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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/527/2022

ATA/892/2022 du 06.09.2022 ( NAT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/527/2022-NAT ATA/892/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 septembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Sylvain Bogensberger, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, ressortissant britannique né en Afrique du Sud le ______ 1996, est arrivé à Genève en septembre 2010.

Il est au bénéfice d’une autorisation d’établissement (permis C).

2) a. Par ordonnance pénale du 13 avril 2018, il a été condamné par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois pour violation grave des règles de la circulation routière à une peine pécuniaire de cinquante jours-amende à CHF 30.- le jour, avec sursis pendant trois ans, et à une amende de CHF 300.- à titre de sanction immédiate.

Il lui était reproché d’avoir circulé à Belmont-sur-Lausanne au volant d’un véhicule automobile à une vitesse nette de 55 km/h au lieu des 30 km/h autorisés.

b. L’intéressé n’a pas formé opposition, de sorte que l’ordonnance pénale est entrée en force.

c. Cette condamnation pénale a été inscrite au casier judiciaire informatisé « Vostra » de l’intéressé.

3) a. Le 24 mai 2018, M. A______ a formé une demande de naturalisation suisse et genevois, pour la commune de ______, auprès du service suisses, secteur naturalisation, de l’office cantonal de la population et des migrations
(ci-après : OCPM).

b. Dans le cadre de cette demande, l’intéressé a notamment remis :

-                 Le « questionnaire relatif à la procédure de naturalisation ordinaire » daté du 23 mai 2018 dans lequel, par sa signature, il déclarait sur l’honneur n’avoir notamment pas occupé les services de police ou fait l’objet de condamnations pénales en Suisse ou à l’étranger dans les dix dernières années ;

-                 Une « déclaration confirmant l’absence de procédure pénale en cours ainsi que l’absence de condamnation pénale en Suisse et à l’étranger » datée et signée le 24 mai 2018.

4) Le 11 novembre 2018, l’OCPM a établi un rapport d’enquête. Le préavis était défavorable au vu de la condamnation pénale de l’intéressé.

5) Le 25 novembre 2021, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de soumettre au Conseil d’État une proposition d’arrêté de refus de naturalisation. Compte tenu de sa condamnation pénale du 13 avril 2018 qu’il n’avait pas spontanément annoncée, il avait violé son devoir de collaboration et ne réunissait manifestement pas les critères d’intégration. Un délai de trente jours lui était imparti pour faire valoir son droit d’être entendu.

6) Le 20 décembre 2021, M. A______ a demandé à ce qu’il soit entré en matière sur sa demande de naturalisation ordinaire et à ce qu’il soit considéré qu’il était apte à solliciter celle-ci.

Il n’était pas soutenable de retenir que pour 1 km/h d’excès de vitesse, au demeurant non avéré vu que la marge de tolérance ne semblait pas avoir été appliquée, il soit retenu qu’il ne remplissait manifestement pas les critères d’intégration et qu’il doive attendre six ans pour pouvoir initier une nouvelle procédure de naturalisation. Cela violait également le principe de la proportionnalité.

7) Par arrêté du 26 janvier 2022, le Conseil d'État a refusé la naturalisation à
M. A______. Par sa condamnation pénale et sa dissimulation de faits essentiels, ce dernier n'avait manifestement pas réussi à démontrer qu'il respectait la sécurité et l'ordre publics ni s'était suffisamment intégré dans la communauté genevoise.

Il était au bénéfice d'une autorisation d'établissement valable jusqu'au 31 août 2025 et séjournait en Suisse depuis le 1er septembre 2010. Il n'avait pas convaincu les autorités de sa bonne intégration dans la communauté suisse et genevoise. Ce constat était corroboré par la condamnation pénale dont il avait fait l'objet le
13 avril 2018 pour violation grave des règles de la circulation routière.

Selon le droit de la nationalité, il convenait de ne pas entrer en matière sur sa demande de naturalisation avant la fin du délai d'épreuve de trois ans, soit le 13 avril 2021, voire avant la fin du délai d'attente supplémentaire de trois ans, soit jusqu'au 13 avril 2024 au plus tôt. À travers son comportement répréhensible, il avait immanquablement pris le risque de porter gravement atteinte à la sécurité routière, de sorte qu’il ne pouvait être contesté qu’il n’avait assurément pas respecté l’ordre juridique suisse.

En dissimulant cette infraction pénale, il avait également violé son devoir de collaboration, soit caché des faits essentiels.

8) Par acte posté le 14 février 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre l'arrêté précité, concluant à son annulation et au renvoi de la cause au Conseil d’État afin qu’il autorise sa naturalisation.

Il n’avait aucunement anticipé les conséquences sur sa naturalisation d’une infraction au code de la route, auquel cas il aurait contesté l’ordonnance pénale dans le délai imparti. C’était également pour ce motif qu’il avait omis d’en informer l’OCPM.

L’ordonnance pénale faisait état d’un excès de vitesse net de 25 km/h, soit
55 km/h net au lieu de 30 km/h, sans pour autant indiquer quelle marge de tolérance avait été appliquée. Or, tout excès de vitesse inférieur à une vitesse de 100 km/h bénéficiait d’une marge de tolérance allant de 3 à 5 km/h selon le dispositif utilisé. Ce point était important dès lors qu’un excès de vitesse de 21 à 25 km/h en zone 30 aurait fait basculer l’infraction en faute légère, en lieu et place d’une faute grave, ce qui n’aurait entraîné ni jour-amende ni inscription au casier judicaire. Ainsi, pour 1 km/h d’excès, et alors qu’on ignorait s’il avait profité d’une quelconque marge de tolérance, il devait attendre six ans pour pouvoir initier une procédure de naturalisation. La sanction prononcée pour son excès de 25 km/h était par ailleurs élevée, puisque la sanction plancher était de vingt jours-amende, laquelle lui aurait permis d’être éligible à la naturalisation à compter du 13 avril 2021. Sa sanction aurait sans nul doute été revue à la baisse s’il l’avait contestée.

Ainsi, le Conseil d’État avait violé le principe de la proportionnalité en refusant sa naturalisation. Cette unique infraction ne permettait pas de retenir un manque d’intégration dans la communauté genevoise.

9) Dans sa réponse du 3 mars 2022, le Conseil d'État a conclu au rejet du recours.

Il n’y avait nullement lieu de « refaire » le procès pénal dès lors que la procédure relative à la naturalisation était une procédure administrative. Le recourant aurait dû faire opposition à l’ordonnance pénale s’il contestait la quotité de la peine prononcée et la qualification juridique de l’infraction. L’autorité de naturalisation n’était pas compétente pour examiner le bien-fondé d’une ordonnance pénale ayant acquis force de chose jugée. Elle était ainsi liée par les constatations de l’autorité pénale.

L’autorité décisionnelle en matière de naturalisation ne jouissait pas d’une liberté d’appréciation lorsqu’il s’agissait de refuser l’octroi de la naturalisation en raison d’une condamnation pénale inscrite au casier judiciaire informatisé « Vostra ».

Il avait signé le formulaire « déclaration confirmant l’absence de procédure pénale en cours ainsi que l’absence de condamnation pénale en Suisse et à
l’étranger » un mois après que l’ordonnance pénale à son encontre ait été rendue. Vu les informations figurant dans ladite déclaration et les documents qui y étaient joints, il ne pouvait ignorer qu’il avait commis une infraction pénale qu’il devait annoncer à l’OCPM.

10) Sur quoi la cause a été gardée à juger.


 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 – LOJ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Le litige concerne le refus d'octroi de la nationalité suisse et genevoise au recourant.

3) L’art. 50 de la loi sur la nationalité suisse du 20 juin 2014 (LN - RS 141.0), entrée en vigueur le 1er janvier 2018, indique que l’acquisition et la perte de la nationalité suisse sont régies par le droit en vigueur au moment où le fait déterminant s’est produit (al. 1). Les demandes déposées avant l’entrée en vigueur de ladite loi sont traitées conformément aux dispositions de l’ancien droit jusqu’à ce qu’une décision soit rendue (al. 2).

Le recourant ayant déposé sa demande de naturalisation auprès de l’autorité compétente le 24 mai 2018, elle doit être traitée en application du nouveau droit, à savoir la LN, l’ordonnance sur la nationalité suisse du 17 juin 2016
(OLN - RS 141.01), la loi sur la nationalité genevoise du 13 mars 1992
(LNat - A 4 05) et le règlement d’application du 15 juillet 1992 (RNat - A 4 05.01).

4) a. Selon l’art. 11 let. a à c LN, l’autorisation fédérale de naturalisation est octroyée si le requérant remplit les conditions suivantes : a) son intégration est réussie ; b) il s’est familiarisé avec les conditions de vie en Suisse ; c) il ne met pas en danger la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse.

Une intégration réussie se manifeste en particulier par le respect de la sécurité et de l’ordre publics (art. 12 al. 1 let. a LN).

b. L'art. 4 al. 1 OLN précise que l’intégration du requérant n’est pas considérée comme réussie lorsqu’il ne respecte pas la sécurité et l’ordre publics parce qu’il viole des prescriptions légales ou des décisions d’autorités de manière grave ou répétée
(let. a), n’accomplit volontairement pas d’importantes obligations de droit public ou privé (let. b), ou fait, de façon avérée, l’apologie publique d’un crime ou d’un délit contre la paix publique, d’un génocide, d’un crime contre l’humanité ou encore d’un crime de guerre ou incite à de tels crimes (let. c).

Selon l'art. 4 al. 2 OLN, l’intégration du requérant n’est pas non plus considérée comme réussie lorsqu’il est enregistré dans le casier judiciaire informatisé « Vostra » et que l’inscription qui peut être consultée par le secrétariat d’État aux migrations
(ci- après : SEM) porte sur une peine ferme ou une peine privative de liberté avec sursis partiel pour un délit ou un crime (let. a), une mesure institutionnelle, s’agissant d’un adulte, ou un placement en établissement fermé, s’agissant d’un mineur (let. b), une interdiction d’exercer une activité, une interdiction de contact, une interdiction géographique ou une expulsion (let. c), une peine pécuniaire avec sursis ou sursis partiel de plus de 90 jours-amende, une peine privative de liberté avec sursis de plus de trois mois, une privation de liberté avec sursis ou sursis partiel de plus de trois mois ou un travail d’intérêt général avec sursis ou sursis partiel de plus de 360 heures prononcé comme sanction principale (let. d), une peine pécuniaire avec sursis ou sursis partiel de 90 jours-amende au plus, une peine privative de liberté avec sursis de trois mois au plus, une privation de liberté avec sursis ou sursis partiel de trois mois au plus ou un travail d’intérêt général avec sursis ou sursis partiel de 360 heures au plus prononcé comme sanction principale, pour autant que la personne concernée n’ait pas fait ses preuves durant le délai d’épreuve (let. e).

Dans tous les autres cas d’inscription dans le casier judiciaire informatisé Vostra pouvant être consultée par le SEM, ce dernier décide de la réussite de l’intégration du requérant en tenant compte de la gravité de la sanction. Une intégration réussie ne doit pas être admise tant qu’une sanction ordonnée n’a pas été exécutée ou qu’un délai d’épreuve en cours n’est pas encore arrivé à échéance (art. 4 al. 3 OLN).

c. Un candidat à la naturalisation genevoise doit remplir les conditions fixées par le droit fédéral (art. 1 al. 1 let. b LNat). À cet effet, il doit disposer d'une autorisation fédérale accordée par l'office compétent, lequel examine ses aptitudes à la naturalisation (art. 12 et 15 LN). D'autre part, le requérant doit avoir résidé deux ans dans le canton d'une manière effective, dont les douze mois précédant l'introduction de sa demande, résider en Suisse pendant la procédure de naturalisation et être au bénéfice de l’autorisation d’établissement en cours de validité pendant toute la durée de la procédure (art. 11 al. 1 et 3 LNat).

Conformément à l'art. 12 LNat, le candidat doit en outre remplir différentes conditions d'aptitudes dont respecter la sécurité et l’ordre publics (let. b).

d. Dans le domaine de la nationalité, le SEM a établi une directive, à savoir le Manuel sur la nationalité.

Selon sa première page, ce manuel est l'ouvrage de référence pour les collaborateurs de la division Nationalité du domaine de direction Intégration et immigration du SEM ainsi que pour les autorités cantonales et communales de naturalisation et les représentations suisses à l'étranger pour l'interprétation de la LN et l'OLN. Il regroupe toutes les bases légales fédérales en vigueur dans le domaine de la nationalité, la jurisprudence principale du Tribunal administratif fédéral
(ci-après : TAF) et du Tribunal fédéral en la matière, ainsi que la pratique adoptée par le SEM. En tant qu'ouvrage de référence, il contient les instructions nécessaires au traitement professionnel uniforme des dossiers de naturalisation et aide les collaborateurs à répondre aux exigences élevées de leur tâche qui consiste à mener les procédures de naturalisation rapidement et à prendre une décision exempte d'arbitraire et dans le respect de l'égalité de traitement (unité de doctrine).

Lorsque le requérant a commis des infractions avant le dépôt de sa demande de naturalisation ou au cours de la procédure, l’autorité compétente doit en tenir compte lors de l’examen de la demande. La naturalisation constituant la dernière étape du processus d’intégration, il faut attendre que le requérant ne fasse plus l’objet d’aucun jugement, y compris relevant du droit pénal, pour rendre la décision de naturalisation (Manuel sur la nationalité, p. 28 ss).

Lorsqu’une inscription figure au casier judiciaire du requérant, et qu’elle porte sur des éléments mentionnés à l’art. 4 al. 2 let. a à e OLN, l’intégration est lacunaire et la volonté de s’intégrer est insuffisante. Il faut donc prendre en compte le délai d’élimination d’office de l’inscription dans le casier judiciaire. En effet, le respect de la sécurité et de l’ordre publics et des valeurs suisses fait défaut et la naturalisation doit être exclue jusqu’à élimination complète de l’inscription. La demande ne pourra être acceptée qu’après radiation des inscriptions relatives à ses condamnations antérieures qui figurent dans le casier judiciaire, pour autant que les autres conditions soient remplies. L’élimination de l’inscription survient lorsque le délai d’élimination d’office arrive à échéance (Manuel sur la nationalité, p. 29).

Selon le Tableau 6 relatif à l'art. 4 al. 3 OLN, il convient toujours d’attendre la fin du délai d’épreuve. En fonction de la durée de la peine, un délai d’attente supplémentaire doit être pris en compte pour le traitement de la demande par le SEM. Celui-ci prolonge le délai d’attente en le portant jusqu’au double lorsque le comportement du/de la candidat/e laisse présager un risque considérable d’atteinte à la sécurité et à l'ordre publics. Ainsi, pour une peine pécuniaire avec sursis ou sursis partiel de plus de trente jours-amende et de nonante jours-amende au plus, le délai pris en compte par le SEM pour traiter la demande en cas de succès durant le délai d'épreuve est « Fin du délai d'épreuve + 3 ans de délai d'attente. Le délai d'épreuve commence à courir dès la date de la notification du jugement » (Manuel sur la nationalité, p. 36).

e. Lorsque le complexe de faits soumis au juge administratif a fait l’objet d’une procédure pénale, le juge administratif est en principe lié par le jugement pénal, notamment lorsque celui-ci a été rendu au terme d’une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés (arrêt du Tribunal fédéral 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/783/2022 du 9 août 2022 consid. 3a ; ATA/712/2021 du 6 juillet 2021 consid. 7a ; ATA/1060/2020 du 27 octobre 2020 consid. 7f et les références citées). Il convient d’éviter autant que possible que la sécurité du droit soit mise en péril par des jugements opposés, fondés sur les mêmes faits (ATF 137 I 363 consid. 2.3.2). Le juge administratif peut toutefois s’en écarter lorsque les faits déterminants pour l'autorité administrative n'ont pas été pris en considération par le juge pénal, lorsque des faits nouveaux importants sont survenus entre-temps, lorsque l'appréciation à laquelle le juge pénal s'est livré se heurte clairement aux faits constatés, ou encore lorsque le juge pénal ne s'est pas prononcé sur toutes les questions de droit (ATF 139 II 95 consid. 3.2 ; 136 II 447 consid. 3.1 ; 129 II 312 consid. 2.4).

Si les faits retenus au pénal lient donc en principe l’autorité et le juge administratifs, il en va différemment des questions de droit et de l’appréciation juridique à laquelle s’est livrée le juge pénal (arrêt du Tribunal fédéral 1C_202/2018 précité consid. 2.2 ; ATA/783/2022 précité consid. 3a ; ATA/712/2021 précité
consid. 7a).

f. Récemment, le TAF a retenu dans le cas d’un requérant condamné par ordonnance pénale à cinq jours-amende avec sursis pendant deux ans et à une amende de CHF 300.- pour avoir circulé avec le pare-brise et la vitre latérale avant gauche partiellement dégivrés, infraction qualifiée de peu de gravité, que la naturalisation n'était pas possible avant l'échéance du délai d'épreuve (arrêt du TAF F-3862/2020 du 21 octobre 2021 consid. 5.5).

Dans un arrêt F-2877/2018 du 14 janvier 2019, le TAF a confirmé que la condamnation pénale d’un requérant à une peine pécuniaire de trente jours-amende avec sursis et un délai d'épreuve de trois ans pour violation grave des règles de la circulation routière – relatives au devoir de prudence, aux signaux, marques et ordres à observer et à la vitesse constituait un obstacle à la délivrance d’une autorisation fédérale de naturalisation. L'intéressé ne pourrait donc prétendre à la nationalité suisse qu'à l'échéance du délai d'épreuve de trois ans, additionné du délai supplémentaire ressortant du Manuel sur la nationalité, et pour autant qu'aucune autre infraction ne soit commise dans ce délai (consid. 5.1)

Dans un arrêt récent, la chambre administrative a confirmé que le requérant condamné pour infraction à l'art. 117 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) – pour avoir employé deux personnes dépourvues d'autorisation de séjourner et d'exercer une activité lucrative en Suisse à une peine pécuniaire de soixante jours-amende à CHF 30.-, avec sursis durant trois ans, étant relevé qu’il n’avait pas annoncé l'ouverture de cette procédure pénale à son encontre à l’autorité, ne pouvait recevoir une réponse favorable à sa demande de naturalisation ordinaire. La chambre de céans a également précisé qu’il ne pourrait déposer une nouvelle demande qu’à la date correspondant à l’échéance du délai d'épreuve de trois ans, additionné du délai supplémentaire ressortant du Manuel sur la nationalité (ATA/622/2022 du 14 juin 2022 consid. 6).

g. L’obtention de l’autorisation fédérale ne confère aucun droit à la naturalisation. Ni le droit fédéral, ni le droit cantonal n’accordent en principe aux candidats étrangers un droit subjectif à la naturalisation. Il n’en demeure pas moins que les procédures et les décisions de naturalisation doivent respecter les droits fondamentaux et que ce respect peut en principe être contrôlé par les tribunaux (ATA/622/2022 précité consid. 5h ; ATA/13/2022 du 11 janvier 2022 consid. 10 et l'arrêt cité ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, 3ème éd., n. 399 et 401 ; Céline GUTZWILLER, Droit de la nationalité et fédéralisme suisse, 2008, p. 535, n. 1407).

h. De jurisprudence constante, toutes les conditions de la naturalisation doivent être remplies tant au moment du dépôt de la demande que lors du prononcé de la délivrance de la décision de naturalisation (ATF 140 II 65 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_378/2021 du 8 novembre 2021 consid. 3.2.1).

5) a. Selon l'art. 21 OLN, les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits déterminants pour l’application de la LN. Elles doivent en particulier fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la naturalisation (let. a), informer immédiatement l’autorité compétente de tout changement dans la situation du requérant dont elles doivent savoir qu’il s’opposerait à une naturalisation (let. b).

b. L'art. 14 al. 4 et 6 LNat précise que le candidat doit fournir les renseignements utiles sur les faits qui motivent sa demande et produire les pièces y relatives qui sont en sa possession. Le candidat est tenu d’informer le service compétent de tout changement survenant dans sa situation économique et familiale pendant la procédure.

6) En l'espèce, le recourant a été condamné par ordonnance pénale du 13 avril 2018 pour violation grave des règles de la circulation routière à une peine pécuniaire de cinquante jours-amende à CHF 30.- le jour, avec sursis pendant trois ans, et à une amende de CHF 300.- à titre de sanction immédiate, pour avoir roulé à une vitesse nette de 55 km/h au lieu des 30 km/h autorisés. Cette condamnation pénale a été inscrite à son casier judiciaire selon les extraits figurant au dossier.

Si le recourant entendait contester la qualification juridique de l’infraction retenue ou même la manière dont a été calculé son excès de vitesse (avec ou sans déduction de la marge d’erreur), il lui appartenait de le faire dans le cadre de la procédure pénale. L’intéressé n'ayant pas formé opposition à l’encontre de ladite ordonnance, qui lui a été notifiée le 13 avril 2018, cette condamnation est définitive et il n'y a pas lieu d'y revenir. Aucune des hypothèses visées par la jurisprudence susmentionnée permettant de s’écarter d’un jugement pénal n’est en l’occurrence réalisée. L’autorité administrative était dès lors fondée à se baser sur l’ordonnance pénale précitée, et notamment sur la quotité de la peine prononcée, pour se déterminer sur sa demande de naturalisation.

Ainsi, conformément au Manuel sur la nationalité, qui a pour but de fixer les critères destinés à assurer l'application uniforme des normes applicables aux fins de respecter le principe de l'égalité de traitement, et dans le cadre de l'examen du critère du respect de la sécurité et de l'ordre publics (art. 12 al. 1 let. a LN et 12 let. b LNat), l'autorité compétente en matière de naturalisation est tenue d'attendre la fin du délai d'épreuve lié à la condamnation auquel s'ajoute le délai d'attente supplémentaire de trois ans. Si la fin de son délai d’épreuve devrait être arrivé à échéance le 13 avril 2021 – pour autant qu’il n’ait pas commis de nouvelle infraction durant ledit délai , le délai d’attente supplémentaire de trois ans n’est quant à lui pas arrivé à son terme.

Par conséquent et au vu de la condamnation dont a fait l'objet le recourant, en application de l'art. 4 al. 3 OLN, son intégration ne peut pas être considérée comme réussie.

En outre, le recourant n’a pas annoncé l'existence de la procédure pénale ayant donné lieu à sa condamnation du 13 avril 2018 et a, ce faisant, dissimulé des faits essentiels à l’autorité et violé son devoir de collaboration (art. 21 OLN et art. 14 al. 4 et 6 LNat), alors même qu'il s'était engagé par sa signature du formulaire de demande de naturalisation suisse et de la « Déclaration confirmant l'absence de procédure pénale en cours ainsi que l'absence de condamnation ou de mesure pénales en Suisse et à l'étranger » à informer spontanément l'autorité décisionnelle de faits pouvant avoir une influence sur le sort de sa requête, notamment les procédures et/ou condamnations pénales dont il avait été l'objet durant les vingt années précédant sa demande. Cela est d’autant plus vrai qu’il a rempli le formulaire relatif à sa demande de naturalisation un mois seulement après sa condamnation. Pour le surplus, l’âge du recourant au moment de sa condamnation pénale et du dépôt de sa demande de naturalisation – 25 ans – ne constitue assurément pas un motif lui permettant de se soustraire aux normes applicables en matière de devoir de collaboration.

Compte tenu de ces éléments, le Conseil d'État pouvait, sans abuser de son pouvoir d'appréciation ni violer le principe de proportionnalité, rejeter la demande de naturalisation ordinaire du recourant, étant relevé que ce dernier pourra déposer une nouvelle demande dès le 14 avril 2024, s’il s’y estime fondé.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

7) Aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant, la procédure étant gratuite (art. 87 al. 1 LPA et 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 février 2022 par Monsieur A______ contre l'arrêté du Conseil d'État du 26 janvier 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sylvain Bogensberger, avocat du recourant, au Conseil d'État ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :