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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4551/2015

ATA/188/2019 du 26.02.2019 sur JTAPI/1345/2016 ( TAXE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4551/2015-TAXE ATA/188/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 février 2019

4ème section

 

dans la cause

 

A______

contre

VILLE DE GENÈVE, TAXE PROFESSIONNELLE COMMUNALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 décembre 2016 (JTAPI/1345/2016)


EN FAIT

1. La société A______, anciennement B______ (ci-après : la société contribuable), inscrite au Registre du commerce de Genève, a pour but le courtage sur titres et toutes autres activités financières. Elle a une succursale dans le canton du Tessin, à Lugano.

2. Le 30 octobre 2014, la société contribuable a adressé au service de la taxe professionnelle (ci-après : TPC) de la Ville de Genève sa déclaration TPC 2014 avec ses annexes, faisant valoir au titre de déductions du chiffre des affaires des commissions rétrocédées pour un montant de CHF 2'876'269.- en 2012 et CHF 2'743'500.- en 2013.

3. Le 19 mars 2015, le service de la TPC a établi un bordereau de taxation définitive 2014 d’un montant de CHF 30'540.- et un bordereau de taxation reconduite 2015, d’un montant de CHF 30'520.- sur la base de la moyenne des chiffres d’affaires 2012 et 2013.

4. Le 7 avril 2015, la société contribuable a formé une réclamation contre les deux bordereaux précités, car les commissions rétrocédées en 2012 et en 2013 n’avaient pas été déduites du chiffre des affaires imposable.

5. Par décision du 23 novembre 2015, la commission de réclamation en matière de TPC a rejeté la réclamation précitée, les déductions sollicitées n’étant pas des rétrocessions de commissions au sens de la législation applicable.

6. Le 19 décembre 2015, la société contribuable a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision susmentionnée, concluant à son annulation et à ce que les commissions rétrocédées en cause soient admises comme déductions.

7. Après un double échange d’écritures au cours duquel le service de la TPC et la société contribuable ont campé sur leurs positions, le TAPI a, par jugement du 19 décembre 2016, rejeté le recours.

La comptabilité et les pièces fournies par la société contribuable ne permettaient pas de déterminer l’existence de rétrocessions admissibles ni le montant des rétrocessions de commissions fondées sur des opérations effectuées par le siège genevois de cette dernière. Elle devait supporter l’échec de la preuve des éléments réduisant ou éteignant son obligation fiscale.

8. Le 19 janvier 2017, la société contribuable a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), contre le jugement du TAPI, concluant à son annulation et à la constatation que les commissions rétrocédées de CHF 2'291'096.- pour l’année 2013 et CHF 2'758'898.- pour l’année 2012 soient déduites des chiffres d’affaires imposables des années correspondantes.

Dans le cadre de son activité de courtier, elle faisait appel à des apporteurs d’affaires, rémunérés par des rétrocessions des commissions de courtage qu’elle recevait pour les transactions sur titres effectuées par son intermédiation entre clients amenés par ces apporteurs d’affaires.

Elle tenait à jour une base de données des opérations financières, soit le journal des négociations, de taille considérable, dont elle produisait une extraction pour les transactions opérées à Genève, concernant uniquement une partie des apporteurs d’affaires, soit ceux, au nombre de trois, qui n’étaient pas donneurs d’ordre, lesquels étaient au nombre de trois, avec les factures et la répartition entre Genève et Lugano. Elle collaborait ainsi pleinement à l’établissement des faits. Le service de la TPC n’avait, à cet égard, jamais requis la production de pièces ou demandé leur consultation, dans un contexte où les moyens de preuve sous format papier sont limités par la taille des logiciels.

9. Le 24 février 2017, le service de la TPC a conclu au rejet du recours, persistant dans ses écritures par-devant le TAPI. Les documents remis initialement par la société contribuable ne permettaient pas d’opérer une distinction entre les différents groupes d’apporteurs d’affaires. L’autorité de taxation communale, dont les moyens d’investigation restaient réduits, devait pouvoir reconstituer simplement les transactions dont la société contribuable entendait faire valoir la déduction. Cette dernière n’avait commencé à transmettre les pièces requises par la loi en vue de la déduction des commissions rétrocédées qu’au stade du recours au TAPI, dans une mesure jugée insuffisante par cette juridiction. N’étant pas en possession des nouveaux justificatifs produits devant la chambre administrative, elle s’en remettait à cette dernière afin de déterminer quelles seraient les éventuelles commissions rétrocédées, pour autant que les justificatifs puissent encore être produits à ce stade de la procédure.

10. Le 1er mars 2017, la chambre administrative a invité la société contribuable à exercer son droit à la réplique.

11. Le courrier précité étant demeuré sans réponse, les parties ont été informées le 4 octobre 2017 que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L’objet du litige est le refus du service de la TPC d’admettre les déductions du chiffre d’affaires de la recourante des montants au titre de commissions rétrocédées en 2012 et 2013.

3. a. Les communes peuvent prélever une taxe communale – la TPC – auprès de toutes les personnes physiques ou morales remplissant les conditions d’assujettissement, soit pour ces dernières, notamment exercer une activité dans le canton par l’intermédiaire d’un siège ou d’un établissement stable (art. 80 al. 1 let. d de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05). La TPC est établie sur la base de coefficients, applicables aux chiffres annuels des affaires, aux loyers annuels des immeubles, locaux et terrains utilisés professionnellement et à l’effectif annuel du personnel employé (art. 302 LCP). Le chiffre des affaires est la somme des prestations toutes obtenues par le contribuable pour son propre compte et en son nom, en contrepartie de livraisons ou de mises à disposition de marchandises et de biens, ainsi que de services rendus (art. 304 al. 1 LCP). Ne sont pas comprises dans le chiffre des affaires, pour autant qu’elles ressortent clairement de la comptabilité, notamment les commissions rétrocédées à des tiers, pour autant que le contribuable en fournisse la justification (art. 304 al. 3 let. g LCP).

b. Dans le jugement querellé, le TAPI a rappelé que, selon sa jurisprudence et celle des commissions de recours qui l’ont précédé, le contexte d’application de l’art. 304 al. 3 let. g LCP impliquait quatre parties en présence, soit, par exemple, un acheteur, un vendeur, un intermédiaire qui doit faire appel à un auxiliaire auquel il rétrocède une partie de sa commission. Ce schéma n’a pas été contesté devant la juridiction de recours et ne l’est pas dans la présente espèce. Il correspond à une situation notoire de rétrocession de commissions, et la recourante ne prétend pas qu’il ne pouvait pas être appliqué pour déterminer si les montants dont elle demande la déduction sont des commissions rétrocédées au sens de la disposition légale précitée. Il sera donc retenu pour l’examen de la présente espèce.

4. En matière fiscale, il appartient à l’autorité fiscale de démontrer l’existence d’éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve, ces règles s’appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; 121 II 257 consid. 4c.aa ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; 2C_319/2014 du 9 septembre 2014 consid. 2.2 ; ATA/1270/2017 précité ; ATA/652/2016 du 26 juillet 2016). Des explications générales et non étayées ne suffisent pas (ATA/71/2019 du 22 janvier 2019 consid. 6 et les références citées).

Conformément à la jurisprudence, dès lors que l’autorité fiscale a écarté un montant lors de la taxation, puis lors de la réclamation, il appartient à la recourante d’apporter spontanément les justificatifs y relatifs (ATA/1160/2018 du 30 octobre 2018 consid. 11 et les références citées).

5. En l’espèce, il ressort du dossier que les pièces remises par la recourante avec sa déclaration TPC 2014 mentionnent dans ses comptes de profits et pertes une ligne « honoraires rétrocédés », d’un montant de CHF 3'340'140.62 en 2012 et CHF 3'058'388.09 en 2013. Il n’y a pas d’autres justificatifs en lien avec ce poste, dont les montants ne correspondent pas à ceux dont la déduction est sollicitée en application de l’art. 304 al. 3 let. g LCP. Il n’y a pas davantage de justificatifs des déductions sollicitées. Ce n’est que dans sa réclamation du 7 avril 2015 que la recourante mentionne que les commissions rétrocédées dont la déduction est demandée apparaissent dans les comptes d’exploitation de la société dans la rubrique « honoraires rétrocédés ». Aucune pièce justificative n’est jointe à ce stade.

Dans son recours devant le TAPI, la société contribuable explique son activité dans les mêmes termes que par-devant la chambre de céans, en fournissant des exemples de contrats avec des apporteurs d’affaires en anglais et des exemples de transactions soutenant qu’il y avait une relation quadripartite dans le cadre de laquelle elle intervenait comme intermédiaire entre acheteur et vendeur de titres et rétrocédait une part de sa commission à l’apporteur d’affaires qui lui avait amené les clients. Seule la partie des rétrocessions allouées à Genève avait été prise en compte dans la déclaration de la TPC 2014. Il est alors question de trois apporteurs d’affaires pour lesquels des commissions auraient été rétrocédées et seraient déductibles.

Le TAPI a estimé que les pièces produites ne permettaient pas de déterminer dans quelle mesure les opérations à la base des honoraires rétrocédés avaient pour fondement une relation quadripartite, ni quelles opérations découlaient de l’activité genevoise de la recourante. Au vu des quelques pièces produites, l’analyse du TAPI échappe à toute critique, aucune transaction quadripartite avec son montant rétrocédé ne pouvant être déterminée ni même reconstituée sur leur base, pas plus que leur répartition ne peut être établie à satisfaction de droit.

La recourante ne remet pas en question cette appréciation dans son recours auprès de la chambre de céans, par-devant laquelle elle produit davantage de pièces, en relevant, pour la première fois, la taille de la base de données du journal des négociations, distinguant, pour la première fois également, deux groupes d’apporteurs d’affaires, dont un seul entrerait dans le schéma de la relation quadripartite, et reprochant aux autorités de taxation de ne pas lui avoir indiqué ce qu’elles souhaitaient recevoir comme preuve supplémentaire, faisant par-là preuve de rigueur excessive.

Au vu de la jurisprudence susmentionnée relative au fardeau de la preuve, elle ne saurait être suivie, cela d’autant moins qu’au stade de la réclamation devant la commission de recours, elle était représentée par une fiduciaire, soit un mandataire professionnellement qualifié.

Il lui appartenait ainsi de fournir d’entrée de cause à l’autorité de taxation, pour les commissions rétrocédées dont elle sollicitait la déduction, les justificatifs comptables des opérations effectuées à Genève dans le cadre d’une relation quadripartite établie à satisfaction de droit, ainsi que les montants des commissions encaissées et des rétrocessions versées. Tel n’a pas été le cas, ni à ce moment, ni ultérieurement, malgré la production successive de lots de pièces supplémentaires, puisqu’elle produit devant la chambre de céans des factures mensuelles non détaillées d’un désormais seul apporteur d’affaires, adressées aussi bien au siège genevois qu’à la succursale tessinoise, mais toutes débitées du compte genevois et sans autre justificatif des transactions qu’une liste de celles-ci. L’allégation selon laquelle le volume de transactions expliquerait les difficultés à satisfaire aux exigences légales de justification des déductions sollicitées, n’est pas convaincante, dès lors que les données utiles peuvent éventuellement aussi être remises sur des supports informatiques.

Enfin, la recourante demande à être traitée de la même manière que ses concurrents, sans apporter toutefois la démonstration qu’elle serait victime d’une discrimination de la part de l’autorité fiscale.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

6. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 janvier 2017 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 décembre 2016 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de A______;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, au service de la taxe professionnelle communale de la Ville de Genève, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mme Junod, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :