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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/202/2012

ATA/108/2012 du 23.02.2012 ( MARPU ) , REFUSE

Parties : MICHEL CONA SA / FONDATION D'INTERET PUBLIC COMMUNAL POUR LE LOGEMENT A CONFIGNON, ENTREPRISE BELLONI SA
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/202/2012-MARPU ATA/108/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 23 février 2012

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

MICHEL CONA S.A.
représentée par Me Cédric Berger, avocat

contre

FONDATION D'INTÉRÊT PUBLIC COMMUNAL POUR LE LOGEMENT À CONFIGNON
représentée par Me Bertrand Reich, avocat

et

ENTREPRISE BELLONI S.A.

 


Attendu, en fait, que :

1. Le 6 juin 2011, la Fondation d'intérêt public communal pour le logement à Confignon (ci-après : la fondation) a fait publier dans la Feuille d'Avis Officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) et sur le site Internet www.simap.ch un appel d'offres pour des travaux de construction, intitulé « Cressy + immeubles de logements pour personnes âgées ».

2. Le marché public était en procédure ouverte ; l'appel d'offres publié indiquait qu'il n'était pas soumis à l'accord GATT/OMC du 15 avril 1994 sur les marchés publics (AMP - RS 0.632.231.422) ni aux traités internationaux. Le marché était divisé en lots ; le lot n° 10 était libellé comme suit : « Vocabulaire commun des marchés publics CPV : 45211200 - Travaux de construction de logements-foyers - CFC : 271 - Plâtrerie ». Le délai de clôture pour le dépôt des offres venait à échéance le 6 juillet 2011 ; le mandataire du pouvoir adjudicateur était le bureau d'architectes VVR Architectes S.A. (ci-après : VVR), à Thônex. Le dossier pouvait être obtenu sur le site www.simap.ch.

3. Michel Cona S.A. (ci-après : Michel Cona ou la société) est une société anonyme sise à Genève, dont le but est l'exploitation d'une entreprise de gypserie-peinture, pose de papiers peints, carrelages et décoration ainsi que tous travaux s'y rattachant.

Le 4 juillet 2011, elle a soumis une offre pour le lot n° 10, pour un montant total net toutes taxes comprises de CHF 449'575,10.

4. Le 1er novembre 2011, le mandataire du pouvoir adjudicateur, soit pour lui Monsieur Antoine Girasoli, architecte associé de VVR, a procédé à l'évaluation des offres. A l'issue de l'analyse multicritères, l'offre de Belloni S.A. (ci-après : Belloni) recevait 352.0 points, celle de Michel Cona 333.3 points, celle d'Entegra S.A. (ci-après : Entegra) 328.3 points, celles des 5 autres entreprises ayant soumissionné et étant classées recevant entre 32.1 points et 197.4 points.

5. Le 20 octobre 2011, la commune de Confignon (ci-après : la commune) a informé Belloni de sa décision de lui attribuer le lot n° 10 du marché, CFC 271.00.

Le même jour, elle a informé de leur éviction les autres soumissionnaires, dont Michel Cona. La lettre adressée à celle-ci était signée, « pour la Commune de Confignon » et sur papier à en-tête de cette dernière, par Monsieur Dinh Manh Uong, maire, et Madame Sylvie Jay, conseillère administrative déléguée aux constructions.

La lettre indiquait en outre qu'un recours dûment motivé contre la décision pouvait être interjeté dans les dix jours dès notification auprès du Tribunal administratif.

6. Par acte posté le 3 novembre 2011, Michel Cona a interjeté recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

La société concluait préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours et à l'autorisation de prendre connaissance des soumissions de Belloni et d'Entegra, et principalement à l'annulation de la décision d'adjudication du 20 octobre 2011 et à la constatation que la soumission (recte : le marché) devait lui être attribuée.

Elle était convaincue que l'entreprise Belloni avait été, volontairement ou non, favorisée par VVR en raison des rapports que ce dernier entretenait avec Belloni, voire des bonnes expériences qu'il avait eues avec cette dernière. L'autorité adjudicatrice avait ainsi abusé de son pouvoir d'appréciation. Elle avait de plus commis une inégalité de traitement, car Michel Cona devait avoir des notes au moins équivalentes à Entegra aux critères 2 et 3, soit respectivement la capacité à respecter les délais d'exécution et les références et l'expérience.

7. Par jugement sur compétence du 10 novembre 2011, le TAPI a déclaré le recours irrecevable, et transmis le dossier à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) pour raison de compétence.

8. Par arrêt du 20 décembre 2011 (ATA/773/2011), la chambre administrative a admis le recours et constaté la nullité de la décision d'adjudication du 20 octobre 2011, celle-ci ayant été prononcée par une autorité incompétente. à savoir la commune de Confignon.

9. Le 12 janvier 2012, la fondation a informé Belloni de sa décision de lui attribuer le lot n° 10 du marché, CFC 271.00.

Le même jour, elle a informé de leur éviction les autres soumissionnaires, dont Michel Cona.

10. Par acte posté le 23 janvier 2012, la société a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre administrative, concluant principalement à son annulation, à ce que le marché lui soit attribué et à l'octroi d'une indemnité de procédure, subsidiairement à la constatation du caractère illicite de la décision et à l'octroi d'un délai pour quantifier et motiver sa prétention en réparation de son dommage.

A titre préalable, elle conclut à l'octroi de l'effet suspensif au recours.

A cet égard, les travaux de plâtrerie ne débutant que le 27 mai 2012, l'octroi de l'effet suspensif ne retarderait pas le chantier, si bien qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'opposait à cet octroi.

11. Le 2 février 2012, la fondation a conclu au refus de l'effet suspensif.

L'absence d'effet suspensif était la règle en matière de marchés publics. La société ne pouvait se prévaloir d'un intérêt particulier justifiant de renoncer à ce principe. L'octroi de l'effet suspensif aurait pour conséquence de retarder, voire de bloquer l'avancement du chantier.

S'agissant des chances de succès du recours, le grief de partialité du mandataire du pouvoir adjudicateur pouvait et devait être soulevé lors de la publication de l'appel d'offres, et était, partant, tardif et donc irrecevable.

Les notes attribuées à l'adjudicataire n'étaient pas contestées, et celles qui avaient été attribuées à la société ne consacraient aucun abus ni excès du pouvoir d'appréciation de la fondation. En particulier, la rectification de l'offre de la société était due au fait que celle-ci avait omis, pour trois postes de sa soumission, de procéder au calcul du prix total. Quant à la société Colorimmo, aucune attestation n'avait été fournie en ce qui la concernait, si bien que la fondation, au lieu d'invalider l'intégralité de l'offre présentée conjointement avec Michel Cona, avait décidé de ne prendre en compte que les éléments relatifs à cette dernière. Les chances de succès de recours apparaissaient dès lors pour le moins ténues.

12. A ce jour, Belloni n'a pas présenté d'observations sur effet suspensif.

13. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur cette question.

 

Considérant, en droit, que :

1. Le recours, interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, est recevable de ces points de vue (art. 15 al. 2 de l’Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05).

2. Aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01), le recours n’a pas d’effet suspensif. Toutefois, l’autorité de recours peut, d’office ou sur demande, restituer cet effet pour autant qu’il paraisse suffisamment fondé et qu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose (art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP).

« L’examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; le but est alors de refuser l’effet suspensif au recours manifestement dépourvu de chance de succès, dont le résultat ne fait aucun doute ; inversement, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d’emblée à justifier l’octroi d’une mesure provisoire mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice » (B. BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat, in J.-B. ZUFFEREY/ H. STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, pp. 311-341, n. 15 p. 317).

La restitution de l’effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu’avec restriction (ATA/85/2012 du 7 février 2012 consid. 2 ; ATA/752/2011 du 8 décembre 2011 ; ATA/614/2011 du 28 septembre 2011 consid. 2 ; ATA/214/2011 du 1er avril 2011, et la jurisprudence citée).

3. Par rapport à l'examen prima facie qui prévaut dans le cadre de l'estimation des chances de succès du recours, à supposer que le grief de prévention du mandataire du pouvoir adjudicateur puisse être invoqué à ce stade, il n'apparaît pas en l'état suffisamment étayé pour justifier l'octroi de l'effet suspensif au recours.

Il en va de même pour les arguments liés à la notation attribuée à Michel Cona pour certains critères, étant précisé que la fondation a d'ores et déjà fourni des explications a priori crédibles sur des points tels que la rectification du montant de l'offre, ou l'absence de prise en compte de la partie de l'offre relative à la société Colorimmo.

4. L'octroi de l'effet suspensif sera dès lors refusé, le sort des frais de la procédure étant réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse d'octroyer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Cédric Berger, avocat de la recourante, à Me Bertrand Reich, avocat de la Fondation d'intérêt public communal pour le logement à Confignon ainsi qu’à l’Entreprise Belloni S.A..

 

 

La présidente :

 

 

 

E. Hurni

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :