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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3297/2021

ATA/622/2022 du 14.06.2022 ( NAT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3297/2021-NAT ATA/622/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 juin 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Mourad Sekkiou, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1966, de nationalité française, est arrivé à Genève le 4 août 2008.

2) Le 1er février 2019, M. A______ a déposé une demande de naturalisation suisse et genevoise, pour la commune de ______, auprès du service cantonal des naturalisations (ci-après : SCN) rattaché à l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

Il était marié depuis le 16 août 2005. Son épouse, de nationalité bolivienne, n’était pas comprise dans sa demande. Ils avaient deux enfants, prénommés B______, né le ______ 2006, et C______, né le ______ 2009, tous deux naturalisés Suisses les 4 septembre et 30 octobre 2019 selon le registre informatisé Calvin de l’OCPM. Selon le contrat de travail du 1er janvier 2019, il était employé par D______ SM Sàrl (ci-après : D______) et occupait la fonction de responsable au sein de cette entreprise, dont le but consistait en l'exploitation et la gestion de cafés-restaurants ainsi que l'import, l'export et le commerce de marchandises en tous genres, notamment des pierres précieuses taillées ou brutes. Il en était l'associé gérant avec signature individuelle. Il avait en outre passé avec succès le test de validation des connaissances d'histoire, de géographie et des institutions suisses et genevoises, prérequis à l'introduction d'une demande de naturalisation, ne faisait pas l'objet de poursuites et s'était acquitté de ses impôts.

Il a également indiqué dans le questionnaire relatif à la procédure de naturalisation ordinaire n'avoir pas occupé les services de la police cantonale ou de la police municipale dans les dix années précédant sa demande et a signé une « Déclaration confirmant l'absence de procédure pénale en cours ainsi que l'absence de condamnation ou de mesure pénales en Suisse et à l'étranger ». Il avait également pris connaissance « du fait que (sa) naturalisation p(ouvait), [ ], être annulée dans les huit ans en cas de déclarations mensongères ou par dissimulation de faits essentiels ».

3) Le 20 mai 2019, le SCN a établi un rapport d’enquête. Le préavis était favorable.

M. A______ résidait de manière continue en Suisse et à Genève depuis le 4 août 2008. Des séjours antérieurs étaient signalés entre le 5 décembre 2003 et le 31 janvier 2008 et entre le 7 avril 2008 et le 3 août 2008. Il était depuis au bénéfice d'une autorisation d'établissement.

L'intéressé souhaitait obtenir la nationalité suisse et genevoise pour la qualité de vie, sociale, culturelle et économique, pour le système politique citoyen, les libertés individuelles et la paix sociale. Il se sentait très à l'aise dans l'environnement culturel suisse. Employé au sein de D______ en qualité de responsable/associé gérant depuis 2015, il vivait dans un appartement de cinq pièces avec son épouse et ses deux enfants. B______ était également en procédure de naturalisation.

Selon les fichiers de la police genevoise, M. A______ était connu de ses services dans une période couvrant les dix dernières années. En effet, le 28 novembre 2011, il avait été mis en cause dans un cambriolage (violation de domicile, vol par effraction et dommages à la propriété), faits qu'il avait contestés. En outre, le 11 mai 2017, il avait été prévenu de vol, fait qu'il avait également contesté. Il n'y avait toutefois rien à signaler dans le casier judiciaire suisse informatisé VOSTRA selon la recherche effectuée le 12 mars 2019.

L'enquêteur a notamment coché les cases « Rien à signaler » et « Suffisant » pour les autres critères analysés (notamment « Respect des valeurs de la constitution », « Intérêts civiques », « Réseau d'amitié », « Participation à la vie locale ») et apporté quelques commentaires.

4) Le 12 novembre 2019, le conseil municipal de la commune de ______ a préavisé favorablement la naturalisation genevoise de M. A______ à l'unanimité des vingt-neuf conseillers municipaux présents.

5) Le 29 janvier 2020, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM) a autorisé M. A______ à se faire naturaliser dans le canton de Genève.

6) Par arrêté du 19 février 2020, le Conseil d'État a accordé la nationalité suisse et genevoise à M. A______. L'acquisition prendrait effet à la date de la prestation de serment.

7) Par ordonnance pénale du 29 juin 2020, le Ministère public du canton de Genève (ci-après : MP) a reconnu M. A______ coupable d'infraction à l'art. 117 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et l'a condamné à une peine pécuniaire de soixante jours-amende à CHF 30.- l'unité, avec sursis durant trois ans. Une amende de CHF 500.- lui a été infligée à titre de sanction immédiate.

Il lui était reproché d'avoir, à Genève, le 3 mai 2019, en sa qualité d'associé-gérant de D______, exploitant l'établissement « Dancing E______ », employé deux personnes dépourvues d'autorisation de séjourner et d'exercer une activité lucrative en Suisse. Les explications des intéressés, qui s'étaient exprimés par écrit, n'emportaient pas conviction, de sorte que les faits reprochés étaient établis sur la base des éléments du dossier, notamment des informations transmises par le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) qui avait procédé à un contrôle de l'établissement ce jour-là.

L'ordonnance pénale, non contestée et entrée en force, a été communiquée notamment au SEM et à l'OCPM.

8) Par courriel du 13 juillet 2020, le SEM a demandé au SCN d'arrêter la procédure de naturalisation au vu de la condamnation précitée.

9) Le 4 septembre 2020, le SCN a informé M. A______ qu'il allait proposer au Conseil d'État d'annuler son arrêté du 19 février 2020.

Lorsqu'une condamnation, respectivement une inscription au casier judiciaire informatisé intervenait au cours de la procédure, l'autorité compétente devait en tenir compte lors de l'examen de la demande. L'acquisition de la nationalité ne pourrait ainsi être acceptée qu'après la radiation de l'inscription de sa condamnation pénale dans le casier judiciaire, soit en l'occurrence le 7 août 2026. Le SCN n'était de surcroît pas habilité, de par la loi, à suspendre la procédure de naturalisation jusqu'à cette échéance.

Un délai de trente jours lui était accordé pour exercer son droit d'être entendu.

10) Le 2 octobre 2020, M. A______ a indiqué au SCN qu'il contestait les faits qui lui étaient reprochés et confirmait n'avoir jamais employé du personnel sans autorisation de travail. Les deux personnes dont il était question dans l'ordonnance pénale du 29 juin 2020 étaient des connaissances de passage qui n'avaient jamais travaillé dans l'établissement public en cause, étant relevé qu'il n'était pas en charge de son exploitation le soir du 3 mai 2019.

Mal conseillé à l'époque, il n'avait pas formé opposition à l'ordonnance pénale, estimant que cette condamnation serait sans effet sur la procédure de naturalisation en cours, tenant compte également du fait que le Conseil d'État avait déjà rendu son arrêté le 19 févier 2020.

Par ailleurs, les faits pour lesquels il avait été condamné étaient peu importants. Il n'avait en outre jamais fait l'objet d'une condamnation pénale auparavant et la peine prononcée était légère et assortie du sursis.

Il priait le SCN de faire preuve de compréhension à son égard relevant que son dossier démontrait qu'il était parfaitement intégré en Suisse et qu'il réunissait toutes les conditions pour obtenir la nationalité suisse.

Il a conclu à ce que le SCN ne recommande pas au Conseil d'État d'annuler son arrêté du 19 février 2020.

11) Par arrêté du 25 août 2021, le Conseil d'État a annulé son arrêté du 19 février 2020 et, par conséquent, refusé à M. A______ la naturalisation genevoise.

M. A______, au bénéfice d'une autorisation d'établissement valable jusqu'au 3 août 2023 et qui séjournait en Suisse depuis le 4 août 2008, n'avait pas convaincu les autorités de sa bonne intégration dans la communauté suisse et genevoise.

En effet, l'intéressé avait été condamné à une peine pécuniaire de soixante jours-amende avec sursis, pour emploi d'étrangers sans autorisation au sens de la LEI. Cette condamnation avait été notifiée le 7 juillet 2020, de sorte que la fin du délai d'épreuve échoyait le 7 juillet 2023, auquel s'ajoutait un délai de trois ans.

Son intégration ne pouvait ainsi pas être considérée comme réussie, et ce, jusqu'au 7 juillet 2026 au plus tôt.

Il n'avait en outre, à aucun moment, informé le SCN de la procédure pénale pendante, comme il était tenu de le faire.

Par sa condamnation pénale et sa dissimulation de faits essentiels, M. A______ n'avait manifestement pas réussi à démontrer qu'il respectait la sécurité et l'ordre publics ni n'était suffisamment intégré dans la communauté genevoise.

12) Par acte du 27 septembre 2021, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre l'arrêté précité, concluant à son annulation et au renvoi du dossier au Conseil d'État pour qu'il lui accorde la naturalisation genevoise, sous suite de frais et dépens.

Il a repris l'intégralité les éléments développés dans son courrier du 2 octobre 2020. Il considérait que sa situation devait être analysée dans son ensemble. Il était vrai qu'il avait été condamné en cours de la procédure de naturalisation. Toutefois, cette condamnation avait été prononcée avec sursis. De plus, son comportement avait toujours été irréprochable auparavant.

Il contestait en outre les faits retenus à son encontre, dans la mesure où il n'avait jamais employé de salariés étrangers sans autorisation.

Son intégration devait par conséquent être considérée comme réussie.

Sur les conseils de son précédent mandataire, il n'avait pas fait opposition à l'ordonnance pénale du 29 juin 2020. En effet, dans la mesure où cette condamnation était intervenue après l'arrêté du Conseil d'État du 19 février 2020, celle-ci n'aurait aucune incidence sur sa naturalisation qu'il pensait définitivement acquise.

Le Conseil d'État aurait dans sa situation dû faire preuve de retenue et considérer que l'annulation de son arrêté du 19 février 2020 ne s'imposait pas.

13) Le Conseil d’État a conclu au rejet du recours.

Selon l'extrait du casier judiciaire suisse informatisé VOSTRA du 14 octobre 2021, M. A______ avait été condamné, le 29 juin 2020, par le MP à une peine pécuniaire de soixante jours-amende, assortie d'un sursis à l'exécution de la peine et d'un délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 500.-, pour infraction à l'art. 117 al. 1 LEI (emploi d'étrangers sans autorisation). L'intéressé n'avait pas fait opposition à sa condamnation du 29 juin 2020, de sorte qu'elle était entrée en force le 7 août 2020.

M. A______ perdait de vue que les autorités de naturalisation étaient des autorités administratives et non pas des autorités pénales. Il aurait dû faire opposition à l'ordonnance pénale du 29 juin 2020 s'il contestait les faits reprochés dans celle-ci. Les autorités de naturalisation étaient donc contraintes de prendre en considération l'inscription de la condamnation de l'intéressé dans VOSTRA.

Comme il ressortait du Manuel sur la nationalité pour les demandes déposées après le 1er janvier 2018 (version valable dès le 1er janvier 2020 ; consultable sur le site internet du SEM) (ci-après : Manuel sur la nationalité), il s'imposait d'attendre la fin du délai d'épreuve et de tenir compte d'un délai supplémentaire de trois ans, soit en l'espèce le 7 juillet 2026.

Les condamnations pénales visées au chiffre 321/113 du Manuel sur la nationalité et la loi empêchaient toute naturalisation pendant les délais indiqués. Ainsi, le Conseil d’État n'avait pas d'autre choix que d'appliquer la loi et le Manuel sur la nationalité en cas de condamnations pénales.

Au vu de la jurisprudence, le Conseil d’État aurait fait preuve d'arbitraire et violé le principe de l'égalité de traitement s'il n'avait pas annulé son arrêté de naturalisation du 19 février 2020 en raison de la condamnation pénale survenue durant la procédure de naturalisation. M. A______ avait par ailleurs dissimulé des faits importants aux autorités de naturalisation, en n'informant pas des procédures ouvertes à son encontre par le PCTN et le MP. Il avait ainsi violé son devoir de collaboration prévu par la loi et dissimulé des faits importants.

À travers son comportement pénalement sanctionné, M. A______ ne s'était pas conformé à l'ordre juridique suisse. Il ne remplissait dès lors pas la condition de l'intégration réussie. Le Conseil d’État n'avait pas eu de choix entre plusieurs possibilités d'action et n'avait ainsi pas violé le principe de la proportionnalité.

Selon la jurisprudence fédérale, une infraction à l'art. 117 LEI était une violation grave et l'intérêt public à lutter contre le travail au noir revêtait une importance non négligeable. Le fait que l'autorité pénale ait fixé une peine pécuniaire assortie du sursis ne liait pas le Conseil d’État. D'ailleurs, le MP avait fixé un délai d'épreuve de trois ans et non de deux. L'autorité pénale avait ainsi considéré que le comportement punissable de l'intéressé relevait d'une certaine gravité et que l'intérêt public commandait de le mettre à l'épreuve pendant une durée prolongée.

L'infraction pénale commise en pleine procédure de naturalisation par M. A______ dénotait, de surcroît, un manque de respect patent envers les autorités de naturalisation et les institutions helvétiques et de réelles difficultés à se conformer à l'ordre juridique suisse.

En ayant signé le 1er février 2019 le formulaire intitulé « demande de naturalisation ordinaire (art. 13 LN) », il s'était engagé à informer les autorités de naturalisation en cas de changements qui pourraient survenir au cours de la procédure de naturalisation. Ainsi en n'ayant pas informé les autorités de naturalisation des procédures ouvertes à son encontre par-devant le PCTN et le MP, puis sa condamnation pénale, M. A______ avait dissimulé des faits essentiels et violé son devoir de collaboration.

14) Le 6 décembre 2021, M. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Il n'avait eu connaissance de la procédure pénale ouverte à son encontre que le 30 juin 2020 au plus tôt, soit le jour qui avait suivi le prononcé de l'ordonnance pénale du 29 juin 2020.

En effet, en raison des règles sanitaires imposées à la suite de la pandémie de Covid-19, il n'avait pas été convoqué par le MP préalablement, si bien qu'il ignorait tout de cette procédure jusqu'à la réception de l'ordonnance pénale. Il n'avait dès lors pas pu en informer le SCN.

En outre, il n'avait été auditionné par le PCTN sur les faits du 3 mai 2019 que le 21 février 2020, soit postérieurement au prononcé de l'arrêté du Conseil d’État du 19 février 2020.

Le SCN ne pouvait donc pas lui reprocher d'avoir omis de l'informer des faits qui lui étaient reprochés avant que le Conseil d’État ne rende sa décision de naturalisation.

M. A______ a joint à sa réplique les procès-verbaux d'audition par-devant le PCTN à teneur desquels il avait déclaré ne pas connaître les employés en cause et ne pas les avoir engagés. Il ne reconnaissait ainsi pas l'infraction.

15) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Aux termes de l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

3) Le litige a trait à la question de savoir si, pour les motifs invoqués à l’appui de sa décision d'annulation de l'arrêté du 19 février 2020, qui accordait la nationalité suisse et genevoise au recourant, le Conseil d’État a respecté le cadre de son pouvoir d’appréciation, ce que l'intéressé conteste.

4) L’art. 50 de la loi sur la nationalité suisse du 20 juin 2014 (LN - RS 141.0), entrée en vigueur le 1er janvier 2018, indique que l’acquisition et la perte de la nationalité suisse sont régies par le droit en vigueur au moment où le fait déterminant s’est produit (al. 1). Les demandes déposées avant l’entrée en vigueur de ladite loi sont traitées conformément aux dispositions de l’ancien droit jusqu’à ce qu’une décision soit rendue (al. 2).

Le recourant ayant déposé sa demande de naturalisation auprès de l’autorité compétente le 1er février 2019, elle doit être traitée en application du nouveau droit, à savoir la LN, l’ordonnance sur la nationalité suisse du 17 juin 2016 (OLN - RS 141.01), la loi sur la nationalité genevoise du 13 mars 1992 (LNat - A 4 05) le règlement d’application du 15 juillet 1992 (RNat - A 4 05.01).

5) a. Selon l’art. 11 let. a à c LN, l’autorisation fédérale de naturalisation est octroyée si le requérant remplit les conditions suivantes : a) son intégration est réussie ; b) il s’est familiarisé avec les conditions de vie en Suisse ; c) il ne met pas en danger la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse.

Une intégration réussie se manifeste en particulier par le respect de la sécurité et de l’ordre publics (art. 12 al. 1 let. a LN).

b. Un candidat à la naturalisation genevoise doit remplir les conditions fixées par le droit fédéral (art. 1 al. 1 let. b LNat). À cet effet, il doit disposer d'une autorisation fédérale accordée par l'office compétent, lequel examine ses aptitudes à la naturalisation (art. 12 et 15 LN). D'autre part, le requérant doit avoir résidé deux ans dans le canton d'une manière effective, dont les douze mois précédant l'introduction de sa demande, résider en Suisse pendant la procédure de naturalisation et être au bénéfice de l’autorisation d’établissement en cours de validité pendant toute la durée de la procédure (art. 11 al. 1 et 3 LNat).

c. Conformément à l'art. 12 LNat, le candidat doit en outre remplir différentes conditions d'aptitudes dont respecter la sécurité et l’ordre publics (let. b).

d. L'art. 4 al. 1 OLN précise que l’intégration du requérant n’est pas considérée comme réussie lorsqu’il ne respecte pas la sécurité et l’ordre publics parce qu’il viole des prescriptions légales ou des décisions d’autorités de manière grave ou répétée (let. a), n’accomplit volontairement pas d’importantes obligations de droit public ou privé (let. b), ou fait, de façon avérée, l’apologie publique d’un crime ou d’un délit contre la paix publique, d’un génocide, d’un crime contre l’humanité ou encore d’un crime de guerre ou incite à de tels crimes (let. c). L’intégration du requérant n’est pas non plus considérée comme réussie lorsqu’il est enregistré dans le casier judiciaire informatisé VOSTRA et que l’inscription qui peut être consultée par le SEM porte sur une peine pécuniaire avec sursis ou sursis partiel de nonante jours-amende au plus, une peine privative de liberté avec sursis de trois mois au plus, une privation de liberté avec sursis ou sursis partiel de trois mois au plus ou un travail d’intérêt général avec sursis ou sursis partiel de trois cent soixante heures au plus prononcé comme sanction principale, pour autant que la personne concernée n’ait pas fait ses preuves durant le délai d’épreuve (al. 2 let. e). Dans tous les autres cas d’inscription dans le casier judiciaire informatisé VOSTRA pouvant être consultée par le SEM, ce dernier décide de la réussite de l’intégration du requérant en tenant compte de la gravité de la sanction. Une intégration réussie ne doit pas être admise tant qu’une sanction ordonnée n’a pas été exécutée ou qu’un délai d’épreuve en cours n’est pas encore arrivé à échéance (al. 3).

e. Dans le domaine de la nationalité, le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) a établi une directive, à savoir le Manuel sur la nationalité.

Selon sa première page, ce manuel est l'ouvrage de référence pour les collaborateurs de la division Nationalité du domaine de direction Intégration et immigration du SEM ainsi que pour les autorités cantonales et communales de naturalisation et les représentations suisses à l'étranger pour l'interprétation de la LN et l'OLN. Il regroupe toutes les bases légales fédérales en vigueur dans le domaine de la nationalité, la jurisprudence principale du Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) et du Tribunal fédéral en la matière, ainsi que la pratique adoptée par le SEM. En tant qu'ouvrage de référence, il contient les instructions nécessaires au traitement professionnel uniforme des dossiers de naturalisation et aide les collaborateurs à répondre aux exigences élevées de leur tâche qui consiste à mener les procédures de naturalisation rapidement et à prendre une décision exempte d'arbitraire et dans le respect de l'égalité de traitement (unité de doctrine).

Lorsque le requérant a commis des infractions avant le dépôt de sa demande de naturalisation ou au cours de la procédure, l’autorité compétente doit en tenir compte lors de l’examen de la demande. La naturalisation constituant la dernière étape du processus d’intégration, il faut attendre que le requérant ne fasse l’objet d’aucun jugement, y compris relevant du droit pénal, pour rendre la décision de naturalisation (Manuel sur la nationalité, p. 28 ss).

Lorsqu’une inscription figure au casier judiciaire du requérant, et qu’elle porte sur des éléments mentionnés à l’art. 4 al. 2 let. a à e OLN, l’intégration est lacunaire et la volonté de s’intégrer est insuffisante. Il faut donc prendre en compte le délai d’élimination d’office de l’inscription dans le casier judiciaire. En effet, le respect de la sécurité et de l’ordre publics et des valeurs suisses fait défaut et la naturalisation doit être exclue jusqu’à élimination complète de l’inscription. La demande ne pourra être acceptée qu’après radiation des inscriptions relatives à ses condamnations antérieures qui figurent dans le casier judiciaire, pour autant que les autres conditions soient remplies. L’élimination de l’inscription survient lorsque le délai d’élimination d’office arrive à échéance (Manuel sur la nationalité, p. 29).

Selon le Tableau 6 relatif à l'art. 4 al. 3 OLN, il convient toujours d’attendre la fin du délai d’épreuve. En fonction de la durée de la peine, un délai d’attente supplémentaire doit être pris en compte pour le traitement de la demande par le SEM. Celui-ci prolonge le délai d’attente en le portant jusqu’au double lorsque le comportement du/de la candidat/e laisse présager un risque considérable d’atteinte à la sécurité et à l'ordre publics. Ainsi, pour une peine pécuniaire avec sursis ou sursis partiel de plus de trente jours-amende et de nonante jours-amende au plus, le délai pris en compte par le SEM pour traiter la demande en cas de succès durant le délai d'épreuve est « Fin du délai d'épreuve + 3 ans de délai d'attente. Le délai d'épreuve commence à courir dès la date de la notification de jugement » (Manuel sur la nationalité, p. 36).

f. Aux termes de l'art. 25 al. 3 let. a LNat, l’acquisition de la nationalité genevoise prend effet à la date de la prestation de serment pour l’étranger majeur.

La chambre de céans a récemment confirmé que la prestation de serment constituait une étape de procédure indispensable dans le processus d'acquisition de la nationalité (ATA/324/2021 du 16 mars 2021 consid. 4).

g. Selon l'art. 21 OLN, les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits déterminants pour l’application de la LN. Elles doivent en particulier fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la naturalisation (let. a), informer immédiatement l’autorité compétente de tout changement dans la situation du requérant dont elles doivent savoir qu’il s’opposerait à une naturalisation (let. b).

L'art. 14 al. 4 et 6 LNat précise que le candidat doit fournir les renseignements utiles sur les faits qui motivent sa demande et produire les pièces y relatives qui sont en sa possession. Le candidat est tenu d’informer le service compétent de tout changement survenant dans sa situation économique et familiale pendant la procédure.

h. L’obtention de l’autorisation fédérale ne confère aucun droit à la naturalisation. Ni le droit fédéral, ni le droit cantonal n’accordent en principe aux candidats étrangers un droit subjectif à la naturalisation. Il n’en demeure pas moins que les procédures et les décisions de naturalisation doivent respecter les droits fondamentaux et que ce respect peut en principe être contrôlé par les tribunaux (ATA/13/2022 du 11 janvier 2022 consid. 10 et l'arrêt cité ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, 3ème éd., n. 399 et 401 ; Céline GUTZWILLER, Droit de la nationalité et fédéralisme suisse, 2008, p. 535, n. 1407).

i. Dans un cas récent, le TAF a rejeté le recours d'un couple de candidats à la naturalisation ordinaire compte tenu de leur condamnation, en cours de procédure de naturalisation, à soixante jours-amende à CHF 30.- l'unité, avec sursis durant trois ans, et à une amende de CHF 600.- pour avoir employé un étranger sans autorisation (ATAF F-5465/2020 du 10 mai 2021).

Dans cet arrêt, l'intérêt public à lutter contre le travail au noir a été mis en exergue dans la mesure où il revêt une importance non négligeable. En effet, la gravité du travail au noir est à l'origine de nombreux problèmes, engendrant notamment, outre une perte de crédibilité de l'État en cas de non-respect de ses lois, des pertes de recettes pour l'administration fiscale et les assurances sociales, ainsi que des distorsions de la concurrence. Il a ainsi été retenu que les intéressés n'avaient pas respecté l'ordre juridique suisse, étant relevé que le fait que l'autorité pénale ait fixé une peine pécuniaire assortie du sursis ne saurait lier l'autorisation décisionnelle en matière de naturalisation (ATAF F-5465/2020 précité consid. 7.3).

6) En l'espèce, le casier judiciaire informatisé VOSTRA du recourant du 14 octobre 2021 fait état d’une condamnation, le 29 juin 2020, par le MP, à une peine pécuniaire de soixante jours-amende à CHF 30.- l'unité, avec sursis pendant trois ans, et à une amende de CHF 500.-, pour délit à la LEI. Cette inscription ne sera radiée d'office qu'après un délai de dix ans (art. 369 al. 3 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0). Elle ne figurera plus sur l’extrait du casier judiciaire destiné à des particuliers lorsqu'il aura subi la mise à l’épreuve avec succès (art. 371 al. 3bis CP).

Le recourant n'ayant pas formé opposition à l'ordonnance pénale du 29 juin 2020, cette condamnation est définitive et il n'y a pas lieu d'y revenir, ce d'autant moins que le recourant n'a fourni aucun élément qui viendrait infirmer les constats et considérations retenus dans celle-ci. D'ailleurs, il y est indiqué que l'attestation produite par les deux personnes concernées, dans laquelle elles expliquaient avoir été sollicitées par un employé pour l'aider, n'emportait pas conviction dans la mesure où ils avaient indiqué la date du 1er mars 2019, alors que les faits reprochés dataient du 3 mai 2019.

Ainsi, conformément au Manuel sur la nationalité, qui a pour but de fixer les critères destinés à assurer l'application uniforme des normes applicables aux fins de respecter le principe de l'égalité de traitement, et dans le cadre de l'examen du critère du respect de la sécurité et de l'ordre publics (art. 12 al. 1 let. a LN et 12 let. b LNat), l'autorité compétente en matière de naturalisation est tenue d'attendre la fin du délai d'épreuve lié à la condamnation auquel s'ajoute le délai d'attente supplémentaire de trois ans.

Certes, le recourant n'a pas fait l'objet d'autres condamnations avant celle précitée. Néanmoins, l'infraction commise concerne l'emploi d’étrangers sans autorisation. Or, comme vu ci-dessus, ce délit revêt une certaine importance dans la mesure où la jurisprudence considère que le travail au noir doit être combattu pour des raisons économiques, sociales, juridiques et éthiques.

Par conséquent et au vu de la condamnation dont a fait l'objet le recourant, en application de l'art. 4 al. 3 OLN, son intégration ne peut pas être considérée comme réussie.

Le recourant ne saurait par ailleurs être suivi lorsqu'il soutient avoir pensé qu'au vu de l'arrêté du Conseil d'État du 19 février 2020, sa naturalisation était acquise et qu'une condamnation postérieure à cette date n'aurait aucune incidence.

En effet, comme indiqué plus haut, l'art. 25 al. 3 let. a LNat prévoit que l’acquisition de la nationalité genevoise prend effet à la date de la prestation de serment pour l’étranger majeur (ATA/324/2021 précité consid. 4). Dès lors, la procédure de naturalisation n'était, au moment du prononcé de la condamnation, pas encore terminée. L'ordonnance pénale devait ainsi être prise en considération dans le cadre de la demande de naturalisation formée par le recourant.

En outre, le fait que l'autorité pénale ait fixé une peine pécuniaire assortie du sursis ne lie pas l'autorisation décisionnelle en matière de naturalisation (dans le même sens ATF 130 II 493 consid. 4.2 ; ATAF F-5465/2020 précité consid. 7.3).

Quant à la naturalisation suisse de ses deux enfants, cet élément ne modifie en rien ce qui précède dans la mesure où l'examen des conditions se fait à l'aune de la situation individuelle du candidat, étant relevé au surplus que la demande de naturalisation concernait le recourant personnellement.

Enfin, le recourant n’a pas annoncé l'ouverture de la procédure pénale à son encontre et a, ce faisant, dissimulé des faits essentiels à l’autorité et violé son devoir de collaboration (art. 21 OLN et art. 14 al. 4 et 6 LNat). Même s'il ressort de l'ordonnance pénale du 29 juin 2020 que les faits du 3 mai 2019 n’ont été dénoncés par le PCTN que le 5 mars 2020 au MP, il ressort de l'ordonnance pénale précitée que le recourant s'est déterminé sur les faits reprochés en date du 16 mai 2019. Professionnellement actif dans le domaine de la restauration depuis de nombreuses années, il ne pouvait pas ignorer que l'emploi d’étrangers sans autorisation pouvait donner lieu à l'ouverture d'une procédure pénale. En tout état de cause, comme analysé ci-dessus, l'arrêté du Conseil d'État du 19 février 2020 n'a pas clôturé la procédure de naturalisation, de sorte que le recourant devait, comme il s'y était engagé par sa signature dans le formulaire de demande de naturalisation suisse, informer spontanément l'autorité décisionnelle de faits pouvant avoir une influence sur le sort de sa requête.

Compte tenu de ces éléments, le Conseil d'État pouvait sans abuser de son pouvoir d'appréciation annuler son arrêté du 19 février 2020 et rejeter la demande la demande de naturalisation ordinaire du recourant, étant rappelé que ce dernier pourra déposer une nouvelle demande dès le 8 juillet 2026, s’il s’y estime fondé.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

7) Aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant, la procédure étant gratuite (art. 87 al. 1 LPA et 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 septembre 2021 par Monsieur A______ contre l’arrêté du Conseil d'État du 25 août 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mourad Sekkiou, avocat du recourant, au Conseil d'État, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :