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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4083/2013

ATA/130/2014 du 04.03.2014 sur DITAI/6/2014 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : ; RESTITUTION DE L'EFFET SUSPENSIF ; FORÊT ; DÉFRICHEMENT ; COMPENSATION ÉCOLOGIQUE
Normes : LCI.148 ; LPA.66.al1 ; Cst.77.al3 ; LPFo.5.al1 ; LFo.3
Résumé : Confirmation de la restitution de l'effet suspensif de recours déposés contre une autorisation de défrichement définitif liée à une autorisation de construire un établissement d'intérêt public, également contestée. L'intérêt à la conservation provisoire de la forêt concernée l'emporte sur l'intérêt public à une réalisation immédiate du défrichement, sauf à préjuger de l'issue des recours et à priver d'emblée ceux-ci d'objet en créant une situation de fait irréversible.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4083/2013 LCI ATA/130/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 mars 2014

 

dans la cause

éTAT de GENÈVE

contre

ASSOCIATION BIEN VIVRE à PUPLINGE

et

Monsieur X______
représentés par Me Horace Gautier, avocat

et

COMMUNE DE PUPLINGE
représentée par Mes Patrick Blaser et Nicolas Piérard, avocats

et

DéPARTEMENT DE L'AMéNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'éNERGIE

et


DéPARTEMENT DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPOrTS ET DE L'AGRICULTURE

_________


Recours contre la décision de jonction et sur effet suspensif du Tribunal administratif de première instance du 8 janvier 2014


EN FAIT

1) L'Etat de Genève est propriétaire de la parcelle no 1'080, feuilles 12 et 24 de la commune de Puplinge, à l'adresse 10, chemin Favra. Ce terrain, aussi dénommé « site pénitentiaire rive gauche », d'une superficie de 100'376 m2, est situé pour partie en zone de bois et forêts et pour le solde en zone 4A. Les établissements pénitentiaires de Champ-Dollon, La Brenaz, Favra et Curabilis y sont construits.

La parcelle no 1'819, adjacente à la parcelle no 1'080, est située sur la commune de Choulex, en zone 4A, également propriété de l'Etat de Genève. La parcelle no Y______, également adjacente est située sur la commune de Choulex, en zone agricole et appartient à un propriétaire privé.

2) Le 5 avril 2013, l'office des bâtiments, pour l'Etat de Genève a déposé une demande d'autorisation de construire (no 105'763) un établissement pénitentiaire dit « Brenaz II », extension de celui déjà existant, visant à créer 100 places de détention supplémentaires sur les parcelles précitées.

Le 8 avril 2013, dans le cadre de ce projet de construction, une requête de défrichement définitif d'une surface de 8'418 m2 de forêt située sur les parcelles nos 1'080, 1'819 et Y______ a été requise par l'Etat de Genève.

3) Les préavis suivants, s'agissant notamment de la requête en autorisation de défrichement, ont été recueillis dans le cadre de l'instruction du dossier :

- le 6 mai 2013, la commission consultative de la diversité biologique a préavisé favorablement le dossier sous réserve de disposer, avant le début des travaux, d'un plan localisé de quartier du périmètre dévolu à l'extension des prisons à moyen terme indiquant les compensations pérennes au défrichement et autres mesures ;

- le 10 mai 2013, la commune de Puplinge a rendu un préavis défavorable, notamment au motif que le projet impliquait l'abattage d'un très grand nombre d'arbres situés en zone forêt, contrairement à ce qui avait été indiqué par le requérant dans la demande d'autorisation. Un projet de compensation intégral conforme à la législation fédérale et cantonale en la matière devait être présenté. En outre, la compensation devait être effectuée avant le début des travaux afin de protéger l'impact visuel des bâtiments projetés et ceux qui étaient déjà construits ;

- le 13 mai 2013, la direction générale de la nature et du paysage (ci-après : DGNP) a rendu un préavis favorable sous réserve de décision favorable de l'office fédéral de l'environnement (ci-après : OFEV). La procédure de défrichement devait être coordonnée à la demande en autorisation de construire ;

- le 12 juin 2013, la direction des plans d'affectation et requêtes a estimé que le projet était conforme au plan directeur cantonal 2015 et 2030 ;

- le 19 juin 2013, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) a préavisé favorablement le projet sous réserve de la délivrance de l'autorisation fédérale de défrichement, de l'application des conditions fédérales et cantonales et de la réalisation d'un plan d'affectation du sol. La dérogation de l'art. 11 al. 2 let a de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10) était octroyée, étant rappelé que les plantations compensatoires devraient se faire sur le site, selon la zone de forêt future prévue.

4) Le 19 juin 2013, la DGNP a adressé la demande de défrichement à l'OFEV pour préavis, conformément à l'art. 6 al. 2 de la loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (LFo - RS 921.0), s'agissant d'une surface supérieure à 5'000 m2.

5) Le 29 juillet 2013, l'OFEV a rendu un avis sommaire contenant les points suivants :

- l'emplacement et les emprises du projet Brenaz  II résultaient de la proximité nécessaire avec le bâtiment existant, des exigences de forme du bâtiment liées à son exploitation ainsi que de la présence obligatoire d'un chemin de ronde protégé, le tout établi dans le cadre d'une planification globale du site pénitentiaire de Champ-Dollon. En conséquence, la nécessité relative de réaliser le projet à l'endroit prévu pouvait être considérée comme établie ;

- l'Etat de Genève avait déposé un « master plan » instituant un « campus pénitentiaire » comprenant l'étape Brénaz II. Les conditions de l'aménagement du territoire seraient remplies avec l'acceptation par les autorités du projet de loi entérinant ce plan ;

- le défrichement ne présentait pas de dangers sérieux pour l'environnement ;

- le désengorgement du centre pénitentiaire existant, notoirement surchargé, et le renforcement de la sécurité des détenus et du personnel répondaient à un intérêt public important qui primait dans le cas présent l'intérêt à la conservation de la forêt ;

- le projet ne touchait aucun inventaire fédéral basé sur la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage du 1er juillet 1966 (LPN - RS 451) ou la loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages du 20 juin 1986 (LChP - RS 922.0). Néanmoins, le cordon boisé à défricher revêtait une valeur naturelle non négligeable en tant que liaison biologique avec la Seymaz et était l'habitat de plusieurs espèces d'oiseaux menacées. Il constituait ainsi un biotope digne de protection et des mesures de remplacement appropriées étaient nécessaires.

L'OFEV sollicitait des informations complémentaires et concrètes de la part de la DGNP, notamment s'agissant des mesures liées au reboisement, à la nature et la situation exacte des surfaces de compensation. En l'absence de ces éléments, l'OFEV n'était pas en mesure de se prononcer de manière complète et définitive sur cet aspect.

6) Le 22 août 2013, la DGNP a fait parvenir à l'OFEV un projet du bureau d'études Poget & Meynet, portant sur un complément aux mesures de compensation du défrichement ainsi qu'un schéma de compensation du défrichement.

La compensation quantitative était réalisée par la création d'une zone forestière de 8'418 m2 à l'ouest du campus pénitentiaire, incluant une construction Brenaz III à l'ouest des bâtiments existants, du côté de la route de Jussy et du village de Puplinge. Les compensations écologiques se composaient d'une haie vive longue de 340 m, soit 850 m2, prévue perpendiculairement à la Seymaz, au sud de la parcelle ainsi que d'un biotope en zone humide d'une surface totale de 5'000 m2, proche de la Seymaz, au nord des bâtiments. Finalement une bande de prairie extensive de 4 m était prévue le long de la lisière de la nouvelle forêt.

7) Le 27 septembre 2013, l'OFEV a complété son préavis. Les précisions fournies répondaient à satisfaction quant à la nature des mesures de compensation. Quant à la garantie nécessaire de la faisabilité, le plan des mesures était à intégrer au dossier d'autorisation de construire ou des garanties solides de faisabilité des mesures étaient à produire, tel l'accord écrit de tous les propriétaires concernés. Dans la mesure où cette demande était respectée, l'OFEV estimait que les exigences de la protection de la nature et du paysage étaient remplies.

S'agissant de la compensation du défrichement, elle était suffisante en quantité et en qualité. La faisabilité des mesures de compensation devait être pleinement établie et garantie au stade de l'autorisation de construire par l'accord des propriétaires fonciers, autorisations et approbations éventuellement requises.

Compte tenu de ces conditions, le préavis était positif sur le défrichement et sur le reboisement de compensation.

8) Le 8 novembre 2013, le Grand Conseil a adopté la loi 11'272 portant sur un crédit d'investissement de CHF 69'954'000.- en vue de l'agrandissement de cent places de l'établissement de La Brenaz et de son équipement en établissement de détention administrative. Les travaux étaient déclarés d'utilité publique.

9) a. Le 20 novembre 2013, le département de l'urbanisme, devenu le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : DALE) a délivré l'autorisation de construire l'établissement pénitentiaire La Brenaz II, selon projet no 2 du 8 mai 2013. Le projet était déclaré d'utilité publique et compte tenu du caractère urgent de la réalisation du projet, l'autorisation était déclarée exécutoire nonobstant recours au sens de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). La décision a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 26 novembre 2013.

b. Le même jour, le département de l'intérieur, de la mobilité et de l'environnement, devenu le département de l'environnement, des transports et de l'agriculture (ci-après : DETA), a autorisé le défrichement définitif d'une surface de 8'418 m2 pour le projet de construction de La Brenaz II, dont l'autorisation de construire était la procédure directrice. La décision était valable deux ans. La décision étant coordonnée avec l'autorisation de construire, elle était également déclarée exécutoire nonobstant recours. Ladite décision n'a pas été publiée dans la FAO.

Le Conseil d'Etat s'était engagé dans l'exposé des motifs du projet de loi 11'272 à réaliser les compensations du défrichement dans le cadre de la réalisation de l'établissement des Dardelles prévu à l'horizon 2017, selon projet de loi 11'254. La compensation était prévue principalement sur la parcelle no Z______ de la commune de Puplinge, propriété privée, située en zone agricole et en surface d'assolement pour une surface de 8'418 m2 dans un délai fixé au 31 décembre 2020. Tous les plans et prescriptions du dossier de défrichement faisaient partie intégrante de l'autorisation de défricher, et l'emplacement et la structure de la compensation seraient définis précisément par un plan d'aménagement paysager. En cas de non-aboutissement du projet de campus pénitentiaire, dans un délai de deux ans à compter de l'entrée en force de l'autorisation de défrichement, le DALE était chargé de proposer et de mettre en oeuvre des mesures de compensation équivalentes dans le périmètre proche du projet. Outre le rétablissement des valeurs naturelles, ces compensations seraient mises en place de façon à rétablir les fonctions de protection visuelle et phonique en direction du nord. Des mesures de compensation qualitatives seraient mises en oeuvre conformément au dossier de défrichement. Les plans d'aménagement paysager seraient soumis au service des forêts pour approbation, dans un délai de 2 ans à dater de l'entrée en force de l'autorisation. A des fins conservatoires, une mention d'obligation de reboiser la surface totale serait inscrite conformément au dossier de défrichement et levée dès que la faisabilité des mesures de compensation liées au projet des Dardelles serait formellement matérialisée ou que des compensations équivalentes auraient été mises en place.

10) Le 29 novembre 2013, le Grand Conseil a adopté la loi 11'254 portant sur un crédit d'étude de CHF 16'500'000.- en vue de la réalisation et l'équipement d'un établissement fermé d'exécution de sanctions pénales de 450 places (Etablissement Les Dardelles) sur le site pénitentiaire rive gauche.

11) Le 18 décembre 2013, l'association « Bien vivre à Puplinge » (ci-après : l'association) et Monsieur X______ ont interjeté un recours contre l'autorisation de construire et l'autorisation de défrichement définitif auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en concluant à leur annulation ainsi que, préalablement, à la restitution de l'effet suspensif au recours.

M. X______ était domicilié à la route A______ en bordure d'un terrain agricole jouxtant la route B______. De l'autre côté de celle-ci se trouvait la zone agricole bordant l'établissement pénitentiaire de Champ-Dollon.

L'association était constituée depuis le 24 juin 2004 et avait pour but de préserver le caractère essentiellement rural de la commune, de promouvoir un développement harmonieux du territoire communal et de traiter de toutes questions d'aménagement ou relatives à toute construction affectant la commune ou le bien-être de ses habitants.

La présence et l'extension d'une zone pénitentiaire imposaient aux habitants de la commune la disparition d'une zone forestière, la réduction des zones de promenade et de détente et la vision de bâtiments dont l'architecture était peu en harmonie avec le caractère rural du lieu et qui faisaient l'objet de nuit d'un éclairage intense.

Il existait d'autres moyens que de construire l'extension de Brenaz I sur une zone de bois et forêts. Une extension vers l'ouest plutôt que vers l'est était techniquement possible, sans parler d'une redéfinition des surfaces utilisées par les différents établissements. Le choix de l'emplacement du projet relevait de la pure convenance et n'était pas un motif de dérogation retenu par les art. 24 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) et 27 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - RS L 1 30).

La compensation relative au défrichement concernant la construction de Curabilis avait été réalisée sur le territoire de la commune de Plan-les-Ouates. La zone de bois et forêts était l'ultime zone sur le territoire de la commune. Sa disparition lèserait considérablement les intérêts des habitants en sus des intérêts de protection de la nature.

12) Le 23 décembre 2013, le DETA a répondu au recours en se déterminant sur la demande de restitution de l'effet suspensif.

Le recours de M. X______ était irrecevable, son domicile étant situé à 900 m du bâtiment de la Brenaz. Entre ce domicile et la construction projetée, se trouvait un quartier d'habitation, plusieurs rideaux d'arbres ainsi qu'une route à grand trafic. De plus, la nouvelle construction était prévue à l'arrière du bâtiment existant, soit à l'opposé de son habitation.

Le recours de l'association était également irrecevable car elle n'avait pas prouvé que la majorité des membres disposait de la qualité pour recourir. Elle ne se consacrait pas par pur idéal à l'étude de questions relatives à l'aménagement du territoire mais entendait protéger la qualité de vie et les intérêts privés des habitants de la zone considérée.

Il fallait prendre en compte les préavis favorables, la nécessité et l'urgence du projet ainsi que le planning de travaux, qui imposait que les abattages soient réalisés d'emblée afin d'installer le chantier et d'entreprendre les travaux de terrassement sans retard.

Une partie de la compensation qualitative liée à la construction de Curabilis restait à réaliser à Puplinge, en concertation avec la commune.

Les recourants échouaient à rendre vraisemblable que l'autorisation de défrichement n'était pas conforme au droit ni que leur intérêt privé à différer le début des travaux l'emporterait sur l'urgence de détendre une situation de surpopulation carcérale.

13) Le 23 décembre 2013, le DALE s'est déterminé sur le recours en reprenant les arguments développés par le DETA s'agissant de l'irrecevabilité du recours de M. X______ et de l'association.

Tout autre emplacement était actuellement impossible à trouver afin de construire un nouvel établissement pénitentiaire. Au surplus, la concentration de la zone pénitentiaire était également à prendre en considération et justifiait la dérogation octroyée. Tous les préavis nécessaires étaient en outre favorables.

La pesée des intérêts en présence, le caractère urgent et l'absolue nécessité de pallier le manque d'installations pénitentiaires conféraient au projet un intérêt public prépondérant justifiant d'une part le retrait de l'effet suspensif au recours et d'autre part la dérogation octroyée.

14) Le 30 décembre 2013, la commune de Puplinge a interjeté un recours contre l'autorisation de construire et l'autorisation de défrichement définitif auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en concluant à leur annulation ainsi que, préalablement, à la restitution de l'effet suspensif au recours.

a. L'autorisation de défrichement définitif n'avait pas été publiée dans la FAO.

b. Les mesures de compensation prévues sur la parcelle no Z______ n'étaient absolument pas définies précisément et encore moins garanties. La structure et l'emplacement de la compensation devaient encore faire l'objet d'un plan d'aménagement paysager dans un délai de deux ans. De même, les mesures de compensation qualitative devraient également faire l'objet d'un projet de détail soumis pour validation à la DGNP. Le principe même de la compensation n'était pas garanti, l'accord des propriétaires n'ayant pas été sollicité ni obtenu en vue de l'exécution de ces mesures. L'acquisition de la parcelle n° Z______ ne figurait pas dans le crédit d'investissement prévu par la loi n° 11'272. La compensation du défrichement n'était donc pas assurée, en violation des dispositions légales applicables.

c. La condition imposée par l'OFEV, soit le remplacement du biotope digne de protection, n'était pas garantie. En outre, le délai pour l'exécution de la compensation était fixé au 31 décembre 2020, dans le cadre de la réalisation en 2017 de l'établissement pénitentiaire les Dardelles. Un tel procédé était inadmissible au regard du principe de causalité.

d. Les conditions de l'art. 5 LFo n'étaient pas réalisées. Le bâtiment prévu pouvait être déplacé de manière à épargner la zone de bois et forêts. Le projet souffrait également d'un grave défaut de planification.

En raison de la caducité de l'autorisation de défrichement déjà, l'autorisation de construire devait également être annulée.

e. En outre, la construction étant prévue en majorité sur une zone de bois et forêts, l'autorisation de construire équivalait en fait à un changement d'affectation complet en zone 4A. Un tel procédé revenait à éluder le droit à l'information et le droit de participation de la population en la matière. Cela était inadmissible au vu de l'ampleur du projet, soit une surface brute de plancher de 13'363 m2. Une procédure de planification était indispensable, notamment au vu des conséquences du projet en termes de protection de la nature et de nuisances sonores, visuelles et en matière de stationnement pour la commune et ses habitants.

L'effet suspensif devait être restitué car son absence revenait à préjuger de l'issue du litige en vidant celui-ci de tout objet. En cas d'exécution des autorisations, la commune ne pourrait plus faire valoir ses intérêts. La situation serait irréversible, en particulier concernant le défrichement sans aucune garantie de compensation valable.

15) Le 7 janvier 2014, le DALE et le DETA se sont opposés à la demande de restitution de l'effet suspensif faite par la commune en reprenant l'argumentation déjà développée.

16) Le 8 janvier 2014, le TAPI a rendu une décision de jonction et de restitution de l'effet suspensif aux recours.

La qualité pour recourir de la commune ne faisait aucun doute et celle de l'association et de M. X______ seraient examinées dans le cadre de l'examen au fond du litige.

Ni le caractère urgent, ni l'absolue nécessité de pallier le manque d'installations pénitentiaires, notamment par un agrandissement de celles existantes, pas plus que l'intérêt public prépondérant n'étaient mis en doute. Cela étant, après examen prima facie du dossier, le TAPI estimait qu'il était à ce stade trop aléatoire de permettre l'abattage prévu de 8'418 m2 de forêt et le début du chantier de la construction litigieuse sans que les griefs des recourants, qui n'apparaissaient pas dénués de fondement, ne soient examinés plus en détail, sauf à préjuger de l'issue des recours et priver d'emblée ceux-ci d'objet en créant une situation de fait irréversible. En particulier, le défaut de publication dans la FAO de l'autorisation de défrichement pourrait ne pas être sans influence sur l'entrée en force de cette dernière.

17) Le 14 janvier 2014, l'autorisation de défrichement et l'autorisation de construire ont été publiées dans la FAO.

18) Le 20 janvier 2014, l'Etat de Genève, sous la plume du président du Conseil d'Etat, a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre la décision du TAPI en concluant à son annulation.

La décision n'était pas motivée donc arbitraire. Elle ne contenait aucune considération sur la pesée des intérêts qui devait être effectuée. L'intérêt au maintien de l'aire forestière était préservé par les mesures de compensation qui faisaient partie de l'autorisation de défrichement. Il s'agissait du remplacement d'une quantité d'arbres sans intérêt particulier par une quantité équivalente sur une autre parcelle. Il ne saurait être question d'un dommage irréparable.

Le projet d'extension était nécessaire et urgent à plusieurs titres et ne pouvait être repoussé au risque d'une aggravation significative de la situation pénitentiaire pour le canton.

En outre, la décision ayant été republiée le 14 janvier 2014, l'informalité était réparée et l'argumentation du TAPI n'était plus soutenable.

Les autres griefs des recourants quant au défaut de nécessité de l'emplacement choisi n'étaient pas rendus vraisemblables et étaient dénués de tout fondement. Quant aux conditions de la compensation, l'Etat de Genève s'était engagé dans le projet de la loi 11'272 à réaliser les compensations à l'intérieur du périmètre d'intervention du site pénitentiaire rive gauche et la décision offrait les garanties nécessaires dont l'inscription de l'obligation au registre foncier.

Il n'y avait pas de délai fixé par la loi concernant l'obligation de reboisement. La décision fixait deux délais intermédiaires de deux ans, l'un pour l'établissement d'un plan d'aménagement paysager, l'autre pour la proposition de mise en oeuvre des mesures de compensation équivalentes dans un périmètre proche en cas de non-aboutissement du projet de campus pénitentiaire. Un délai d'exécution était fixé au 31 décembre 2020.

S'agissant de l'autorisation de construire, les différents préavis favorables avaient été pris en compte par le département, de même que l'intérêt public, qui devait être qualifié de prépondérant, afin de trouver une solution urgente quant à la surpopulation carcérale, afin de maintenir une situation d'ordre public stable en accordant une autorisation dérogatoire vu l'emplacement nécessaire du bâtiment à construire.

Les griefs des recourants quant à l'utilisation abusive de l'autorisation dérogatoire et de défaut de planification apparaissaient dénués de tout fondement, après une analyse prima facie du dossier.

19) Le 27 janvier 2014, le TAPI a transmis son dossier sans faire d'observations.

20) Le 3 février 2014, la commune a déposé des observations.

L'existence d'un intérêt public prépondérant quel qu'il soit ne constituait en aucun cas un blanc-seing en faveur des autorités.

La condition imposée par l'OFEV portant sur la faisabilité des mesures de compensation n'était ni établie ni garantie, l'acquisition de la parcelle concernée ne figurant par ailleurs pas dans le crédit d'investissement (loi no 11'272).

Les intérêts en jeu étaient celui, public et privé, de la commune à la préservation de son aire forestière et de son biotope digne de protection et celui de ses habitants à une protection visuelle et sonore contre les nuisances causées par les installations pénitentiaires actuelles et futures ainsi qu'à une politique de stationnement rationnelle.

Pour le surplus, la commune a développé les arguments figurant dans son recours.

21) Le 3 février 2014, l'association et M. X______ ont déposé des observations communes en concluant au rejet du recours et au versement d'une indemnité de procédure.

L'intérêt public à la construction de places de détention ne pouvait justifier à lui seul une dérogation au régime de la zone de construction. De même, l'urgence n'était pas un motif de dérogation. Concernant les engagements pris pour la compensation du défrichement, l'Etat ne disposait d'aucun droit sur la parcelle visée par le reboisement et cet engagement n'avait aucune valeur. Quant au projet des Dardelles, il serait au mieux susceptible de conduire à une réalisation dans les années 2020 à 2025 ; seul le crédit d'étude avait été voté et sa réalisation était incertaine. Les compensations proposées relevaient du domaine virtuel et ne pouvaient être retenues comme suffisantes au sens de la LFo.

L'intérêt à la conservation de l'ultime forêt sur le territoire de la commune depuis l'abattage de plus de 13'000 m2 de forêt lors de la construction de Curabilis était un intérêt public majeur. Sur le plan social, la forêt constituait un poumon pour les habitants de la commune et ceux de la commune de Choulex et une protection contre les nuisances. Sur le plan écologique, elle présentait de l'intérêt pour la faune et participait de manière importante à la fonction de structure paysagère. Dès lors, les impacts du défrichement devaient être qualifiés d'extrêmement forts, la fonction de structuration du paysage étant qualifiée de conséquente.

22) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 3 février 2014.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 131 et 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 ; LOJ ;  E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b LPA). Si les qualités pour recourir respectives de l'association et de M. X______ doivent encore être examinées lors de l'examen au fond, la qualité pour recourir de la commune du lieu de situation du défrichement et de la construction autorisée est indiscutable (art. 145 al. 2 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05).

2) La seule question litigieuse est celle de la restitution de l'effet suspensif aux recours déposés contre l'autorisation de construire et l'autorisation de défrichement par les recourants initiaux.

3) Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA).

L'art. 148 LCI constitue justement une disposition légale contraire. Il prévoit que le recours dirigé contre une autorisation définitive concernant un ouvrage déclaré d'utilité publique par le Grand Conseil, comme en l'espèce, n'a pas d'effet suspensif, à moins qu'il ne soit restitué sur requête du recourant.

L'art. 148 LCI constituant une exception au régime général expressément voulue par le législateur, il n'y a en principe pas lieu de s'écarter de cette volonté (ATA/687/2011 du 8 novembre 2011 concernant toutefois l'exception prévue par l'art. 146 al. 2 LCI).

En l'espèce, les travaux prévus en vue de l'agrandissement de 100 places de l'établissement de la Brenaz, sur lesquels portent l'autorisation de construire définitive et l'autorisation de défrichement qui lui est liée, ont été déclarés d'utilité publique par le Grand Conseil le 8 novembre 2013 (art. 4 de la loi 11'646). En outre, tant la décision d'autorisation de construire définitive que celle de défrichement définitif ont été déclarées exécutoires nonobstant recours sur la base de l'art. 66 al. 1 LPA.

4) a. Lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (art. 66 al. 2 LPA).

b. Dans l'hypothèse où le recourant sollicite la restitution de l'effet suspensif, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, elle n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les références citées). Les chances de succès du recours n'influencent la pesée des intérêts que si elles peuvent être déterminées prima facie sur la base du dossier et qu'elles ne font aucun doute (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_356/2007 du 18 septembre 2007 consid. 3).

5) a. En l'espèce, l'intérêt public à la construction du bâtiment pénitentiaire, tel que prévu par l'autorisation de construire définitive litigieuse, est avéré et non contesté. L'intérêt public au défrichement existe, quant à lui, uniquement en lien avec la construction projetée.

Toutefois, dans le cadre de la pesée des intérêts liée à l'examen de l'effet suspensif des recours, l'intérêt public qui doit être pris en considération est celui du caractère exécutoire immédiat du défrichement, comme préalable à la construction, elle-même litigieuse.

A cet intérêt, s'oppose notamment celui, lié à la conservation provisoire, puisque dépendante de l'issue du litige sur le fond, de 8'418 m2 de forêt et celle d'un biotope digne de protection.

b. Trouvant son fondement constitutionnel dans l'art. 77 al. 3 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), la LFo pose le principe selon lequel l'aire forestière ne doit pas être diminuée (art. 3). La forêt doit être conservée en tant que milieu naturel dans son étendue et dans sa répartition géographique (art. 1 al. 1 let. a et b LFo). Il faut en outre veiller à ce que la forêt puisse remplir ses fonctions, notamment protectrice, sociale et économique (art. 1 al. 1 let. c LFo, cf. ATF 119 Ib 397 consid. 5b p. 400).

La forêt constitue un bien protégé par une interdiction de défrichement prévue à l'art. 5 al. 1 de la LFo. L'autorisation de défricher est accordée à titre exceptionnel aux requérants qui démontrent que le défrichement répond à des exigences primant l'intérêt à la conservation et seulement si certaines conditions sont remplies (art. 5 al. 2 à 5 et art. 7 LFo). L'une de ces conditions est le reboisement compensatoire (art. 7 al. 1 LFo) et/ou les mesures de compensation en présence d'un biotope digne de protection (art. 7 al. 3 LFo). Une autorisation de défricher constitue donc une exception dont la garantie est liée au strict respect des conditions légales posées.

c. S'agissant d'une forêt excédant 5'000 m2, l'autorité cantonale ne statue qu'après avoir pris l'avis de l'OFEV (art. 6 al. 2 LFo).

L'OFEV a exigé dans son dernier avis que les mesures de compensation et le reboisement requis par la loi soient concrétisés et que leur faisabilité soit garantie de façon solide, notamment par accord écrit de tous les propriétaires concernés.

6) En l'espèce, il apparaît que la réalisation de ces conditions mises par l'OFEV à un avis par ailleurs positif n'est prima facie pas garantie, notamment en présence d'un engagement pris par l'Etat concernant une parcelle appartenant à un propriétaire privé dont l'accord n'est pas produit. S'agissant du reboisement également, les recourants initiaux relèvent à juste titre que sa réalisation n'est pas clairement fixée dans le temps, le projet étant lié à celui de la construction du projet des Dardelles pour lequel le Grand Conseil a voté un crédit d'étude en décembre 2013. L'issue de cette procédure tierce est dès lors, en l'état, incertaine notamment quant aux délais de réalisation de l'ouvrage. De ce fait, certains des griefs des recourants initiaux n'apparaissent pas dénués de tout fondement.

A cela s'ajoute qu'une partie des griefs soulevés par les recourants initiaux, qui devront être examinés au fond, visent la disparition de la zone forestière sous son aspect de protection visuelle et sonore ainsi que l'emplacement choisi par l'Etat de Genève pour le reboisement compensatoire, sous ces mêmes aspects de protection.

En conséquence, l'intérêt à la conservation provisoire jusqu'à l'issue du litige sur la validité de l'autorisation de défrichement, notamment sur l'aspect des mesures compensatoires, de l'emplacement du reboisement et de l'échéance de celui-ci, s'impose sauf à préjuger de l'issue des recours et à priver d'emblée ceux-ci d'objet en créant une situation de fait irréversible. Cela reviendrait, en outre, à ignorer purement et simplement les intérêts opposés des recourants initiaux. Valable pour l'autorisation de défrichement, le raisonnement l'est a fortiori pour l'autorisation de construire.

Le recours sera donc rejeté et le jugement du TAPI sur jonction et effet suspensif sera confirmé.

7) Aucun émolument ne sera mis à la charge de l'Etat de Genève (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée à M. X______ et à l'association, pris conjointement et solidairement, à la charge de l'Etat de Genève. Une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée à la commune, à la charge de l'Etat de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 janvier 2014 par l'Etat de Genève contre le jugement sur jonction et effet suspensif du Tribunal administratif de première instance du 8 janvier 2014 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à l'association Bien vivre à Puplinge et à Monsieur X______, pris conjointement et solidairement, à la charge de l'Etat de Genève ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à la commune de Puplinge, à la charge de l'Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'Etat de Genève, à Me Horace Gautier, avocat de l'association Bien vivre à Puplinge et de Monsieur X______ et à Mes Patrick Blaser et Nicolas Piérard, avocats de la commune de Puplinge, au département de l'aménagement du logement et de l'énergie, au département de l'environnement, des transports et de l'agriculture ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance et à l'office fédéral de l'environnement.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mmes Junod et Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :