Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1194/2000

ATA/277/2001 du 24.04.2001 ( LCR ) , ADMIS

Descripteurs : CIRCULATION ROUTIERE; PROCEDURE ADMINISTRATIVE; PREUVE; RETRAIT DU PERMIS; LCR
Normes : LCR.16
Résumé : Le SAN n'ayant pas pu prouver qu'il a communiqué au recourant la période de retrait de son permis de conduire, le recourant pouvait de bonne foi penser qu'il était en droit de conduire lorsqu'il a été interpellé. Annulation du retrait de 6 mois.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2ème section

 

du 24 avril 2001

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur M__________

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

SERVICE DES AUTOMOBILES ET DE LA NAVIGATION

 



EN FAIT

 

 

1. Monsieur M__________ est né le __________ 1978 et est originaire d'Irak. Il est le titulaire d'un permis de conduire depuis 1996.

 

2. Le dossier déposé dans le cadre de la présente procédure par le service des automobiles et de la navigation (ci-après : SAN) contient les documents suivants :

 

- une fiche datée du 8 septembre 2000 intitulée "ADMAS 03", selon laquelle l'intéressé devait purger une mesure de retrait du permis de conduire d'une durée d'un mois du 8 mai au 7 juin 2000;

 

- une ordonnance de condamnation du Procureur général, datée du 9 août 2000, selon laquelle le condamné avait été interpellé au volant d'un véhicule automobile le 19 mai 2000 à 20h15 dans le canton de Genève;

 

- un extrait de jugement, daté du 3 septembre 2000, communiquant au SAN l'ordonnance susdécrite;

 

- une invitation, datée du 19 septembre 2000, émise par le SAN, demandant à l'intéressé de faire valoir son droit d'être entendu;

 

- une décision de retrait du permis de conduire d'une durée de six mois, datée du 6 octobre 2000;

 

- une lettre d'accompagnement de la même date;

 

- un avis d'annulation de l'ordonnance de condamnation du 9 août 2000, lui-même datée du 9 octobre 2000, à la suite d'une opposition hors délai.

 

3. Le 6 novembre 2000, M. M__________ a recouru contre la décision précitée. Il contestait les faits et demandait un délai complémentaire pour le dépôt de sa version "complète". Il ignorait qu'il avait été frappé d'une mesure de retrait du permis de conduire au mois de mai 2000 et avait fait opposition à l'ordonnance de condamnation.

 

4. Du 15 novembre 2000 au 5 février 2001, la cause a été suspendue en application de l'article 14 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA E 5 10).

5. Les parties ont été convoquées à une audience de comparution personnelle fixée au 16 mars 2001.

 

Le recourant a été entendu, assisté d'un interprète dûment assermenté. Il a reconnu avoir précédemment fait l'objet d'un contrôle pour excès de vitesse sur l'autoroute Genève-Lausanne, effectué par un véhicule de la police du canton de Vaud. Son permis lui avait été restitué sur-le-champ et il avait été averti qu'il ferait l'objet d'une contravention. Il avait bien reçu cette dernière et s'était acquitté du montant de l'amende. Il s'était alors rendu dans les bureaux du SAN, vraisemblablement au mois d'octobre 2000, en compagnie de son employeur, afin d'obtenir le report de la mesure de retrait au 1er janvier 2001. Au mois de mai 2000, il avait été arrêté pour une autre contravention à la LCR par la gendarmerie genevoise, à proximité de son travail. Les gendarmes avaient alors constaté qu'il faisait l'objet d'une mesure de retrait de son permis de conduire; son employeur était alors venu leur expliquer que ledit retrait devait prendre effet à partir du 1er janvier 2001.

 

Entendu par la voix de sa représentante, le SAN a déclaré n'avoir aucune trace écrite de cet entretien. Il s'est engagé toutefois à fournir les documents relatifs au fait que M. M__________ avait été dénoncé à la gendarmerie pour absence de dépôt du permis de conduire.

 

6. Le 1er février 2001, le SAN a déposé une copie de l'ordonnance de condamnation qui figurait déjà dans le dossier ainsi que le procès-verbal d'une audience qui s'était tenue le 20 décembre 2000 devant le Tribunal de police. Il en ressort que l'employeur de M. M__________ avait déclaré avoir négocié lui-même avec le SAN un retrait du permis de conduire de son employé à partir du 1er janvier 2001. L'intéressé a toutefois retiré son opposition, qui était hors délai selon l'avis du 9 octobre 2000.

 

7. Le 20 avril 2001, M. M__________ a déposé au greffe du tribunal le récépissé de l'amende d'un montant de CHF 545.- qu'il avait payée le 15 mai 2000 aux autorités compétentes du canton de Vaud, un décompte du SAN du 21 juin 2000 comportant des frais de rappel pour une décision de retrait du permis de conduire et un nouveau tirage de la décision attaquée.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la LPA).

 

2. Le juge administratif est en général lié par la décision du juge pénal, à tout le moins lorsque celle-ci repose sur un examen complet des faits de la cause et ne résulte pas d'une inexactitude manifeste ou n'a pas été prise à l'issue d'une procédure sommaire, sans audience publique ni audition des parties et des témoins (ATF 119 Ib 158 consid. 3c p. 164).

 

En l'espèce, le recourant a d'abord fait l'objet d'une ordonnance de condamnation à la suite d'une procédure qui n'est pas contradictoire, puis a retiré son opposition, qui avait été elle-même formée hors délai. Dans ces conditions, le juge administratif est fondé à revenir sur les faits contenus dans l'ordonnance de condamnation.

 

3. Ni lorsqu'elle a déposé son dossier, ni lorsqu'elle a été invitée à le compléter à l'issue de l'audience de comparution personnelle des parties, l'autorité intimée n'a été en mesure de déposer la copie des documents habituels qui concernent une personne faisant l'objet d'une mesure de retrait du permis de conduire. Qui plus est, c'est le recourant lui-même, en produisant le récépissé du montant de l'amende qu'il a payée aux autorités vaudoises et la copie d'une facture du SAN, qui a donné quelque substance à la thèse de l'autorité intimée. Il est ainsi établi que le recourant a commis une infraction à la circulation routière, dénoncée par la gendarmerie vaudoise. Il n'est pas établi par contre qu'il avait été dûment informé de la période de retrait - même si cela est probable et explique sa visite au SAN - et l'aurait-il été comme l'autorité intimée le soutient, que cette dernière est incapable de prouver quand le recourant aurait dû la purger, ni que les explications de ce dernier quant au report de l'exécution de cette mesure sont inexactes.

 

Dans ces conditions, il faut considérer que l'autorité intimée a succombé dans la preuve s'agissant de la période pendant laquelle le recourant n'aurait pas dû conduire, ainsi que dans celle de la fausseté de ses allégations quant au report de cette période.

 

4. Vu les circonstances très particulières de l'espèce, il y a lieu d'admettre que le recourant pouvait de bonne foi penser qu'il était en droit de conduire un véhicule automobile lorsqu'il a été interpellé le 19 mai 2000. La décision du 6 octobre 2000 comportant un retrait du permis d'une durée de six mois sera donc annulée.

 

5. Le recours étant admis, son auteur n'a pas à supporter des émoluments ou les frais de la procédure.

 

Quant aux débours du Tribunal, arrêtés à CHF 120.-- alloués à l'interprète, ils seront laissés à la charge de l'État.

 

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 6 novembre 2000 par Monsieur M__________ contre la décision du service des automobiles et de la navigation du 6 octobre 2000 lui retirant son permis de conduire pour six mois;

 

au fond :

 

l'admet;

 

annule la décision prise par l'autorité intimée le 6 octobre 2000;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument;

 

laisse les frais de la procédure par CHF 120.-- à la charge de l'État;

 

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi;

 

communique le présent arrêt à Monsieur M__________ ainsi qu'au service des automobiles et de la navigation et à l'office fédéral des routes à Berne.



Siégeants : M. Schucani, président, Mme Bovy, M. Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

V. Montani D. Schucani

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci