire (n° DD 98674/2) et, subsidiairement, à l'annulation de cette dernière.

Le 20 mars 2006, les époux Krischer se sont opposés au recours.

Lors de l’audience du 6 avril 2006 par-devant la CCRC, les parties ont campé sur leurs positions.

Le département a relevé que la question de l'implantation avait été tranchée par l'autorisation de construire délivrée en 2004, laquelle était entrée en force. De plus, le gabarit était conforme à la loi et l'esthétique respectait l'autorisation de construire n° DD 98674/1.

Après s’être rendue sur place le 23 février 2007, la CCRC a rejeté le recours par décision du 5 avril suivant. La construction était en limite de propriété et sa hauteur comportait septante-sept centimètres de plus que les plans initiaux, ce qui était conforme aux photographies produites durant la procédure. Même si les premiers plans souffraient de quelques imprécisions, le nouveau gabarit était conforme à la zone de construction 4B (article 32 al. 3 LCI).

Par acte du 18 mai 2007, les voisins ont saisi le Tribunal administratif d’un recours en reprenant leurs conclusions antérieures.

La construction autorisée en 2004 était cubique et ne s’inscrivait pas dans le style traditionnel. Son implantation en limite de propriété et le revêtement des façades présentaient des inconvénients graves au sens de l'article 14 LCI. Les époux Akre, par exemple, étaient emmurés dans leur jardin, avec un ensoleillement amoindri. De plus, le revêtement en verre de la façade causait de gros désagréments, car il réfléchissait la lumière. Enfin, la palissade des époux Akre ne pourrait plus faire l'objet de réparations, alors que l'article 64 loi d’application du code civil et du code des obligations du 7 mai 1981 (LaCC - E 1 05) leur conférait un droit acquis. Ainsi, leurs propriétés subissaient une perte de valeur.

Par ailleurs, l'autorisation délivrée en 2004 stipulait une hauteur de 2,90 mètres depuis le sol naturel. Or, la construction n’était pas édifiée sur du terrain naturel, mais sur une dalle d'environ 1 mètre. Enfin, les recourants ne pouvaient pas admettre qu’un mur de 4,50 mètres de haut soit érigé en limite de leurs propriétés.

Le 21 juin 2007, les époux Krischer ont conclu au rejet du recours et à la confirmation des autorisations de construire n° DD 98671/1 du 23 février 2004 et n° DD 98674/2 du 16 janvier 2006, avec suite de frais et dépens.

Ils ont préalablement requis la levée de l’effet suspensif au sens de l’article 66 alinéa 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), au motif, notamment, que l'autorisation de construire (n° DD 98674/1) était entrée en force de chose jugée.

Le bâtiment n'était pas conforme aux articles 33 et 34 LCI, alors même qu’il était en zone de construction 4B protégée, ni aux articles 43 alinéa 1 LCI et 240 alinéa 1 lettre b du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01).

S’agissant de l’emmurement dont les époux Akre se disaient victimes en raison de l’édification, en limite de propriété, de la construction litigieuse, les époux Krischer relevaient que ceux-ci avaient eux-mêmes coupé la haie fleurie masquant le mur mitoyen juste avant le déplacement de la CCRC. Or, celle-ci affleurait, voire dépassait la façade. Quant au revêtement de cette dernière, les époux Krischer ont insisté sur le fait qu’ils n’avaient encore rien décidé à cet égard.

La hauteur de la construction sur les plans ne varietur était de 2,90 mètres. Ce gabarit était exact, puisqu'il avait été calculé depuis le niveau naturel du sol (art. 20 al. 4 RCI). Enfin, la hauteur maximale admise en zone de construction 4B rurale était de 10 mètres (art. 32 al. 3 LCI).

Le 26 juin 2007, le département s'est opposé au recours en insistant sur le fait que l'autorisation de construire délivrée le 19 février 2004 était entrée en force. Par conséquent les griefs des recourants relatifs aux aspects tranchés par celle-ci, notamment l'implantation du studio, devaient être déclarés irrecevables.

Le projet, situé en zone de construction 4B protégée, devait être examiné à la seule lumière de l'article 106 alinéa 1 LCI, à savoir la sauvegarde du caractère architectural et l'échelle des agglomérations ainsi que le site environnant.

L’article 14 LCI ne visait pas en premier lieu à protéger l'intérêt des voisins ; il était destiné à sauvegarder les particularités de chaque zone et à prohiber les inconvénients incompatibles avec la zone déterminée. La notion d'inconvénient grave était une norme juridique indéterminée.

Le gabarit avait certes été relevé de septante-sept centimètres par rapport au projet initial. Il s’agissait toutefois d’une modification mineure, qui ne saurait être à l'origine d'inconvénients graves et ne pouvait entraîner l’emmurement des voisins. Au demeurant, le préavis de la CMNS à cet égard avait été favorable et, en le suivant, le département n'avait pas mésusé de son pouvoir d'appréciation.

Le 4 juillet 2007, les recourants ont rejeté la conclusion des époux Krischer visant à lever l'effet suspensif au recours. Quant au département, il s'en est rapporté à justice sur ce point par courrier du 9 juillet 2007.

Le président du Tribunal administratif a rejeté la demande en question par décision du 19 juillet 2007.

Le Tribunal administratif a procédé à un transport sur place le 17 septembre 2007.

A cette occasion, le juge délégué a constaté, au nord-ouest de la parcelle n° 11062, la présence d’un volume utilisé comme salon, avec une façade doublée d'un verre sérigraphié, accolé à la maison. De l'autre côté de la propriété, sur la parcelle n° 11418 se trouvaient une piscine, puis le bâtiment litigieux dont la façade côté piscine était également doublée d'un verre sérigraphié. Cette construction, destinée à devenir un studio, était érigée en limite de propriété de la parcelle n°10947.

Les participants au transport sur place se sont ensuite rendus dans le jardin des époux Akre. Ceux-ci ont expliqué que le niveau zéro dans l'autorisation de construire principale était quatre vingts centimètres en dessous du niveau du terrain adjacent à la piscine. A cet égard, les époux Krischer ont souligné qu'il n'y avait pas eu de modification du niveau du terrain. Ils avaient laissé la façade brute, car ils n'avaient pas encore décidé de la finition.

Le juge délégué a constaté qu’au n° 28 du chemin de Vuillonnex, se trouvait une vieille ferme avec, à côté, un petit passage menant au nouveau bâtiment des époux Krischer.

Les époux Krischer et les recourants ont transmis au tribunal de céans leurs observations suite au transport sur place. Ils ont repris pour l’essentiel leur argumentation respective. Le département a renoncé à se déterminer.

Une audience de comparution personnelle des parties a eu lieu le 19 novembre 2008.

En guise de préambule, le juge délégué a précisé avoir constaté, lors du transport sur place, que les verres avaient un certain effet réfléchissant, que les constructions avoisinantes étaient surmontées de toits en tuiles et à pans et que la barrière était construite en limite de propriété.

La CMNS a relevé que son préavis du 12 août 2003 avait été complété le 7 octobre 2003 suivant. Elle n’avait émis aucune objection quant aux dérogations à l'article 106 LCI, les caractéristiques environnantes ne présentant pas d’éléments dignes de protection. Enfin, la commission ne savait pas que le bâtiment préexistant n’était pas en limite de propriété et ignorait pourquoi la dérogation à l'article 106 LCI n'avait pas été publiée dans la FAO.

Les recourants ont indiqué que le bâtiment préexistant datait de 1881. L’absence de publication dans la FAO des dérogations aux articles 106 et 59 LCI constituait une cause de nullité de l’autorisation de construire principale.

Le 11 décembre 2007, les recourants ont déposé leurs observations finales.

La nullité d'une autorisation de construire ne pouvait être réparée par l'écoulement du temps ; elle n'acquérait ni la force de chose décidée, ni l'autorité de la chose jugée. Par conséquent, elle était réputée n'avoir jamais existé et n'en avoir eu que l'apparence. Les motifs de nullité étaient notamment des vices graves et irréparables, affectant des règles essentielles de procédure

La pratique du département selon laquelle seules certaines dérogations étaient publiées contrevenait à l'article 3 alinéas 1 et 5 LCI, qui n'établissait aucune distinction entre les dérogations (ATA/258/2000 du 18 avril 2000). Ainsi, les dérogations devaient figurer dans les autorisations de construire et pas seulement dans les préavis de la CMNS. En conséquence, il n’y avait pas eu de dérogation en l'espèce, de sorte que les autorisations de construire étaient nulles.

Le 15 janvier 2008, les époux Krischer ont maintenu leur position. Ils ont précisé qu’ils avaient consulté les recourants pour ce qui était de la finition du mur en limite de propriété (couleur et matériaux) et du traitement de la façade du bâtiment. En vain.

Les recourants erraient en prétendant que le faîte de la construction culminait à 4,50 mètres : le rapport du 31 mai 2005 de la police des constructions à cet égard faisait état d’une hauteur d’environ 3,50 mètres.

Le Tribunal administratif avait eu l’occasion de juger que la publication dans la FAO des autorisations de construire sans mention d’une dérogation à l'article 106 LCI rendait celle-ci irrégulière et qu’elle avait pour effet de suspendre le délai de recours (ATA/258/2000 du 18 avril 2000). En revanche, l’autorité n’avait jamais considéré qu'une telle irrégularité entraînât la nullité pure et simple de l'autorisation de construire.

Dans ses observations du 21 janvier 2008, le département a déclaré persister dans ses conclusions du 26 juin 2007.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

Selon le site internet du suivi administratif des dossiers de la direction de la police des constructions (http://etat.geneve.ch/sadconsult - consulté le 16 avril 2008), les ouvertures de chantiers ont été enregistrées pour :

l’autorisation de démolir (n° M 5316) le 20 octobre 2004.

l'autorisation de construire (n° DD 98674) le 8 novembre 2004.

EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a LPA).

Les voisins invoquent l'irrégularité de la publication de l'autorisation de construire n° DD 98674/1 dans la FAO du 23 février 2004 et de l'autorisation de construire complémentaire n° DD 98674/2 du 16 janvier 2006, du fait que les dérogations accordées dans l'autorisation de construire principale ne l’avaient pas été. L'autorisation principale pouvait être attaquée dans le cadre de la présente procédure, car le délai de recours n'avait pas commencé à courir.

a. Selon l'article 3 alinéa 1 LCI, toutes les demandes d'autorisation sont rendues publiques par une insertion dans la FAO. Il est fait mention, le cas échéant, des dérogations nécessaires. L'alinéa 5 de cette même disposition reprend cette obligation lors de la délivrance d'une autorisation de construire.

Selon la jurisprudence, cette obligation de publication s'applique à toutes les dérogations accordées lors de la délivrance d'une autorisation de construire par le département (ATA/258/2000 du 18 avril 2000).

b. La zone de construction 4B protégée est destinée principalement aux maisons d'habitation comportant en principe plusieurs logements dans des villages et des hameaux (art. 19 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30).

L’article 106 LCI stipule qu’en zone 4B protégée, le département fixe, pour chaque cas particulier et sur préavis de la commune et de la CMNS, l'implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions à édifier, de manière à sauvegarder le caractère architectural et l'échelle des agglomérations ainsi que le site environnant. Le département peut donc, à titre exceptionnel, déroger aux dispositions régissant les vues droites et les distances entre les bâtiments, de même que celles aux limites de propriété. Lorsque l'article 106 LCI n'implique pas de dérogation, les constructions sont soumises aux dispositions applicables à la quatrième zone rurale, définie aux articles 30 et suivants LCI.

En l'espèce, lors de la délivrance de l'autorisation principale, le département a accordé aux époux Krischer une dérogation aux règles régissant les distances aux limites de propriété. Celle-ci n'a toutefois pas été mentionné dans les publications dans la FAO, de sorte que l'article 3 alinéa 5 LCI a été violé.

a. Le défaut de publication des dérogations n'entraîne pas la nullité de l'autorisation délivrée. Tout au plus empêche-t-il le délai de recours de courir, pour autant que des tiers aient subi un préjudice (ATA/147/2007 confirmé par l'Arrêt du Tribunal fédéral 1C.112/2007 consid. 7 du 29 août 2007), et il doit être analysé au regard des règles régissant la notification des décisions.

b. La notification irrégulière d’une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

La jurisprudence n’attache pas nécessairement la nullité à l’existence de vices dans la notification ; la protection des parties est suffisamment garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité. Il y a donc lieu d’examiner si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l’irrégularité de la notification et a subi un préjudice de ce fait.

Il convient à cet égard de s’en tenir aux règles de la bonne foi qui imposent une limite à l’invocation du vice de forme (ATF 131 I 153 consid. 4 p. 158 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2A.300/2006 du 27 février 2007 consid. 5.2 et références citées ; U. HÄFELIN/ G. MÜLLER/ F. UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 5ème éd., Zürich-Bâle-Genève 2006, p. 354, n. 1645/1646 ; J.-F. EGLI, La protection de la bonne foi dans le procès, in Juridiction constitutionnelle et juridiction administrative, Zurich 1992, p. 231 ss). Cela signifie notamment qu’une décision, même notifiée de manière irrégulière, peut entrer en force si elle n’est pas déférée au juge dans un délai raisonnable (SJ 2000 I 118 consid. 4 ; ATA/714/2005 du 25 octobre 2005 consid. 3).

En l'espèce, le défaut de publication a causé un préjudice aux voisins. Ceux-ci ont en effet pu se rendre compte qu'une dérogation aux règles générales applicables à la zone de construction 4B protégée avait été accordée seulement au moment de l’édification de la construction.

Dès lors, la publication irrégulière a donné une fausse idée du projet envisagé et induit les voisins en erreur. De plus, ceux-ci ont réagi dans un délai raisonnable auprès des autorités après la découverte des irrégularités.

En effet, l'autorisation de construire n° DD 98674/1 a été délivrée le 23 février 2004. Le chantier a été ouvert le 8 novembre 2004. Selon la commission paritaire genevoise en matière de construction, les chantiers sur le territoire du canton de Genève étaient fermés du samedi 18 décembre 2004 au dimanche 9 janvier 2005. Les voisins ont soulevé leurs objections le 4 avril 2005. Il s'est donc écoulé un peu plus de quatre mois, déduction faite de la fermeture des chantiers de fin d'année, entre l'annonce de l'ouverture du chantier et la manifestation des voisins auprès des autorités.

Partant de ce constat, le délai de recours n'a pas commencé à courir et l'autorisation de construire n° DD 98674/1 n'est pas entrée en force.

Au vu de ce qui précède, la CCRC a considéré à tort, dans sa décision du 5 avril 2007, ne pas pouvoir remettre en cause l'autorisation de construire principale.

Le recours sera donc admis et la cause renvoyée à la CCRC, afin qu'elle procède à un examen au fond des conditions de l'octroi de l'autorisation de construire n° DD 98674/1 ainsi que de l'autorisation complémentaire.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des époux Krischer. Un émolument de CHF 1'000.- sera également mis à la charge du DCTI.

Une indemnité de CHF 1'500.- sera allouée aux recourants, à la charge conjointe et solidaire des époux Krischer et de l’Etat de Genève (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 mai 2007 par Madame Solange et Monsieur Pierre Schmid, Madame Pia et Monsieur James Akre, Madame Mireille Schmid et Monsieur Eric Dall'aglio contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 5 avril 2007 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 5 avril 2007 ;

retourne le dossier à la commission cantonale de recours en matière de construction au sens des considérants ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge conjointe et solidaire de Madame Dorothée et Monsieur Joachim Krischer ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge du département des constructions et des technologies de l’information ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Madame Solange et Monsieur Pierre Schmid, Madame Pia et Monsieur James Akre, Madame Mireille Schmid et Monsieur Eric Dall'aglio, à la charge conjointe et solidaire de Madame Dorothée et Monsieur Joachim Krischer et de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Karin Grobet Thorens, avocate des recourants, à Me Christophe Zellweger avocat de Madame Dorothée et Monsieur Joachim Krischer ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière de constructions et au département des constructions et des technologies de l'information.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :