Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3387/2017

ATA/1062/2018 du 09.10.2018 ( FORMA ) , REJETE

Recours TF déposé le 20.11.2018, rendu le 21.11.2018, IRRECEVABLE, 2C_1031/2018
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3387/2017-FORMA ATA/1062/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 octobre 2018

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES

 



EN FAIT

1. Monsieur A______, né le ______ 1994, est domicilié à B______, où il vit chez sa mère. Celle-ci est divorcée de son père, Monsieur C______, lequel est chef de délégation du Comité international de la Croix-Rouge (ci-après : CICR) et travaille en Afrique depuis de nombreuses années.

2. Le 3 janvier 2017, M. A______ a déposé auprès du service des bourses et prêts d'études (ci-après : SBPE) une demande de bourse pour l'année académique 2016/2017. Il avait entamé en septembre 2016 son cursus de baccalauréat universitaire en relations internationales à l'Université de Genève. Plusieurs questions de la rubrique « père de la personne en formation » étaient laissées en blanc, avec la mention « peu de contact et d'infos sur le papa ».

M. A______ a également observé que son père avait arrêté de verser sa contribution d'entretien de CHF 1'000.- à son endroit, mais que son frère et lui-même avaient entamé des démarches pour que cette contribution soit à nouveau versée. Sa mère vivait seule et bénéficiait d'une aide financière de l'Hospice général.

3. Le 30 mars 2017, le SBPE a indiqué à M. A______ que sa demande était incomplète, et lui a demandé l'apport de divers documents, en particulier des détails concernant ses revenus et sa fortune.

4. Le 3 mai 2017, M. A______ a répondu au SBPE qu'il n'était pas en mesure de donner les documents demandés concernant son père. Il ne vivait pas avec lui, et n'avait plus eu de contact depuis le mois d'août 2016 ; avec son frère, ils étaient même en procès (recte : en litige) avec leur père pour réclamer ce qui leur était dû.

5. Par décision du 12 juin 2017, le SBPE a refusé d'accorder à M. A______ une bourse ou un prêt d'études.

Les aides financières étaient subsidiaires notamment aux contributions des parents, et le calcul de ces aides était établi sur la base du budget des parents de la personne en formation et de cette dernière. Dès lors que le service ne pouvait disposer d'informations sur le budget du père de M. A______, il n'était pas en mesure de faire les calculs nécessaires, si bien que l'octroi d'une bourse ou d'un prêt n'était pas possible.

6. Le 10 juillet 2017, M. A______ a formé réclamation contre la décision précitée, concluant à ce qu'elle soit reconsidérée (recte : annulée).

Il estimait ne pas devoir être pénalisé pour l'absence d'informations concernant son père, car ce n'était pas sa faute si ce dernier ne vivait pas avec ses enfants et refusait son soutien.

7. Par décision sur réclamation du 4 août 2017, le SBPE a rejeté celle-ci et maintenu sa précédente décision.

Étant dans l'impossibilité de calculer le budget des parents comme le prévoyait la loi, il ne pouvait octroyer une bourse ou un prêt.

8. Par acte posté le 15 août 2017, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur réclamation précitée, sans prendre de conclusions formelles.

Il reprenait les arguments déjà présentés dans sa réclamation.

9. Le 10 septembre 2017, M. A______ a fait parvenir à la chambre administrative la copie d'un courriel dans lequel il demandait à son père de lui communiquer des documents permettant d'établir ses revenus.

10. Le 15 septembre 2017, le SBPE a demandé à la chambre administrative si M. A______ pouvait fournir des éléments quant au procès qu'il alléguait avoir entrepris, ainsi que de pouvoir bénéficier d'un délai supplémentaire, à réception, pour répondre au recours.

11. Le 11 octobre 2017, M. A______ a remis à la chambre administrative diverses pièces concernant le litige avec son père au sujet de la contribution d'entretien. Il s'agissait d'un échange de correspondance entre l'avocat que lui et son frère avaient mandaté et l'avocat de leur père.

M. A______ indiquait que des pourparlers étaient en cours afin de finaliser une convention.

12. Le 1er novembre 2017 s'est tenue une audience de comparution personnelle des parties.

M. A______ a déclaré que le divorce de ses parents avait eu lieu quand il avait environ quatre ans. Actuellement, il suivait le cursus de Bachelor en relations internationales dispensé par le D______. Il avait toujours vécu avec sa mère et son frère cadet, qui avait un an de moins que lui. Les relations avec son père s'étaient dégradées à partir de sa majorité. Jusque-là, c’était sa mère qui gérait les questions financières. Le jugement de divorce prévoyait une contribution de CHF 1'000.- par mois pour son entretien, jusqu’à sa majorité, et une contribution semblable était prévue pour son frère. À partir de ses dix-huit ans, son père ne lui avait plus parlé que d’argent, et cela l'avait irrité au point de ne plus vouloir entretenir de contacts avec lui. Les derniers échanges avaient tous eu lieu par avocats interposés, ce à la demande de son père. Un projet de convention était en cours d’avancement. Il pensait dans ce cadre demander la somme de CHF 1'000.- par mois, comme par le passé.

Le représentant du SBPE a quant à lui indiqué que jusqu’à la dernière année scolaire, la contribution d’entretien était payée et correspondait à celle fixée par le jugement de divorce. Le SBPE faisait donc application, de manière large, de l’art. 18 al. 4 de la loi sur les bourses et prêts d'études du 17 décembre 2009 (LBPE - C 1 20). Dans la mesure où, depuis un an, cette contribution n’était plus versée, il avait dû passer à l’application du régime ordinaire, qui supposait l’établissement d’un budget pour le père. De plus, même en l'absence des chiffres exacts, vu le montant du salaire il n’y aurait pas de droit à une bourse. Les démarches de M. A______ en vue d’obtenir la signature d’une convention constituait un fait nouveau. Dès que le SBPE aurait l’assurance qu’une pension pouvait être versée avec un certain degré de vraisemblance, il pourrait entrer en matière sans attendre nécessairement la signature formelle du document.

13. Le 23 novembre 2017, le SBPE a conclu au rejet du recours, en l'absence d'éléments nouveaux.

Le jugement de divorce prévoyait une contribution d'entretien jusqu'à la majorité. M. A______ ayant atteint celle-ci, les revenus de son père devaient être pris en considération dans l'examen de l'octroi d'une aide financière.

Par ailleurs, le père de M. A______ avait un poste de chef de délégation au CICR, si bien que ses revenus excédaient probablement CHF 100'000.- annuels, sans charge de loyer. Dès lors, si un calcul devait être établi, le budget de M. A______ serait très probablement excédentaire, aucun droit à une aide financière n'étant alors ouvert.

14. Le 27 novembre 2017, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 19 janvier 2018 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

15. Le 30 novembre 2017, le SBPE a indiqué ne pas avoir de requête ni d'observations complémentaires à formuler.

16. M. A______ ne s'est quant à lui pas manifesté depuis lors.

 

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Selon l’art. 65 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve (al. 2).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d’une certaine souplesse s’agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu’elles ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est, en soi, pas un motif d’irrecevabilité, pour autant que l’autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/518/2017 du 9 mai 2017 consid. 2a ; ATA/74/2016 du 26 janvier 2016 consid. 2b). Ainsi, une requête en annulation d’une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu’elle ne déploie pas d’effets juridiques (ATA/518/2017 précité consid. 2a).

b. En l’espèce, le recourant n’a pas pris de conclusions formelles en annulation de la décision sur réclamation du SPBE. On comprend toutefois de ses écritures qu'il est en désaccord avec celle-ci et souhaite son annulation, ainsi que l'octroi d'une bourse d'études. Il s’ensuit que le recours est également recevable de ce point de vue.

3. Le litige porte ainsi sur le droit de l’étudiant à une bourse d’études, en particulier sur la prise en considération de la situation de son père dans l'établissement du budget familial.

4. a. La LBPE règle l’octroi d’aides financières aux personnes en formation. Le financement de la formation incombe aux parents et aux tiers qui y sont légalement tenus ainsi qu’aux personnes elles-mêmes en formation. Les aides financières sont accordées à titre subsidiaire (art. 1 LBPE).

b. Si les revenus de la personne en formation, de ses parents (père et mère, art. 1 al. 1 du règlement d'application de la LBPE du 2 mai 2012 - RBPE - C 1 20.01), de son conjoint ou partenaire enregistré et des autres personnes qui sont tenus légalement au financement de la formation, ainsi que les prestations fournies par des tiers ne suffisent pas à couvrir les frais de formation, le canton finance, sur demande, les besoins reconnus par le biais de bourses ou de prêts (art. 18 al. 1 LBPE).

c. Si l’un des parents est tenu de verser à la personne en formation une pension alimentaire fixée par décision judiciaire, aucun budget n’est établi pour le parent débiteur (art. 18 al. 4 LBPE).

Cet alinéa est entré en vigueur le 5 octobre 2013. Il devait faciliter les situations de familles monoparentales. Dans l’ancien système il était exigé la production des documents attestant de la situation des deux parents, même séparés, divorcés ou non mariés. Le fait qu’une convention d’entretien pour l’enfant concerné par la demande ait été conclue ne modifiait pas ce qui précède, ni l’impossibilité de contacter l’autre parent ou d’avoir les documents suite à des tensions. Enfin, les deux revenus étaient pris en compte.

Dans le cadre des travaux préparatoires, les cas où aucune convention n’aurait été conclue ont été abordés. À la question des députés de savoir si de telles situations étaient fréquentes, les représentants du SBPE avaient indiqué que « l’estimation est impossible, bien que ces cas existent. Tel est notamment le cas pour les parents qui ne sont pas mariés » (Rapport du 11 juin 2013 de la Commission des affaires sociales chargée d'étudier le PL 11’166-A p. 27/42).

5. En l’espèce, le père du recourant était astreint par jugement de divorce au paiement d'une contribution d'entretien en faveur du recourant jusqu'à la majorité de ce dernier. Celle-ci est intervenue le 1er avril 2012 ; le père du recourant n'était donc plus tenu par ledit jugement de verser une contribution, ce qu'il a néanmoins fait jusqu'en 2016. Bien qu'au cours de la présente instance, le recourant ait déclaré être en train de négocier avec son père la reprise du versement de cette contribution et la signature d'une convention, force est de constater que la chambre de céans n'a en l'état reçu aucun document ni information en ce sens.

C’est en conséquence à juste titre que l’autorité intimée a voulu prendre en compte la situation financière du père (art. 18 al. 4 a contrario LBPE) et a demandé au recourant des documents y relatifs.

En l'absence de renseignements à ce sujet, et au demeurant même en prenant en compte les revenus prévisibles de l'intéressé, l'intimé était fondé à refuser toute aide financière au recourant. Le recours est ainsi mal fondé et doit être rejeté.

6. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 août 2017 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation du service des bourses et prêts d'études du 4 août 2017 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeant : Mme Junod, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :