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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2781/2022

ATA/182/2023 du 28.02.2023 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.05.2023, rendu le 22.03.2024, REJETE, 8D_5/2023
Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE;PROTECTION DE LA PERSONNALITÉ
Normes : LPAC.2B.al1; RPAC.23.letf; RPPers.1; RPPers.2; RPPers.5; RPPers.12; RPPers.19; RPPers.20.al1; RPPers.30; LPA.4A; LPA.11.al3; LREC.1; LREC.7.al1
Résumé : Rejet du recours d’une cadre supérieure de l’administration cantonale contre un arrêté du Conseil d’État déclarant irrecevable l’action en constatation d’une atteinte à sa personnalité du fait de la conseillère d’État en charge du département au sein duquel elle travaillait. La recourante ne pouvait se fonder ni sur l’art. 1 al. 1 RPPers ni sur l’art. 4A LPA pour obtenir du Conseil d’État une décision de constatation d’une atteinte à sa personnalité.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2781/2022-FPUBL ATA/182/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 février 2023

 

dans la cause

 

Madame A______ recourante
représentée par Me Thomas Barth, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT intimé

 



EN FAIT

A. a. Madame A______ a été engagée le 1er novembre 2018 en qualité de directrice générale de B______ (ci-après : B______) au sein du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP). Elle a été nommée fonctionnaire le 1er novembre 2020.

b. Dès la fin du mois de septembre 2021, plusieurs articles de presse ont fait état de graves dysfonctionnements dans le C______, notamment des faits de maltraitance sur des enfants accueillis dans ce foyer.

c. Par courrier du 3 décembre 2021, le DIP a convoqué Mme A______ à un entretien de service dans le but de l’entendre au sujet d’une éventuelle insuffisance des prestations fournies et d’une inaptitude à remplir les exigences du poste.

Il lui était notamment reproché de n’avoir pas été en mesure d’analyser les causes des problèmes rencontrés par l’B______, de définir et de planifier les actions réalistes pour y remédier, de n’avoir pas conclu des liens de collaboration avec les partenaires internes, de n’avoir pas réalisé les objectifs fixés par le DIP dans le cadre de sa lettre de mission, de n’avoir pas su gérer adéquatement la crise au C______, d’avoir continué à solliciter des travaux auprès de la direction générale pour agrandir et rénover ce foyer, de n’avoir pas tenu son budget pour préparer la rentrée 2021-2022, de n’être pas parvenue à apaiser les tensions et à nouer un dialogue constructif avec les collaborateurs et de n’avoir pas pris en compte les difficultés exprimées. Le DIP avait également relevé un manque de distance émotionnelle et d’analyse stratégique et politique.

S’ils étaient avérés, ces faits étaient susceptibles de constituer une violation de l’art. 20 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01).

Mme A______ était libérée provisoirement de l’obligation de travailler jusqu’à la prise d’une décision sujette à recours.

d. Dès le 8 décembre 2021, plusieurs articles de presse ont fait état de l’absence pour une durée indéterminée de Mme A______. Il ressortait notamment d’un article paru dans le journal Le Temps, intitulé « À Genève, la directrice générale de B______ est suspendue », que l’B______ n’avait « plus de directrice générale » et que « le DIP se refusait à tout commentaire pour des raisons de protection de la personnalité, sans toutefois démentir l’information ».

e. Par courrier du 9 décembre 2021, Mme A______ a invité le DIP à lui indiquer, dans les plus brefs délais, les mesures qu’il envisageait de prendre pour faire cesser et rectifier les propos tenus. Si aucune mesure n’était prise publiquement dans les trois jours, sa manière de procéder serait alors totalement inadmissible et concrétiserait une atteinte irrémédiable à sa personnalité et à son honneur professionnel.

f. Le 13 décembre 2021, Mme A______ a requis la levée de son secret de fonction afin de pouvoir répondre aux diverses requêtes des médias qui lui étaient adressées.

Cette requête a été refusée par décision de la conseillère d’État en charge du DIP, Mme D______ (ci-après : la conseillère d’État), du 21 décembre 2021.

g. Par courrier du 10 janvier 2022, Mme A______ a contesté l’intégralité des faits reprochés par le DIP dans son courrier du 3 décembre 2021.

h. L’entretien de service a eu lieu le 26 janvier 2022.

Mme A______ a notamment précisé entretenir de très bonnes relations tant avec ses collègues qu’avec les entités subventionnées et les associations de parents. Elle avait même contribué à améliorer la qualité de la relation entre l’B______ et l’ensemble des partenaires. La collaboration avec le mandataire externe avait été très problématique en raison de son comportement inadéquat. Les missions de l’B______ avaient été validées. La crise sanitaire et l’organisation de la rentrée 2021-2022 ne lui avaient pas permis d’avancer sur les travaux relatifs à la vision de l’B______ avant l’automne 2021.

i. Le 25 février 2022, les experts mandatés par le DIP ont rendu une analyse externe sur les dysfonctionnements et la maltraitance au C______. Il ressort notamment de ce rapport que, s’agissant des allégations de maltraitance sur des enfants accueillis dans le foyer, « les responsabilités étaient engagées, tant au niveau de la direction du foyer que de celle de l’B______, en particulier concernant les faits [de maltraitance physique imputables à un collaborateur du corps médical] signalés en avril 2019. Ceux-ci avaient été sous-estimés et n’avaient pas fait l’objet d’un traitement conforme aux pratiques de gestion en vigueur dans l’administration cantonale ».

Sollicitée par les médias, la conseillère d’État a relayé les conclusions des experts.

B. a. Par décision du 13 juin 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, la conseillère d’État a ouvert une procédure de reclassement à l’endroit de Mme A______.

Mme A______ a recouru contre cette décision par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). La cause est actuellement pendante.

b. Par arrêté du 15 juin 2022, déclaré exécutoire nonobstant recours, le Conseil d’État a libéré Mme A______ de son obligation de travailler à compter de la réception de celui-ci.

Le recours formé le 27 juin 2022 contre cet arrêté a été déclaré irrecevable par arrêt de la chambre administrative du 22 novembre 2022 (ATA/1169/2022).

C. a. Parallèlement, soit le 1er avril 2022, Mme A______ a formé une action en constatation d’une atteinte à sa personnalité avec requête de mesures provisionnelles par-devant le Conseil d’État à l’encontre de la conseillère d’État.

Elle avait été victime de plusieurs attaques médiatiques portant atteinte à sa personnalité, en particulier sous l’angle de sa probité et de ses compétences professionnelles et cela, alors même que la conseillère d’État avait le devoir de veiller à sa personnalité en sa qualité de supérieure hiérarchique. Les déclarations répétées de celle-ci lui attribuaient publiquement la responsabilité des manquements liés à la gestion du C______ en raison de la minimisation des maltraitances ou encore pour avoir fait preuve de négligence dans la transmission d’informations à ses supérieurs hiérarchiques. Ces déclarations étaient d’autant plus graves que les fautes qui lui étaient attribuées étaient liées à la maltraitance d’enfants autistes qu’elle n’aurait prétendument pas pris au sérieux. Ces déclarations étaient d’autant plus incompréhensibles et inacceptables qu’elle n’avait pas la même liberté de parole, la conseillère d’État ayant refusé de la délier de son secret de fonction.

Si par impossible le Conseil d’État ne devait pas constater immédiatement une atteinte illicite à sa personnalité, la saisine du groupe de confiance était formellement sollicitée afin de mettre en œuvre le dispositif de protection prévu par le règlement relatif à la protection de la personnalité à l'État de Genève du 12 décembre 2012 (RPPers - B 5 05.10).

b. Par courrier du 14 juin 2022, Mme A______ a relevé que sa demande d’intervention était restée sans suite. Elle a mis l’autorité en demeure de traiter sa requête dans les dix jours.

c. Par arrêté du 29 juin 2022, le Conseil d’État a pris acte de la récusation de Mme D______ et déclaré irrecevable l’action en constatation d’une atteinte à la personnalité de Mme A______ du fait de la conseillère d’État, avec requête de mesures provisionnelles.

En tant que magistrate élue par le corps électoral cantonal, la conseillère d’État n’était pas soumise à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et à son règlement d’application. Elle ne pouvait ainsi être visée par l’art. 23 let. f RPAC. Le RPPers, qui visait à traiter les situations de conflit interpersonnel, soit entre deux membres du personnel soumis à la LPAC, n’était pas non plus applicable à sa situation.

Même à considérer que l’action tendait à obtenir un acte attaquable du fait d’actes matériels de l’État, au sens de l’art. 4A de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sa demande n’en serait pas moins irrecevable. La prétention fondée sur l’art. 4A LPA était subsidiaire en ce sens qu’elle cédait le pas à d’autres voies, si une protection judiciaire suffisante était assurée d’une autre manière, ce qui était le cas en l’espèce (art. 1 et 7 de la loi sur la responsabilité de l'État et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40).

Compte tenu du lien indissoluble existant entre une demande au fond et une demande provisionnelle, le caractère irrecevable de la demande principale formée par la requérante rendait sans objet sa requête en mesures provisionnelles.

D. a. Par acte du 31 août 2022, Mme A______ a recouru par-devant la chambre administrative contre cet arrêté, concluant à son annulation, au prononcé des mesures provisionnelles requises et au constat de l’existence d’une atteinte illicite de sa personnalité du fait de la conseillère d’État. Subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause au Conseil d’État afin qu’il entre en matière sur la requête et fasse droit à ses mesures provisionnelles.

Son droit d’être entendue avait été violé, l’autorité précédente ne l’ayant pas interpellée sur la question de la recevabilité de la requête avant de rendre sa décision. L’autorité précédente n’avait par ailleurs pas gardé la cause à juger avant de déclarer sa requête irrecevable, ni statué sur ses conclusions en mesures provisionnelles.

En refusant de statuer sur sa requête au motif qu’elle pouvait agir par la voie civile de la responsabilité étatique, l’autorité avait violé les art. 4A LPA et 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

Les art. 1 RPPers, 1A et 2 al. 2 RPAC suffisaient pour fonder la compétence de l’intimé dans le cas d’espèce. L’existence de la voie civile en responsabilité de l’État fondée sur la LREC n’excluait nullement le droit à un acte attaquable selon l’art. 4A LPA.

La décision entreprise violait également le principe de l’égalité de traitement, dans la mesure où, dans « l’affaire Maudet », l’intimé était expressément intervenu en prenant des mesures de précaution, soulignant être « conscient de ses responsabilités d’employeur et notamment de la nécessité de protéger la personnalité de ses collaborateurs ».

Quoi qu’il en soit, si l’autorité considérait qu’elle n’était pas compétente, elle aurait dû transmettre sa requête à l’autorité compétente en application de l’art. 11 al. 3 LPA.

b. Par observations du 25 octobre 2022, le Conseil d’État a conclu au rejet du recours.

S’agissant du grief de violation du droit d’être entendue, Mme A______ avait déposé une demande détaillée et la décision n’apportait aucun élément auquel elle ne pouvait s’attendre. Elle ne disposait donc d’aucun droit à présenter des observations complémentaires avant que l’intimé ne prenne sa décision. Elle était du reste malvenue de se plaindre de n’avoir pas été informée que la cause était gardée à juger, dans la mesure où elle lui avait fait grief, le 14 juin 2022, de ne pas avoir encore statué.

Sur le fond, le dispositif de protection de la personnalité concrétisant les art. 2B LPAC, 2 al. 2 RPAC, 1 et 30 RPPers n’avait pas vocation à s’appliquer lorsque la personne mise en cause était membre du Conseil d’État. Il visait à traiter les situations de conflit interpersonnel.

La prétention déduite de l’art. 4A LPA était subsidiaire, en ce sens qu’un intérêt digne de protection pour exiger une décision faisait défaut lorsqu’il existait une autre voie pour faire valoir ses droits.

Les mesures requises par la recourante ne présentaient aucune similitude avec celles qui avaient pu être prises dans la situation de l’autre magistrat cité par la recourante.

Enfin, l’art. 11 al. 3 LPA régissait les relations des autorités soumises à la LPA, ce qui n’était pas le cas des juridictions civiles.

c. Mme A______, par l’intermédiaire de Me E______, a répliqué le 30 novembre 2022.

d. Le 7 décembre 2022, le Conseil d’État a informé la chambre de céans qu’une interdiction de postuler dans la défense des intérêts de Mme A______ avait été signifiée à l’encontre de Me E______ en date du 14 novembre 2022. Il n’était dès lors pas habilité à représenter l’intéressée dans le cadre de la présente procédure, de sorte que sa réplique du 30 novembre 2022 devait être écartée du dossier.

e. Le 16 décembre 2022, Mme A______, par l’intermédiaire d’un nouveau conseil, a confirmé le contenu de sa réplique du 30 novembre 2022.

f. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b LPA).

2.             L’intimé conclut à ce que la réplique de la recourante soit écartée du dossier, son précédent avocat ayant fait l’objet d’une interdiction de postuler. Ce point peut toutefois demeurer indécis, la recourante n’ayant présenté, dans sa réplique, aucun fait nouveau ni argumentation juridique qui n’aurait pas été développée dans son recours. Ainsi, même à tenir compte de cette écriture, l’issue du litige ne serait pas différente.

3.             Le présent litige, tel que circonscrit par la décision querellée, vise à déterminer si c’est à juste titre que l’intimé a déclaré irrecevable l’action en constatation d’une atteinte illicite à la personnalité de la recourante du fait de la conseillère d’État en charge du DIP.

4.             Dans un grief qu’il convient d’examiner en premier lieu, la recourante invoque une violation de son droit d’être entendue, faisant valoir que l’autorité précédente l’a privée de son droit de se déterminer sur la question de la recevabilité de l’action en constatation d’une atteinte illicite à la personnalité à l’encontre d’une conseillère d’État.

4.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour le justiciable de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 et les références citées).  

4.2 Le droit d'être entendu porte avant tout sur les questions de fait (ATF 129 II 497 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1368/2016 du 15 novembre 2017 consid. 2.1 non publié aux ATF 143 IV 469 ; 6B_2/2014 du 26 juin 2014 consid. 2.1). De manière générale, en vertu de la règle « iura novit curia », le juge n'a ainsi pas à soumettre à la discussion des parties les principes juridiques sur lesquels il va fonder son jugement. Il peut appliquer d'office une disposition de droit matériel, sans avoir à attirer préalablement l'attention des parties sur l'existence de tel ou tel problème juridique (ATF 126 I 97 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1368/2016 précité ; 6B_111/2017 du 17 octobre 2017 consid. 1.1). Selon la jurisprudence, les parties doivent cependant être entendues sur les questions de droit lorsque l'autorité concernée entend fonder sa décision sur une norme ou un motif juridique non évoqué dans la procédure antérieure et dont aucune des parties en présence ne s'est prévalue et ne pouvait supputer la pertinence (ATF 131 V 9 consid. 5.4.1 ; 130 III 35 consid. 5 ; 128 V 272 consid. 5b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1335/2015 du 23 septembre 2016 consid. 2.2). 

4.3 En l’occurrence, contrairement à ce que pense la recourante, on ne se trouve pas dans la situation spéciale décrite ci-avant. La question de la recevabilité doit être tranchée en premier lieu, les autorités l’examinant d’office et librement. Il appartenait ainsi à la recourante de démontrer que les conditions de la recevabilité de son action étaient remplies, ce qui constitue un préalable nécessaire pour que l’autorité puisse traiter l’affaire au fond. La chambre de céans constate au demeurant que la décision a été prise sur la base d’un raisonnement juridique et que l’autorité intimée ne s’est pas fondée sur un renseignement essentiel dont elle aurait omis de transmettre le contenu à la recourante. Quoi qu’elle en dise, le déroulement de la procédure devant le Conseil d’État n’est pas critiquable. Le fait qu’il n’ait pas gardé la cause à juger avant de rendre sa décision n’était pas propre à tromper l’intéressée sur la recevabilité de son action. Aucune mesure prise par l’autorité intimée ne permettait à la recourante de penser qu’elle tenait son action pour recevable.

Enfin, en tant que la recourante se plaint que l’autorité intimée n’aurait pas statué sur sa demande de mesures provisionnelles, force est de constater que celle-ci a été déclarée sans objet au vu de l’irrecevabilité de la demande. Certes, la demande de mesures provisionnelles appelait une réponse rapide de la part de l’autorité. Or, dans la mesure où celle-ci a déclaré l’action irrecevable, le fait de n’avoir pas traité, à titre préalable, la conclusion en mesures provisionnelles n’apparaît pas critiquable.

Le grief de violation du droit d’être entendu s’avère ainsi infondé.

5.             Il convient donc d’examiner si la voie de l’action en constatation d’une atteinte illicite, dirigée à l’encontre d’un membre du Conseil d’État, était ouverte par-devant le Conseil d’État.

5.1 L’art. 2B LPAC garantit, à son al. 1, la protection de la personnalité des membres du personnel de l’administration cantonale, notamment en matière de harcèlement psychologique et de harcèlement sexuel. Des mesures sont prises pour prévenir, constater et faire cesser toute atteinte à la personnalité (al. 2). Les modalités sont fixées par règlement (al. 3). Les membres du personnel chargés de fonctions d’autorité sont tenus de veiller à la protection de la personnalité des membres du personnel (art. 23 let. f RPAC).

Selon l’art. 1 du RPPers, le Conseil d’État veille à la protection de la personnalité de tous les membres du personnel dans le cadre de leur activité professionnelle (al. 1). Il prend les mesures nécessaires à la prévention, à la constatation, à la cessation et à la sanction de toute atteinte à la personnalité d'un membre du personnel, en particulier en cas de harcèlement sexuel ou psychologique (al. 2).

Aux termes de l’art. 2 RPPers, intitulé champ d’application, est soumis au règlement le personnel engagé au sein d’un des départements de l’administration publique cantonale genevoise, de la chancellerie d’État et du secrétariat général du Grand Conseil (al. 1). Selon l’al. 2, est également soumis le personnel des établissements publics pour l’intégration (let. a), de l’Institution genevoise de maintien à domicile (let. b), de l’Hospice général (let. c), de l’office cantonal des assurances sociales (let. d) et de l’autorité cantonale de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance (let. e).

5.2 Le groupe de confiance est chargé de la mise en œuvre du dispositif de protection de la personnalité prévu par le RPPers (art. 5 al. 1 RPPers). Sur requête du membre du personnel qui, dans sa relation de travail avec d'autres personnes, estime être atteint dans sa personnalité ou de l'autorité d'engagement ou les ressources humaines, le groupe de travail peut procéder à des démarches informelles (art. 12 et chapitre 4 RPPers) et ouvrir une procédure d'investigation, qui a pour but d'établir les faits et de déterminer si les éléments constitutifs d'une atteinte à la personnalité sont réalisés ou non (art. 19 et 20 al. 1 RPPers).

Cette procédure débouche sur un rapport d'investigation, à la suite duquel l'autorité d'engagement notifie une décision motivée, par laquelle elle constate l'existence ou non d'une atteinte à la personnalité et son auteur (art. 30 al. 1 RPPers). Cette décision peut être contestée auprès de la chambre administrative (art. 30 al. 2 RPPers).

À l’égard de l’auteur d'un harcèlement ou d'une atteinte à la personnalité, l’autorité d'engagement peut prendre – ou proposer à l'autorité compétente – toute mesure disciplinaire utile (art. 30 al. 3 RPPers). Le fait qu'une ou des sanctions ont été prises à la suite des faits dénoncés est porté à la connaissance de la personne plaignante (art. 30 al. 4 RPPers). Dès la prise des décisions ou mesures disciplinaires visées aux alinéas 1 à 3, l'autorité d'engagement informe le GdC de leur existence ; à l'expiration du délai de recours de trente jours, elle lui en adresse par ailleurs une copie intégrale, en mentionnant si ces décisions ou mesures ont fait ou non l'objet d'un recours (art. 30 al. 5 RPPers).

La LREC, de même que les procédures judiciaires engagées par la personne plaignante à l'égard de la personne mise en cause, sont réservées (art. 30 al. 6 RPPers).

5.3 Dans un ATA/110/2018 du 6 février 2018, la chambre administrative a retenu que l'interprétation littérale de l'art. 22 al. 1 aRPPers (selon lequel dès réception du rapport définitif, l'autorité d'engagement dispose d'un délai de quinze jours pour notifier aux parties une décision motivée, par laquelle elle constate la violation ou la non-violation des devoirs de service), et dont le pendant actuel est l’art. 30 al. 1 RPPers, imposait de considérer que celui-ci visait expressément la constatation de la violation ou de la non-violation des devoirs de service, sans devoir y substituer la constatation d’une atteinte à la personnalité. Les interprétations systématique et littérale de cette disposition confirmaient son texte, compte tenu de la modification apportée par le nouveau RPPers en son art. 30 al. 1, consistant à remplacer la constatation de la violation ou de la non-violation des devoirs de service par la constatation de l’existence ou non d’une atteinte à la personnalité et son auteur. Compte tenu de l'application de l'aRPPers au litige et du départ à la retraite des personnes mises en cause, le recourant ne disposait plus d'un intérêt actuel, de sorte que son recours était irrecevable.

Cet arrêt a été confirmé par le Tribunal fédéral qui, dans un arrêt 8C_246/2018 du 16 janvier 2019, a retenu que la chambre administrative pouvait considérer que la réglementation de l'art. 22 aRPPers ne visait qu'à sanctionner une violation des devoirs de service, ce qui supposait que le fonctionnaire soit encore en fonction au moment du prononcé de la sanction. Il a relevé, en particulier, qu’en cas de procédure d'investigation, celle-ci servait à l'établissement des faits en vue de la prise d'une sanction administrative, voire d'un renvoi, prononcés par l'autorité compétente à l'encontre de l'auteur d'un harcèlement ou d'une atteinte à la personnalité.

Plus récemment, la chambre administrative a considéré, dans un arrêt portant sur la conformité au droit du classement de la procédure d’investigation par le groupe de confiance, que la recourante – qui n’était plus elle-même membre du personnel - n’avait plus d’intérêt actuel au recours, l’auteure présumée de son harcèlement ne faisant plus partie du personnel de l’employeur public (ATA/891/2022 du 6 septembre 2022). Un recours est pendant devant le Tribunal fédéral contre cet arrêt.

5.4 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur, telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1). Appelé à interpréter une loi, le juge ne privilégie aucune de ces méthodes, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique (ATF 139 IV 270 consid. 2.2).

Le juge est en principe lié par un texte clair et sans équivoque. Ce principe n'est toutefois pas absolu, dès lors que le texte d'une norme peut ne pas correspondre à son sens véritable. L'autorité qui applique le droit ne peut ainsi s'en écarter que s'il existe des motifs sérieux de penser que sa lettre ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels motifs sérieux peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, de même que de sa relation avec d'autres dispositions (ATF 138 II 557 consid. 7.1). En dehors du cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s'écarter du texte clair de la loi, surtout si elle est récente (ATF 118 II 333 consid. 3e).

5.5 En l’espèce, d’après la recourante, l’action en constatation de l’existence d’une atteinte illicite pouvait être introduite sur le fondement de l’art. 1 al. 1 RPPers.

Or, ainsi que le relève l’intimé, la conseillère d’État n’entre pas dans le champ d’application personnel défini par l’art. 2 du règlement. Il ne saurait dès lors s’appliquer à son égard. Il résulte, par ailleurs, des différentes dispositions du RPPers, et de l’interprétation que leur ont donnée les tribunaux, que ce règlement a pour but de traiter les situations de conflit interpersonnel, soit entre deux membres du personnel soumis au RPPers. En atteste notamment l’art. 30 al. 3 RPPers qui permet à l’autorité d’engagement de prendre toute mesure disciplinaire utile. Il s’agit là, selon la jurisprudence précitée, du but poursuivi par la procédure d’investigation prévue par le RPPers.

Il suit de là que l’art. 1 al. 1 RPPers ne saurait fonder une action en constatation de l’existence d’une atteinte illicite entre un membre du personnel au sens de l’art. 2 RPPers et un membre du Conseil d’État.

6.             Reste à déterminer si la recourante pouvait se fonder sur l'art. 4A LPA pour obtenir, de la part du Conseil d’État, une décision de constatation d’une atteinte à sa personnalité.

6.1 Aux termes de l'art. 29a Cst., toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire ; la Confédération et les cantons peuvent, par la loi, exclure l'accès au juge dans des cas exceptionnels. Cette norme constitutionnelle étend donc le contrôle judiciaire en principe à toutes les contestations juridiques, y compris aux actes de l'administration, en établissant une garantie générale de l'accès au juge (ATF 143 I 344 consid. 8.2; 141 I 172 consid 4.4.1). Il s'agit en particulier de contestations portant sur les droits et les obligations de personnes, physiques ou morales (ATF 143 I 344 consid. 8.2 et les références). L'art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950
(CEDH - RS 0.101) n'offre pas de protection plus étendue que l'art. 29a Cst. (arrêts du Tribunal fédéral 2C_705/2021 du 7 février 2022 consid. 6.1 ; 8C_246/2018 du 16 janvier 2019 consid. 6.2 ; 5A_510/2018 du 26 septembre 2018 consid. 3.3; cf. ATF 134 V 401 consid. 5.3).  

Pour pouvoir invoquer l'art. 29a Cst., il faut que le justiciable se trouve dans une situation de contestation juridique, c'est-à-dire qu'il existe un litige portant sur un différend juridique qui met en jeu des intérêts individuels dignes de protection (ATF 144 II 233 consid. 4.4 ; 143 I 336 consid. 4.1 ; 140 II 315 consid. 4.4). En d'autres termes, l'art. 29a Cst. ne confère pas à quiconque le droit d'obtenir qu'un juge examine la légalité de toute action de l'État, indépendamment des règles procédurales applicables ; il est en particulier admissible de faire dépendre le caractère justiciable d'une cause d'un intérêt actuel ou pratique (arrêts du Tribunal fédéral 2C_651/2019 du 21 janvier 2020 consid. 5.1.1 et les références citées ; 8C_246/2018 du 16 janvier 2019 consid. 6.2).  

6.2 À teneur de l'art. 4A LPA, intitulé « Droit à un acte attaquable », toute personne qui a un intérêt digne de protection peut exiger que l'autorité compétente pour des actes fondés sur le droit fédéral, cantonal ou communal et touchant à des droits ou des obligations (al. 1) : s'abstienne d'actes illicites, cesse de les accomplir, ou les révoque (let. a) ; élimine les conséquences d'actes illicites (let. b) ; constate le caractère illicite de tels actes (let. c). L'autorité statue par décision (art. 4A al. 2 LPA). Lorsqu'elle n'est pas désignée, l'autorité compétente est celle dont relève directement l'intervention étatique en question (art. 4A al. 3 LPA).

Selon les travaux préparatoires relatifs à l'art. 4A LPA, cette disposition est une « reprise presque à l'identique » de l'art. 25a de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021), l'intérêt étant de « profiter de la jurisprudence sur cette disposition » (MGC 2007-2008/VIII A - 6551). Selon l'art. 25a PA, intitulé « Décision relative à des actes matériels », toute personne qui a un intérêt digne de protection peut exiger que l'autorité compétente pour des actes fondés sur le droit public fédéral et touchant à des droits ou des obligations (al. 1) : s'abstienne d'actes illicites, cesse de les accomplir ou les révoque (let. a) ; élimine les conséquences d'actes illicites (let. b) ; constate l'illicéité de tels actes (let. c). L'autorité statue par décision (art. 25a al. 2 PA).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'art. 25a al. 1 PA doit conférer aux personnes concernées un droit à une procédure administrative subséquente et indépendante (ATF 144 II 233 consid. 3 = JdT 2019 I p. 58, 59 ; ATF 140 II 315 consid. 2.1). Cependant, la prétention fondée sur l'art. 25a PA n'existe pas si le législateur a volontairement exclu (« bewusst ausgeschlossen hat ») la protection juridique contre l'acte matériel ; cette prétention est en outre subsidiaire, en ce sens qu'elle cède le pas à d'autres voies si une protection juridique suffisante est assurée d'une autre manière (ATF 140 II 315 consid. 3.1 = RDAF 2015 I p. 300, 302 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_37/2019 du 5 mai 2020 consid. 4.1 ; 2C_601/2016 du 15 juin 2018 consid. 6.1 et 6.2 non publiés dans l'ATF 144 II 233 ; ATA/295/2022 du 22 mars 2022 consid. 8c).

6.3 L'art. 1 LREC concerne la responsabilité pour actes illicites commis par des magistrats. Il prévoit que l'État de Genève et les communes du canton sont tenus de réparer le dommage résultant pour des tiers d'actes illicites commis soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence dans l'exercice de leurs fonctions par des magistrats qui les représentent (al. 1).

Les dispositions sont soumises aux règles générales du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) appliquées à titre de droit cantonal supplétif (art. 6 LREC).

Selon l’art. 7 al. 1 LREC, le Tribunal de première instance est compétent pour statuer sur les demandes fondées sur la présente loi.

6.4 Dans un arrêt 1C_471/2012 du 23 mai 2013, portant sur une demande de rectification par la Cour des comptes d’un rapport d’activités, le Tribunal a constaté que le droit genevois ouvrait plusieurs voies judiciaires à l'administré qui se verrait atteint dans sa réputation et son honneur par un acte d'une autorité cantonale ou communale. Il en allait ainsi de la LREC et de la LIPAD. En sa qualité d’autorité ordinaire de recours (art. 132 LOJ), la chambre administrative avait une compétence générale en matière administrative, si bien que la procédure générale de la LPA pouvait être applicable dans la mesure où aucune voie de droit n’était disponible. Le Tribunal fédéral a précisé que le recourant ne saurait se prévaloir de l'art. 29a Cst. comme d'un droit lui permettant de choisir sa procédure « à la carte » ou d'obtenir une voie de droit supplémentaire à celles existant déjà. L'action en responsabilité de l'État avait été expressément envisagée par le législateur. Elle apparaissait ainsi comme propre à permettre au recourant de faire valoir sa prétention (consid. 4.3).

Plus récemment, dans le cas ayant donné lieu à l’arrêt 8C_246/2018 précité portant sur le droit à la constatation d’un harcèlement psychologique - respectivement d’une atteinte à la personnalité, dans le cadre de relations de travail régies par le droit public, le Tribunal fédéral a rappelé que l’action en constatation de droit était subsidiaire par rapport à l’action condamnatoire ou à l’action formatrice. Seules des circonstances exceptionnelles conduisaient à admettre l'existence d'un intérêt digne de protection à la constatation de droit lorsqu'une action en exécution était ouverte. Un litige devait en principe être soumis au juge dans son ensemble par la voie de droit prévue à cet effet. Aussi bien le créancier qui disposait d'une action condamnatoire ne pouvait en tout cas pas choisir d'isoler les questions juridiques pour les soumettre séparément au juge par la voie d'une action en constatation de droit. En l’occurrence, la loi offrait, sur la base du renvoi opéré par l’art. 22 al. 6 aRPPers à la LREC, une garantie suffisante de l’accès au juge au regard des art. 29a Cst. et 6 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 8C_246/2018 du 16 janvier 2019 consid. 6.3.1 et 6.3.2 et les références mentionnées).  

6.5 En l’occurrence, il n’est pas contesté que le Conseil d’État est une autorité administrative au sens de l’art. 5 let. a LPA. Il entre donc dans le champ d’application personnel de l’art. 4A LPA. La question se pose donc de savoir si l’action fondée sur cette disposition était ouverte à l’égard de la recourante.

Cette question doit recevoir une réponse négative. Ainsi que l’a rappelé l’intimé dans la décision entreprise, l’action en constatation de droit est subsidiaire par rapport à l’action condamnatoire ou à l’action formatrice. Or, la LREC offre précisément à la partie lésée la possibilité de former une action en responsabilité de l’État, soit une action condamnatoire. Par le biais de cette action, la recourante a la possibilité de faire valoir sa prétention en constatation d’une atteinte illicite à sa personnalité. La LREC renvoie en effet aux règles du CC (art. 6 LREC), parmi lesquelles figurent les art. 28ss CC sur la protection de la personnalité contre des atteintes illicites. Y figurent notamment les mesures à disposition en cas d’atteinte illicite à la personnalité, dont le constat de son caractère illicite (art. 28a al. 1 ch. 3 CC).

La recourante se prévaut de la doctrine selon laquelle l’action en responsabilité de l’État n’exclut pas l’usage, à titre préalable, de la voie du droit à un acte attaquable (art. 4A LPA et 25a PA). Une doctrine majoritaire soutient ce point de vue (René WIEDERKEHR/Christian MEYER/Anna BÖHME, VwVG Kommentar, 2022, n. 30 ad art. 25a PA ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, Zurich, 7e éd. 2020, n. 2135 ; Stéphane Grodecki, La jurisprudence en matière de responsabilité de l’État rendue pour le canton de Genève et ses perspectives de développement au regard du droit à un acte attaquable, in SJ 2017 II 259, p. 270 ; Isabelle HÄNER, in Bernhard WALDMANN/Philippe WEISSENBERGER, VwVG, Praxiskommentar zum Bundesgesetz über des Verwaltungsverfahren, Zurich, 2e éd. 2016, n. 53 ad art. 25a PA ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, Bâle 2014, n. 816 et 1677 ; Alfred KÖLZ/Isabelle HÄNER/Martin BERTSCHI, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, Zurich, 3e éd. 2013, n. 375 et 1978 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 47s contra : Beatrice WEBER-DÜRLER, in Christophe AUER/Markus MÜLLER/Benjamin SCHINDLER, Kommentar zum Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren, Zurich, 2008, n. 30 et 43 ad art. 25a PA). Cette position pourrait éventuellement entrer en ligne de compte lorsque la voie du droit à un acte attaquable vise à solliciter des actions formatrices, soit de demander à l’État de s’abstenir d’actes illicites, de cesser de les accomplir ou de les révoquer (art. 4A al. 1 let. a LPA) ou d’éliminer les conséquences d’actes illicites (art. 4A al. 1 let. b LPA). Or lorsqu’il s’agit uniquement de faire constater le caractère prétendument illicite d’actes commis au détriment d’un employé de l’État par un conseiller d’État (art. 4A al. 1 let. c LPA), le principe de la subsidiarité de cette voie conduit à nier l’existence d’un intérêt de protection à la constatation de droit lorsque, comme en l’espèce, une action condamnatoire est ouverte.

C’est ainsi à juste titre que l’intimé a considéré que l’action en constatation d’un acte illicite formée par la recourante n’était pas recevable.

7.             La recourante se plaint également de la violation du principe de l’égalité de traitement et de la protection de la bonne foi.

7.1 La protection de l’égalité (art. 8 Cst.) et celle contre l’arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liées. Une décision viole le droit à l'égalité de traitement consacré à l’art. 8 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 142 I 195 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_178/2022 du 16 mars 2022 consid. 5.1). L'inégalité de traitement apparaît comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 142 I 195 consid. 6.1 ; 137 I 167 consid. 3.5 ; 129 I 346 consid. 6).

7.2 Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l’État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Cela implique notamment qu'ils s'abstiennent d'adopter un comportement contradictoire ou abusif. De l'art. 9 Cst. découle le droit de toute personne à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État (ATF 136 I 254 consid. 5.2 p. 261 et l'arrêt cité). 

7.3 Devant la chambre de céans, la recourante fait valoir que, dans l’« affaire Maudet », l’intimé était expressément intervenu en prenant des mesures visant à protéger la personnalité de ses collaborateurs. La recourante ne prétend toutefois pas que le Conseil d’État serait entré en matière sur une action en constatation d’un acte illicite commis par le conseiller d’État. L’affaire citée par la recourante portait sur les mesures administratives prises par le Conseil d’État en vue, notamment, de protéger la personnalité des collaborateurs. Elle ne traitait toutefois pas de la question, litigieuse ici, de la recevabilité d’une action pour atteinte à la personnalité formée par-devant le Conseil d’État par un membre du personnel de l’État. Les situations visées ne sont dès lors pas semblables, de sorte que l’irrecevabilité de l’action de la recourante ne constitue pas d’une inégalité de traitement.

Quant au grief tiré de la violation du principe de la bonne foi, qui résulterait d’un comportement contradictoire de l’intimé, force est de relever que la recourante ne se prévaut d’aucune promesse de l’intimé qui aurait pu légitimement faire naître certaines attentes. Or, en l'absence d'une telle condition, le principe de la bonne foi n'est pas violé.

Ces griefs seront ainsi écartés.

8.             Dans un dernier grief, la recourante reproche à l’autorité intimée d’avoir violé l’art. 11 al. 3 LPA en ne transmettant pas sa requête à l’autorité compétente.

8.1 En vertu de l’art. 11 al. 3 LPA, si l’autorité décline sa compétence, elle transmet d’office l’affaire à l’autorité compétente et en avise les parties.

Selon la doctrine, l’art. 11 LPA, et notamment son al. 3, s’applique aussi bien aux autorités qu’aux juridictions administratives (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, Berne 2017, n. 181 ad art. 11 LPA).

8.2 En l’occurrence, comme exposé ci-avant, l’action pour obtenir réparation d’un acte illicite dont la recourante s’estime victime de la part de la conseillère d’État est celle prévue par la LREC, qui est du ressort du Tribunal civil de première instance (art. 7 LREC). Or, il ne s’agit pas d’une juridiction administrative, de sorte que l’intimé n’avait pas à lui transmettre d’office la présente cause (ATA/677/2020 du 21 juillet 2020 consid. 1c ; ATA/1672/2019 du 12 novembre 2019 consid. 5b ; ATA/1224/2019 du 13 août 2019 consid. 6).

Ce grief sera ainsi également écarté.

Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

9.             Vu l’issue du litige, un émolument de 1'500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 août 2022 par Madame A______ contre l’arrêté du Conseil d’État du 29 juin 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Thomas Barth, avocat de la recourante, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :