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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2660/2017

ATA/1152/2020 du 17.11.2020 sur JTAPI/814/2019 ( LDTR ) , ADMIS

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;ZONE DE DÉVELOPPEMENT;PERMIS DE CONSTRUIRE;PLAN D'AFFECTATION SPÉCIAL;EXCEPTION(DÉROGATION);COMPÉTENCE;ACTE LÉGISLATIF;CONSEIL D'ÉTAT
Normes : Cst.75.al1; LAT.15; LAT.16; LAT.17; LaLAT.12.al4; LGZD.1; LGZD.2.al1; LGZD.2.al2; LaLAT.30; LECO.2.al3; RGZD.5; LCI.27.al4
Parties : VILLE DE GENEVE, GALDO Elias Xil, GROUPEMENT DES HABITANTS DE L'AVENUE D'AÏRE (GHA)& HAGER & GALDO, HAGER Léonie Marie, PROPRIETAIRES DES LOTS DE PPE SIS ALLEE PIC-PIC 2 À 12 / DZ ARCHITECTES SÀRL & CONSORTS, BILLAUD Michel, BILLAUD Philippe, HELVETIA ASSURANCES, BILLAUD Juliette, BILLAUD COHADES France, GROUPEMENT DES HABITANTS DE L'AVENUE D'AÏRE (GHA), HAGER Léonie, SCHWEIZER Claire, GALDO Elias Xil, AS DZ ARCHITECTURE SA, SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE AÏRE PANORAMA, EDPS IMMOBILIER SA, UNION FONCIÈRE PRIVÉE UFP SA, BILLAUD Micheline, AIDLIN Haggay, DJALLALZADA Vagma, PONDER Jaroslaw, BELLMANN Claire, CONTE Alain, FERNANDEZ José, SCHINDL Hannelore, ZAPPALA Olivia, BAGNOUD Isabelle, GOTTLIEB Myriam, MAURISSEN Johan, PONDER Iwona, BRINER Sandra, BÜRGIN Arnaud, COTONER Iñigo, SCHINDL Karlheinz, MUSY Stéphanie, BATAILLARD Anne-Christine, BEJA Thierry, FINDLAY Allan, KACI BEJA Imane, BOSQUE Jean-Marc, THOMAS Frédéric, ZAPPALA Anthony, SPRETER Françoise, HECHT-DE ALWIS Sophie, MANGEAT Grégoire, CHAKER MANGEAT Alia, GENEVEY Karine, PALMIERI Cesare, WUEST Grégoire, HENRIKSSON Joakim, CANAVESE Régis, CAZALS Jérôme, NAHUM Solange, GUEDES Françoise, LIVING BETTER SA, WILLAUME Benoît, AIDLIN Haggay, BOLLIGER AIDLIN Monika, ANGUENOT Jean-Luc, MABRIEZ-ANGUENOT Sylvie, ARENDT Catherine, ARENDT Frank, BALYSHEVA Evgeniya, BERCLAZ Christian, BISOGNO Alfonso, BLOMEYER Pauline, BOISARD Ludivine, SPRETER BÜRGIN Cécile, MAURISSEN-BERLENGÉE Bernadette, MOURET Kim, BLOMEYER Patrick, CHAB Maximiliano, CONTE Gudrun, MURRAY Eva, FONDATION HARVEST, SPRETER Axel, THETAZ Karin, THOMAS Emmanuelle, FALCIOLA Jean-Claude, GARAVAGNO Roberto, HANDSCHIN Marco, BOSQUE Luis, DESFORGES CAZALS Olivia, GRAESSLE Isabelle, MOURET Philippe, GROOTHAERT Marc, HERRERO SANCHEZ HANDSCHIN Maria, THETAZ Laetitia, BAUQUEREZ Rachel, GAYO RODRIGUEZ Isabel, DUCRET Sylvain, BLONDEL Jérôme, SAFFORES Catherine, RODRIGUEZ Bruno, LABOVIC PYTHON Vesna, PYTHON Vincent, WILLIAM Ryan, DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, VILLE DE GENÈVE - DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DE L'AMÉNAGEMENT, PROPRIETAIRES DES LOTS DE PPE SIS ALLEE PIC-PIC 2 À 12
Résumé : Conformément à l'art. 2 LGZD, la délivrance d'une autorisation de construire en zone de développement exige soit un PLQ, soit un arrêté du Conseil d'État renonçant à établir un tel acte. L'art. 5 RGZD ne peut servir de délégation réglementaire à l'exception de l'art. 2 al. 2 LGZD. In casu, en l'absence de PLQ et compte tenu du fait que la surélévation concernée n'a fait l'objet ni d'une carte, ni d'une dérogation, de sorte que le Conseil d'État ne s'est pas prononcé sur le bien-fondé du projet de surélévation querellé, l'autorisation de construire litigieuse viole l'art. 2 LGZD et doit être annulée. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2660/2017-LDTR ATA/1152/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 novembre 2020

 

dans la cause

 

Madame Evgeniya BALYSHEVA
Madame Rachel BAUQUEREL
Madame Imane KACI BEJA et Monsieur Thierry BEJA
Monsieur Jérôme BLONDEL
Madame Monika BOLLIGER AIDLIN et Monsieur Haggay AIDLIN
Madame Sandra BRINER
Madame Cécile SPRETER BÜRGIN et Monsieur Arnaud BÜRGIN
Madame Olivia DESFORGES CAZALS et Monsieur Jérôme CAZALS
Monsieur Maximiliano CHAB
Madame Alia CHAKER MANGEAT et Monsieur Grégoire MANGEAT
Madame Gudrun et Monsieur Alain CONTE
Monsieur Iñigo COTONER
Monsieur Sylvain DUCRET
Monsieur Jean-Claude FALCIOLA
Monsieur José FERNANDEZ
Monsieur Roberto GARAVAGNO
Madame Karine GENEVEY
Madame Isabelle GRAESSLE
Monsieur Marc GROOTHAERT
Madame Maria HERRERO SANCHEZ HANSCHIN et Monsieur Marco HANDSCHIN
Monsieur Joakim HENRIKSSON
Madame Vesna LABOVIC PYTHON
LIVING BETTER SA
Madame Bernadette MAURISSEN-BERLENGÉE et Monsieur Johan MAURISSEN

Madame Myriam MICHEL
Madame Solange NAHUM
Monsieur Cesare PALMIERI
Madame Vessa LABOVIC PYTHON et Monsieur Vincent PYTHON
Madame Catherine SAFFORES
Madame Hannelore et Monsieur Karlheinz SCHINDL
Madame Françoise et Monsieur Axel SPRETER
Madame Karin THETAZ
Madame Emmanuelle et Monsieur Frédéric THOMAS
Monsieur Benoît WILLAUME
Monsieur Ryan WILLIAMS
Madame Olivia et Monsieur Anthony ZAPPALA
représentés par Me Alexandre Böhler, avocat

et

Monsieur Elias Xil GALDO
Madame Léonie HAGER
Hoirie de feu Madame Claire SCHWEIZER, soit pour elle Madame Evelyne Jacqueline PRANDO, Messieurs Daniel-Henri PACHE et Jean-Claude Roger PACHE
GROUPEMENT DES HABITANTS DE L'AVENUE D'AÏRE (GHA)
représentés par Me Christian Dandrès, avocat

et

VILLE DE GENÈVE

contre

Monsieur Haggay AIDLIN
Madame Marie MABRIEZ ANGUENOT et Monsieur Jean-Luc ANGUENOT
Madame Catherine et Monsieur Frank ARENDT
Madame Isabelle BAGNOUD
Madame Evgeniya BALYSHEVA
Madame Anne-Catherine BATAILLARD
Madame Rachet BAUQUEREZ
Madame Imane KACI BEJA et Monsieur Thierry BEJA
Madame Claire BELLMANN
Monsieur Christian BERCLAZ
Monsieur Alfonso BISOGNO
Madame Pauline et Monsieur Patrick BLOMEYER
Monsieur Jérôme BLONDEL
Madame Ludivine BOISARD
Madame Monika BOLLIGER AIDLIN
Monsieur Jean-Marc BOSQUE
Monsieur Luis BOSQUE
Madame Sandra BRINER
Monsieur Arnaud BÜRGIN
Monsieur Régis CANAVESE
Madame Olivia DESFORGES CAZALS et Monsieur Jérôme CAZALS
Monsieur Maximiliano CHAB
Madame Alia CHAKER MANGEAT et Monsieur Grégoire MANGEAT
Madame Gudrun et Monsieur Alain CONTE
Monsieur Iñigo COTONER
Madame Vagma DJALLALZADA
Monsieur Sylvain DUCRET
Monsieur Jean-Claude FALCIOLA
Monsieur José FERNANDEZ
Monsieur Allan FINDLAY
Monsieur Roberto GARAVAGNO
Madame Isabel GAYO RODRIGUEZ
Madame Karine GENEVEY
Madame Isabelle GRAESSLE
Monsieur Marc GROOTHAERT
Madame Françoise GUEDES
Madame Maria HERRERO SANCHEZ HANSCHIN et Monsieur Marco HANDSCHIN
Madame Sophie HECHT-DE ALWIS
Monsieur Joakim HENRIKSSON
Madame Vesna LABOVIC PYTHON
LIVING BETTER SA
Madame Bernadette MAURISSEN-BERLENGÉE et Monsieur Johan MAURISSEN

Madame Myriam MICHEL
Madame Kim MOURET et Monsieur Philippe MOURET
Madame Eva MURRAY
Madame Stéphanie MUSY
Madame Solange NAHUM
Monsieur Cesare PALMIERI
Madame Iwona et Monsieur Jaroslaw PONDER
Monsieur Vincent PYTHON
Monsieur Bruno RODRIGUEZ
Madame Catherine SAFFORES
Madame Hannelore et Monsieur Karlheinz SCHINDL
Monsieur Axel SPRETER
Madame Françoise SPRETER
Madame Cécile SPRETER BÜRGIN
Madame Karin THETAZ
Madame Laetitia THETAZ
Madame Emmanuelle et Monsieur Frédéric THOMAS
Monsieur Benoît WILLAUME
Monsieur Ryan WILLIAMS
Monsieur Grégoire WUEST
Madame Olivia et Monsieur Anthony ZAPPALA
représentés par Me Alexandre Böhler, avocat

et

Monsieur Elias Xil GALDO
Madame Léonie HAGER
Hoirie de feu Madame Claire SCHWEIZER, soit pour elle Madame Evelyne Jacqueline PRANDO
, Messieurs Daniel-Henri PACHE et Jean-Claude Roger PACHE
GROUPEMENT DES HABITANTS DE L'AVENUE D'AÏRE (GHA)
représentés par Me Christian Dandrès, avocat

et

VILLE DE GENÈVE

et

Madame Juliette BILLAUD
Monsieur Michel BILLAUD
Madame Micheline BILLAUD
Madame France BILLAUD COHADES
DZ
ARCHITECTES SÀRL
EDPS IMMOBILIER SA
SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE AÏRE PANORAMA
SFP FONDATION DE PLACEMENT
UNION FONCIÈRE PRIVÉE UFP SA

représentés par Me Diane Schasca, avocate

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 septembre 2019 (JTAPI/814/2019)


EN FAIT

1) Union Foncière Privée UFP SA (ci-après : UFP) est propriétaire de la parcelle n° 3'797 de la commune de Genève-Petit-Saconnex, sise à l'adresse 56 av. d'Aïre.

Les parcelles voisines, en allant vers l'est, sont, respectivement, la propriété de :

-          EDPS Immobilier SA (ci-après : EDPS) pour la parcelle n° 3'796, à l'adresse 54 av. d'Aïre ;

-          Mesdames Juliette BILLAUD et France BILLAUD COHADES et Messieurs Michel et Philippe BILLAUD pour la parcelle n° 3'795, à l'adresse 52 av. d'Aïre, Madame Micheline BILLAUD étant usufruitière de la part de MM. BILLAUD ;

-          La société immobilière Aïre Panorama SA (ci-après : SI Aïre) pour la parcelle n° 3'577, à l'adresse 50 av. d'Aïre et

-          SFP Fondation (ci-après : SFP) pour les parcelles nos 3'578 et 3'695, à l'adresse 48 et 46 av. d'Aïre, propriété, jusqu'au 31 août 2019, d'Helvetia Compagnie Suisse d'assurances SA (ci-après : Helvetia).

Ces propriétaires seront nommés ci-après les propriétaires fonciers.

Ces parcelles sont sises en zone de développement 3, zone de fond 5.

2) Sur ces six parcelles est sis un bâtiment composé de huit étages sur rez, long de 100 m environ. Il a été érigé, dans les années 1960 pour les immeubles sis aux adresses 46 à 52 av. d'Aïre et dès 1946 environ pour les n°s 54 et 56 av. d'Aïre.

Le terrain étant légèrement en pente, la hauteur de l'immeuble est supérieure à 27 m sur son côté est et inférieure sur la façade ouest.

3) En date du 23 juillet 2014, AS-DZ Architecture SA a déposé une demande d'autorisation de construire portant sur la « surélévation de l'ensemble du bâtiment des allées 46 à 56 », soit la création d'un 9e et 10e étages. La société DZ Architectes SA est aujourd'hui la mandataire.

4) Par arrêté du 11 avril 2017, le conseiller d'État en charge du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : DT ou département), a autorisé l'application des normes de 3ème zone au bâtiment à surélever.

5) À l'exception de la Ville de Genève (ci-après : la ville), qui considérait que le projet dépassait la hauteur maximale autorisée en 3ème zone, tous les préavis ont été favorables, voire favorables sous conditions.

6) Par décision du 18 mai 2017, publiée le même jour dans la Feuille d'avis officielle (ci-après : FAO), le DT a délivré l'autorisation sollicitée (DD 107'092 ; ci-après : la DD).

7) Par acte du 19 juin 2017, la ville a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre cette autorisation de construire, concluant à son annulation.

Cette procédure a été enregistrée sous le n° de cause A/2673/2017.

Elle a notamment invoqué que le DT n'avait pas demandé l'accord de son Conseil administratif pour renoncer à l'élaboration d'un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) conformément à l'art. 2 al. 2 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35).

8) Par acte formé le 19 juin 2017, le Groupement des Habitants de l'avenue d'Aïre (ci-après : GHA), Madame Léonie HAGER, Madame Claire SCHWEIZER et Monsieur Elias Xil GALDO (ci-après : GHA & Consorts) ont recouru contre cette décision, concluant à son annulation. GHA regroupait des habitants du bâtiment de l'av. d'Aïre 46 à 56 et avait pour but statutaire de s'opposer au projet de surélévation de l'immeuble. Mmes HAGER et SCHWEIZER et M. GALDO étaient locataires d'appartements sis dans le bâtiment, respectivement aux 8ème, 2ème et 8ème étages.

Cette procédure a été enregistrée sous le n° de cause A/2660/2017.

9) Par acte formé le 19 juin 2017, septante-huit propriétaires d'appartements situés dans les immeubles sis à l'allée Pic-Pic (du n° 2 au 12), se trouvant, aux points les plus proches, à 44 m de l'immeuble litigieux (ci-après : les propriétaires de l'allée Pic-Pic) ont recouru contre la décision querellée, concluant à son annulation.

Cette procédure a été enregistrée sous le n° de cause A/2703/2017.

10) Le DT et les propriétaires fonciers ont conclu au rejet des recours.

L'immeuble avait été construit avant l'adoption, en 2008, de la « loi sur les surélévations (L 10088) ». Celle-ci avait modifié, notamment, l'art. 27 LCI, autorisant, dorénavant, de surélever de 6 m, soit à 27 m au total, la hauteur de la ligne verticale du gabarit en zone 3. L'immeuble concerné atteignant déjà 27 m, la dérogation au gabarit se fondait sur l'art. 11 LCI, ce qu'autorisaient les art. 27 al. 3 et 6 LCI.

11) Par décision du 6 avril 2018, le TAPI a joint les trois procédures sous la référence n° A/2660/2017.

12) Une audience de comparution personnelle des parties et d'enquêtes s'est tenue le 8 mai 2018. Monsieur Giorgio BELLO, président de la commission d'architecture (ci-après : CA) à l'époque de l'établissement des préavis, a été entendu.

À l'issue de l'audience, le TAPI a informé les parties qu'il entendait demander le préavis du Conseil administratif de la ville et le soumettre au Conseil d'État pour que ce dernier « confirme ou infirme » qu'il renonçait à l'établissement d'un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ). Le TAPI a imparti au DT un délai au 15 juin 2018 pour obtenir ce préavis.

13) À la demande du TAPI, le DT a transmis, le 19 juin 2018, les courriers échangés avec la ville attestant du refus de cette dernière de saisir le Conseil administratif.

S'en est suivi un échange de correspondances entre le TAPI et la ville, à l'issue duquel celle-ci a saisi le Conseil administratif afin qu'il se détermine sur l'octroi d'une dérogation à l'établissement d'un PLQ conformément à l'art. 2 al. 2 LGZD.

Les 6 et 15 août 2018, la ville a informé le TAPI que, lors de sa séance du 25 juillet 2018, le Conseil administratif avait décidé de ne pas renoncer à l'établissement d'un PLQ pour la surélévation des bâtiments en cause.

14) Le 12 septembre 2018, le DT a informé le TAPI que « comme il a été prévu dans le cadre de l'audience du 8 mai 2018, ledit préavis a été soumis au Conseil d'État pour qu'il se détermine à nouveau sur le projet à la lumière de ce document. Vous trouvez ci-joint un nouvel arrêté daté et signé du 10 septembre 2018, ce qui démontre de manière formelle que le Conseil d'État maintient sa position s'agissant de la renonciation à l'établissement d'un PLQ in casu, en application de l'art. 2 al. 2 LGZD. En effet, il apparaît que le cas d'espèce entre pleinement dans le champ de l'art. 2 al. 2 let. c LGZD dans la mesure où il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un quartier déjà fortement urbanisé. L'élaboration d'un PLQ n'apparaît pas aux yeux du département comme indispensable vu que les parcelles alentour, et notamment celles situées à l'ouest, sont construites. Il ne s'agit en effet pas d'un quartier vierge qui serait appelé à se développer et pour lequel une réflexion en matière d'aménagement serait nécessaire ».

Était joint un arrêté départemental du 10 septembre 2018, signé par le conseiller d'État chargé du DT, énonçant en son art. 1 que l'application des normes de la 3e zone au bâtiment à surélever, selon dossier DD 107'092, était autorisée.

15) Un transport sur place s'est déroulé en présence des parties le 5 février 2019.

16) Les parties se sont déterminées après ces actes d'instruction.

Le DT a notamment relevé que le fait que des PLQ aient été adoptés dans le quartier, soit notamment le PLQ 29132 concernant la « Rue Camille Martin », directement à l'ouest de l'immeuble querellé, ou le PLQ 29790 relatif au quartier des Eidguenots, de l'autre côté de l'av. d'Aïre, tendait à démontrer que le secteur était fortement urbanisé et que l'établissement d'un PLQ pour le seul bâtiment en cause ne présentait que peu d'intérêt. Concernant l'arrêté du 10 septembre 2018, il était relevé que le Conseil d'État, lors de sa séance du 25 mars 2009, avait délégué au DT la compétence d'approuver les arrêtés autorisant l'application des normes de la zone de développement (ci-après : ZD) pour les dossiers en autorisation de construire, le TAPI ayant déjà eu l'occasion de valider cette délégation. Partant, cet arrêté était pleinement valable.

17) Par jugement du 10 septembre 2019, le TAPI a rejeté le recours.

a. Mmes HAGER et SCHWEIZER ainsi que M. GALDO, locataires de l'immeuble litigieux, n'avaient pas la qualité pour recourir. Ils n'avaient pas allégué que la surélévation leur causerait un préjudice ou qu'ils seraient plus touchés que la majorité du voisinage.

L'association n'avait pas démontré que ses membres seraient spécialement touchés par le projet, de sorte qu'ils ne disposaient pas de la qualité pour recourir à titre individuel. La qualité pour recourir de l'association ne pouvait donc pas non plus lui être reconnue. Par ailleurs, en se limitant à invoquer la violation de normes du droit de la construction, le recours de GHA & Consorts s'apparentait à une action populaire. Son recours était irrecevable.

b. Les propriétaires de l'allée Pic-Pic, voisins de la construction projetée, avaient qualité pour recourir, de même que la ville.

c. Les demandes d'actes d'instruction complémentaires étaient rejetées, le dossier étant en état d'être jugé.

d. La ville avait invoqué une violation de l'art. 2 al. 2 LGZD au motif que l'arrêté du Conseil d'État du 11 avril 2017, par lequel il renonçait à l'établissement d'un PLQ, était vicié en tant qu'il avait été prononcé sans que le Conseil administratif de la ville n'ait rendu son préavis sur cette question.

Ce grief était devenu sans objet du moment que le TAPI avait demandé la délivrance de ce préavis dans le cadre de la présente procédure. Cette façon de procéder respectait le principe d'économie de procédure et, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, ne violait ni le double degré de juridiction ni le droit d'être entendu. Ce préavis, délivré le 15 août 2018 par le Conseil administratif de la ville était défavorable. Il n'avait toutefois qu'un caractère consultatif.

Dans l'arrêté du 10 septembre 2018, le DT avait maintenu sa position s'agissant de la renonciation à l'établissement d'un PLQ, dans la mesure où le quartier était fortement urbanisé. Dans ses écritures du 28 mars 2019, le DT avait précisé que le Conseil d'État lui avait délégué la compétence d'approuver les arrêtés autorisant l'application des normes de la ZD pour les dossiers en autorisation de construire lors de sa séance du 25 mars 2009. Le TAPI avait précédemment validé cette délégation et admettait que le conseiller d'État en charge du DT puisse rendre un tel arrêté en lieu et place du Conseil d'État.

C'était à juste titre que le caractère de « quartiers de développement déjà fortement urbanisés » au sens de l'art. 2 al. 2 LGZD avait été reconnu au quartier litigieux. « Le choix du Conseil d'État de faire application de l'art. 2 al. 2 let. c LGZD pour l'urbanisation des parcelles concernées, suivant en cela notamment le préavis favorable à la dérogation de la direction de la planification directrice cantonale et régionale du 28 avril 2014 [était] conforme au droit ».

e. Les autres griefs, relatifs à des violations des art. 11, 27 et 46 LCI et 12 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) et portant sur les servitudes de distance et vues droites ainsi que la hauteur des gabarits étaient écartés.

f. En conséquence, le recours de GHA & consorts était irrecevable et les recours de la ville et des propriétaires de l'allée Pic-Pic étaient rejetés.

18) Par acte du 14 octobre 2019, le GHA & Consorts ont interjeté recours contre le jugement précité auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Ils ont conclu à son annulation et, cela fait, à l'annulation de l'autorisation DD 107'092. Différentes mesures d'instruction étaient sollicitées.

C'était à tort que le TAPI avait déclaré irrecevable leur recours. Les intérêts protégés par les art. 11 et 27 LCI poursuivaient comme objectif la préservation de la qualité de vie des habitants par le respect des règles de construction, d'architecture et d'urbanisme. Une surélévation impliquait de construire un « immeuble sur un immeuble » avec des nuisances liées avec l'augmentation du nombre d'habitants de l'immeuble et découlant de l'important chantier. Les recourants avaient offert de prouver, par l'audition d'experts ou de témoins, l'importance des nuisances qu'ils subiraient.

19) Par acte du 14 octobre 2019, les propriétaires de l'allée Pic-Pic ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité. Ils ont conclu à son annulation ainsi qu'à celle de l'autorisation de construire querellée. Ils produisaient une liste des recourants.

L'art. 2 al. 2 LGZD avait été violé. Conformément à l'art. 2 al. 1 LGZD, la délivrance de l'autorisation de construire était subordonnée à l'approbation préalable par le Conseil d'État d'un PLQ et des conditions particulières applicables au projet. En l'espèce, la question d'un PLQ préalable n'était pas tranchée. Seules les normes de construction applicables au projet en cause étaient évoquées. L'autorité intimée n'avait produit aucune décision du Conseil d'État permettant de déroger au principe du PLQ. Le TAPI s'était fondé sur les explication du département, lequel n'avait pas produit la décision du Conseil d'État du 25 mars 2009 qu'il invoquait pour justifier de sa compétence. Même à supposer que cette décision ait la portée que le département lui donnait, elle n'était pas conforme à l'art. 2 al. 3 de la loi sur l'exercice des compétences du Conseil d'État et l'organisation de l'administration du 16 septembre 1993
(LECO - B 1 15). En effet, une délégation devait être décidée par voie réglementaire et non par décision individuelle. Or, la seule disposition réglementaire invoquée par le DT et reprise par le TAPI était l'art. 5 RGZD, lequel n'abordait pas la question d'une délégation d'une compétence prévue par l'art. 2 al. 2 LGZD. De surcroît, des PLQ avaient été adoptés récemment pour des constructions immédiatement voisines du bâtiment litigieux, soit à la rue
Camille-Martin et aux Eidguenots.

20) Par acte du 14 octobre 2019, la ville a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement querellé. Elle a conclu à son annulation ainsi qu'à celle de l'autorisation DD 107'092.

L'art. 2 al. 2 LGZD avait été violé à l'instar de l'art. 46 LCI et 12 relatifs aux distances aux limites des propriétés et entre constructions. De surcroît, l'autorisation accordée violait l'art. 11 LCI.

21) Le DT a conclu au rejet des recours.

Il contestait toute violation de l'art. 2 al. 2 LGZD. Il ressortait tant de la situation alentour, des pièces du dossier que du transport sur place que le projet se situait dans un périmètre constitué d'immeubles de gabarits importants, construits selon les normes de la 3ème zone ou de la ZD 3. Le fait que plusieurs PLQ aient été adoptés aux alentours était sans pertinence. Les cas n'étaient pas comparables. Le quartier des Eidguenots, par exemple, concernait plusieurs parcelles et trois cents logements. Cela démontrait toutefois que le quartier était fortement urbanisé. L'élaboration d'un PLQ pour la seule surélévation d'un immeuble n'apparaissait pas nécessaire, et était démesurée. C'était en conséquence à raison que le TAPI avait jugé qu'il s'agissait d'un quartier fortement urbanisé et qu'une application de l'art. 2 al. 2 let. c LGZD se justifiait. L'art. 5 RGZD fondait valablement les compétences du département pour prononcer l'arrêté querellé.

22) Les propriétaires fonciers ont conclu à l'irrecevabilité du recours de GHA & Consorts et de celui des propriétaires de l'allée Pic-Pic. Au fond, les recours devaient être rejetés.

La parcelle détenue par les propriétaires de l'allée Pic-Pic n'était pas immédiatement voisine du projet querellé, mais séparée de celle-ci par une voie ferrée. Ces derniers n'exposaient pas quels avantages pratiques ils pourraient retirer de l'annulation du jugement querellé ou de l'autorisation de construire. Même à retenir une prétendue perte d'ensoleillement, de dégagement ou de vue, celles-ci n'étaient pas avérées.

L'irrecevabilité du recours de GHA & Consorts suffisait à rejeter les mesures d'instruction qu'ils étaient les seuls à avoir sollicitées. Celles-ci n'étaient en tous les cas pas utiles. De surcroît, les informations sollicitées étaient disponibles sur le site SITG.

Toute violation de l'art. 2 al. 2 LGZD et de la LCI était contestée.

23) Dans leur réponse au recours, GHA & Consorts ont relevé que, selon les travaux préparatoires en lien avec l'adoption de la loi 9'529, l'ancien conseiller d'État Monsieur Mark MULLER avait indiqué qu'avant de surélever les immeubles, il fallait modifier les PLQ, ce qui avait toujours été fait depuis lors. La LGZD instituait les PLQ. Son contrôle était hors de la juridiction du Tribunal civil. Il n'existait donc pas d'alternative pour les locataires victimes d'une décision contraire à la LGZD.

24) Les propriétaires de l'allée Pic-Pic ont persisté dans leurs conclusions.

25) Madame Claire SCHWEIZER étant décédée en cours de procédure, un délai a été imparti à l'hoirie pour se déterminer sur la suite de la procédure. Dans le délai, l'hoirie de feue Madame Claire SCHWEIZER, soit Madame Evelyne Jacqueline PRANDO, Messieurs Daniel-Henri PACHE et Jean-Claude Roger PACHE, a indiqué qu'elle ne souhaitait plus poursuivre la procédure.

GHA & Consorts a fait état d'un fait nouveau, à savoir la délivrance, par le DT, le 31 juillet 2020, de l'autorisation préalable DP 18'869 (ci-après : la DP), portant sur la construction d'une résidence hôtelière et d'un restaurant sur le bâtiment accolé à l'immeuble à surélever, à l'est, au 44 bis av. d'Aïre (ci-après : le bâtiment en pignon).

26) Au vu du fait nouveau, les parties ont été autorisées à formuler d'ultimes écritures.

a. GHA & Consorts ont persisté dans leurs conclusions. Ce dossier faisait la démonstration de carences dans l'instruction : les actes les plus importants pour l'octroi des deux dérogations avaient été menés par le TAPI et non par le département, soit notamment l'interrogatoire du représentant de la CA ainsi que la procédure pour l'octroi de la dérogation à l'art. 2 LGZD. Or, l'instance judiciaire ne saurait se substituer à l'autorité administrative désignée par la loi. L'autorisation délivrée par le DT pour le bâtiment en pignon prévoyait un gabarit uniforme avec la construction existante et devait donc tenir compte du présent recours. Ainsi, la double dérogation octroyée en faveur des propriétaires fonciers allait servir à justifier une nouvelle double dérogation pour le commerce attenant.

b. Les propriétaires de l'allée Pic-Pic ont persisté dans leurs conclusions. Helvetia avait garanti à SFP la possibilité de surélever ses deux immeubles du bâtiment, de manière autonome. L'autorisation de construire litigieuse, qui se fondait sur une prétendue harmonie volumétrique du projet pour justifier d'une dérogation au sens de l'art. 11 al. 4 LCI, pourrait donc être « saucissonnée » par les propriétaires concernés. Or, si la surélévation n'intervenait que pour quatre allées sur six, elle perdrait toute harmonie volumétrique et le préavis de la CA aurait été totalement dénaturé. La DP était contestée devant le TAPI. Enfin, deux petits immeubles de trois étages sur rez à la rue Camille-Martin avaient nécessité un PLQ, à l'instar du projet du quartier des Eidguenots. Or, à suivre le département, ajouter deux étages de plus à un immeuble de six allées et 100 m de long, ou construire une résidence hôtelière de onze étages sur rez, avec trente chambres, ne nécessitait pas de PLQ, ce qui démontrait une politique à géométrie variable, sans coordination de la construction en ZD et détournant le but de la loi.

c. Les propriétaires fonciers se sont opposés à la production et à l'apport du dossier relatif à la DP. Les projets étaient précisément coordonnés puisque celui de la DP était lié à la DD querellée. Exiger l'établissement d'un PLQ pour coordonner deux projets de construction portant sur la même barre d'immeubles était disproportionné, un tel PLQ ne se justifiant pas au regard du bâti environnant.

d. La ville a persisté dans ses conclusions. Elle s'étonnait que la DP ait pu être délivrée sans que ne figure dans celle-ci une clause relative au gabarit, imposant une coordination avec la DD 107'092. Le département devait impérativement conduire une étude afin de déterminer le gabarit admissible de l'ensemble de ces immeubles par le biais d'un PLQ.

e. Le DT a persisté dans ses conclusions. La DP était sans influence sur l'issue du présent litige et était exorbitante à celui-ci. Il s'agissait d'un projet distinct puisqu'il se situait sur une autre parcelle et qu'il n'existait aucun lien entre les deux. Il n'était pas question d'un ensemble.

27) Sur ce, les parties ont été informées, le 22 octobre 2020, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables sous ces aspects (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

La ville a qualité pour recourir, ce que les parties ne contestent pas. Son recours est recevable.

Le bien-fondé du rejet de la qualité pour recourir de GHA & Consorts ainsi que l'analyse de celle des propriétaires de l'allée Pic-Pic, remise en cause devant la chambre de céans, souffrira de rester indécise en l'état compte tenu de ce qui suit.

L'hoirie de feue Mme SCHWEIZER n'ayant pas souhaité être partie à la présente procédure, elle sera mise hors de cause.

2) Selon l'art. 75 al. 1 Cst., l'aménagement du territoire incombe aux cantons, la Confédération fixant les principes applicables à cette matière. Le droit fédéral comprend notamment des règles générales sur les plans d'affectation (art. 14 ss de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700), qui délimitent en premier lieu les zones à bâtir (art. 15 LAT), les zones agricoles (art. 16 ss LAT) et les zones à protéger (art. 17 LAT). Conformément à l'art. 18 al. 1 LAT, le droit cantonal peut prévoir d'autres zones d'affectation, telles que, à Genève, les zones de développement au sens de l'art. 12 al. 4 de la loi d'application de la LAT (LaLAT - L 1 30 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_558/2009 du 25 mai 2010 consid. 3.1).

En vue de favoriser l'urbanisation, la restructuration de certains territoires, l'extension des villages ou de zones existantes, la création de zones d'activités publiques ou privées, le Grand Conseil peut délimiter des périmètres de développement, dits zones de développement, dont il fixe le régime d'affectation. À l'intérieur de ces périmètres, le Conseil d'État peut, en vue de la délivrance d'une autorisation de construire, autoriser le département à faire application des normes résultant de la ZD, en lieu et place de celles de la zone à laquelle elle se substitue (art. 12 al. 4 LaLAT).

3) Les dispositions de la LGZD fixent les conditions applicables à l'aménagement et l'occupation rationnelle des ZD affectées à l'habitat, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire, ainsi que les conditions auxquelles le Conseil d'État peut autoriser l'application des normes d'une telle zone (art. 1 LGZD).

4) Les recourants invoquent une violation de l'art. 2 al. 2 LGZD.

À teneur de l'art. 2 al. 1 LGZD, la délivrance d'autorisations de construire selon les normes d'une ZD est subordonnée, sous réserve de deux exceptions non pertinentes en l'espèce, à l'approbation préalable par le Conseil d'État d'un PLQ, assorti d'un règlement (let. a), et des conditions particulières applicables au projet (let. b).

En dérogation à l'al. 1 let. a, le Conseil d'État peut, après consultation du Conseil administratif, renoncer à l'établissement d'un PLQ dans certaines hypothèses décrites sous let. a à e (art. 2 al. 2 LGZD), dont celle d'une autorisation dans les quartiers de développement déjà fortement urbanisés (let. e).

5) En l'espèce, les parcelles concernées par la surélévation se situent en ZD 3. La LGZD est applicable (art. 30 LaLAT). Conformément à l'art. 2 al. 1 LGZD, la délivrance d'une autorisation de construire dans une ZD est soumise à l'approbation préalable par le Conseil d'État d'un PLQ et d'un règlement (let. a) ainsi que des conditions particulières au projet (let. b ; ATA/305/2010 du 4 mai 2010 consid. 4). Il n'est pas contesté qu'aucun PLQ n'a été établi.

À teneur de l'art. 2 al. 2 LGZD, les dérogations à l'élaboration d'un PLQ sont de la compétence du Conseil d'État.

L'arrêté du 11 avril 2017, figurant au dossier, ne répond pas à cette exigence s'agissant d'un arrêté départemental.

Le second arrêté, du 10 septembre 2018, a été versé au dossier en cours de procédure. À l'instar du premier, il est signé par le conseiller d'État en charge du DT. Il est intitulé « arrêté départemental ». Il ne fait pas référence à une séance ou un accord préalable du Conseil d'État. Il ne répond en conséquence pas davantage aux exigences de l'art. 2 al. 2 LGZD.

Les conditions pour la délivrance d'une autorisation de construire en ZD ne sont en conséquence pas remplies dès lors que le Conseil d'État ne s'est pas prononcé sur le projet de construction, que cela soit sous l'angle d'un PLQ (art. 2 al. 1 LGZD) ou d'une dérogation à l'élaboration d'un PLQ (art. 2 al. 2 LGZD).

6) Le DT invoque être au bénéfice d'une délégation du Conseil d'État, dont la validité aurait été confirmée par un jugement du TAPI (JTAPI/1157/2016 du 11 novembre 2016 consid. 39, devenu définitif à la suite de l'ATA/1256/2017 de la chambre administrative du 5 septembre 2017 prenant acte du retrait du recours).

a. Ledit jugement avait retenu que (consid. 36 ss) :

« Selon l'art. 2 al. 3 de la loi sur l'exercice des compétences du Conseil d'Etat et l'organisation de l'administration du 16 septembre 1993 (LECO - B 1 15), lorsque la loi attribue une compétence au Conseil d'État, celui-ci peut la déléguer, par voie réglementaire, à un département, un service ou une autre entité subordonnée, sauf si la loi interdit expressément la sous-délégation de cette compétence. Dans tous les cas, les pouvoirs conférés au Conseil d'État par la Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012, sont réservés.

L'art. 5 du règlement d'application de la loi générale sur les zones de développement du 20 décembre 1978 (RGZD - L 1 35.01) prévoit qu'après examen de la demande définitive en autorisation de construire, le département, en application de l'art. 2 al. 1 let. b de la loi, fixe les conditions particulières conformément aux art. 4 et 5 de la loi et statue sur l'application au projet présenté des normes de la zone de développement considérée.

Le département explique, s'agissant de cet article que "Lors de la séance du 25 mars 2009, le Conseil d'État a décidé de déléguer au DCTI, dans le cadre de l'application de la loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957, la compétence d'approuver les arrêtés autorisant l'application des normes de la zone de développement pour des dossiers en autorisation de construire. La modification proposée tend à remplacer le "Conseil d'État" par le "département". Cette mesure de simplification est neutre financièrement et constituera une économie de procédure appréciable tant pour le département concerné que pour ses administrés".

Une interprétation littérale de l'art. 5 RGZD permettait d'ailleurs d'arriver à la même conclusion, dès lors que cette disposition, in fine, indiquait que le département "statue sur l'application au projet présenté des normes de la zone de développement considérée". Ainsi, le département avait la compétence pour statuer sur l'ensemble des normes applicables à la LGZD, dont l'art. 2. al. 2 LGZD. Cet article ne fait donc, dans un sens, que rappeler que, parallèlement à la fixation des conditions particulières, le département devait également analyser le respect des normes de la zone de développement applicable. Un mécanisme similaire était enfin prévu à l'art. 9A RAZIDI.

Le département avait depuis lors pour pratique d'adopter les arrêtés autorisant l'application des normes de la zone de développement ».

7) a. En l'espèce, le département allègue bénéficier d'une délégation de compétence à la suite de la séance du Conseil d'État du 25 mars 2009.

Il doit être retenu qu'une telle délégation, par décision du Conseil d'État, outre qu'elle n'est pas documentée, ne répond pas aux exigences de l'art. 2 al. 3 LECO qui exige une base réglementaire.

b. Le TAPI considère que l'art. 5 RGZD serait une base réglementaire suffisante.

Or, le texte de l'art. 5 RGZD n'a pas la portée que le TAPI lui prête.

Dans l'hypothèse de l'art. 2 al. 1 LGZD, trois documents sont exigés : un PLQ, un règlement (let. a) et des conditions particulières (let. b). Or, l'art. 5 RGZD ne concerne que ces dernières puisqu'il mentionne expressément « en application de l'art. 2 al. 1 let. b de la loi ».

L'art. 5 RGZD ne peut en conséquence pas servir de délégation règlementaire à l'exception de l'art 2 al 2 LGZD.

c. L'interprétation du TAPI est par ailleurs contraire à la jurisprudence de la chambre de céans, laquelle a rappelé le pouvoir discrétionnaire dont bénéficie le Conseil d'État (arrêt du Tribunal fédéral du 19 novembre 1975, en la cause SI Perly Soleil, in SJ 1976 545/553 cité in ATA/352/2005 du 24 mai 2005 consid. 19).

d. L'interprétation du TAPI est par ailleurs contraire à ses propres jugements puisque le 27 mai 2011 (JTAPI/551/2011), il avait rappelé que la délivrance de l'autorisation de construire exigeait soit un PLQ, soit un arrêté du Conseil d'État stipulant qu'il était renoncé à l'établissement d'un tel acte, conformément à l'art. 2 al. 2 LGZD. L'application de cette disposition n'appartenait qu'au Conseil d'État et non au département (confirmé par l'ATA/595/2012 du 4 septembre 2012 consid. 3).

e. Cette conclusion est confortée par les travaux préparatoires notamment sur les dispositions de la LCI, applicables en 3ème zone, adoptées dans la « loi sur les surélévations » (PL 9'529 retiré après dépôt d'un référendum et discussions au profit du PL 10'088).

En effet, dans le cadre des discussions relatives au premier projet, la question de l'articulation d'un PLQ et de la surélévation d'un immeuble avait été abordée. Lors des débats devant le Grand Conseil, le conseiller d'État en charge du département avait affirmé, le 17 février 2006 lorsque la loi 9'529 a été adoptée qu'avant de surélever les immeubles, il conviendrait de modifier les PLQ (https:// ge.ch/grandconseil|memorial|seances|560105/23/16/ consulté le 4 novembre 2020).

Cette problématique n'avait pas été abordée une nouvelle fois dans le second projet de loi. Toutefois, celui-ci prévoit, pour un certain nombre de quartiers, que le département établit, après consultation de la commune et de la commission des monuments, de la nature et des sites, des cartes indicatives des immeubles susceptibles d'être surélevés (art. 27 al. 4 LCI). La fin de l'alinéa précité précise cependant que la délivrance d'une autorisation est alors subordonnée, notamment, à l'adoption par le Conseil d'État de la carte applicable à l'immeuble concerné (art. 27 al. 4 in fine LCI). En conséquence, si le département pouvait autoriser une augmentation de la hauteur du gabarit à la condition que celle-ci ne compromette pas l'harmonie urbanistique de la rue (art. 27 al. 3 LCI), le Conseil d'État devait se déterminer, avant toute délivrance d'une autorisation, sur le bien-fondé d'une surélévation sur l'immeuble concerné.

En l'espèce, l'immeuble concerné n'est pas situé dans un quartier où une carte a été établie. Le Conseil d'État ne s'est en conséquence pas non plus prononcé par ce biais sur le bien-fondé du principe d'une surélévation de l'immeuble concerné.

f. L'al. 3 de l'art. 2 LGZD va dans le même sens.

Il prévoit que les conditions fixées par les autorisations de construire délivrées en application de l'art. 2 al. 2 LGZD peuvent notamment fixer tout ou partie des éléments visés à l'art. 3 al. 1 et 3 LGZD.

En l'espèce le gabarit du projet, décidé dans l'autorisation de construire, est litigieux.

Le gabarit d'une construction en ZD est fixé dans le PLQ (art. 3 al. 1 let a LGZD). Le principe de l'art. 2 al. 1 LGZD veut en conséquence que le gabarit soit approuvé par le Conseil d'État par ce biais. En application de l'art. 2 al. 3 LGZD, ce n'est que dans l'hypothèse où le Conseil d'État a renoncé à l'élaboration d'un PLQ au sens de l'art. 2 al. 2 LGZD, que le gabarit peut être fixé dans l'autorisation de construire.

8) Il convient encore d'analyser la première phrase des écritures du 12 septembre 2018 du DT au sujet de l'arrêté départemental du 10 septembre 2018 selon laquelle : « ledit préavis a été soumis au Conseil d'État pour qu'il se détermine à nouveau sur le projet à la lumière de ce document ».

Les explications qui suivent indiquent toutefois que le DT a été le seul consulté avant le prononcé, dans le cadre de la présente procédure, du second arrêté. En effet, les phrases « L'élaboration d'un PLQ n'apparaît pas aux yeux du département comme indispensable » et « Vous trouvez ci-joint un nouvel arrêté daté et signé du 10 septembre 2018, ce qui démontre de manière formelle que le Conseil d'État maintient sa position s'agissant de la renonciation à l'établissement d'un plan localisé de quartier (PLQ) in casu, en application de l'art. 2
al. 2 LGZD » confirme que le DT considère être apte à engager le Conseil d'État bien que celui-ci n'ait pas été consulté. Aucune pièce du dossier n'infirme d'ailleurs ce fait.

Par ailleurs, devant le TAPI (cause A/2703/2017 du 30 novembre 2017), le DT a mentionné qu' « il n'est pas contesté qu'en l'espèce une application de l'art. 2 al. 2 LGZD a été effectuée afin de pouvoir appliquer les règles de la zone de développement 3 sans qu'un PLQ ne soit adopté ». Ce faisant, d'une part il y a confusion entre les notions relatives à une éventuelle dérogation à l'élaboration d'un PLQ (art. 2 al. 2 LGZD) et l'application des normes d'une ZD à un projet de construction. D'autre part, cette confusion a induit une erreur quant aux compétences respectives du Conseil d'État pour la dérogation précitée (art. 2 al. 2 LGZD) et du département pour le prononcé de l'arrêté autorisant l'application des normes de la zone de développement (art. 12 al. 4 LaLAT, 1 LGZD et 5 RGZD).

Il sera enfin relevé que même le compte rendu de la séance du 25 mars 2009 du Conseil d'État, fait par le DT, va dans le sens de ce qui précède puisque n'aurait été délégué à cette occasion au département que « la compétence d'approuver les arrêtés autorisant l'application des normes de la zone de développement pour des dossiers en autorisation de construire », ce qui est conforme à l'art. 5 RGZD mais sans lien avec l'art. 2 al. 2 LGZD.

9) Dès lors qu'en l'espèce, il n'existe pas de PLQ au sens de l'art. 2 al. 1 LGZD, que la surélévation n'a fait l'objet ni d'une carte au sens de l'art. 27 al. 4 LCI ni d'une dérogation au sens de l'art. 2 al. 2 LGZD et qu'en conséquence le Conseil d'État ne s'est pas prononcé sur le bien-fondé du projet de la surélévation querellée, l'autorisation de construire du 18 mai 2017 viole l'art. 2 LGZD et doit en conséquence être annulée.

Le recours de la ville sera admis.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge des propriétaires fonciers, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA).

Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure à la ville qui a agi par l'intermédiaire de son service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/1600/2019 du 29 octobre 2019 consid. 9).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

Préalablement :

met hors de cause l'hoirie de feue Madame Claire SCHWEIZER, Madame Evelyne Jacqueline PRANDO, Messieurs Daniel-Henri PACHE et Jean-Claude Roger PACHE ;


 

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 octobre 2019 par la Ville de Genève contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 septembre 2019 ;

au fond :

admet le recours de la Ville de Genève et, en tant qu'ils sont recevables, ceux de Monsieur Elias Xil GALDO, Madame Léonie HAGER et du Groupement des habitants de l'avenue d'Aïre (GHA) ainsi que de Madame Evgeniya BALYSHEVA, Madame Rachel BAUQUEREL, Madame Imane KACI BEJA et Monsieur Thierry BEJA, Monsieur Jérôme BLONDEL, Madame Monika BOLLIGER AIDLIN et Monsieur Haggay AIDLIN, Madame Sandra BRINER, Madame Cécile SPRETER BÜRGIN et Monsieur Arnaud BÜRGIN, Madame Olivia DESFORGES CAZALS et Monsieur Jérôme CAZALS, Monsieur Maximiliano CHAB, Madame Alia CHAKER MANGEAT et Monsieur Grégoire MANGEAT, Madame Gudrun et Monsieur Alain CONTE, Monsieur Iñigo COTONER, Monsieur Sylvain DUCRET,
Monsieur Jean-Claude FALCIOLA, Monsieur José FERNANDEZ, Monsieur Roberto GARAVAGNO, Madame Karine GENEVEY, Madame Isabelle GRAESSLE, Monsieur Marc GROOTHAERT, Madame Maria HERRERO SANCHEZ HANSCHIN et Monsieur Marco HANDSCHIN, Monsieur Joakim HENRIKSSON, Madame Vesna LABOVIC PYTHON, LIVING BETTER SA, Madame Bernadette MAURISSEN-BERLENGÉE et Monsieur Johan MAURISSEN, Madame Myriam MICHEL, Madame Solange NAHUM, Monsieur Cesare PALMIERI, Madame Vessa LABOVIC PYTHON et Monsieur Vincent PYTHON, Madame Catherine SAFFORES, Madame Hannelore et Monsieur Karlheinz SCHINDL, Madame Françoise et Monsieur Axel SPRETER, Madame Karin THETAZ, Madame Emmanuelle et Monsieur Frédéric THOMAS, Monsieur Benoît WILLAUME, Monsieur Ryan WILLIAMS, Madame Olivia et Monsieur Anthony ZAPPALA ;

annule l'autorisation de construire DD 107'092 et le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 septembre 2019 ;

met un émolument de CHF 1'500.- à charge Madame Juliette BILLAUD, Monsieur Michel BILLAUD, Madame Micheline BILLAUD, Madame France BILLAUD COHADES, DZ Architecte Sàrl, EDPS Immobilier SA, société immobilière Aïre Panorama, SFP Fondation de placement, Union foncière privée UFP SA,
pris conjointement et solidairement ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à la Ville de Genève, à Me Alexandre Böhler, avocat, à Me Christian Dandres, avocat, à Me Diane Schasca, avocate, au département du territoire - OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, M. Mascotto, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Michel

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :