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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4627/2005

ATA/241/2006 du 02.05.2006 ( DCTI ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4627/2005-DCTI ATA/241/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 2 mai 2006

dans la cause

 

ASSOCIATION GENEVOISE DE DÉFENSE DES LOCATAIRES (ASLOCA)
représentée par Me Irène Buche, avocate

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION

et

FONDATION DE VALORISATION DES ACTIFS DE LA BANQUE CANTONALE DE GENÈVE


 


1. Sur la parcelle n°3673 du cadastre de la commune de Genève-Cité, sise rue Cavour 1, est édifié un immeuble locatif de quatre étages comprenant quinze appartements et un local commercial au rez-de-chaussée. Ce bâtiment est soumis au régime de la propriété par étages depuis le 28 septembre 1983.

2. Onze appartements ont été vendus de manière individualisée. Il est à noter que, par arrêt du 30 mars 1988 (causes 87.TP.59 et 87.TP.64), le Tribunal administratif avait confirmé une décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après  : la commision) autorisant la vente de l’appartement de deux pièces au 3ème étage de l’immeuble, la transaction étant soumise à autorisation et le département devant en fixer le prix.

Quatre appartements ont été acquis par la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève (ci-après : la fondation) le 24 juillet 2003. Cette transaction a été autorisée par arrêté du 9 mai 2003 (VA 7962), dont le cinquième paragraphe indiquait « que les quatre appartements en cause avaient déjà fait l’objet, avant l’acquisition par la requérante et plus avant encore par la Banque cantonale genevoise, d’opérations de vente individualisées ».

3. Le 29 avril 2005, la fondation a requis du département de l’aménagement, de l’équipement et du logement, devenu depuis lors le département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : le département) l’autorisation d’aliéner l’appartement de deux pièces du 3ème étage (VA 9052) à Monsieur L______, qui en était le locataire.

Le même jour, la fondation a sollicité auprès du département l’autorisation de vendre à Madame et Monsieur B______ qui le louaient, l’appartement de six pièces et demie sis au 2ème étage.

4. La fondation a transmis au département les documents suivants, soit au moment du dépôt de la requête, soit au cours de l’instruction de cette dernière :

- une lettre des locataires de l’appartement de sept pièces au 1er étage, Madame et Monsieur X______, du 20 mai 2005, lesquels indiquaient, d’une part, ne pas pouvoir acquérir le logement qu’ils occupaient et, d’autre part, ne pas avoir d’objection à ce que les locataires actuels des appartements des 2ème et 3ème étages acquièrent leur logement.

- une lettre contresignée par Madame et Monsieur Y______, donnant leur accord à la vente des appartements de deux pièces au 3ème étage et de six pièces et demie au 2ème étage. M. et Mme Y______ étaient les héritiers de feu Madame Y’______, cette dernière ayant été locataire de l’appartement de six pièces et demie au 1er étage jusqu’à son décès. L’appartement en question devait d’ailleurs être libéré, vraisemblablement pour la fin du mois de mai 2005.

5. Le 23 juin 2005, le département a délivré les autorisations sollicitées, en précisant que l’appartement de deux pièces au 3ème étage avait déjà fait l’objet d’une autorisation d’aliéner le 1er juin 1988. Quant à celui de six pièces et demie au 6ème étage, les locataires - en place depuis plus de neuf ans - souhaitaient l’acquérir. Le département a encore relevé que onze logements de l’immeuble avaient été cédés de manière individualisée à des tiers et que la présomption prévue par l’article 39 alinéa 3 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) devait être considérée comme établie, dès lors que trois autres locataires avaient donné leur accord formel à la vente projetée.

6. Le 5 juillet 2005, les époux X______ ont informé la fondation et le département qu’ils retiraient leur accord pour la vente des appartements. Ils estimaient avoir été trompés par la fondation, dans la mesure où celle-ci leur avait affirmé que les deux derniers objets, dont faisait partie l’appartement qu’ils louaient, seraient vendus en bloc. Or, en obtenant leur accord, la fondation pouvait vendre les appartements individuellement.

7. L’Association genevoise de défense des locataires (ci-après  : l’Asloca) a saisi la commission de deux recours le 29 juillet 2005.

La fondation avait racheté en bloc les quatre appartements dont elle était propriétaire et avait obtenu une seule autorisation de vendre. Ils devaient dès lors être revendus en bloc. La fondation n’avait pas obtenu l’accord de 60 % des locataires, en particulier parce que celui des héritiers d’une locataire décédée ne pouvait être considéré comme valable dès lors qu’ils n’y avaient jamais habité.

8. Le 30 septembre 2005, les parties ont été entendues en comparution personnelle.

Le département a précisé qu’avant l’arrêté du 9 mai 2003 autorisant la fondation à acquérir les quatre appartements, il n’avait délivré qu’une seule autorisation d’aliéner concernant l’appartement de deux pièces au 3ème étage. Les autres ventes avaient été effectuées par cession d’actions dont le département pensait qu’elles étaient antérieures au 30 mars 1985, date d’entrée en vigueur de la LDTR.

La fondation a expliqué que, pour obtenir l’accord de 60 % des locataires, elle s’était fondée sur les 60 % des quinze appartements que comptait l’immeuble. Elle n’avait pas interrogé les onze locataires des logements aliénés auparavant. Même si l’on prenait en compte les 60 % des quatre appartements restants, l’exigence légale était remplie : les acquéreurs des deux appartements litigieux avaient en effet donné leur accord, ainsi que les époux X______, avant de le retirer.

9. Le 9 novembre 2005, la commission a rejeté les recours. S’agissant de l’appartement de deux pièces, il avait déjà fait l’objet d’une vente individualisée, autorisée par le département. Pour le décompte de l’accord de 60 % des locataires en place, il n’y avait aucune raison d’écarter celui de l’hoirie de feu Y______. La commission a également considéré que les époux X______ avaient donné leur accord, sans avoir été induits en erreur. Même si leur avis était négatif, il n’en restait pas moins que trois locataires sur quatre étaient favorables au projet litigieux. Quant aux personnes habitant les onze autres appartements, elles ne risquaient pas d’être placées devant l’alternative acheter ou partir, dans la mesure où les appartements en question appartenaient à des propriétaires différents.

10. L’Asloca a saisi le Tribunal administratif d’un recours le 26 décembre 2005. Contrairement a ce qu’avait retenu la commission, la fondation n’avait pas recueilli l’accord de 60 % des locataires. Les deux bénéficiaires des arrêtés litigieux ne devaient pas être pris en considération. Seuls les locataires des deux autres appartements propriété de la fondation devaient être consultés. L’accord donné dans un premier temps par les époux X______, héritiers d’une locataire décédée, puis retiré, n’avait aucune valeur. Ils n’avaient d’ailleurs jamais obtenu la garantie de ne pas être contraints d’acheter leur appartement ou de partir. Les deux logements en question faisaient partie d’un bloc de quatre appartements, qui ne devaient pas être vendus séparément.

11. La fondation s’est opposée au recours le 1er février 2006. L’un des appartements avait bénéficié d’une autorisation individuelle d’aliénation avant la vente litigieuse.

Le calcul de l’accord de 60% des locataires devait se faire sur la base de l’ensemble des appartements, en retenant la fiction légale que les locataires des appartements déjà vendus étaient d’accord. Subsidiairement, il fallait se fonder sur l’avis des personnes occupant les quatre appartements dont elle était propriétaire et qui avaient tous exprimé leur accord. La révocation des époux X______ était tardive et contraire à la bonne foi. Quant aux héritiers de Mme Y’______, ils devaient être considérés comme des locataires en place.

En dernier lieu, la fondation a relevé que la pesée des intérêts en présence au sens de l’article 39 alinéa 3 LDTR devait pencher en faveur de l’autorisation. En effet, les trois quarts de l’immeuble avaient perdu leur affectation locative et l’intérêt public au maintien en location de deux appartements au maximum était insignifiant. Cela était d’autant plus vrai que la fondation, de par son but, agissait en faveur des contribuables genevois.

12. Le 6 février 2006, le département s’est aussi opposé au recours. Seul l’avis des locataires en place devait être pris en compte. Tel était le cas des deux futurs acquéreurs, ces derniers étant également locataires des deux biens-fonds. Il n’y avait pas de raison de refuser de considérer l’hoirie Y______ comme une locataire en place. Le revirement des époux X______, au demeurant postérieur à la délivrance de l’autorisation, n’avait pas d’incidence juridique, puisque l’accord de 60% des locataires, soit des occupants de trois appartements sur quatre, était en tout état acquis.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L’aliénation d’un appartement à usage d’habitation, jusqu’alors offert en location, est soumise à autorisation dans la mesure où l’appartement entre, à raison de son loyer ou de son type, dans une catégorie de logements où sévit la pénurie (art. 39 al. 1 LDTR).

Le Conseil d'Etat a déclaré qu'il y avait pénurie au sens des articles 25 et 39 LDTR dans toutes les catégories d'appartements de 1 à 7 pièces inclusivement (arrêté du Conseil d'Etat déterminant les catégories d'appartements où sévit la pénurie en vue de l'application des articles 25 à 39 de la LDTR - état au 1er janvier 2005 - L 5 20.03). Les deux appartements concernés par la présente procédure entrent dans ces catégories et leur vente est soumise à autorisation.

3. A teneur de l’article 39 alinéa 4 LDTR, le département autorise l’aliénation d’un appartement si celui-ci :

a) a été dès sa construction soumis au régime de la propriété par étages ou à une forme de propriété analogue ;

b) était, le 30 mars 1985, soumis au régime de la propriété par étages ou à une forme de propriété analogue et qu’il avait déjà été cédé de manière individualisée ;

c) n’a jamais été loué ;

d) a fait une fois au moins l’objet d’une autorisation d’aliéner en vertu de la LDTR. L’autorisation ne porte que sur un appartement à la fois. Une autorisation de vente en bloc peut toutefois être accordée en cas de mise en vente simultanée, pour des motifs d’assainissement financier, de plusieurs appartements à usage d’habitation ayant été mis en propriété par étages et jusqu’alors offerts en location, avec pour condition que l’acquéreur ne peut les revendre que sous la même forme, sous réserve de l’obtention d’une autorisation individualisée au sens du présent alinéa.

En outre, selon l'article 39 alinéa 3 LDTR, un locataire, occupant effectivement son logement depuis 3 ans au moins, peut acquérir ledit logement pour autant que le 60% des locataires en place acceptent formellement cette acquisition. Dans ce cas cependant, les locataires restants devront obtenir la garantie de ne pas être contraints d’acheter leur appartement ou de partir.

4. Contrairement à ce que soutient la recourante, l’acquisition par la fondation des quatre appartements ne constituait pas une vente en bloc au sens de l’article 39 alinéa 4 lettre d LDTR. En effet, l’autorisation délivrée pour cette acquisition, le 9 mai 2003, aujourd’hui définitive et exécutoire, précisait que les quatre appartements avaient déjà fait l’objet de ventes individualisées et ne contenaient pas l’exigence qu’ils soient revendus en bloc.

5. L’appartement de deux pièces au troisième étage de l’immeuble a déjà fait l’objet d’une autorisation d’aliéner en vertu de la LDTR, ainsi que cela ressort en particulier de l’arrêt du Tribunal administratif du 30 mars 1998 précité. Dès lors, sa vente doit être autorisée en application de l’article 39 alinéa 4 lettre d LDTR.

6. En ce qui concerne l’appartement de six pièces et demie au 2ème étage, il n’est pas démontré qu’il ait fait l’objet d’une vente individualisée, et les exigences de l’article 39 alinéa 3 LDTR doivent être réalisées pour que la vente à ses locataires soit autorisée.

a. 60% des locataires en place doivent accepter formellement l’acquisition. La jurisprudence a déjà eu lieu d’indiquer que les locataires souhaitant acquérir leur logement doivent être considérés comme des locataires en place, et leur avis pris en compte dans les termes de la comparaison (ATA/136/1999 du 2 mars 1999). De plus, il doit être tenu compte de l’avis des hoirs de feu Mme Y’______. Ces derniers, au moment de la procédure, avaient repris le contrat de bail, et étaient locataires de l’appartement. On ne voit pas comment le futur locataire, inconnu au moment ou l’instruction de la requête en autorisation de vente a eu lieu, pourrait être consulté.

Il ressort de ce qui précède que le 100% des locataires à consulter est constituer de :

- M. L______, qui désir acquérir l’appartement de deux pièces au troisième étage,

- M. et Mme B______, qui désirent acquérir l’appartement de six pièces et demie au cinquième étage,

- M. et Mme X______,

- Les hoirs de feu Mme Y’______.

Parmi ces personnes, M. L______, M. et Mme B______ et les hoirs de Mme Y’______ ont donné leur accord. Dès lors, le 60% requis par la loi est obtenu sans qu’il ne soit nécessaire de déterminer si les époux X______ pouvaient valablement retirer l’accord qu’ils avaient donné dans un premier temps.

b. En ce qui concerne l’engagement de ne pas contraindre les locataires à acquérir leur logement ou à partir, le Tribunal administratif relève que la fondation intimée a indiqué, dans son courrier daté du 18 mars 2005 adressé aux époux X______, qu’elle renonçait à l’option de la vente individuelle de leur appartement, et que ce dernier serait vendu en bloc avec celui de six pièces et demie du premier étage. Elle précisait que le bail continuerait à déployer ses effets sans aucun changement dans l’intervalle. Cette déclaration correspond à l’engagement requis par la loi.

Dès lors, l’autorisation de vendre cet appartement doit aussi être délivrée.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument en CHF 1'500.-, sera mis à la charge de l’Asloca.

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 décembre 2005 par l’Association Genevoise de Défense des Locataires (Asloca) contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 9 novembre 2005 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1’500.- ;

communique le présent arrêt à Me Irène Buche, avocate de la recourante, ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière de constructions, au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et à la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges, M. Bonard, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :