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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1427/2019

ATA/865/2019 du 03.05.2019 sur JTAPI/348/2019 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1427/2019-MC ATA/865/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 mai 2019

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Raphaël Roux, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 avril 2019 (JTAPI/348/2019)


EN FAIT

1. En date du 27 octobre 2015, Monsieur A______, né en 1990, originaire du Pakistan et en possession d’un passeport pakistanais valable jusqu’à fin 2021, a déposé une demande d'asile en Suisse.

2. Par décision du 2 août 2016, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a rejeté cette demande, prononçant son renvoi de Suisse et lui impartissant un délai au 27 septembre 2016 pour quitter le pays, l’exécution du renvoi étant licite, possible et raisonnablement exigible, à défaut de quoi il s’exposerait à une détention en vue de l’exécution de cette mesure sous contrainte. Le canton de Genève était chargé de l’exécution de la décision de renvoi.

3. Le SEM a refusé la prolongation dudit délai de départ sollicitée par l’intéressé, mais a demandé aux autorités genevoises de « ne rien entreprendre comme démarches de renvoi jusqu’au 30 novembre 2016 », soit la fin annoncée d’un traitement médical que, selon son médecin, il devait terminer.

4. Lors d'un entretien du 6 décembre 2016 devant l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), M. A______ a déclaré être conscient des démarches qui devaient être effectuées pour organiser son départ de Suisse. Il était encore malade. Il avait des problèmes d'estomac et son traitement n'était pas terminé (une consultation était prévue le 21 décembre 2016). Il avait des projets de mariage avec son amie, originaire de Pologne, laquelle était au bénéfice d’un permis B et travaillait. Ils avaient initié des démarches en ce sens. Il était encore dans l'attente de son certificat de naissance. Il avait compris que, dans le cas où le mariage ne pourrait pas avoir lieu, il aurait la possibilité de se présenter auprès de la Croix-Rouge genevoise pour organiser son départ et que, s’il devait ne rien entreprendre en vue de celui-ci, la police serait mandatée pour exécuter son renvoi, le cas échéant en recourant à une mesure de contrainte prévue par la loi.

5. En date du 12 janvier 2017, M. A______ a transmis à l’OCPM une demande en vue de préparer son mariage avec Madame B______, ressortissante polonaise au bénéfice d’une autorisation de séjour.

6. Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 18 janvier 2018, le SEM a rejeté la demande de réexamen que M. A______ avait formulée le 27 juillet 2017 à l’encontre de sa décision du 2 août 2016, dans laquelle il mettait notamment en avant un état anxio-dépressif. Le SEM a considéré que les motifs invoqués ne s’opposaient pas à son renvoi, dans la mesure, en particulier, où il pourrait obtenir les soins dont il avait besoin dans son pays.

7. Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 2 mars 2018, l’OCPM a révoqué l' « attestation en vue de la préparation du mariage » du
1er février 2018 autorisant M. A______ à demeurer en Suisse pendant six mois pour préparer son mariage avec Madame B______, en raison du fait que la procédure en vue du mariage avait été annulée par les fiancés le 19 février 2018.

Lui rappelant qu’il avait dès lors l’obligation de se conformer à la décision du SEM du 2 août 2016, l’office l’invitait à se présenter auprès de son service asile et départ afin de régler les modalités de son départ, lui rappelant à nouveau que s’il ne collaborait pas, la police pourrait être chargée d’exécuter son renvoi, le cas échéant en recourant à une mesure de contrainte prévue par la loi.

8. Selon un « rapport médical dans le domaine du retour (exécution du
renvoi) » établi le 26 mars 2018 par le Docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne, M. A______ souffrait de « douleurs testiculaires
post-traumatiques », de « douleurs abdominales et diarrhée » ainsi que d’un état anxio-dépressif. Il présentait un « problème urologique actuellement en cours d’investigation aux HUG ». Il était en outre intolérant au lactose.

9. Entendu le 27 mars 2018 par l'OCPM, M. A______ a notamment indiqué avoir pris connaissance du rejet de sa demande de reconsidération par le SEM. Il était toujours avec son amie, mais voulait « prendre le temps ». Il ne voulait pas rentrer au Pakistan, où il était toujours en danger, ayant fourni toutes les preuves le démontrant. Des investigations médicales le concernant étaient en cours. Il n’avait entrepris aucune démarche particulière pour quitter la Suisse. Il prenait note du fait qu’il disposait d'un délai au 17 avril 2018 pour se présenter auprès de la Croix-Rouge genevoise pour organiser son départ. Il était conscient du fait que s'il n'entreprenait aucune démarche dans cette perspective, les services de police seraient mandatés pour exécuter son renvoi et des mesures de contrainte - en particulier une détention - pourraient être prises à son encontre. Enfin, il était d'accord de se présenter à l'OCPM le 17 avril 2018 pour faire le point sur les démarches entreprises en vue de son retour et au sujet de son état de santé.

10. Le 17 avril 2018, lors de son audition par l’OCPM, M. A______ a indiqué qu'il n'avait pas contacté la Croix-Rouge genevoise, parce qu’il y avait des problèmes au Pakistan et qu’il suivait un traitement médical. Il ne comprenait pas pourquoi son renvoi serait effectué par la police.

11. Le 30 mai 2018, l'OCPM a chargé les services de police d'exécuter le renvoi de M. A______ à destination du Pakistan.

12. Le 29 juin 2018, swissREPAT a confirmé à la police la réservation d’une place à bord d’un vol prévu le 8 août 2018 au soir, au départ de Zurich, en vue du refoulement de M. A______ à destination d’Islamabad (Pakistan).

13. Le 31 juillet 2018, la police a convoqué M. A______ dans ses locaux à la date du 3 août 2018 pour l’entendre au sujet de son futur rapatriement, précisant qu’il retournerait au foyer des Tattes, dans la commune de Vernier, à l’issue de cet entretien, « en attendant le rapatriement ».

14. Par décisions du 20 juillet 2018, respectivement du 6 août 2018, le SEM a classé les demandes de M. A______ des 12 et 27 juillet 2018 de réexamen de sa décision du 2 août 2016, la dernière décision sur réexamen indiquant que c’était en raison de la nature répétitive des motifs avancés.

15. Le 3 août 2018, M. A______ ne s’est pas présenté dans les locaux de la police.

16. Le 8 août 2018, la police a tenté de l’interpeller sur son lieu de résidence (foyer des Tattes) afin qu’il soit conduit à Zurich sous escorte policière, mais celui-ci ne s’y trouvait pas. Il n’a donc pas embarqué dans l’avion.

17. Par jugement du 13 août 2018 (JTAPI/753/2018) – qui n’a pas fait l’objet d’un recours –, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a rejeté l’opposition de l’intéressé contre une décision du 8 août 2018 par laquelle le commissaire de police lui faisait interdiction de quitter le territoire de la commune de Vernier, tel que délimité par le plan annexé, pour une durée de six mois.

18. Le 31 janvier 2019, l'OCPM a chargé les services de police d'exécuter le renvoi de M. A______ à destination du Pakistan.

19. Le 7 mars 2019, M. A______ a été inscrit par la police sur un vol à destination du Pakistan le 10 avril 2019 au départ de Zurich, au soir.

20. Par décision du 12 mars 2019, le SEM a rejeté la quatrième demande de reconsidération de sa décision du 2 août 2016, formulée le 7 septembre 2018 par l’intéressé, ajoutant que la décision du 2 août 2016 était entrée en force et exécutoire et qu’un éventuel recours ne déploierait pas d’effet suspensif.

La requête de reconsidération du 7 septembre 2018 était motivée par des problèmes de santé, M. A______ ayant produit un courrier de son médecin ainsi qu'un document établi par ce dernier incluant un régime qui lui avait été conseillé, indiquant qu'il avait souffert d'une gastrite à hélicobacter pylori qui avait été traitée avec des antibiotiques sur dix jours. Selon le SEM, ses problèmes de santé, notamment gastriques, n'atteignaient pas l'intensité requise pour l'opposition à un renvoi. Son retour ne mettrait en effet pas sa vie en danger et aucun élément du dossier ne faisait ressortir une éventuelle dégradation rapide de sa santé. D'ailleurs, le SEM considérait que M. A______ avait déjà été traité avec des antibiotiques en Suisse et que si cette maladie devait réapparaître au Pakistan, les institutions hospitalières s'y trouvant seraient en mesure de traiter ses problèmes de santé et que les médicaments y étaient disponibles. Du reste, il lui serait loisible de demander une aide au retour médicale conformément à l'art. 93 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31).

21. Le 9 avril 2019, à 15h30, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois, sur la base de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), et a, le même jour, soumis cet ordre au TAPI.

Au commissaire de police, M. A______ avait déclaré ne pas être d’accord de retourner au Pakistan, car il souhaitait se faire soigner en Suisse.

22. Le 10 avril 2019, M. A______ a, à l’aéroport de Zurich, refusé de monter dans l'avion organisé pour son refoulement.

23. Le 11 avril 2019, le commissaire a transmis au TAPI le formulaire d'inscription swissREPAT pour un vol spécial à destination du Pakistan en faveur de M. A______, indiquant qu'il y avait des problèmes de santé et, sous « remarques », qu’il s’agissait d’un « cas médical ». Au formulaire était annexé le « rapport médical dans le domaine du retour » du 28 février 2019 établi par le
Docteur D______, médecin généraliste FMH, indiquant que la situation était identique à celle qui prévalait lors de l'examen qui avait eu lieu le 28 octobre 2018, à savoir notamment une gastrite chronique avec hélicobacter pylori dont l’éradication avait été inefficace, de même que des troubles dépressifs et anxieux, le traitement commencé le 20 août 2018 étant prévu jusqu’à une date indéterminée.

24. Entendu le 12 avril 2019 par le TAPI, M. A______ a exposé qu'il avait refusé de prendre le vol l’avant-veille car il s'opposait à la décision de renvoi, en raison notamment de la situation politique au Pakistan et des risques qu'il y encourait : il y avait des attaques entre le Pakistan et l'Inde dans la région où il habitait (Peshawar). En cas de retour, il avait peur de subir des menaces car il avait travaillé pour une organisation de transport de personnes. Il était conscient que sa demande d'asile avait été examinée et rejetée et qu'il devait respecter la décision de renvoi mais cela faisait trois ans qu'il vivait ici et il avait des problèmes médicaux : problèmes chroniques de l'estomac, problèmes testiculaires et problèmes psychologiques. Un rapport médical avait prescrit une intervention chirurgicale. Bien que l'hélicobacter pylori avait été traité, il souffrait toujours de problèmes chroniques à l'estomac auxquels s'étaient ajoutés des problèmes testiculaires. Depuis qu'il était en détention, il n'avait pas reçu de traitement médical. Il devait avoir un traitement antidouleurs pour l'estomac et vu qu'il y avait une intervention chirurgicale prévue, il avait un rendez-vous le 15 mai 2019 – étant précisé qu’un courrier du 11 mai « 2018 » du département de chirurgie, service d’urologie, des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) le convoque à un rendez-vous le matin du 15 mai 2019 pour motif de « contrôle ». Selon l’intéressé, il s'agissait d'un contrôle pour voir l'évolution. Il avait un certificat médical qui indiquait qu'il souffrait de problèmes psychologiques (angoisses et problèmes pour dormir). Il avait arrêté le traitement car cela lui faisait des douleurs à l'estomac. Tous ces problèmes susdécrits représentaient « un gros problème pour [lui] de retourner au Pakistan ».

La représentante du commissaire de police a confirmé que le prochain refoulement se ferait par vol spécial, devant avoir lieu cet été. M. A______ y avait été inscrit. Ce serait le prochain vol spécial organisé à destination du Pakistan, mais il était délicat de donner une date plus précise. Il y avait bien des chances qu'il puisse prendre ce vol mais il n'y avait pas encore de confirmation, étant rappelé que la demande avait été faite seulement la veille, suite à l'opposition de M. A______ de prendre le vol du 10 avril 2019. Celui-ci serait soumis à un contrôle médical avant le renvoi. Elle a produit le rapport de la police zurichoise faisant suite au refus de M. A______ de prendre le vol ; à teneur de ce rapport, l’intéressé avait indiqué qu’il ne quitterait pas la Suisse ce jour-là, faisant état de problèmes politiques au Pakistan et de ses problèmes de santé, et l’indication des conséquences de son refus d’embarquer ne l’avait pas fait changer d’avis, ce qui avait conduit à l’interruption du renvoi ; un médecin de l’OSEARA l’avait examiné et avait conclu à l’absence de motifs médicaux s’opposant à une privation de liberté (« Hafterstehungsfähigkeit »). Depuis le 13 août 2018, les services de police avaient attendu pour réserver un vol, notamment afin de voir l'évolution médicale. L'OCPM n'avait pas reconvoqué M. A______ pour un vol volontaire car un tel vol ne pourrait pas être réalisé vu son refus de partir. La représentante du commissaire de police a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de quatre mois.

Le conseil de M. A______ a conclu à la mise en liberté immédiate de
celui-ci, le principe de légalité étant violé au motif de l'absence d'un risque de fuite, et du fait que la date du prochain vol spécial était encore incertaine.

25. Par jugement du 12 avril 2019, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 9 avril 2019 à l’encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 9 août 2019.

L’intéressé n'avait à ce jour toujours pas respecté la décision de renvoi du
2 août 2016, entrée en force, et n'avait jamais accompli la moindre démarche dans cette perspective. Au contraire, ses demandes de reconsidération et ses déclarations au commissaire de police, encore répétées devant le TAPI, indiquant s'opposer à un retour dans son pays, montraient qu'il n'entendait nullement se soumettre à cette décision de renvoi. De surcroît, le vol qui était prévu le 8 août 2018 pour son refoulement avait dû être annulé du fait de sa disparition du foyer où il était hébergé et M. A______ s'était encore opposé à son refoulement en refusant l’avant-veille de monter dans l'avion devant le ramener au Pakistan. On pouvait ainsi clairement considérer que s’il était remis en liberté, l'intéressé se réfugierait dans la clandestinité pour échapper à son rapatriement, ces éléments établissant l’existence d’un risque de fuite ou de disparition au sens de la jurisprudence. Le principe de la légalité était donc respecté.

26. Par acte expédié le 23 avril 2019 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre ce jugement, concluant, « avec suite de frais et dépens », à son annulation et à celle de l’ordre de mise en détention du 9 avril 2019, à sa mise en liberté immédiate ainsi qu’à la constatation de l’illicéité de sa détention et au versement par l’État de Genève d’une indemnité équitable à ce titre.

27. Par courrier du 25 avril 2019, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative sans formuler d’observations.

28. Dans sa réponse du 29 avril 2019, le commissaire de police a conclu au rejet du recours en tant qu’il était recevable.

Par décision du 16 avril 2019, M. A______ avait fait l’objet d’une interdiction d’entrée, valable jusqu’au 15 avril 2022, fondée sur l’art. 67 al. 2
let. c LEI.

Le SEM avait inscrit l’intéressé sur un vol spécial organisé par E______, qui était donc possible quoiqu’en pensait celui-ci et dont la date, hautement confidentielle, avait été confirmée aux autorités genevoises.

29. Par pli du 2 mai 2019, M. A______ a renoncé à répliquer.

30. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

31. Pour le surplus, les arguments des parties ainsi que certains considérants du jugement querellé seront, en tant que de besoin, repris dans la partie en droit
ci-après.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile – c’est-à-dire dans le délai de dix jours – devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; art. 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 24 avril 2019 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

En outre, à teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1ère phr.).

3. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 § 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1).

4. a. Aux termes de l’art. 76 al. 1 let. b LEI, après notification d’une décision de première instance de renvoi ou d’expulsion au sens de la LEI ou une décision de première instance d’expulsion au sens notamment des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l’autorité compétente peut, afin d’en assurer l’exécution, mettre en détention la personne concernée, en particulier si des éléments concrets font craindre que celle-ci entende se soustraire à son renvoi ou à son expulsion, en particulier parce qu’elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer en vertu de l’art. 90 LEI ou de l’art. 8 al. 1 let. a ou al. 4 LAsi (ch. 3), ou si son comportement permet de conclure qu’elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (ch. 4).

Ces chiffres 3 et 4 décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition ; ils doivent donc être envisagés ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

Selon la jurisprudence, un risque de fuite – c’est-à-dire la réalisation de l’un de ces deux motifs – existe notamment lorsque l’étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu’il tente d’entraver les démarches en vue de l’exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s’il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu’il n’est pas disposé à retourner dans son pays d’origine. Comme le prévoit expressément l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu’il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2). Si le fait d’être entré en Suisse illégalement, d’être démuni de papiers ou de ne pas quitter le pays dans le délai imparti à cet effet ne saurait, pris individuellement, suffire à admettre un motif de détention au sens de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 (voire ch. 4) LEI, ces éléments peuvent constituer des indices parmi d’autres en vue d’établir un risque de fuite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_142/2013 du 1er mars 2013 consid. 4.2 ; voir aussi ATF 140 II 1 consid. 5.3).

Lorsqu’il examine le risque de fuite, le juge de la détention doit établir un pronostic, en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prêtera son concours à l’exécution du renvoi le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions en seront réunies. Il dispose pour ce faire d’une certaine marge d’appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_128/2009 précité consid. 3.1).

b. La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 36 Cst., qui se compose des règles d’aptitude – exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/189/2015 du 18 février 2015 consid. 7a).

Aux termes de l’art. 79 LEI, la détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion visées aux art. 75 à 77 LEI ainsi que la détention pour insoumission visée à l’art. 78 LEI ne peuvent excéder six mois au total (al. 1) ; la durée maximale de la détention peut, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus et, pour les mineurs âgés de 15 à 18 ans, de six mois au plus, dans les cas suivants : la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (al. 2 let. a) ; l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (al. 2 let. b).

Conformément à l’art. 76 al. 4 LEI, les démarches nécessaires à l’exécution du renvoi ou de l’expulsion doivent être entreprises sans tarder.

La durée de la détention doit être proportionnée par rapport aux circonstances d’espèce (arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3).

Le principe de la proportionnalité interdit non seulement que la mesure administrative en cause soit plus incisive que ce qui est nécessaire, mais aussi qu’elle soit insuffisante pour atteindre son but (arrêts du Tribunal fédéral 2C_497/2017 du 5 mars 2018 consid. 4.2.2 ; 2C_431/2017 du 5 mars 2018
consid. 4.3.3).

Selon la jurisprudence, le devoir de célérité est en principe violé lorsque, pendant plus de deux mois aucune démarche n’est plus accomplie en vue de l’exécution du renvoi par les autorités compétentes, sans que cette inaction soit en première ligne causée par le comportement des autorités étrangères ou celui de l’étranger lui-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 et les arrêts cités).

c. À teneur de l’art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention est levée si le motif de la détention n’existe plus ou l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, une telle impossibilité supposant en tout état de cause notamment que l’étranger ne puisse pas, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre son État d’origine, de provenance ou un État tiers (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-6668/2012 du 22 août 2013 consid. 6.7.1 relativement à l’art. 83 al. 2 LEI, a fortiori).

5. a. Dans son recours, l’intéressé se plaint d’une constatation manifestement inexacte des faits par le TAPI, qui aurait omis de reprendre les considérants en droit du JTAPI/753/2018 du 13 août 2018 selon lesquels il était établi qu’il s’était toujours présenté aux convocations des autorités, à l’exception de celle du
31 juillet 2018 qu’il n’avait pas reçue à temps et selon lesquels la probabilité qu’il disparaisse dans la clandestinité était évaluée comme étant très faible. À la date du prononcé du jugement querellé, il n’y avait, selon le recourant, pas de fait nouveau en sa défaveur depuis le JTAPI rendu le 13 août 2018.

b. Cela étant, dans le jugement attaqué, le TAPI n’a pas remis en cause lesdits considérants en droit du JTAPI/753/2018 précité, mais s’est fondé sur d’autres motifs, notamment le refus constant du recourant de rentrer dans son pays – fait du reste également retenu dans ledit JTAPI/753/2018 –, pour conclure que le principe de la légalité était respecté par la mesure litigieuse. Au demeurant, par ce grief, le recourant conteste en réalité l’appréciation du risque de fuite effectuée par le premier juge dans le jugement présentement querellé, et non la constatation des faits en tant que telle.

C’est en vain que le recourant se prévaut de l’ATA/233/2017 du 23 février 2017, dans lequel la chambre de céans a considéré que le commissaire de police n’est pas autorisé à placer un étranger en détention administrative en l’absence de motif légal et que le TAPI, dans son activité de contrôle de la légalité de cette mesure, doit faire porter son examen sur l’existence de tels motifs mais qu’il ne peut, en cas de carence constatée, guérir celle-ci en prenant en compte le comportement de l’étranger après la mise en détention (consid. 6). En effet, dans le cas tranché par ledit ATA/233/2017, l’étranger ne s'était jamais exprimé au sujet d'un retour dans son pays d’origine, disposait d'un passeport et d'un travail fixe lui conférant des moyens de subsistance réguliers, était locataire attitré d'un logement dont il payait le loyer et avait donc un domicile fixe, le seul indice d'une absence de volonté de coopérer dans le cadre de l'exécution de son renvoi étant qu'il n'avait pas donné suite aux courriers de l'OCPM datant de 2015 et l'invitant à prendre contact avec l'un de ses services. Or les circonstances dans le présent cas sont notablement différentes : dans la motivation de l’ordre de mise en détention administrative du 9 avril 2019, l’intimé a, en droit, fondé sa décision, sous l’angle du principe de la légalité, sur le fait que l’intéressé n’envisageait de toute évidence en aucun cas de se soumettre à la décision de renvoi du 2 août 2016, malgré l’échec de quatre demandes de réexamen, n’ayant pas respecté le délai de départ imparti par le SEM alors qu’il séjournait en Suisse de manière illégale à tout le moins depuis le 2 mars 2018, n’ayant jamais effectué la moindre démarche dans ce sens et ayant toujours déclaré ne pas être disposé à retourner dans son pays.

Ces constatations sont exactes en fait et constituent des indices en faveur d’un risque de fuite. Le refus par le recourant de monter dans l’avion, le 10 avril 2019, constitue une circonstance qui ne fait que confirmer l’existence de ce risque.

Au 13 août 2018, date du prononcé du JTAPI/753/2018 précité, il était clair que l’intéressé devait quitter la Suisse depuis la réception de la décision de l’OCPM du 2 mars 2018, soit depuis cinq mois, contre plus d’une année au moment du prononcé du jugement attaqué, écoulement du temps sans aucune démarche du recourant en vue de son retour au Pakistan, ni inflexion de sa position à ce sujet, ce malgré un rejet par le SEM de sa quatrième demande de réexamen, décision exécutoire.

En définitive, les griefs du recourant sont écartés et le principe de la légalité a été respecté par le commissaire de police, puis le TAPI.

6. a. Selon le recourant, l’intimé a violé le principe de la proportionnalité en ne le convoquant pas pour un nouveau vol volontaire, avant de recourir à sa privation de liberté. À teneur du dossier, il ne pourrait en effet pas être exclu qu’une telle mesure aurait pu atteindre son but de manière plus efficace, en plus de constituer une atteinte beaucoup moins importante à ses droits fondamentaux. À cet égard, il ne pourrait pas être tiré de conclusions de son refus de prendre l’avion à destination de son pays d’origine, le 10 avril 2019 à l’aéroport de Zurich, étant rappelé qu’il était alors privé de liberté, souffrait de problèmes médicaux et ne parlait ni français ni allemand – mais anglais.

b. Par ses griefs, le recourant ne tient toutefois pas compte que non seulement ses déclarations mais aussi ses actes et omissions depuis de nombreux mois démontrent un refus constant, clair et déterminé de se soumettre à la décision de renvoi du SEM et de quitter la Suisse de façon volontaire.

Par ailleurs, comme l’a considéré le TAPI, l’assurance de son départ de Suisse répond à un intérêt public certain et, compte tenu de sa situation et de son comportement, toute autre mesure moins incisive qu’une détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où il pourra concrètement être refoulé hors de Suisse.

c. S’agissant des problèmes médicaux censés, d’après l’intéressé, rendre inexigible l’exécution du renvoi comme le démontrerait le rapport du Dr D______ établi le 28 février 2019 et concluant à une situation médicale identique à celle au 28 octobre 2018, soit deux jours après que l’OSEARA aurait jugé qu’il était inapte au renvoi, il sied de rappeler que la chambre administrative n’intervient que comme autorité de recours dans le cadre d’un contrôle de la légalité des mesures de mise en détention administrative en application des
art. 75 ss LEI ; elle n’a aucune compétence dans ce cadre pour revoir les décisions du SEM en matière d’asile ou de renvoi sur la base desquelles la mise en détention a été ordonnée (ATA/145/2019 du 14 février 2019 consid. 7 ; ATA/1433/2017 du 24 octobre 2017 consid. 9 et les arrêts cités), ce d’autant moins en l’occurrence que la situation du recourant vient à nouveau d’être examinée par le SEM, le
12 mars 2019. Cet argument de l’intéressé est dès lors dénué de portée dans le cadre de la présente procédure. Du reste, dans le cadre de la tentative de refoulement par avion du 10 avril 2019, un médecin de l’OSEARA l’a examiné et a conclu à l’absence de motifs médicaux s’opposant à une privation de liberté.

d. Enfin, sous l’angle du principe de célérité, contrairement à ce que soutient le recourant, son renvoi par vol spécial vers le Pakistan n’apparaît pas hasardeux. Au contraire, le commissaire de police a confirmé qu'un tel vol, organisé par E______, était possible, l’intéressé y ayant été inscrit. Rien ne permet de douter de cette affirmation. Le principe de célérité est en conséquence respecté.

7. Vu ce qui précède, le jugement querellé, confirmant l’ordre de mise en détention administrative pour quatre mois, est en tous points conforme au droit et le recours sera rejeté.

Cette issue rend sans objet la conclusion du recourant en constatation de l’illicéité de sa détention et au versement par l’État de Genève d’une indemnité équitable à ce titre. Au demeurant, cette conclusion est irrecevable, étant donné que le prononcé d’une décision constatatoire est subsidiaire à celui d’une décision formatrice (ATF 142 V 2 consid. 1 ; Therry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 822) et que la chambre de céans n’est pas compétente pour connaître des prétentions en réparation du préjudice que le recourant fait valoir, celles-ci relevant de la compétence du Tribunal civil de première instance conformément à l’art. 7 al. 1 de loi sur la responsabilité de l’État et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40 ; ATA/251/2019 du 12 mars 2019 consid. 11, à tout le moins par analogie).

La procédure étant gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument de procédure ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 23 avril 2019 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 avril 2019 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Raphaël Roux, avocat du recourant, au commissaire de police, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'à l'établissement de détention administrative de Favra, pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

V. Serain

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :