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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3998/2017

ATA/1252/2018 du 20.11.2018 sur JTAPI/375/2018 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3998/2017-ICCIFD ATA/1252/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 novembre 2018

4ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
représentés par Decimal Bureau Fiduciaire, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 avril 2018 (JTAPI/375/2018)


EN FAIT

1. Le litige concerne l’impôt cantonal et communal (ICC) et l’impôt fédéral direct (IFD) 2014.

2. Monsieur A______ a exercé une activité lucrative indépendante en tant qu’avocat associé dans une Étude genevoise jusqu’à la fin du premier semestre 2010.

3. Depuis le 15 juillet 2010, il est administrateur unique de la société anonyme B______ (ci-après : SA), inscrite au registre du commerce de Genève à cette date.

4. À la suite d’un rappel de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) du 2 décembre 2015 impartissant un délai de dix jours au contribuable et à son épouse pour déposer leur déclaration fiscale 2014, ces derniers ont expliqué, par courrier du 4 janvier 2016, qu’en raison d’un litige opposant la SA à la Caisse interprofessionnelle AVS de la fédération des entreprises romandes (ci-après : caisse AVS), il n’était pas possible de qualifier le revenu professionnel du contribuable pour les années 2010 et suivantes. Ils ont dès lors sollicité la suspension des procédures de taxation pour les années 2010 à 2014.

5. Par courrier de rappel recommandé du 13 janvier 2016, l’AFC-GE a sommé les contribuables de lui remettre leur déclaration fiscale 2014 dans les dix jours, dûment remplie, datée et signée, et accompagnée des pièces justificatives requises, sous peine de taxation d’office et d’amende.

6. Les contribuables n’ayant pas déposé leur déclaration fiscale 2014, l’AFC-GE les a taxés d’office par bordereaux datés du 3 avril 2017.

L’ICC 2014 a été fixé à CHF 159'300.60 sur la base d’un revenu imposable de CHF 235’541.- et d’une fortune imposable de CHF 10’003’477.-. Calculé sur le revenu imposable de CHF 243’700.- l’IFD 2014 s’est élevé à CHF 18’243.-.

7. Dans le délai utile, les contribuables ont élevé réclamation contre ces bordereaux de taxation d’office ICC et IFD 2014, en concluant à leur annulation. Les éléments retenus par l’AFC-GE étaient « manifestement erronés et sommaires ».

Les contribuables n’ont joint aucune pièce, ni remis ultérieurement leur déclaration fiscale 2014, nonobstant un courrier recommandé de l’AFC-GE du 28 juillet 2017 qui les invitait à la produire.

8. Par décision du 15 septembre 2017, l’AFC-GE a maintenu la taxation d’office au motif que les contribuables n’avaient pas donné suite à son courrier du 28 juillet 2017.

9. Le 30 septembre 2017, les administrés ont saisi le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) d’un recours. Ils ont sollicité un délai au 31 octobre 2017 pour produire leur recours et donner toutes les informations avec les « documents justifiant sa réclamation et partant son recours ».

10. Le 31 octobre 2017, ils ont complété leur recours en concluant à l’annulation des bordereaux de taxation d’office ICC et IFD 2014 et à ce qu’un délai « indéterminé » leur soit accordé pour produire les moyens de preuve.

Depuis le second semestre de 2010, le contribuable était en litige avec les associés de son ancienne Étude et les comptes de celle-ci n’étaient plus validés, ce qui pénalisait aussi la comptabilité de la SA, car certains éléments des comptes immobiliers devaient s’y trouver. Il était également en litige avec la caisse AVS, ce qui le pénalisait fortement dans l’établissement de sa comptabilité et dans le cadre d’un contrôle TVA.

11. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours. La taxation d’office respectait la procédure prévue à cet effet. M. A______ n’avait jamais produit sa déclaration fiscale 2014 ni aucun élément probant permettant de démontrer que la taxation d’office était manifestement inexacte. Ses litiges avec les assurances sociales et/ou ses anciens associés ne pouvaient indéfiniment l’empêcher de remettre une déclaration fiscale et de répondre aux demandes de l’AFC-GE.

12. Dans leur réplique, les intéressés ont rappelé les diverses procédures pendantes et sollicité un « premier délai » au 16 avril 2018 pour produire leur déclaration fiscale 2014.

13. Invitée par le TAPI à se déterminer sur une éventuelle suspension, l’AFC-GE s’y est opposée en soulignant que les recourants avaient déjà bénéficié de multiples délais pour remettre leurs déclarations fiscales.

14. Par jugement du 23 avril 2018, le TAPI a rejeté le recours.

L’AFC-GE avait respecté la procédure en matière de taxation d’office et les contribuables n’avaient pas établi le caractère manifestement inexact de leur taxation 2014.

15. Par acte expédié le 24 mai 2018, les époux A______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre ce jugement. Les bordereaux de taxation étaient manifestement erronés. L’AFC-GE ne tenait pas compte des circonstances particulières du dossier fiscal 2012. Le contribuable était de bonne foi, et il était désormais en mesure de « boucler » ses dossiers fiscaux. En outre, les revenus de son épouse devaient être pris en compte pour la taxation.

La procédure devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice était toujours pendante. La société faisait l’objet d’un nouveau contrôle AVS pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016. Par ailleurs, la procédure TVA était toujours en cours. Enfin, la contribuable était salariée depuis février 2012 et son salaire devait être ajouté à la déclaration fiscale 2014. Un délai raisonnable devait leur être octroyé pour fournir les comptes commerciaux et les déclarations fiscales 2014.

16. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

17. Dans leur réplique, les recourants se sont excusés de ne pas pouvoir déposer leur déclaration fiscale 2014.

18. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2. a. Les contribuables sont invités par publication officielle ou par l’envoi de la formule à remplir et à déposer une formule de déclaration d’impôt (art. 124 al. 1 LIFD ; art. 26 al. 1 LPFisc). Si, malgré sommation, le contribuable n’a pas satisfait à ses obligations, l’autorité effectue la taxation d’office (art. 130 al. 2 LIFD ; art. 46 al. 3 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14 ; art. 37 al. 1 LPFisc). Condition de la taxation d’office, la sommation mentionne les conséquences de l’inexécution de l’acte requis, à savoir le prononcé d’une taxation d’office assortie le cas échéant d’une amende pour violation des obligations de procédure (arrêt du Tribunal fédéral 2C_292/2011 du 31 août 2011 consid. 3.1 et les références citées).

b. Le contribuable qui a été taxé d’office peut déposer une réclamation contre cette taxation uniquement pour le motif qu’elle est manifestement inexacte, cette réclamation devant être motivée et indiquer, le cas échéant, les moyens de preuve (art. 132 al. 3 LIFD ; art. 48 al. 2 LHID ; art. 39 al. 2 LPFisc).

L’obligation de motiver la réclamation contre une taxation d’office est une exigence formelle dont la violation entraîne l’irrecevabilité (ATF 131 II 548 consid. 2.3 ; 123 II 552 consid. 4c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_509/2015 du 2 février 2016 consid. 6.1 et les références citées). Le contribuable ne peut se limiter à une contestation globale ou à une contestation partielle de positions uniques, qui ne permet pas d’examiner d’emblée si la taxation d’office est manifestement inexacte. Il doit en tout cas être possible de reconnaître ce que le réclamant conteste dans la décision attaquée, par exemple le principe de la taxation d’office ou le montant de l’estimation opérée, ainsi que les arguments pertinents en fait et en droit sur lesquels il s’appuie. Ainsi, le contribuable ne doit pas se contenter de mettre en doute la taxation d’office, mais doit prouver que celle-ci ne correspond pas à la situation réelle. Si la production de la déclaration d’impôt non déposée n’est pas une condition de recevabilité de la réclamation, il appartient toutefois au réclamant de présenter les faits de manière suffisamment détaillée et de mentionner les moyens de preuve y relatifs (arrêts du Tribunal fédéral 2C_372/2016 du 7 juin 2016 consid. 2.2.2 ; 2C_509/2015 précité consid. 6.1 ; 2C_292/2011 précité consid. 3.1).

Cette obligation de motiver la réclamation signifie que le contribuable qui entend que sa réclamation contre une décision de taxation d’office soit examinée sur le fond, s’il a négligé son devoir de collaboration, s’y soumette d’entrée de cause (ATA/153/2018 du 20 février 2018 consid. 6b ; ATA/1155/2017 du 2 août 2017 et les références citées). Ainsi que l’a rappelé le Tribunal fédéral, la solution de l’irrecevabilité permet d’éviter qu’un contribuable qui a omis d’accomplir ses devoirs de collaboration et qui a été taxé d’office puisse entraver notablement le travail de l’administration en présentant une réclamation dénuée de toute motivation pour se défendre par la suite en produisant les documents requis au stade du recours, avec pour effet que l’autorité fiscale doive annuler la taxation d’office et recommencer une taxation ordinaire contre laquelle le contribuable pourrait élever une nouvelle contestation (ATF 123 II 552 consid. 4e ; ATA/1155/2017 précité ; ATA/686/2017 du 20 juin 2017).

En cas de recours contre une décision par laquelle l’AFC-GE refuse d’entrer en matière sur une réclamation relative à une taxation d’office, la seule question qui se pose à l’autorité de recours consiste à déterminer si c’est à bon droit que l’autorité fiscale a retenu que le contribuable n’a pas établi le caractère manifestement inexact de la taxation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_435/2018 du 24 mai 2018 consid. 6.2 ; 2C_357/2013 du 7 novembre 2013 consid. 5 ; ATA/1155/2017 précité ; ATA/686/2017 précité).

3. En l’espèce, les recourants n'ont pas remis leur déclaration fiscale 2014 dans les délais, quand bien même l'AFC-GE les a dûment sommés de le faire. Le principe d'une taxation d'office doit ainsi être confirmé.

Lorsqu'ils ont élevé réclamation contre leurs bordereaux de taxation d'office, ils se sont contentés d'affirmer que leur taxation était manifestement inexacte, mais ils n'ont pas remis leur déclaration fiscale correspondante, ni des pièces justificatives à même d'étayer cette affirmation. À cet égard, les références générales au fait que des litiges concernant les assurances sociales et la TVA étaient encore en cours, ne sauraient constituer une motivation suffisante au sens de la jurisprudence.

À titre superfétatoire – dès lors que, comme indiqué plus haut, seule la motivation fournie au moment d'élever la réclamation est pertinente –, force est de constater que ni devant le TAPI, ni devant la chambre de céans, les recourants n'ont produit leur déclaration fiscale.

Dans ces conditions, le jugement du TAPI ne peut qu'être confirmé et le recours rejeté.

4. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art, 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 mai 2018 par Madame et Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 avril 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame et Monsieur A______, pris solidairement, un émolument de CHF 700.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Decimal Bureau Fiduciaire, mandataire des recourants, à l’administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :