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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4128/2017

ATA/1017/2018 du 02.10.2018 ( ACTDP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : DOMMAGES-INTÉRÊTS ; COMPÉTENCE
Normes : LPA.1; LPA.6; LPA.11.al3; LPA.64.al2; LREC.2; LREC.7.al1
Résumé : En matière de fonction publique, lorsque la LEg n'entre pas en ligne de compte, le tort moral éventuel et les dommages-intérêts sont appréhendés par l'art. 2 LREC. Ils relèvent du TPI, conformément à l'art. 7 al. 1 LREC et à la jurisprudence. La juridiction administrative qui décline sa compétence ne doit pas transmettre le recours à la juridiction civile compétente.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4128/2017-ACTDP ATA/1017/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 octobre 2018

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Nils De Dardel, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Madame A______, née en 1958, a été engagée par l’Hospice général (ci-après : l’hospice) en qualité d’assistante sociale le 1er janvier 1994.

2) a. Le 20 janvier 2015, le conseil d’administration de l’hospice a révoqué l’intéressée en application de l’art. 16 al. 1 let. c ch. 5 de loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05).

Se fondant sur les conclusions du rapport d’enquête administrative qui avait été ordonné, il a été retenu que l’intéressée avait violé ses devoirs de service.

b. Saisie par l’intéressée d’un recours, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a, par arrêt du 8 septembre 2015 (ATA/911/2015), annulé la décision de l’hospice du 20 janvier 2015 et ordonné la réintégration de l’intéressée.

Les faits reprochés à Mme A______ n’étaient pas établis, et il n’y avait dès lors pas eu de violation des devoirs de service.

Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- lui était allouée, à la charge de l’hospice. Il n’était pas perçu d’émolument.

3) Tant pendant l’enquête administrative que pendant la procédure judiciaire, l’intéressée a été assistée d’un avocat, Maître Nils De Dardel.

a. Selon le relevé du 12 novembre 2015, le total des frais et honoraires dus pour l’activité de cet avocat pendant l’enquête administrative, soit de juin 2013 à décembre 2014, ascendait à CHF 29'858,75.

b.  Mme A______ a été mise au bénéfice de l’assistance juridique pour la procédure de recours, par décision du vice-président du Tribunal civil du 25 février 2015.

Selon la décision d’indemnisation du 5 octobre 2015, l’indemnité due à Me De Dardel, pour son activité, était de CHF 10'634,45, sous déduction des dépens attribués par la chambre administrative, soit CHF 1'500.-. Le 16 octobre 2016, le service de l’assistance juridique a prononcé une décision indiquant que la dette de Mme A______ à l’égard de l’État de Genève s’élevait à CHF 9'134,45 et qu’elle était tenue de la rembourser dès lors qu’elle était en mesure de le faire.

4) Le 14 janvier 2016, Mme A______ a, par la plume de son avocat, demandé à l’hospice de lui verser CHF 29'858,75 correspondant aux honoraires dus pour la période de l’enquête administrative et d’acquitter et de verser directement à l’assistance juridique la somme de CHF 9'134,45 correspondant aux honoraires de la procédure de recours.

5) Par courrier du 3 mai 2016, l’hospice s’est déterminé. La demande visant au paiement de la somme de CHF 29'858,75 était sans fondement. S’agissant de la procédure de recours, l’indemnité de procédure mise à la charge de l’hospice, de CHF 1'500.-, avait été acquittée.

6) Par courrier du 3 août 2016, l’hospice a confirmé à Mme A______ qu’il renonçait à se prévaloir de la prescription jusqu’au 31 octobre 2017, pour autant que cette prescription ne soit pas déjà acquise et sans que cela emporte une quelconque reconnaissance de responsabilité ou une reconnaissance des prétentions financières formulées.

7) Le 5 septembre 2017, Mme A______ a persisté dans ses demandes. L’hospice devait réparer le dommage provoqué par la procédure administrative injustifiée, longue et éprouvante qu’il avait initiée à l’encontre de l’intéressée.

En cas de refus, partiel ou total de l’hospice, une décision motivée, avec indication des voies de recours, devait lui être notifiée.

8) Par courrier du 26 septembre 2017, l’hospice a maintenu sa position.

9) Le 12 octobre 2017, Mme A______ a saisi la chambre administrative d’un recours contre la décision précitée. L’hospice devait être condamné à lui verser CHF 29'858.75 avec intérêts à 5 % dès le 8 septembre 2015, ainsi que CHF 9'134,95 qui seraient reversés à l’hospice.

La chambre administrative était compétente en matière de conflits relatifs aux liens du travail dans la fonction publique, l’autorité devant statuer par décision.

Les frais d’avocat engagés par la recourante constituaient un préjudice, l’activité de l’avocat étant justifiée, directement en lien avec la procédure initiée par l’hospice.

10) Le 14 décembre 2017, l’hospice a principalement conclu à l’irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet.

11) Exerçant son droit à la réplique le 18 janvier 2018, Mme A______ a maintenu ses conclusions.

Dans son arrêt du 8 septembre 2015, la chambre administrative avait constaté le caractère illicite de la révocation prononcée en violation de l’art. 16 al.  1 let. c ch. 5 LPAC. Le recours, objet de la présente procédure, était ainsi bien fondé sur la LPAC. Or, conformément à l’art. 28 al. 4 LPAC, l’employeur devait veiller à ce que l’employé ne subisse aucun préjudice quelconque du fait de la procédure disciplinaire, a fortiori lorsque celle-ci n’aboutissait à aucune sanction.

Elle avait subi un préjudice financier, dès lors qu’elle avait dû faire appel à un avocat. L’hospice devait réparer le préjudice.

Le recours étant fondé sur la LPAC, la chambre administrative était compétente pour connaître du litige. Si tel n’était pas le cas, elle devait transmettre la demande à l’autorité compétente sur la base de l’art. 11 al. 3 LPA.

12) Par courrier du 7 juin 2018, le juge délégué a formellement interpellé l’hospice au sujet de l’art. 28 al. 4 LPAC, mentionné par Mme A______ dans son ultime écriture.

13) Le 26 juillet 2018, l’hospice a confirmé ses conclusions.

L’art. 28 al. 4 LPAC avait trait au salaire et aux prestations qui étaient en lien direct avec celui-ci. Les prétentions pécuniaires formulées par Mme  A______ ne découlant pas directement des rapports de droit public, force était de constater que la chambre administrative n’était pas compétente.

Seul un tribunal civil pouvant statuer sur ces prétentions, la chambre administrative ne pouvait pas transmettre la demande.

14) Le 28 août 2018, Mme A______ a persisté dans son recours, en précisant qu’elle se fondait sur l’art. 64 al. 4 LPA dans sa conclusion subsidiaire, soit lorsqu’elle demandait la transmission de sa demande à l’autorité compétente.

15) Le 30 août 2018, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12  septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) En réclamant la prise en charge de ses honoraires d’avocat et le remboursement des frais réclamés par l’assistance juridique, la recourante prend des conclusions en paiement de dommages et intérêts.

a. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, en matière de fonction publique, lorsque la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1985 (LEg- RS 151.1) n’entre pas en ligne de compte, le tort moral éventuel et les dommages-intérêts sont appréhendés par l'art. 2 de la loi sur la responsabilité de l'État et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40 ; ATA/643/2012 du 25 septembre 2012). Ils relèvent du Tribunal de première instance, conformément à l'art. 7 al. 1 LREC et à la jurisprudence (ATA/805/2015 du 11 août 2015 ; ATA/387/2014 du 27 mai 2014).

b. La chambre administrative n’est ainsi pas compétente pour connaître du présent litige.

3) Aux termes de l’art. 11 al. 3 LPA, la juridiction administrative qui décline sa compétence transmet d’office l’affaire à l’autorité compétente et en avise les parties.

La recourante a d’abord soutenu, sur la base de cet article, que la chambre administrative devait transmettre son recours à la juridiction civile.

a. La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Le juge ne se fonde cependant sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 137 IV 180 consid. 3.4). En revanche, lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause, il y a lieu de déroger au sens littéral d’un texte clair (ATF 137 I 257 consid. 4.1) ; il en va de même lorsque le texte conduit à des résultats que le législateur ne peut avoir voulus et qui heurtent le sentiment de la justice et le principe de l’égalité de traitement (ATF 135 IV 113 consid. 2.4.2). De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi (ATF 135 II 78 consid. 2.2). Si le texte n’est ainsi pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 136 III 283 consid. 2.3.1). Le juge ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme (ATF 139 IV 270 consid. 2.2 ;
137 IV 180 consid. 3.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_839/2015 du 26 mai 2016 consid. 3.4.1 ; 1C_584/2015 du 1er mars 2016 consid. 4.1 ; ATA/929/2018 du 11  septembre 2018).

b. Aux termes de l’art. 1 LPA, celle-ci contient les règles générales de procédure s’appliquant à la prise de décision par les autorités (al. 1). Sont réputées autorités au sens de la présente loi les autorités administratives ainsi que les juridictions administratives (al. 2).

L’art. 6 LPA énumère les juridictions administratives : le Tribunal administratif de première instance (let. a), la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (let. b) la chambre administrative de la Cour de justice (let. c), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (let. d) le Conseil d’État lorsque le droit fédéral ou cantonal le désigne comme autorité de recours (let. e) et les autres autorités que le droit fédéral ou cantonal charge du contentieux administratif en les désignant comme autorités de recours (let. f).

Il précise à son deuxième alinéa que les tribunaux civils et pénaux chargés de trancher des contestations de droit administratif ne sont pas réputés juridictions administratives.

Par conséquent, il découle sans ambiguïté de la loi que lorsque la LPA cite les autorités, elle se réfère aux autorités et juridictions administratives uniquement.

La doctrine a quant à elle également précisé que l’art. 11 LPA, et notamment son al. 3, s’applique aussi bien aux autorités qu’aux juridictions administratives (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, Berne 2017, n. 181 ad art. 11 LPA). Par conséquent, a contrario, il ne s’applique pas aux autres juridictions.

Dans son ultime écriture, la recourante fait référence à l’art. 64 al. 2 LPA, aux termes duquel le recours adressé à une autorité incompétente est transmis d’office à la juridiction administrative compétente et le recourant en est averti. L’acte est réputé déposé à la date à laquelle il a été adressé à la première autorité.

En l’espèce, seule la juridiction civile est compétente, si bien que cet article n’est pas pertinent. En effet, conformément à l’art. 6 al. 2 LPA précité, et contrairement à ce que soutient la recourante, même dans les cas où les tribunaux civils sont chargés de contestations de droit administratif, ils ne sont pas réputés juridictions administratives.

Pour ce motif, la juridiction administrative qui décline sa compétence ne doit pas transmettre le recours à la juridiction civile compétente.

L’irrecevabilité du recours doit être ainsi constatée.

4) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 12 octobre 2017 par Madame A______ contre la décision de l’Hospice général du 26 septembre 2017 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nils De Dardel, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :