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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2190/2009

ATA/422/2012 du 03.07.2012 sur JTAPI/1247/2011 ( ICC ) , ADMIS

Recours TF déposé le 05.09.2012, rendu le 19.04.2013, REJETE, 2C_834/2012
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2190/2009-ICC ATA/422/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 juillet 2012

1ère section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Monsieur B______
représenté par Me Antoine Berthoud, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 novembre 2011 (JTAPI/1247/2011)


EN FAIT

Monsieur B______ (ci-après : le contribuable), né le ______ 1943, a été domicilié à Genève jusqu'à fin 2006. Entre 1988 et 1989, il a acquis la totalité des parts de copropriété d'un immeuble soumis au régime de la propriété par étages (ci-après : PPE), à l'adresse ______, rue H______ à Genève, et correspondant aux parcelles nos ______ et ______ de la commune de Genève, section Cité. Il a acquis une partie des lots seul, et une autre partie en société simple avec d'autres locataires, soit messieurs P______ et T______. M. B______ détient seul la totalité des lots depuis mars 1989.

Dans le cadre de cette acquisition, M. B______ a conclu avec C______ S.A. (ci-après : C______) un contrat de prêt hypothécaire portant sur un montant de CHF 12'000'000.-.

Selon le registre de l'office cantonal de la population, M. B______ a eu pour domiciles à Genève : le I______ ______ à Cologny, du ______ 1989 au ______ 1996 ; le ______, chemin P______ à Collonge-Bellerive, du ______ 1996 au ______ 1998 ; le ______, rue H______ à Genève, du ______ 1998 au ______ 2005 ; le ______, route L______ à Jussy du ______ 2005 au ______ 2006, date de son départ de Genève pour une destination non précisée à l'étranger.

Le 20 décembre 1990, M. B______ a aliéné la parcelle n° ______ de Cologny et une part de copropriété de 41/500 sur la parcelle n° ______ de la même commune, pour un montant total de CHF 5'500'000.-.

Le 21 février 1997, M. B______ a aliéné une parcelle lui appartenant, sise à Jussy et d'une surface de 1'707 m2, pour un montant de CHF 1'600'000.-.

Le 29 octobre 1999, M. B______ a signé avec l'A______ S.A. (ci-après : A______ ou la banque) une convention d'assainissement. Il ressortait de ce document que la banque était notamment créancière de gages sur les biens-fonds propriété de M. B______ et sis au ______, route C______ ; au ______, route M______ ; et au ______ rue S______ (immeuble « E______ »).

Le 22 décembre 2000, M. B______ a aliéné deux parcelles lui appartenant, sises à Genève (parcelles nos ______ et ______ de la section Eaux-Vives) et d'une surface respective de 1'586 et 6'621 m2, pour un montant total de CHF 4'750'000.-.

Le 5 octobre 2006, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a émis une attestation concernant l'estimation fiscale 1996 des biens immobiliers relatifs aux parcelles nos ______ et ______. La valeur fiscale 1996 totale des terrains s'élevait à CHF 4'225'870.-, celle des bâtiments à CHF 14'694'130.- (soit au total CHF 18'920'000.-).

Le 11 octobre 2006, M. B______ a vendu l'intégralité des parts de copropriété des parcelles précitées à Madame D______ et Monsieur  F______, pour la somme de CHF 30'000'000.-.

Le 2 février 2007, M. B______ a retourné sa déclaration pour l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers (ci-après : IBGI) relative à l'aliénation des parcelles nos ______ et ______.

La valeur d'acquisition était de CHF 24'596'000.-. La valeur d'aliénation était de CHF 30'000'000.- desquels il fallait déduire CHF 484'200.- à titre de commission de courtage, et CHF 760'000.- à titre de frais d'acte (soit 4 % de CHF 19'000'000.-). Le gain immobilier imposable s'élevait ainsi à CHF 4'159'800.-.

Un courrier accompagnait la déclaration. Le bien immobilier ayant été acquis plus de dix ans avant l'aliénation, il y avait lieu de prendre en considération la valeur fiscale majorée. L'immeuble avait été déclaré comme loué dans diverses déclarations, notamment pour la période fiscale 2001-B, avec une valeur en fortune correspondant à la capitalisation de l'état locatif. Mais tel n'avait plus été le cas par la suite, si bien qu'il fallait tenir compte de la valeur fiscale 1996 majorée de 30 %, soit CHF 24'596'000.-.

Le 28 janvier 2008, l'AFC-GE a fait parvenir au contribuable son bordereau IBGI. Le gain imposable s'élevait à CHF 9'839'000.-, l'impôt à CHF 983'900.-.

Le 26 février 2008, M. B______ a élevé réclamation contre la décision précitée auprès de l'AFC-GE.

Bien que le bordereau ne mentionne pas le calcul du gain, il était évident que la valeur d'imposition prise en considération était le montant de CHF 18'920'000.- correspondant au prix d'achat de l'immeuble, et non à la valeur fiscale majorée figurant dans la déclaration.

L'immeuble en cause n'avait pas été qualifié par le service immobilier (ci-après : SI) de l'AFC-GE comme immeuble, notamment dans la détermination de ses impôts pour les périodes fiscales d'il y avait plus de dix ans, seules déterminantes. Il fallait dès lors considérer comme valeur d'acquisition la valeur fiscale majorée, soit la somme de CHF 24'596'000.- figurant dans la déclaration.

Dans le cadre de la vente de son bien immobilier, il avait dû procéder à une résiliation anticipée du prêt hypothécaire conclu avec C______, qui lui avait facturé à ce titre CHF 867'013,15. Ce montant devait être admis en déduction du gain immobilier taxable. Pour le surplus, la vente avait un caractère privé, l'immeuble en cause n'étant jamais entré dans sa fortune commerciale et ayant constitué pour partie son domicile familial.

Par décision du 16 avril 2009, l'AFC-GE a rejeté la réclamation et maintenu la taxation établie.

Compte tenu de la nature de l'opération, qui était relative au patrimoine professionnel de M. B______, l'estimation fiscale faite dix ans plus tôt et majorée de 30 % ne pouvait être prise en compte. L'activité déployée par l'intéressé dans le domaine de l'immobilier, ainsi que l'acquisition de l'immeuble en société simple avec d'autres professionnels de l'immobilier démontraient que le bien vendu faisait partie du patrimoine professionnel de M. B______.

L'indemnité de résiliation anticipée du crédit hypothécaire ne pouvait être admise en déduction, s'agissant d'un élément lié au financement de l'objet vendu.

Le 18 mai 2009, M. B______ a interjeté recours contre la décision sur réclamation précitée auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), remplacée le 1er janvier 2011 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Par jugement du 11 novembre 2011, le TAPI a partiellement admis le recours, et a renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour nouvelle taxation dans le sens des considérants.

Au vu de l'ensemble des circonstances, la vente immobilière soumise à la taxation litigieuse était de nature privée et ne relevait pas de l'activité professionnelle du contribuable. Même si M. B______ déployait au moment des faits une activité professionnelle dans le domaine immobilier, l'immeuble en cause ne faisait pas partie des biens rattachés à son patrimoine commercial, ni n'avait fait l'objet de la transaction globale conclue à ce titre avec l'A______ dans une convention d'assainissement du 29 octobre 1999. Il n'apparaissait pas que l'achat de l'immeuble en cause s'insérait dans le cadre d'autres opérations immobilières auxquelles M. B______ participait en tant que commerçant en immeubles. Il n'était de plus pas démontré que cette transaction était utile à des réinvestissements commerciaux ou découlait d'une intervention systématique et planifiée sur le marché immobilier. L'immeuble en cause avait représenté, pour partie, le domicile familial du contribuable pendant sept ans environ, et ce dernier avait conservé l'immeuble pendant quelque dix-sept ans avant de le revendre. Enfin, la vente n'avait pas été effectuée dans le but de bénéficier de gains spéculatifs, mais pour des motifs personnels de nécessité.

La valeur d'acquisition devait donc être majorée de 30 %, conformément à l'art. 82 al. 5 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05), qui était applicable.

M. B______ n'avait pas été en mesure de prouver la réalité du montant dont il sollicitait la déduction au titre de frais d'acte. Il convenait donc de confirmer le montant retenu par l'administration, soit CHF 756'800.-, et de rejeter le recours sur ce point.

Enfin, l'indemnité due au prêteur hypothécaire n'était pas liée directement à l'aliénation en cause, et n'était donc pas déductible en application de l'art. 82 al. 6 et 8 LCP. Le recours était rejeté sur ce point également.

Par acte déposé le 14 décembre 2011, l'AFC-GE a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et à la confirmation de sa propre décision de taxation.

Le jugement était contesté en tant qu'il considérait que la vente intervenue en 2006 ressortissait à la simple administration de la fortune privée du contribuable.

M. B______ était un professionnel de l'immobilier, qui avait procédé à diverses ventes dans le passé, lesquelles avaient été taxées de manière ordinaire sans que cela suscite de réaction de sa part sur le principe.

L'achat de l'immeuble en cause avait été réalisé par le contribuable, pour partie, en société simple avec d'autres personnes, soit MM. P______ et T______, également actifs dans le domaine de l'immobilier. M. B______ avait acquis l'immeuble par opérations successives démontrant qu'il avait agi de manière systématique en vue d'acquérir l'intégralité de l'immeuble.

Des fonds importants avaient été empruntés auprès de C______, ce que le TAPI avait méconnu. Il n'était pas décisif que le contribuable ait occupé durant plusieurs années un appartement dans l'immeuble vendu, car celui-ci abritait par ailleurs de nombreux locaux loués à des tiers, y compris des surfaces de bureaux ; le contribuable n'avait manifestement pas fait de l'immeuble un usage purement personnel.

Il n'était pas déterminant non plus que l'immeuble en cause n'ait pas été intégré dans la comptabilité de M. B______ les années précédentes. Quant au reproche fait à l'AFC-GE de ne pas avoir démontré que la transaction litigieuse était utile à des réinvestissements commerciaux, le contribuable avait quitté Genève fin 2006, vraisemblablement pour s'établir aux Iles Bahamas. C'était ainsi à tort que le TAPI avait jugé que l'opération de vente relevait de la gestion du patrimoine privé du contribuable.

Le 27 janvier 2012, M. B______ a conclu, préalablement, à ce que la pièce n° 15 du chargé de l'AFC-GE (soit deux exemples de ventes immobilières réalisées, respectivement en 1981 et 1988, par MM. P______ et T______) soit écartée, et principalement au rejet du recours et à l'allocation d'une équitable indemnité à titre de dépens.

Une pièce couverte par le secret fiscal ne pouvait être utilisée que si son contenu essentiel avait été communiqué à l'autre partie. Comme tel n'avait pas été le cas de la pièce n° 15 de l'AFC-GE, elle devait être écartée du dossier.

Sur le fond du litige, M. B______ n'était pas un promoteur immobilier et n'avait jamais été actif dans le domaine immobilier. Il avait accompli la plus grande partie de sa carrière comme responsable financier de sociétés actives dans le commerce des matières premières. Il avait effectué avec des financements de l'A______ divers investissements immobiliers qui étaient devenus excessifs au moment de l'augmentation massive des taux hypothécaires à la fin des années 1980 (recte : au début des années 1990). Il en était résulté la vente forcée d'un immeuble puis, à la fin de l'année 1999, la conclusion d'une convention d'assainissement.

Par gain de paix, il avait renoncé à contester la nature commerciale des immeubles faisant l'objet de cette convention d'assainissement et avait fait établir une comptabilité permettant de mettre au jour les pertes sur les ventes réalisées, la comptabilisation de celles-ci étant indispensable pour contrebalancer les abandons de créance consentis ultérieurement par l'A______.

L'acquisition et la vente de l'immeuble de la rue H______ se plaçait dans un contexte totalement différent, M. B______ y ayant sous-loué des bureaux, puis ayant cherché à établir une nouvelle société qu'il entendait monter avec MM. P______ et T______ - lesquels n'étaient pas professionnels de l'immobilier mais directeurs de sociétés financières -, projet qui ne s'était pas concrétisé et avait débouché sur sa reprise des parts des précités en 1989. Il avait vécu dans l'immeuble avec sa famille de 1998 à 2005, et avait en tout état perçu des loyers lui procurant un revenu non négligeable. La durée de possession avait été très longue. Ces différents éléments démontraient le caractère privé de la transaction litigieuse ; l'AFC-GE avait dès lors échoué à en démontrer le caractère professionnel.

Le 31 janvier 2012, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 2 mars 2012 pour toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

Seul M. B______ a réagi à cette invite, le 28 février 2012, en indiquant qu'il était prêt, si la chambre administrative l'estimait utile, à venir s'expliquer en comparution personnelle ; au besoin, les personnes avec qui l'immeuble litigieux avait été acquis pourraient venir témoigner.

EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Même si elle déclare dans le préambule de son acte de recours n'attaquer le jugement du TAPI que sur la question relative au montant à retenir pour la valeur d'acquisition de l'immeuble, l'administration recourante n'en conclut pas moins à l'annulation pure et simple du jugement.

Cette conclusion, en tant qu'elle concerne les parties du jugement entrepris qui confirment la décision sur opposition (jugement TAPI, consid. 11 et 12), doit être déclarée irrecevable, dès lors que la recourante s'est vu allouer le plein de ses conclusions sur ces points en première instance, et qu'elle ne possède ainsi pas d'intérêt actuel à recourir y relatif.

a. L'art. 80 LCP prévoit que l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers a pour objet le bénéfice net provenant de l'aliénation d'immeubles ou de parts d'immeubles sis dans le canton, ainsi que certains gains que ces immeubles procurent sans aliénation.

b. Est considéré comme aliénation tout acte qui confère à un acquéreur la propriété ou la réelle disposition économique d'un immeuble, soit notamment la vente, l'échange, le partage, l'expropriation et l'apport dans une société (art. 80 al. 4 LCP).

c. Le bénéfice ou gain imposable est constitué par la différence entre la valeur d’aliénation et la valeur d’acquisition (art. 82 al. 1 LCP). La valeur d’acquisition est égale au prix payé pour l’acquisition du bien, augmentée des impenses, ou, à défaut de prix, à sa valeur vénale (art. 82 al. 2 LCP). Lorsque l'acquisition est intervenue plus de dix ans avant l'aliénation, le contribuable peut demander que soit considérée comme valeur d'acquisition la valeur fiscale cinq ans avant l'aliénation s'il s'agit d'un immeuble locatif, et la valeur fiscale dix ans avant l'aliénation majorée de 30 % s'il s'agit d'un autre immeuble (art. 82 al. 5 LCP). Lorsque l’immeuble appartient à une personne morale ou à une personne physique astreinte à tenir des livres dans les comptes de laquelle il figure, le bénéfice ou gain imposable correspond à la différence entre la valeur d’aliénation et le montant pour lequel l’immeuble figure dans les comptes ; les al. 2 à 5 et 8 ne s’appliquent alors pas (art. 82 al. 9 LCP).

La seule question qui reste litigieuse est celle de savoir si l'art. 82 al. 9 LCP est applicable à la transaction du 11 octobre 2006, ou si l'art. 82 al. 5 (seconde hypothèse) LCP s'applique, soit, en d'autres termes, de savoir si le contribuable a effectué la transaction en question dans le cadre de l'administration de sa fortune privée ou si cette vente relevait de son activité professionnelle.

La valeur d'acquisition pertinente au sens de l'art. 82 al. 2 LCP équivaudrait dans le premier cas à CHF 24'596'000.-, et dans le second cas à CHF 18'920'000.-, ce qui augmenterait la plus-value opérée et donc l'impôt dû.

La délimitation entre gestion de la fortune privée et transaction professionnelle a fait l'objet d'une abondante jurisprudence du Tribunal fédéral (voir notamment les Arrêts du Tribunal fédéral 2C_819/2011 du 20 avril 2012 consid. 3.2 ; 2C_455/2011 du 5 avril 2012 consid. 5.1 et les nombreux arrêts cités). Celle-ci retient que la notion d'activité lucrative indépendante s'interprète largement. En matière de transactions immobilières, il est admis qu'il peut y avoir activité lucrative indépendante même si le contribuable n'a pas de lien initial avec le secteur de l'immobilier. Pour déterminer la frontière entre activité lucrative indépendante et gestion de patrimoine privé, la pratique a posé une série d'indices : le caractère systématique et/ou planifié des opérations, la fréquence élevée des transactions, la courte durée de possession des biens avant leur (re)vente, la relation étroite entre l'activité indépendante (accessoire) supposée et la formation et/ou la profession (principale) du contribuable, l'utilisation de connaissances spécialisées, l'engagement de fonds étrangers d'une certaine importance pour financer les opérations, le réinvestissement du bénéfice réalisé ou encore la constitution d'une société de personnes. On peut aussi mentionner l'utilisation effective du bien et le motif de son aliénation. Chacun de ces indices peut conduire, en concours avec les autres voire - exceptionnellement - isolément s'il revêt une intensité particulière, à la reconnaissance d'une activité lucrative indépendante. En tout état, les circonstances concrètes du cas sont déterminantes, telles qu'elles se présentent au moment de l'aliénation (ibid. ; ATA/541/2011 du 30 août 2011 consid. 3), étant précisé que les actifs de la fortune commerciale du commerçant d'immeubles ou de titres demeurent commerciaux malgré l'écoulement du temps (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_164/2009 du 13 août 2009 consid. 5.4).

En l'espèce, le contribuable, s'il ne peut sans doute pas être décrit comme un promoteur immobilier, a réalisé un certain nombre d'acquisitions immobilières, parfois d'importance, à la fin des années 1980. Même s'il a travaillé dans le domaine des matières premières, il n'en dispose dès lors pas moins de connaissances spécialisées en matière immobilière, qu'il a mises à profit lors de la vente litigieuse.

De l'aveu même du recourant, l'acquisition de l'immeuble s'est faite en vue d'y installer le siège d'une société qu'il entendait créer avec deux partenaires qui en ont également acquis des parts avant de les lui céder. Cette opération avait donc au départ un but commercial et s'est effectuée par le biais d'une société de personnes - que ces dernières aient été actives ou non dans l'immobilier importe peu à cet égard. Elle s'est de plus déroulée à une période où, notoirement, l'achat d'immeubles à Genève avec des buts spéculatifs battait son plein, étant précisé que suite aux arrêtés fédéraux urgents du 6 octobre 1989, le marché immobilier s'est effondré et n'a repris des valeurs élevées à la revente que vers les années 2002 à 2004.

Le montant du financement extérieur (CHF 12'000'000.- sur les CHF 18'920'000.- nécessaires à l'achat du bien, soit un peu plus de 63 % du prix de vente) est plutôt inférieur à la norme et ne laisse pas apparaître en soi un caractère commercial prépondérant. Au contraire des autres acquisitions opérées par M. B______ à la fin des années 1980, celle-ci est la seule ou l'une des seules à ne pas avoir été financée par l'A______, et donc à ne pas avoir été incluse dans la convention d'assainissement signée par l'intimé avec cet institut financier à la fin des années 1990. Ce dernier point n'implique pas que l'immeuble en cause n'ait pas fait partie d'un patrimoine commercial, mais explique que M. B______ ait pu le conserver jusqu'en 2006.

Le motif de la revente n'est pas indiqué par l'intimé. Ce dernier désirait certainement réaliser son bien à Genève avant de quitter la Suisse pour l'étranger ; contrairement à ce qu'a retenu le TAPI, qui n'explique pas en quoi les motifs de la vente revêtaient un caractère de nécessité, cela n'exclut pas un but parallèle de profit. Il n'est par ailleurs pas possible de savoir si le bénéfice a été réinvesti par M. B______, une éventuelle réponse - par hypothèse négative - qu'apporterait ce dernier sur ce point ne pouvant être vérifiée.

Les deux éléments qui militent davantage en faveur de l'administration de la fortune privée, à savoir la relativement longue durée de la possession (dix-sept ans) ainsi que l'utilisation par M. B______ et sa famille de l'un des logements de l'immeuble à titre de résidence principale, doivent être relativisés. La durée de possession a en effet correspondu assez précisément au laps de temps nécessaire à ce que l'immeuble, acheté juste avant l'effondrement du marché immobilier, puisse être revendu avec un bon profit. Quant à l'utilisation d'un logement de l'immeuble par l'intimé à titre de résidence principale, elle n'est intervenue que sept ans après le début du processus d'acquisition, et elle n'a duré que sept ans sur les dix-sept pendant lesquels il a disposé de l'immeuble.

En considérant dans leur ensemble les circonstances du cas d'espèce, telles qu'elles se présentaient au moment de l'aliénation, on doit retenir que la vente litigieuse constitue le résultat final - bien que différé - d'une opération commerciale et ne procède pas de la simple administration par M. B______ de son patrimoine privé.

Le recours sera par conséquent admis dans la mesure où il est recevable, le jugement attaqué annulé sur la question de la valeur d'acquisition de l'immeuble, et la décision sur réclamation du 16 avril 2009 rétablie.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 14 décembre 2011 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 novembre 2011 ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 novembre 2011 en tant qu'il admet le recours de Monsieur B______ sur la question de la valeur d'acquisition de l'immeuble ;

rétablit la décision sur réclamation du 16 avril 2009 ;

met à la charge de Monsieur B______ un émolument de CHF 2'000.- ;

dit qu'aucune indemnité de procédure n'est allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à Me Antoine Berthoud, avocat du recourant, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :