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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2631/2014

ATA/1284/2015 du 01.12.2015 ( FORMA ) , ADMIS

Recours TF déposé le 22.01.2016, rendu le 22.01.2016, IRRECEVABLE, 2C_69/2016
Descripteurs : BOURSE D'ÉTUDES ; FORTUNE ; REVENU
Normes : LFCA.1.al1 ; LFCA.3.al1.letb ; LFCA.11.al1.letb ; LFCA.11.al2.leta ; LFCA.11.letb ; LFCA.11.al.3
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2631/2014-FORMA ATA/1284/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er décembre 2015

2ème section

 

dans la cause

 

Mme A______

contre


SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES



EN FAIT

1) Mme A______, née le ______ 1960 à Baguio City aux Philippines, pays dont elle est originaire, domiciliée à ______, chemin B______, à Thônex, est mariée à M. A______, né le ______ 1950 à Genève. Le couple a trois enfants, C______, né le ______ 2000, D______, née le ______ 2002, E______, né le ______ 2005. M. A______ a deux autres enfants déjà majeurs issus d’une précédente union, M. F______ A______, né le ______ 1989 et poursuivant des études à Lausanne, et Mme G______ A______, née le ______ 1991.

2) Par avis de taxation du 29 janvier 2014, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a imposé les époux A______ sur un revenu total imposable de CHF 124'141.- et une fortune nette totale de CHF 0.-. Les éléments de fortune retenus par l’AFC faisaient état d’une fortune brute de CHF 259'389.-, des dettes chirographaires à hauteur de CHF 60'995.- et des déductions sociales sur la fortune de CHF 287'700.-.

3) Le 26 juin 2014, Mme A______ a déposé «  en ligne » une demande d’octroi d’un chèque annuel de formation (ci-après : CAF) auprès du service des bourses et prêts d’études (ci-après : SBPE) en vue d’accomplir une formation en français en entreprise « interprofessionnel » qui devait débuter le 26 août 2014 auprès de l’université ouvrière de Genève (ci-après : UOG).

4) Par décision du 30 juin 2014 notifiée le 7 juillet 2014, le SBPE a rejeté cette demande.

Les revenus de l’intéressée dépassaient la limite légale de CHF 154'890.- admise pour un couple avec trois enfants.

5) Le 5 août 2014, Mme A______ a élevé réclamation contre la décision de refus du CAF.

Ses revenus et ceux de son époux étaient de CHF 125'709.-. Elle était inscrite au chômage depuis le 18 décembre 2012. Elle avait bénéficié des prestations de l’assurance chômage à hauteur de CHF 32'134.- et d’un gain intermédiaire de CHF 13'548.-. Son époux également au chômage depuis le 17 juillet 2013 avait perçu des indemnités journalières à concurrence de CHF 46'677.- et des prestations cantonales pour maladie (PCM) de CHF 33'350.-. Les enfants pris en charge étaient au nombre de quatre dont un adulte accomplissant des études à Lausanne.

6) Par décision sur réclamation du 18 août 2014, le SBPE a maintenu son refus d’octroyer à Mme A______ le CAF demandé.

Après réexamen de la situation en tenant compte des revenus de CHF 125'709.- indiqués dans la réclamation, d’une fortune de CHF 259'389.-, des dettes de CHF 60'995.- et des franchises de CHF 120'000.-, le revenu des époux de CHF 204'103.- dépassait le barème de CHF 154'890.- reconnu à un couple avec trois enfants.

7) Le 2 septembre 2014, Mme A______ a envoyé au SBPE une réclamation contre la décision du 18 août 2014.

Le montant de la fortune retenu par l’AFC était erroné. La taxation 2012 faisait l’objet « d’un recours ». Les actifs immobilisés figurant dans le bilan d’exploitation de l’école H______, A______, à Genève, retenus dans le calcul de sa fortune, devaient être ramenés de CHF 41'000.- à CHF 7'500.-. F______, l’enfant de son époux, issu d’une première union, poursuivant des études à Lausanne, n’avait pas été pris en considération.

8) Par acte expédié le 4 septembre 2014, Mme A______ a recouru contre la décision du SBPE du 18 août 2014 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) « dans l’espoir que ce recours puisse être pris en compte ».

Le litige portait sur un montant de fortune erroné de CHF 41'000.- au lieu de CHF 7'500.- figurant dans sa déclaration fiscale 2012. Sa taxation 2012 faisait l’objet d’un « recours ».

9) Par courrier du 8 septembre 2014, le SBPE s’est dit disposé à évaluer à nouveau la situation de l’intéressée sur la base de l’avis de taxation 2013. Il l’a invitée à lui envoyer ce document dès sa réception.

Sa décision de refus d’octroi du CAF était basée sur l’avis de taxation 2012. Tout changement de situation financière était pris en considération. Il n’était cependant pas tenu compte des déclarations fiscales lors de l’examen des demandes de CAF.

10) Par courrier du 8 septembre 2014, le juge délégué a fixé un délai au SBPE venant à échéance le 10 octobre 2014 pour se déterminer sur le recours et envoyer son dossier.

11) Le 11 septembre 2014, Mme A______ a écrit au SBPE pour lui exposer une nouvelle fois sa situation financière en reprenant ses arguments antérieurs.

12) Le 30 septembre 2014, le SBPE a rappelé à Mme A______ la production de l’avis de taxation 2013.

13) Le même jour, elle a transmis à la chambre de céans un échange de correspondances avec le SBPE.

14) Un nouveau délai échéant le 30 avril 2015 a été fixé au SBPE par pli du 10 avril 2015.

15) Le 23 avril 2015, le SBPE a conclu au rejet du recours et au maintien de sa décision du 18 août 2014.

Il retenait la fortune déclarée auprès de l’AFC dans la composition du revenu brut de la personne requérante. Il n’était néanmoins pas en mesure de procéder à une actualisation du calcul de cette fortune. Par ailleurs, il prenait aussi en considération les revenus réalisés douze mois avant le début de la formation, ce qui permettait aux personnes justifiant d’un changement important dans leur situation financière de bénéficier d’un CAF sans attendre un nouvel avis de taxation de l’AFC. Selon l’avis de taxation 2012 et en tenant compte de l’actualisation des revenus indiqués par l’intéressée dans sa réclamation, le revenu annuel brut des époux A______ était supérieur à la limite autorisée de CHF 154'890.-. Même la diminution de la fortune à concurrence de CHF 41'000.- ne modifiait pas ce résultat.

16) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces deux points de vue (art. 17 al. 2 de la loi sur la formation continue des adultes du 18 mai 2000 - LFCA - C 2 08 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l’art. 65 al. 1 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant.

En l’espèce, la recourante s’adresse à la chambre administrative « dans l’espoir que ce recours puisse être pris en compte ». Elle souhaite dès lors que la décision attaquée ne déploie aucun effet. Le recours remplit par conséquent les conditions de forme de l’art. 65 al. 1 LPA et doit être déclaré également recevable de ce point de vue, conformément à la jurisprudence constante de la chambre de céans (ATA/1076/2015 du 6 octobre 2015 ; ATA/26/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/974/2014 du 9 décembre 2014 et les références citées).

3) Le litige porte sur la conformité au droit du refus d’octroi d’un CAF requis par la recourante pour suivre une formation en français d’entreprise « interprofessionnel » auprès de l’UOG.

4) La recourante reproche au SBPE d’avoir retenu un montant erroné dans le calcul de sa fortune.

5) a. L’État encourage la formation continue des adultes dans tous les domaines d’activités, notamment par des chèques annuels de formation continue (art. 1 al. 1 et art. 3 al. 1 let b LFCA).

À teneur de l’art. 11 al. 1 let b LFCA, pour l’octroi du chèque annuel de formation, la limite du revenu brut annuel au sens de l’al. 2 s’élève à CHF 132'510.- pour une personne mariée ou liée par un partenariat enregistré. Entrent dans la composition du revenu annuel brut au sens de l’al. 1, le revenu annuel brut déclaré à l’administration fiscale cantonale par la personne qui sollicite le chèque de formation, y compris celui de son conjoint ou partenaire enregistré, à l’exclusion toutefois des éventuelles allocations familiales comprises dans ce revenu brut (art. 11 al. 2 let. a LFCA) et la fortune nette déclarée à l’administration fiscale cantonale, après déduction d’une franchise de CHF 30'000.-. Une franchise supplémentaire de CHF 30'000.- par enfant à charge, au sens de la législation cantonale en matière fiscale, est en outre déduite de la fortune du groupe familial (art. 11 al. 2 let. b LFCA). Un montant de CHF 7'460.- pour chaque enfant à charge est ajouté à la limite du revenu admissible (art. 11 al. 3 LFCA).

b. En l’espèce, le SBPE a retenu une fortune de CHF 259'389.- qui, d’après l’avis de taxation 2012 de la recourante, correspond à la fortune brute des époux A______. Or, selon l’art. 11 al. 2 let b LFCA, seule la fortune nette déclarée à l’AFC entre dans la composition du revenu annuel brut de la personne qui demande un CAF. Après remise des déductions sociales et des dettes chirographaires des époux A______, leur fortune nette à prendre en considération a été estimée à CHF 0.- par l’AFC. Ainsi,la décision du SBPE n’est pas conforme au droit et doit être annulée.

6) Ce qui précède conduit à l’admission du recours et à l’annulation de la décision attaquée. Le dossier sera retourné au SBPE afin qu’il accorde à Mme A______ le chèque de formation demandé si les autres conditions prévues par la loi sont réalisées.

En dépit de l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la recourante qui n’y a pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 septembre 2014 par Mme A______ contre la décision du service des bourses et prêts d’études du 18 août 2014 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision du service des bourses et prêts d’études du 18 août 2014 ;

renvoie le dossier au service des bourses et prêts d’études pour une nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mme A______, ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeants : Mme Junod, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffière-juriste :

 

 

S. Husler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :