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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2058/2008

ATA/20/2009 du 13.01.2009 ( LCR ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2058/2008-LCR ATA/20/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 13 janvier 2009

2ème section

dans la cause

 

Monsieur S______

contre

OFFICE CANTONAL DES AUTOMOBILES ET DE LA NAVIGATION


 


EN FAIT

1. Monsieur S______ est un ressortissant de Gambie résidant à Genève depuis le 30 août 2007. Il est au bénéfice d'un permis B.

2. Le 18 septembre 2007, M. S______ a requis du service des automobiles et de la navigation devenu l'office cantonal des automobiles et de la navigation
(ci-après : OCAN) l'échange de son permis de conduire gambien pour les catégories A et B contre un permis suisse.

3. Il a produit à l'appui de sa requête un permis de conduire numéro X______ délivré par les autorités gambiennes le 10 août 2007 et valable de cette date jusqu'au 31 décembre 2007, puis renouvelé à une date inconnue pour la période allant du 5 février 2008 au 31 décembre 2008.

4. Le 14 mars 2008, l'OCAN a accusé réception de la demande d'échange et indiqué au requérant que le permis de conduire original serait conservé par l'autorité jusqu'à la fin de la procédure.

5. Le 19 mars 2008, l'OCAN a transmis ce permis de conduire numéro X______ à la brigade de police technique et scientifique de la police judiciaire de Genève, pour examen de son authenticité.

6. Selon rapport du 22 avril 2008, cette brigade a conclu qu'il s'agissait d'un document falsifié. Le document de base semblait authentique, mais des éléments avaient été modifiés ultérieurement. En particulier la photo avait été changée.

Le 30 avril 2008, l'OCAN a informé le Procureur général de la production par M. S______ d'un permis de conduire falsifié selon les constatations policières du 22 avril 2008.

7. Le 9 mai 2008, l'OCAN a notifié à M. S______ une décision l'avisant de ce que l'échange de son permis de conduire contre un permis de conduire suisse était refusé et que l'usage de son permis de conduire étranger, ainsi que de tout permis de conduire international, lui était interdit sur le territoire de la Suisse et du Liechtenstein. Ces deux mesures étaient exécutoires nonobstant recours.

8. Le 30 mai 2008, M. S______ a remis à l'OCAN une attestation de "The Gambia Police Force" du 17 mai 2008, certifiant qu'il était titulaire du permis de conduire numéro X______.

9. Le 4 juin 2008, le service a avisé le service juridique de l'OCAN que la pièce produite par M. S______ le 30 avril 2008, était incomplète et qu'il ne l'acceptait pas. Cette attestation ne reprenait pas les dates de validité figurant sur le permis de conduire 2007 et sur le permis renouvelant celui-ci pour 2008. Le numéro Y______ rappelé dans le courrier en question n'apparaissait pas dans ces documents. Le service des permis de conduire s'étonnait du fait que la date du
10 août 2007 figurant dans le permis de conduire était la même que la date d'entrée indiquée sur le permis B pour étranger. Il se référait également aux constatations faites par la brigade de police technique et scientifique.

10. Le 4 juin 2008, l'OCAN a écrit à M. S______. Le document qu'il avait produit n'était pas de nature à modifier sa décision du 9 mai 2008. Il devait lui faire parvenir un certificat d'authenticité sur lequel figuraient les catégories dont il était titulaire, la date de délivrance et la date de validité provenant de l'autorité qui avait établi le permis de conduire.

11. Le 9 juin 2008, M. S______ a recouru contre la décision de l'OCAN du 9 mai 2008. Son permis de conduire n'avait pas été falsifié et comportait bien sa photo. Il avait remis une attestation de "The Gambia Police Force" qui attestait de ce qu'il était titulaire du permis de conduire numéro X______.

12. Le 25 juillet 2008, s'est tenue une audience de comparution personnelle des parties.

L'OCAN a persisté dans les termes de sa décision. Il était disposé à faire l'échange du permis de conduire dans la mesure où M. S______ produisait un certificat d'authenticité émanant de l'autorité qui délivrait les permis de conduire en Gambie et sur lequel est inscrite la délinéation de la catégorie des véhicules qu'il pouvait conduire. La date de délivrance du premier permis de conduire et l'échéance de validité du permis en cours devaient également figurer.

M. S______ a conclu à l'admission de son recours. Il avait obtenu son permis de conduire en 1989 à Bangui. Il savait conduire et avait travaillé comme chauffeur de taxi ou de camionnette dans son pays. Il avait produit à l'OCAN le dernier permis de conduire qu'il avait obtenu après renouvellement. La photo figurant sur ce permis n'avait pas été remplacée.

13. Sur requête du juge délégué, le Procureur général a transmis le 30 juillet 2008 une copie d'un rapport de police du 26 juin 2008 établi dans le cadre d'une enquête préliminaire qu'il avait requise, accompagné d'une déclaration de M. S______ et d'une photocopie couleur de différents documents officiels incriminés.

Interrogé par la police, M. S______ avait contesté la falsification du permis de conduire transmis à l'OCAN.

14. Le 7 août 2008, M. S______ a demandé un délai au juge pour obtenir les documents d'authenticité requis par l'OCAN, requête qui a été acceptée.

15. Le 9 septembre 2008, M. S______ a transmis au juge délégué un document officiel qui venait de lui parvenir, daté du 22 août 2008, provenant de "The Gambia Police Force" confirmant qu'il était titulaire d'un permis de conduire international couvrant les catégories A et B, portant le numéro de licence X______ et le numéro de série Y______, expirant le 31 décembre 2008.

16. Le 19 septembre 2008, s'est tenue une nouvelle audience de comparution personnelle.

Le recourant a produit l'original de l'attestation du 22 août 2008. C'était un ancien voisin M. Z______ qui l'avait aidé à obtenir ce document. Si c'était la même photo qui figurait sur son permis B et sur le permis de conduire gambien qu'il avait produit à l'OCAN, c'est parce qu'il utilisait la même photo format passeport qu'il détenait en plusieurs exemplaires, dans le cadre de toutes ses différentes démarches administratives. Il ignorait pour quelle raison le tampon officiel figurant sur son permis de conduire ne recouvrait pas la photo en question. C'était l'autorité qui avait décerné ce permis qui le lui avait remis tel quel. C'était son voisin M. Z______ qui l'avait obtenu des autorités gambiennes pour son compte, et le lui avait transmis. Il s'était marié le 10 août 2007. Avant cette date, il avait déjà un permis de conduire gambien. Il ne pouvait pas expliquer pourquoi le permis de conduire gambien qu'il avait remis à l'OCAN n'était valable que du
10 août au 31 décembre 2007 et ne couvrait pas une période d'une année, puisque selon ses propres explications, le permis de conduire, en Gambie, était renouvelé chaque année.

L'OCAN a persisté dans les termes de sa décision. Dans l'attestation du
22 août 2008, versée par M. S______, la date de réussite de l'examen du permis de conduire n'était pas précisée.

17. Le 9 octobre 2008, M. S______ a transmis au juge délégué une nouvelle attestation complétée qu'il venait de recevoir de la police de Gambie. Le permis de conduire numéro X______ avait été délivré le 1er janvier 1989 et était valable jusqu'au 31 décembre 2008.

18. Le 14 octobre 2008, l'OCAN, qui avait reçu une copie de cette nouvelle attestation, a souhaité que l'attestation en question soit transmise pour authentification à la police technique et scientifique.

19. Le 17 octobre 2008, le juge délégué a requis la transmission, en prêt, de la procédure pénale P6799/2008, ouverte à la suite de la dénonciation du 30 avril 2008, requête à laquelle le Parquet a accédé le 21 octobre 2008.

M. S______ avait été condamné par ordonnance de condamnation du
22 septembre 2008 pour usage de faux certificats au sens de l'article 252 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP-311.0). Il avait été condamné à une peine pécuniaire de 20 jours-amende avec sursis pendant trois ans et à une amende de CHF 500.-. Cette condamnation était en force et le dossier archivé.

20. Le 27 octobre 2008, les parties ont été avisées de ce que le dossier pénal était à disposition au greffe du tribunal.

21. Un délai au 1er octobre 2008 leur a été imparti pour se déterminer. Elles n'ont pas fait usage de cette faculté et ont été avisées, le 15 décembre 2008, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Le 18 septembre 2008, le Grand Conseil de la République et canton de Genève a modifié la loi d’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05), notamment en créant une commission de recours administrative compétente pour connaître, en première instance, des décisions prises par l’OCAN en application de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01 ; art. 56Y LOJ) et de l’article 17 de la loi d’application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 (LaLCR - H 1 05). Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2009. Toutefois, selon la disposition transitoire adoptée par le législateur (art. 162 al. 4 LOJ), le Tribunal administratif reste compétent pour trancher les recours dont il a été saisi contre les décisions rendues par l'OCAN avant le 31 décembre 2008.

Dès lors, interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. En vertu de l'article 42 alinéa 1, 2 et 3bis de l'ordonnance du 27 octobre 1976 réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière (OAC - RS 741.51), le titulaire d'un permis de conduire étranger peut valablement conduire en Suisse un véhicule appartenant aux catégories de véhicule pour lesquelles ce permis a été établi, mais doit obtenir un permis de conduire s'il réside en Suisse depuis plus de douze mois. Selon l'article 42 alinéa 4 OAC, le permis de conduire étranger obtenu en éludant les dispositions de l'OAC ou les règles de compétences valables dans le pays d'origine ne peut être utilisé en Suisse.

Selon l'article 45 alinéa 1 OAC, l'usage d'un permis de conduire étranger doit être interdit pour une durée indéterminée si le titulaire a obtenu son permis à l'étranger en éludant les règles suisses ou étrangères de compétence.

3. Lorsque le complexe de faits soumis au juge administratif a fait l'objet d'une procédure pénale, le juge administratif est en principe lié par le jugement pénal. Il ne peut s'écarter de celui-ci que s'il est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de faits inconnues du juge pénal ou que ce dernier n'a pas pris en considération, s'il existe des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés ou si celui-ci n'a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (ATF 119 Ib 163 ss., consid. 3 ; ATA/547/2008 du 28 octobre 2008). Ce principe s'applique également lorsqu'il y a prononcé d'une ordonnances de condamnation (Yvan Jeanneret, Procédures simplifiées et infractions routières, in Journées du droit de la circulation routière 2008, p.183), mais seulement lorsque cette dernière a été rendue à la suite d''une procédure contradictoire (ATA/277/2001 du 24 avril 2001).

4. En l'occurrence, le recourant conteste avoir présenté à l'OCAN un faux permis de conduire gambien pour obtenir un permis suisse par échange.

Même si le Tribunal administratif n'est pas lié par l'ordonnance du Procureur général du 22 septembre 2008, rendue à partir du dossier de police, sa position ne peut être suivie. La falsification du permis de conduire a été mise en évidence dans le rapport de police technique du 22 avril 2008. La photo apposée dans le permis a été rajoutée après que les tampons officiels aient été apposés dans le permis en question. Sur cette seule base, l'administration pouvait retenir l'usage par le recourant d'un faux document. Ce ne sont pas les mesures d'instructions complémentaires auxquelles le Tribunal administratif a procédé, qui ont apporté des éléments permettant de remettre en question les constatations faites. Non seulement les pièces produites et les explications fournies ne permettent pas d'expliquer la raison pour laquelle la photographie du titulaire n'a pas été tamponnée avec le reste du document, mais il est apparu que le permis de conduire remis à l'OCAN, a été obtenu des autorités gambiennes par un tiers qui l'a remis au recourant alors que celui-ci se trouvait déjà en Suisse. Comme c'est ce même tiers qui s'est procuré et a transmis au recourant toutes les attestations officielles qui ont été versées à la procédure, ces circonstances ne peuvent que renforcer le doute sur l'authenticité de tous ces documents. Les pièces produites ne permettent d'ailleurs pas de répondre aux questions complémentaires légitimes posées par l'administration à l'administré, soit déterminer quand le recourant a obtenu son permis et pour quelles catégories de véhicule.

5. C'est à juste titre que l'OCAN a ainsi refusé l'échange du permis gambien avec un permis suisse, de même qu'il a interdit l'utilisation du permis étranger en Suisse, ceci pour une durée indéterminée.

6. Le recours sera donc rejeté.

7. Le recourant qui succombe sera condamné au paiement d'un émolument de CHF 400.- (article 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 juin 2008 par Monsieur S______ contre la décision de l'office cantonal des automobiles et de la navigation du 9 mai 2008  lui refusant l’échange de son permis de conduire ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur S______ ainsi qu'à l'office cantonal des automobiles et de la navigation et à l'office fédéral des routes à Berne.

Siégeants : M. Bovy, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :