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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/703/2011

ATA/141/2013 du 05.03.2013 sur JTAPI/578/2012 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/703/2011-ICCIFD ATA/141/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 mars 2013

 

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Monsieur X______

représenté par Guggenheim et associés S.A., mandataire

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 avril 2012 (JTAPI/578/2012)


EN FAIT

1. Monsieur X______, né le ______ 1964, est contribuable à Genève.

2. Le 29 novembre 2010, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a envoyé à M. X______ ses bordereaux de taxation pour l'année 2009 en matière d'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et d'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC).

3. Le 1er décembre 2010, M. X______ a élevé réclamation contre les bordereaux de taxation précités, concluant à la prise en compte d'une déduction pour contributions d'entretien de CHF 12'000.- et non de 10'000.-, et à la réouverture de la taxation 2008 en vue d'y effectuer la même correction.

4. Par quatre décisions sur réclamation du 31 janvier 2011, l'AFC-GE a maintenu les taxations 2009 et déclaré irrecevables, pour cause de tardiveté, les réclamations élevées contre les taxations 2008.

5. Le 17 février 2011, M. X______ s'est adressé à l'AFC-GE en contestant le bien-fondé de ces décisions. L'AFC-GE a transmis ce courrier au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) comme valant recours.

6. Par jugement du 30 avril 2012, le TAPI a admis partiellement le recours, confirmant les taxations 2008 et annulant les taxations 2009, a renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour nouvelles décisions de taxation 2009 au sens des considérants, et a mis à la charge du recourant un émolument de CHF 300.-.

Ont siégé lors de la délibération, suivant la composition mentionnée au pied du jugement, Madame Y______, présidente, et Messieurs Z______ et A______, juges assesseurs.

7. Par acte déposé le 4 juin 2012, l'AFC-GE a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et à la confirmation (recte : au rétablissement) de ses décisions du 31 janvier 2011.

8. Le 12 juin 2012, le TAPI a déposé son dossier sans formuler d'observations.

9. Le 27 juillet 2012, M. X______ a conclu au rejet du recours.

10. Le 13 août 2012, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 14 septembre 2012 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

11. Les parties ne se sont pas manifestées depuis lors.

12. Le 11 février 2013, la présidente du Conseil supérieur de la magistrature (ci-après : CSM) a écrit à la présidente de la chambre administrative.

M. A______, juge assesseur auprès du TAPI siégeant dans les affaires fiscales, s'avérait être domicilié dans le canton de Vaud depuis le mois de septembre 2010, de sorte que depuis cette date il ne remplissait plus les conditions d'éligibilité.

13. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Conformément à l'art. 30 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce qu'elle soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Le droit des parties à une composition régulière du tribunal impose des exigences minimales en procédure cantonale ; il interdit les tribunaux d'exception et la mise en œuvre de juges ad hoc ou ad personam et exige dès lors, en vue d'empêcher toute manipulation et afin de garantir l'indépendance nécessaire, une organisation judiciaire et une procédure déterminées par un texte légal (ATF 129 V 335 consid.1.3.1). Toute partie à une procédure a un droit à ce que l'autorité soit composée régulièrement et statue au complet, et que seules délibèrent les personnes habilitées (ATF 137 I 340 consid. 2.2.1 ; 127 I 128 consid. 4b ; ATA/16/2007 du 16 janvier 2007 consid. 5).

On ne saurait par ailleurs admettre qu'un tribunal décide de statuer dans une composition qui s'écarte de sa composition régulière, même si les parties ont donné leur accord à cet égard ; il y a en effet un intérêt public cardinal et manifeste à ce que la justice soit rendue par des juges et tribunaux établis par la loi et non par des personnes qui conviendraient mieux aux autorités judiciaires ou aux parties (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_235/2008 du 13 mai 2009 consid. 3.2.3).

3. C'est en premier lieu à la lumière des règles cantonales topiques d'organisation et de procédure qu'il convient d'examiner si une autorité judiciaire ou administrative a statué dans une composition conforme à la loi (ATF 131 I 31 consid. 2.1.2.1 ; 129 V 335 consid. 1.3.2 ; 127 I 128 consid. 3c ; Arrêt du Tribunal fédéral 2D_6/2012 du 31 juillet 2012 consid. 2.2).

4. a. A Genève, les juges assesseurs sont des magistrats de l'ordre judiciaire au sens de l'art. 132 de la Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 (Cst-GE - A 2 00) (ATF 130 I 106 consid. 2.1). Ils doivent remplir les conditions d'éligibilité prévues par l'art. 5 al. 1 LOJ, sauf celles de la titularité du brevet d'avocat et des 3 ans de pratique professionnelle utile au poste (art. 5 al. 2 LOJ).

b. Tout juge assesseur doit donc, pour être éligible, avoir l'exercice des droits politiques dans le canton de Genève (art. 5 al. 1 let. b LOJ) et être domicilié dans le canton de Genève (art. 5 al. 1 let. c LOJ).

c. Lors de l’adoption de la LOJ, le 26 septembre 2010, le législateur a prévu que les magistrats déjà en fonction au moment de l’entrée en vigueur de la loi et ne remplissant pas la condition exigée par l’art. 5 al. 1 let. c LOJ n’y étaient pas soumis (art. 144 al. 8 LOJ).

d. Par ailleurs, le CSM relève de sa charge tout magistrat qui ne remplit pas ou plus les conditions d'éligibilité (art. 21 al. 1 let. a LOJ), ce qui implique que les magistrats doivent remplir en tout temps lesdites conditions.

5. En l'espèce, le jugement attaqué a été rendu le 30 avril 2012, et M. A______ a délibéré en tant que juge assesseur selon la composition mentionnée dans le jugement. Or à cette date, il ne remplissait plus la condition d’éligibilité prévue à l’art. 5 al. 1 let. b LOJ. Domicilié dans le canton de Vaud, il n’avait en effet pas l’exercice des droits politiques à Genève (art. 39 al. 2 et 3 Cst. et art. 1 let a de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 - LEDP - A 5 05). Il n'aurait donc pas dû participer à cette délibération. Le TAPI a ainsi siégé dans une composition irrégulière.

6. Lorsqu'une décision de justice est prise par une autorité irrégulièrement composée, elle doit selon la jurisprudence fédérale être annulée (ATF 130 I 226 consid. 3.3 ; 129 V 335 consid. 3.3 ; 127 I 128 consid. 4d ; Arrêt du Tribunal fédéral 2D_6/2012 du 31 juillet 2012 consid. 4 ; ATA/464/2011 du 26 juillet 2011 consid. 4 et 5 ; ATA/658/2006 du 7 décembre 2006 consid. 7).

7. Le recours sera ainsi partiellement admis. Le jugement entrepris sera annulé, et la cause sera renvoyée au TAPI pour nouveau jugement, celui-ci devant être délibéré dans une composition régulière.

8. Compte tenu de l'issue du litige et des circonstances de la présente espèce, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 juin 2012 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 avril 2012 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 avril 2012 ;

renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance pour nouveau jugement, au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à Monsieur X______, représenté par Guggenheim et associés S.A., mandataire, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.


Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :