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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2865/2005

ATA/144/2006 du 14.03.2006 ( VG ) , ADMIS

Descripteurs : RESTAURANT; USAGE COMMUN ACCRU; DOMAINE PUBLIC; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT; ORDONNANCE ADMINISTRATIVE; TERRASSE DE RESTAURANT; INTÉRÊT PUBLIC; PESÉE DES INTÉRÊTS
Normes : RDP.7.al.4; RDP.1.al.2; RDP.1.al.3; LDP.13; LDP.15
Parties : MOKAFE SA / VILLE DE GENEVE
Résumé : Demande d'autorisation d'installer une terrasse non attenante à la vitrine/façade du café-restaurant concerné. La Ville de Genève s'est dotée d'un règlement et de "lignes directrices" en matière de terrasses d'établissements publics. Ces dernières n'ont toutefois pas force de loi au sens de la doctrine et de la jurisprudence et ne sauraient en aucun cas être constitutives d'une violation du principe de l'égalité de traitement. Recours admis.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2865/2005-VG ATA/144/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 14 mars 2006

dans la cause

 

 

 

 

MOKAFE S.A.
représentée par Me Jean-Pierre Augier, avocat

 

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

 

VILLE DE GENÈVE


 


1. Mokafé S.A. exploite un café à l’enseigne de "Mokafé" 9, rue de la Madeleine à Genève. Monsieur Ernesto Priarollo en est l’administrateur et l’exploitant.

Mokafé S.A. est en fait sous-locataire de C&A, locataire principal du rez-de-chaussée et du premier étage de l’immeuble situé 6-8, rue de la Croix-d’Or comportant également une entrée 9, rue de la Madeleine. La surface de l’établissement de "Mokafé" totalise 40 m2 selon le contrat de sous-location signé entre les parties le 1er février 2001.

A teneur de ce contrat, le café ne doit vendre que des boissons et ses heures d’ouverture être celles du magasin de C&A. Enfin, "Mokafé" doit obtenir tous les permis nécessaires concernant l’exploitation d’un café.

2. Depuis la saison 2001, Mokafé S.A. bénéficie d’une autorisation délivrée par le service des agents de ville et du domaine public de la Ville de Genève (ci-après  : le service) permettant l’installation d’une terrasse d’été sur la chaussée de la rue Madeleine d’une surface d’environ 10 m2. Comme l’attestent les photos figurant au dossier de la cause, la terrasse est située sur une estrade à côté des places pour motos sur la chaussée, l’espace entre la terrasse et ladite vitrine constituant le trottoir.

3. Il ressort des pièces du dossier qu’en 2001, Mokafé S.A. a sollicité l’autorisation d’installer une terrasse du côté de la rue de la Croix-d’Or et que cette autorisation lui a été refusée. Mokafé S.A. se prévalait de la situation du restaurant "La Crémière" sis 8, rue du Marché, dont la terrasse avait pourtant été autorisée, alors que les deux situations étaient semblables. La Ville de Genève aurait alors assuré à Mokafé S.A. que la terrasse de "La Crémière" ne serait pas autorisée la saison suivante.

En mars 2002, Mokafé S.A. a renouvelé sa demande qui lui a été à nouveau refusée. De plus, le 16 mai 2002, le chef du service a écrit à M. Priarollo qu’il appartenait au magasin C&A de formuler une requête visant l’installation d’une terrasse d’été sur la rue de la Croix-d’Or et que seule une surface de 11 m. sur 2 m. pourrait, cas échéant, être accordée contre les vitrines dudit magasin.

4. Le 22 avril 2005, M. Priarollo, agissant au nom de Mokafé S.A., et Monsieur Daniel Lapraz, en qualité de directeur de C&A Mode Genève, ont adressé au directeur du service une demande d’autorisation de terrasse sur la rue de la Croix-d’Or en joignant un croquis. Les requérants souhaitaient l’installation d’une terrasse non pas contre les vitrines mais en bordure du trottoir et donc des voies de trams sur une largeur de trois mètres, laissant ainsi un espace de 4,5 m. en guise de trottoir entre ladite terrasse et les vitrines.

Par lettre-signature et pli ordinaire du 15 juillet 2005, cette requête a été rejetée au motif qu’"en ville de Genève, les terrasses d’été sont en règle générale installées contre la vitrine ou la façade du café-restaurant concerné". Mokafé S.A. étant située 9, rue de la Madeleine, aucun lien direct n’existait entre cet établissement et la rue de la Croix-d’Or. Cette décision précisait qu’elle pouvait faire l’objet d’un recours dans les trente jours auprès du Tribunal administratif.

5. Par acte posté le 13 août 2005, M. Priarollo a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif en concluant à sa mise à néant et en se plaignant d’une inégalité de traitement avec "La Crémière", car celle-ci n’avait pas de vitrine donnant sur la rue même si certaines de ses vitrines surplombaient ladite rue. L’entrée de cet établissement se trouvait sur la rue de la Rôtisserie. La terrasse était cependant autorisée chaque année non pas contre l’immeuble de la rue de la Croix-d’Or, mais en bordure du trottoir, laissant entre les vitrines et ladite terrasse un passage pour les piétons plus exigu que celui qu’il se proposait de maintenir si la terrasse qu’il sollicitait lui était accordée.

6. Le 16 septembre 2005, la Ville de Genève a conclu au rejet du recours. En 2002, il avait été indiqué à Mokafé S.A. que C&A pouvait cas échéant requérir une autorisation visant l’installation d’une terrasse d’été sur la rue de la Croix-d’Or. Aucune suite n’avait été donnée à ce courrier avant avril 2005. La décision contestée du 15 juillet 2005 confirmait en tous points celle rendue le 16 mai 2002.

Contrairement aux allégués de la recourante, Mokafé S.A. était un établissement totalement indépendant de C&A. De plus, il existait des différences manifestes entre Mokafé S.A. et "La Crémière" justifiant ainsi pleinement une différence de traitement entre ces deux établissements.

La Ville de Genève faisait référence à sa pratique constante et ininterrompue consistant à imposer la terrasse d’été contre la façade ou la vitrine du magasin concerné et à arrêter les limites de la terrasse en tenant compte de la largeur de l’établissement y relatif. Enfin, la terrasse d’un établissement ne pouvait être installée que sur la rue sur laquelle donnait le commerce en question. Mokafé S.A. avait ses vitrines sur la rue de la Madeleine exclusivement et le seul fait qu’elle occupe une partie des locaux de C&A ne lui conférait aucune prérogative sur les vitrines de ce magasin donnant sur la rue de la Croix-d’Or.

La situation de "La Crémière" était différente puisque les vitrines de cet établissement, même si elles n’étaient pas de plain-pied, donnaient toutes sur la rue du Marché.

7. Un avocat s’étant constitué pour la recourante, un second échange d’écritures a été autorisé à la requête de celui-ci. La recourante a ainsi fait valoir que  :

a. De jurisprudence constante, l’intérêt actuel de la recourante devait être admis même si la saison d’été était terminée puisqu’elle entendait renouveler sa demande pour 2006.

b. La loi sur le domaine public du 24 juin 1961 (LDP - L 1 05) et son règlement d’utilisation du 21 décembre 1988 (RDP - L 1 10.12) ne fixaient pas les conditions matérielles d’obtention d’une permission d’utilisation excédent l’usage commun et ne contenaient aucune prescription sur l’implantation des terrasses en particulier. L’autorité devait tenir compte uniquement des intérêts légitimes du requérant et de ceux des autres usagers du domaine public ainsi que du besoin d’animation de la zone concernée tout en laissant un passage suffisant pour les piétons (art. 1 al. 3, 7 al. 4 et 31 al. 2 du règlement).

c. La Ville de Genève invoquait une prétendue pratique constante et ininterrompue mais ne citait aucun autre cas à l’appui de sa démonstration. Quant à la comparaison avec "La Crémière", elle établissait clairement une inégalité de traitement.

d. De plus, "Mokafé" n’était pas un café-restaurant mais une buvette permanente, soit l’accessoire du magasin C&A dont elle était le bar à café. Le fait que Mokafé soit géré par une société juridiquement indépendante de celle exploitant le magasin C&A n’était pas pertinent. La Ville de Genève avait précédemment indiqué en 2002 qu’il appartiendrait à C&A de requérir la permission qui ne lui serait accordée qui si elle exploitait personnellement l’établissement en cause. Or, cette exigence était arbitraire et dépourvue de base légale. De plus, cette argumentation était d’autant plus insoutenable que la requête présentée en 2005 était contresignée par C&A.

8. La recourante a produit un courrier du 5 décembre 2005 du directeur de C&A appuyant le projet de terrasse d’été sur la rue de la Croix-d’Or, raison pour laquelle cette société avait contresigné la requête faite en avril 2005 et l’appuyait pour 2006.

9. La Ville de Genève a dupliqué en persistant à se référer à sa pratique qui était devenue à ce point une coutume qu’elle était dorénavant entrée dans le nouveau règlement sur les terrasses et établissements publics adopté le 6 avril 2005. A teneur de son article 7 alinéa 2, les terrasses étaient en principe attenantes à la façade des établissements publics dont elles constituaient l’annexe.

Quant au pouvoir de cognition du Tribunal administratif, il était limité, la juridiction administrative ne disposant pas des éléments techniques nécessaires pour déterminer, dans l’hypothèse où il accepterait le principe d’une terrasse, l’emplacement exact de celle-ci. Le recours devait être rejeté.

10. Une audience de comparution personnelle des parties s’est tenue le 3 février 2006.

A cette occasion, la recourante a produit trois nouvelles pièces soit :

- un arrêté du 15 décembre 2005 du département de l’économie et de la santé l’autorisant à exploiter la buvette permanente accessoire au magasin C&A, "Mokafé", propriété de Mokafé S.A.;

- le plan correspondant à ses dernières conclusions, à savoir une terrasse d’environ 22 m2 sur la rue de la Croix-d’Or ;

- une autorisation du 12 janvier 2006 délivrée par le service permettant à Mokafé S.A. d’installer un panneau mobile contre la façade de C&A à la rue de la Croix d’Or.

M. Priarollo a relevé que tous les grands magasins (Globus, la FNAC, la Migros, la Coop etc.) avaient un bar à café ou un café-restaurant, soit qu’ils l’exploitaient eux-mêmes, soit qu’ils le sous-traitaient. S’agissant de l’utilisation du domaine public, il ne voyait pas en quoi le fait que Mokafé S.A. soit une entité indépendante de C&A changeait quelque chose puisqu’elle était la buvette de ce grand magasin. Enfin, il persistait à ne pas voir de différence entre la terrasse qu’il sollicitait sur la rue de la Croix-d’Or et celle de "La Crémière" et de l’ancien "Prater" devenu "Le Flow" dont le dossier a été produit par l’intimée à la requête du juge délégué. En effet, "Le Flow" était un bar de nuit n’ayant aucune façade sur la rue de la Croix-d’Or même si l’accès se faisait par cette rue et se trouvait au fond d’un couloir. La terrasse de cet établissement était la même que celle de "La Crémière" dont le personnel servait les clients étant précisé que "La Crémière" était située à l’étage même si sa façade donnait sur la rue du Marché. On accédait à cet établissement par un escalator, une autre entrée se trouvant sur la rue de la Rôtisserie. Le café "Flow" avait pour exploitant Monsieur Florian Nicollier, comme "La Crémière".

a. Le 1er janvier 2006, le règlement de la Ville de Genève sur les terrasses était entré en vigueur et concernait celles des établissements publics, ce qui incluait les buvettes, au sens de l’article 17 de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21).

M. Priarollo a confirmé qu’il allait redéposer une demande pour 2006.

Il a souligné que la terrasse de l’"Antidote", située à la rue de la Rôtisserie, était plus longue que la façade de cet établissement.

b. Le représentant de la Ville de Genève a indiqué que le règlement consacrait la pratique. Il ne pouvait citer d’autre cas de comparaison que "La Crémière" et le "Flow". La Ville de Genève n’entendait pas autoriser une terrasse pour un établissement indépendant d’un grand magasin.

11. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

1. Le recours a été interjeté en temps utile auprès de la juridiction compétente (art. 56 A LOJ ; art. 63 al. L litt a LPA).

2. La demande déposée le 22 avril 2005 par MM. Priarollo et Lapraz concernait l'installation d'une terrasse pour la saison 2005.

La recourante conserve toutefois un intérêt actuel au recours puisqu'elle entend redéposer une demande semblable pour 2006, comme son représentant l'a déclaré lors de l'audience de comparution personnelle, et qu'elle pourrait donc être touchée par une décision identique (ATF 124 I 231 consid. 1b p. 233 ; 121 I 279 ; ATA/17/06 du 17 janvier 2006 ; ATA/552/05 du 16 août 2005 ; ATA/875/04 du 9 novembre 2004).

En conséquence, le recours sera déclaré recevable.

3. La LDP prévoit en ses articles 13 et 15 que toute utilisation du domaine public excédant l'usage commun est subordonnée à une permission qui est accordée par l'autorité cantonale ou communale administrant ledit domaine public.

Selon l'article 1er alinéa 2 RDP,"dans les limites de la loi et le respect des conditions liées à l'octroi de la permission, les particuliers disposent d'un droit à l'utilisation du domaine public excédant l'usage commun lorsqu'aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose".

De plus, selon l'alinéa 3 de cette disposition, "lors de l'octroi de la permission, l'autorité compétente tient compte des intérêts légitimes du requérant, de ceux des autres usagers du domaine public et des voisins, de ceux découlant des concessions ou droits d'usage exclusifs concédés par les autorités compétentes, ainsi que du besoin d'animation de la zone concernée".

Quant au bénéficiaire, il doit en particulier laisser libre un passage suffisant pour la circulation des piétons (art. 7 al. 4 RDP).

4. Le Conseil administratif de la Ville de Genève s'est doté le 6 avril 2005 d'un règlement sur les terrasses d'établissements publics. Celui-ci est entré en vigueur le 1er janvier 2006. Il est accompagné de "lignes directrices", telles qu'elles sont prévues par l'article 5 alinéa 3 de ce règlement, aux fins d'améliorer le confort des usagers et l'esthétique des terrasses, sans pour autant imposer un mobilier unifié.

Des photos sont jointes au règlement montrant en bleu les aménagements conformes au règlement et en jaune orange ceux qui doivent être modifiés pour s'y adapter.

Le règlement et les directives figurent dans le dossier de la cause.

Ils consacrent la pratique développée jusqu'ici par la Ville de Genève sur son territoire. Ils peuvent dès lors être appliqués en l'espèce pour examiner le refus de l'intimée.

5. Le règlement comporte des dispositions générales et des dispositions particulières, applicables aux trois types de terrasses, soit les terrasses d'été, celles d'hiver ainsi que les terrasses parisiennes.

A teneur de l'article 7 du règlement, intitulé "emplacement et emprise au sol" :

1. "Les terrasses peuvent être installées sur le domaine public communal de la Ville de Genève, soit les trottoirs et les places, à la condition qu’un espace suffisant subsiste pour permettre en tout temps un passage fluide des piétons, en fonction de la fréquentation piétonne et des conditions locales, telles que le mobilier urbain, l’affectation de la chaussée adjacente, etc.

2. Les terrasses sont en principe attenantes à la façade des établissements publics dont elles constituent l’annexe, étant réservé le cas de terrasses disposées en deux parties, de part et d’autre d’un axe piétonnier.

3. Moyennant une décision préalable de renonciation à l’affectation à la circulation émanant des services cantonaux compétents, des places de parking ou parties de chaussée peuvent, le cas échéant, être également utilisées pour l’installation de terrasses.

4. Pour des raisons esthétiques et de fluidité du trafic des piétons et des véhicules, les terrasses sont en principe à éviter dans les zones de rencontre au sens de l’article 22b de l’ordonnance fédérale sur la signalisation routière".

6. Selon la facture du département de justice, police et sécurité, devenu le département des institutions (ci-après  : le département) produite par la recourante, Mokafé S.A. est une buvette permanente, au sens des articles 16 alinéa 1 lettre H et 17 alinéa 1 lettre H LRDBH, soit un débit de boissons, pouvant comporter un service de petite restauration, exploité de façon durable ou saisonnière, accessoire à un commerce. En effet, le directeur de C&A a confirmé par courrier du 5 décembre 2005 que sa société avait sous-traité l'exploitation du bar à café qu'elle souhaitait mettre à disposition de sa clientèle, raison pour laquelle il avait co-signé la requête précitée du 22 avril 2005 tendant à l'installation d'une terrasse sur la rue de la Croix-d'Or, comme le chef du service le lui avait recommandé dans son courrier du 16 mai 2002.

Il en résulte que Mokafé S.A. est bien accessoire au magasin C&A de sorte que la terrasse en est l'annexe, au sens de l'article 7 alinéa 2 du règlement précité. Peu importe dès lors que la recourante soit sous-locataire de C&A.

7. En principe, les terrasses sont attenantes à la façade des établissements publics (art. 7 al. 2 du règlement).

Cette formulation indique clairement que des exceptions sont possibles.

Celles-ci ne sont cependant pas énoncées et ne résultent pas des directives.

Les lignes directrices auxquelles fait référence l'article 5 alinéa 3 du règlement ont la portée de circulaires, soit d'ordonnances administratives, qui n'ont pas force de loi selon la jurisprudence et la doctrine. Elles ne constituent pas du droit, fédéral ou cantonal (ATF 121 II 473 consid. 2b p. 478, ATF 121 IV 64 consid. 3 p. 66, ATA/763/2002 du 3 décembre 2002, consid. 5 et les références citées).

Si les directives, circulaires ou instructions émises par l’administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut néanmoins les prendre en considération en vue d’assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 121 II 473 consid. 2b).

Emise par l’autorité chargée de l’application concrète, l’ordonnance administrative est un mode de gestion : elle rend explicite une ligne de conduite, permet d’unifier et de rationaliser la pratique, assure ce faisant aussi l’égalité de traitement et la prévisibilité administrative et facilite le contrôle juridictionnel, puisqu’elle dote le juge de l’instrument nécessaire pour vérifier que l’administration agit selon des critères rationnels, cohérents et continus, et non pas selon une politique au cas par cas (ATA/51/2006 du 31 janvier 2006 ; ATA/812/2005 du 29 novembre 2005 ; ATA/662/2005 du 11 octobre 2005 ; ATA/763/2002 du 3 décembre 2002 consid. 5 et les références citées).

8. Il faut donc examiner, sous l'angle du respect du principe de l'égalité de traitement (B. KNAPP, Précis de droit administratif, Bâle 1991, p. 35, no 165), le refus opposé à la recourante et l'acceptation par la même autorité intimée, depuis des années, de la terrasse de "La Crémière", prolongée par celle du "Flow", toutes deux situées sur la rue du Marché, étant précisé que la rue du Marché et la rue de la Croix-d'Or ne forment qu'une seule et même artère du centre ville.

a. Comme cela résulte de la partie en fait, "La Crémière" ne dispose pas d'arcade au rez-de-chaussée mais uniquement à l'étage. Les commerces situés au rez-de-chaussée, sous "La Crémière", ne sont pas des établissements publics.

Quant au "Flow", il n'a pas d'arcade du tout et son accès se fait par un corridor débouchant sur la rue du Marché.

Les terrasses de ces deux établissements ne peuvent donc être attenantes à la façade de ceux-ci, au sens de l'article 7 alinéa 2 du règlement.

Celles-ci sont d'ailleurs visibles sur l'exemple n° 12 des photos figurant dans les lignes directrices et doivent être adaptées au nouveau règlement mais uniquement en raison des bacs à fleurs qui la délimitent et non parce qu’elles ne sont pas attenantes à la façade.

b. Aussi bien "La Crémière" que Mokafé S.A. ont une entrée sur la rue de la Rôtisserie ainsi qu'un accès un étage en dessous, respectivement sur la rue du Marché par un escalator extérieur, et sur la rue de la Croix-d'Or par un escalier roulant situé à l'intérieur du magasin C&A., Mokafé S.A. devant par ailleurs respecter les heures d'ouverture dudit magasin.

c. Le trottoir abritant la terrasse de "La Crémière" et celle du "Flow" est beaucoup plus étroit que ne l'est celui situé devant C&A.

Si Mokafé S.A. était autorisée à installer une terrasse selon le plan produit, à savoir en bordure des voies de tram, sur une longueur de 11 m. et une largeur de 2 m., il subsisterait un trottoir de 5,5 m. alors que le passage dévolu aux piétons par les terrasses de "La Crémière" et du "Flow" ne mesure que deux mètres.

9. Il en résulte que le refus de l'autorité intimée viole non seulement le principe d'égalité de traitement - car les deux situations sont en tous points comparables - mais également l'article 1 alinéa 3 RDP, car l'intimée n'invoque aucun intérêt prépondérant à l'appui de sa décision.

10. En conséquence, le recours sera admis et la décision attaquée annulée.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera infligé à la Ville de Genève. Celle-ci devra en outre verser à la recourante une indemnité de procédure de CHF 1'500.- (art. 87 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 août 2005 par Mokafé S.A. contre la décision de la Ville de Genève du 15 juillet 2005 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision de la Ville de Genève du 15 juillet 2005 ;

renvoie le dossier à l’autorité intimée pour nouvelle décision au sens des considérants ;

met à la charge de l’intimée un émolument de CHF 1’000.- ;

alloue à la recourante une indemnité de procédure de CHF 1’500.- à charge de l’intimée ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Pierre Augier, avocat de la recourante ainsi qu'à la Ville de Genève.

Au nom du Tribunal administratif :

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges

 

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :