Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4216/2015

ATA/85/2016 du 29.01.2016 ( MARPU ) , REFUSE

Parties : EGG-TELSA SA / SAVOY SA, RHONE-ELECTRA SA ET SAVOY SA, VILLE DE GENEVE - DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DE L'AMENAGEMENT
En fait
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4216/2015-MARPU ATA/85/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 29 janvier 2016

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

EGG-TELSA SA
représentée par Me Sebastiano Chiesa, avocat

contre

 

VILLE DE GENÈVE - DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DE L’AMÉNAGEMENT

 

et

 

RHÔNE-ELECTRA SA et SAVOY SA, appelées en cause
représentées par Me Cyril Aellen, avocat



EN FAIT

1) Le 19 mai 2015, par publication dans la feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) et sur le site www.simap.ch des marchés public romands, la Ville de Genève (ci-après : la Ville) a lancé un appel d’offres en procédure ouverte, soumis à l’accord GATT/OMC, respectivement à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05) et au règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01), sur le marché des travaux de construction. Le projet de marché était intitulé « Grand Théâtre de Genève » et les travaux étaient à exécuter dans le domaine de l’électricité sur des installations à courant fort et à courant faible. Le prix du marché était estimé à CHF 4'608'301.-. La communauté de soumissionnaires était admise, de même que la sous-traitance. Les critères d’aptitudes, les justificatifs requis et les critères d’adjudication figuraient dans le dossier d’appel d’offres qui pouvait être obtenu par téléchargement sur le site suisse des marchés publics www.simap.ch. Le délai pour déposer les offres était fixé au 30 juin 2015.

2) a. Selon les conditions générales du dossier d’appel d’offres, les critères d’adjudication étaient : le prix, avec une pondération de 30 %, les références, avec une pondération de 30 % et l’organisation, avec une pondération de 40 %. Pour la notation du prix la méthode appliquée serait la méthode T2, selon le guide romand des marchés publics, un facteur de crédibilité pouvant être utilisé pour pondérer la note du critère prix.

b. Sur la première page du dossier d’appel d’offres à retourner signé par les soumissionnaires, ceux-ci devaient mentionner le prix toutes taxes comprises (ci-après : TTC) de chacun des lots n°1 à 3. Il était précisé que seul le total du prix des lots n°1 et 2 serait pris en considération pour déterminer le prix de l’offre de base proposée.

À la page 5 du même document, figurait une feuille récapitulative dans laquelle les soumissionnaires devaient détailler les prix proposés pour chacun des lots no 1 à 3. Le lot no 1 concernait l’installation courant fort et courant faible, le lot no 2 l’installation Telecom et le lot n° 3 concernait les installations de prises supplémentaires/courant fort et courant faible, avec le rappel qu’il n’était pas additionné à ceux des autres lots. Pour la détermination du prix de base, devaient être distingués pour chacun des lots, le montant brut proposé, le pourcentage de rabais éventuel, le total net hors-taxes (ci-après : HT), le montant de la TVA, ainsi que le total du prix TTC. C’était ce dernier montant qui devait être reporté sur la page 1, dans la rubrique située au-dessus de la signature des soumissionnaires.

3) Egg-Telsa SA (ci-après : Egg-Telsa) a déposé une offre le 30 juin 2015 pour un montant total de CHF 4'016'057.10 TTC, dont CHF 3'747'190.14 pour le lot n° 1 et CHF 268'551.- pour le lot n° 2. Elle a également rempli la feuille récapitulative de la page 5 pour justifier le détail du montant de son offre TTC, en mentionnant également le prix du lot n° 3, soit CHF 156'431.-TTC et son détail.

4) Les sociétés Rhône-Electra SA (ci-après : Rhône-Electra) et Savoy SA (ci-après : Savoy) ont présenté une offre sous la désignation « consortium Rhône-Electra et Savoy », avec domicile à l’adresse de Rhône-Electra. L’offre était signée des représentants des deux sociétés. Dans la lettre qui accompagnait l’offre, était mentionné un montant total de la soumission de CHF 4'314'629.-. Sur la page 1 du document d’appel d’offres, était indiqué un prix de CHF 3'920'128.95 TTC pour le lot n° 1 et de CHF 255'847.80 TTC pour le lot n° 2. Sur cette même page, les soumissionnaires ont également mentionné le prix du lot n° 3, soit CHF 138'652.90 TTC. Ils ont également rempli la feuille récapitulative qui donne le détail des trois montants précités pour chacun des lots.

5) Selon le procès-verbal d’ouverture de l’appel d’offres, daté du 3 juillet 2015, cinq offres avaient été déposées. Celle Egg-Telsa a été inscrite pour un montant de CHF 4'016'057.10, celle de Rhône-Electra et Savoy pour un prix de CHF 4'314'629.- TTC. Seul le nom de Savoy a été mentionné sur la ligne du procès-verbal y relative.

6) Selon le tableau synthétisant l’évaluation effectuée, l’offre d’Egg-Telsa a été évaluée en fonction d’un prix de CHF 4'016'057.15 et celle de Rhône-Electra et Savoy d’un prix de CHF 4'175'976.75 (CHF 3'920'128.95 + CHF 255'847.80).

Pour le prix, Egg-Telsa a obtenu la note 5.00 et le nombre maximum de points. Rhône-Electra et Savoy, ont obtenu la note 4.62. S’agissant des références et qualité, Egg-Telsa a obtenu la note 3.66, alors que Rhône-Electra et Savoy a obtenu la note 4.06. Pour le critère relatif à l’organisation, Egg-Telsa a obtenu la note 4.57, tandis que Rhône-Electra et Savoy a obtenu la note 4.86.

Au final, Rhône-Electra et Savoy ont obtenu un total de points de 454.81, tandis qu’Egg-Telsaen obtenait 442.48.

7) Par décision du 20 novembre 2015, le marché a été attribué au consortium Rhône-Electra et Savoy qui arrivait premier.

8) Le 4 décembre 2015, Egg-Telsa a déposé un recours au guichet de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision d’adjudication du 20 novembre 2015 reçue le 25 novembre 2015. Elle concluait à son annulation, et à ce que le marché lui soit adjugé. Préalablement, elle sollicitait la restitution de l’effet suspensif à son recours.

Sur le fond, la décision attaquée était arbitraire, violait les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination entre les soumissionnaires, ainsi que son droit d’être entendue. En outre, la Ville avait abusé de son pouvoir d’appréciation concernant les critères d’adjudication.

S’agissant du prix, ses concurrentes avaient initialement déposé une offre à CHF 4'314'629.-, alors que le marché leur avait été attribué pour un montant de 4'175'976.-. Elles avaient donc été autorisées à compléter leur offre à la baisse, ce qui était contraire aux principes d’égalité de traitement et de non-discrimination.

Elle mettait en doute l’existence d’un consortium formé par Rhône-Electra et par Savoy. Il y avait un problème de signature du procès-verbal d’ouverture des offres. Rhône-Electra n’apparaissait pas dans le procès-verbal d’ouverture des offres et l’existence d’un consortium n’y était pas mentionnée La décision attaquée mentionnait que le marché public avait été attribué à ces sociétés sans indiquer qu’elles formaient un consortium, quand bien même ce fait figurait dans les publications officielles de cette décision. Le procès-verbal d’ouverture des offres n’avait été signé que par le seul représentant de Savoy, selon une photo du procès-verbal prise le jour même, alors que sur le document versé à la procédure figuraient deux autres signatures.

Elle contestait la faible importance du critère du prix, au regard de celui de l’organisation (respectivement pondération de 30 % et 40 %), alors que la Ville avait indiqué que le critère économique devait retenir une attention particulière.

La façon dont son offre et celle des adjudicataires avaient été évaluées en sa défaveur était incompréhensible et relevait de l’arbitraire. Elle contestait la mauvaise notation de son offre pour le critère de l’organisation, pour lequel elle avait moins bien été notée que lors d’un précédent marché, ainsi que pour le critère des références, qui avait été noté sans considération des importants chantiers qu’elle avait menés et auxquels elle s’était référée dans son offre.

9) Le 23 décembre 2015, la Ville a conclu au rejet du recours.

Le montant enregistré dans le procès-verbal d’ouverture des offres avait été celui communiqué par les soumissionnaires. Pour les appelées en cause, c’était celui qui figurait dans leur lettre d’accompagnement. Au stade de l’ouverture des offres, les montants mentionnés n’étaient pas contrôlé. Lors du contrôle effectué par la suite, il avait été constaté que ces soumissionnaires avaient mentionné comme prix de leur offre, le montant TTC en additionnant le prix des lots no 1 à 3. Dès lors, le montant de ce dernier lot avait été retranché. C’est ce qui expliquait que leur offre avait été évaluée en fonction d’un prix de CHF 4'175'976. 75 TTC. Au cours de la phase de contrôle des prix, le responsable de cette opération au sein du groupe d’évaluation avait mis en doute le prix proposé par le consortium en rapport avec le lot n° 2, ce qui expliquait les annotations qu’il avait apportées de manière manuscrite sur le document en biffant le prix mentionné par les soumissionnaires et en le remplaçant par un autre. Toutefois, en définitive, c’était le montant proposé par les appelées en cause (CHF 255'847.80) qui avait été pris en considération pour arrêter le montant de leur offre de base soumise à l’application de la méthode T2.

En rapport avec les autres critères, l’évaluation effectuée n’avait rien d’arbitraire. Ceux-ci avaient été divisés en sous-critères.

S’agissant du critère des références, divisé en deux sous-critères, à savoir la pertinence des références et la qualité de l’entreprise, elle s’était fondée sur l’examen des documents remis, en fonction de leur précision, et sur les contacts que les évaluateurs avaient pu avoir avec les personnes citées en références.

Pour le critère organisation, elle avait pris en considération l’effectif global de l’entreprise et l’effectif proposé pour la réalisation du chantier, les éléments relatifs au respect du planning, les propositions d’organisation, les personnes clés mises à disposition, ainsi que les moyens consacrés, selon une échelle de notes préétablies par le mandataire, en collaboration avec l’autorité adjudicatrice. La différence entre les propositions de la recourante et des appelées en cause résidait dans l’effectif proposé pour la réalisation du marché, soit 10 personnes pour l’une, et 13 pour les secondes. Elle avait considéré, en se fondant sur la méthode « Code des Articles Normalisés » (ci-après : CAN) préconisée par l’Union suisse des installateurs électriciens (USIEI), qu’il fallait plus de 12 personnes pour pouvoir réaliser le marché. Elle avait fourni toutes les informations sur la procédure d’évaluation des offres à la recourante, lors d’un rendez-vous du 27 novembre 2015.

Le marché en question était un marché particulier, dans la mesure où il était nécessaire de réaliser les travaux dans un délai précis, au motif que les activités du Grand théâtre et les représentations avaient été déplacées provisoirement à l’Opéra des Nations, soit dans une structure autorisée de manière provisoire et sur une période limitée. Dans ces circonstances, la demande de restitution de l’effet suspensif devait être rejetée. Il y avait un intérêt public extrême à pouvoir faire démarrer les travaux en temps utile, soit dès la fin du mois de janvier. La rénovation devait être impérativement terminée pour mai 2018, afin que la Fondation du Grand Théatre de Genève puisse réintégrer le bâtiment. Le planning des travaux était extrêmement tendu.

Sur le fond, le recours n’avait aucune chance de succès Le pouvoir adjudicateur se devait de corriger l’erreur sur le montant de l’offre de base figurant dans l’offre du consortium. Elle n’avait pas violé le droit d’être entendue de la recourante. Elle avait respecté le principe de la transparence et de l’égalité de traitement entre les soumissionnaires. Elle n’avait pas fait bénéficier les adjudicataires d’un traitement de faveur comme le sous-entendait la recourante. L’évaluation qu’elle avait effectuée échappait à tout grief d’arbitraire. Les critiques énoncées contre l’appel d’offres étaient irrecevables, car elles auraient dû être formulées dans le cadre d’un recours contre celui-ci. Elle était en droit de faire appel à des sous-critères pour l’évaluation des critères principaux qu’elle avait énoncés dans l’appel d’offres, même sans en faire état dans celui-ci.

10) Le 22 décembre 2015, les adjudicataires, qui avaient été appelés en cause, ont conclu au rejet du recours. Les deux sociétés avaient bel et bien formé un consortium et déposé une offre en leurs deux noms. Le recours de leur concurrente n’avait aucune chance de succès. Elles demandaient à ce que leur intérêt privé à pouvoir exécuter le marché à la suite de la décision du 20 novembre 2015 soit pris en considération, car, pour des raisons d’organisation et de respect des délais, les travaux devaient pouvoir débuter au plus vite.

11) À la suite d’un débat procédural suscité par le pouvoir adjudicateur au sujet d’une restriction d’accès aux pièces qu’il versait à la procédure pour des raisons de confidentialité, le juge, par décision du 7 janvier 2016, a autorisé une libre consultation des pièces du dossier et ordonné la levée de toute mesure de restriction à ce sujet.

12) Le 8 janvier 2016, la recourante a écrit spontanément à la chambre administrative pour faire part d’un fait nouveau. L’une des personnes qui avait participé à la procédure d’évaluation au sein de l’équipe désignée par le pouvoir adjudicateur, soit Monsieur Gennaro MIELE, n’était pas réellement ingénieur-électricien, mais seulement dessinateur-électricien. Ce fait revêtait une importance considérable, puisque cette personne semblait avoir eu un poids conséquent dans l’attribution des notes aux différents soumissionnaires et qu’il avait signé le tableau comparatif des offres joint à la décision d’adjudication du 20 novembre 2015.

13) Par courrier du 11 janvier 2016, le juge délégué a demandé à la Ville de lui transmettre l’intégralité du dossier d’évaluation en sa possession, celui-ci étant susceptible de ne pas être complet. Il lui a également transmis le courrier de la recourante du 8 janvier 2016.

14) La Ville a obtempéré à la requête précitée par courrier du 13 janvier 2013 en fournissant des renseignements et documents complémentaires nécessaires, notamment un rapport d’adjudication intermédiaire du 3 août 2015 établi par le bureau d’ingénieurs conseils mandaté, ainsi que toutes les grilles d’évaluation non caviardées. Aucun rapport d’évaluation définitif des offres n’avait été rédigé, mais des tableaux détaillés avaient été établis, qui permettaient de retracer la façon dont les offres avaient été évaluées. Elle a retracé l’historique de la façon dont l’évaluation s’était déroulée et donné le nom des personnes qui avaient participé à cette phase de la procédure d’attribution. M. MIELE exerçait la fonction d’ingénieur-électricien au sein de la Ville et celle-ci n’avait pas besoin d’une certification spécifique pour cela. C’était cette fonction officielle qui avait été mentionnée. En outre le rôle de M. MIELE n’avait pas été conséquent dans l’attribution des notes, contrairement à ce que prétendait la recourante, l’équipe d’évaluation étant composée de plusieurs autres personnes indépendantes de ce dernier.

15) Suite au délai qui lui avait été accordé, la recourante a adressé une réplique le 25 janvier 2016, en persistant dans ses conclusions.

L’examen des pièces auxquelles elle avait eu accès confirmait le bien-fondé de son recours. En particulier, elles confirmaient l’arbitraire de la notation de son offre. Concernant le critère de l’organisation, la recourante contestait la façon dont l’intimée avait appliqué la méthode CAN dont elle se prévalait. Elle avait ainsi évalué en sa défaveur le nombre d’heures nécessaires pour réaliser le chantier et avait admis à tort qu’elle ne mettait pas à disposition un nombre suffisant de monteurs pour réaliser le chantier, contrairement aux appelées en cause. La nouvelle documentation confirmait que la note obtenue en rapport avec le critère des références était incorrecte, mais surtout trop basse. En outre, l’utilisation par la Ville des critères d’appréciation était incertaine si l’on examinait les différents tableaux d’évaluation des candidats.

Malgré la requête de la chambre administrative, celle-ci n’avait pas produit de rapports d’évaluation, mais les mêmes tableaux comparatifs d’évaluation ou de calculs qu’elle avait déjà transmis. Elle constatait que le pouvoir adjudicateur n’avait pas suivi la proposition du bureau d’ingénieurs mandaté de réaliser un audit des offres des trois premières entreprises, avant d’effectuer un choix définitif. En l’absence d’un rapport d’évaluation, il n’était pas possible de comprendre les raisons pour lesquelles certaines des notes qu’elle avait obtenues étaient inférieures à celles de l’adjudicataire.

Finalement, l’erreur des appelées en cause dans la présentation de son offre en rapport avec le prix du lot n° 2 que le pouvoir adjudicateur semblait avoir identifiée avait pour conséquence que l’on ne pouvait discerner quel était le montant exact du prix proposé par les appelées en cause. Tous ces éléments fondaient l’arbitraire de la décision d’adjudication.

À l’appui de sa demande de restitution de l’effet suspensif, elle maintenait l’existence d’un intérêt privé à obtenir des mesures provisionnelles, afin de lui éviter un dommage considérable lié à la perte du marché. Elle contestait l’affirmation de la Ville selon laquelle le maintien d’une salle de représentation provisoire du Grand Théâtre était limité dans le temps. En effet, la décision accordant l’autorisation de construire ne se référait qu’à une durée provisoire estimative, même si une durée de deux ans était mentionnée dans celle-ci.

Considérant, en droit, que :

1) La présidence de la chambre administrative est compétente pour statuer en matière de mesures provisionnelles (art. 7 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 21 décembre 2010). 

2) Le recours, interjeté dans les dix jours par-devant l'autorité compétente, est prima facie recevable (art. 15 al. 2 et 2bis de l’Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05) ; art. 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01); art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3) Aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n’a pas d’effet suspensif. Toutefois, l’autorité de recours peut, d’office ou sur demande, restituer cet effet lorsque deux conditions cumulatives sont réalisées, soit que le recours paraisse suffisamment fondé et qu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose (art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP).

« L’examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; le but est alors de refuser l’effet suspensif au recours manifestement dépourvu de chance de succès, dont le résultat ne fait aucun doute ; inversement, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d’emblée à justifier l’octroi d’une mesure provisoire mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice » (Benoît BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat, in Jean-Bernard ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, pp. 311-341, n. 15 p. 317).

La restitution de l’effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu’avec restriction (ATA/60/2013 du 30 janvier 2013 consid. 5 ; ATA/85/2012 du 7 février 2012 consid. 2 ; ATA/752/2011 du 8 décembre 2011 ; ATA/614/2011 du 28 septembre 2011 consid. 2 ; ATA/214/2011 du 1er avril 2011, et la jurisprudence citée).

4) L’AIMP règle l’ouverture et le traitement des marchés publics des collectivités publiques, notamment des communes (art. 1 al. 1 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP, repris à l’art. 17 RMP), assurer l’impartialité de l’adjudication et garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci (art. 1 al. 3 let. b AIMP repris à l’art. 16 al. 1 et 2 RMP qui précise que cette dernière doit être garantie à tous les stades de la procédure), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des données publiques (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b AIMP).

b. Le principe de la transparence garantit par les art. 1 al. 3 let. c AIMP et 24 RMP exige du pouvoir adjudicateur qu'il énumère par avance et dans l'ordre d'importance tous les critères d'adjudication qui seront pris en considération lors de l'évaluation des soumissions ; en spécifiant clairement l'importance relative qu'il entend accorder à chacun d'eux. Ceux-ci doivent être objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché  Le principe de la transparence interdit de modifier de manière essentielle, après le dépôt des offres, la présentation des critères. Il n'exige toutefois pas, en principe, la communication préalable d’éléments d’appréciation ou de catégories, tels des sous-critères, qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié, à moins que ceux-ci ne sortent de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rapportent ou que l'adjudicateur ne leur accorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent à celui d'un critère publié. De la même manière, une simple grille d'évaluation ou d'autres aides destinées à noter les différents critères et éléments d’appréciation utilisés (telles une échelle de notes, une matrice de calcul, etc.) ne doivent pas nécessairement être portées par avance à la connaissance des soumissionnaires, sous réserve d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation (ATF 130 I 241 consid. 5.1 ; ATA/695/2015 du 30 juin 2015 consid. 4c ; ATA/368/2015 du 21 avril 2015 consid. 4c ; ATA/972/2014 du 9 décembre 2014).

5) Le principe d’intangibilité des offres interdit la modification de celles-ci après l’échéance du délai de dépôt de celles-ci découle de l’art. 11 let. c AIMP qui proscrit les négociations entre l’entité adjudicatrice et les soumissionnaires (Etiennne POLTIER, op. cit., p 222, n. 354). Il est également lié à la nécessité d’assurer l’égalité de traitement entre soumissionnaires (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010, consid. 6.1). Toutefois, l'autorité adjudicatrice est en droit de rectifier d'office les erreurs évidentes de calcul et d'écriture (art. 39 al. 2 RMP). En outre, elle peut demander aux soumissionnaires des explications relatives à leur aptitude et à leur offre (art. 40 RMP). Néanmoins, elle ne saurait toutefois par ce biais porter atteinte aux principes d'intangibilité des offres et d'égalité de traitement entre soumissionnaires qui limitent le droit de procéder à des corrections ou requêtes de précisions après le dépôt des offres (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité).

6) En vertu de l’art. 43 RMP, l'évaluation est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d'offres et/ou les documents d'appel d'offres (al. 1) ; le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2) ; le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. L'autorité adjudicatrice rend une décision d'adjudication sommairement motivée (at. 45 RMP.

7) La jurisprudence reconnaît une grande liberté d’appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 précité consid. 6 p. 98 ; ATA/851/2014 précité consid. 9b ; ATA/20/2014 précité consid. 11). L’appréciation de la chambre administrative ne saurait donc se substituer à celle de ce dernier. Seul l’abus ou l’excès du pouvoir d’appréciation doit être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 p. 251 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004 consid. 3.3 ; 2P.172/2002 du 10 mars 2003 consid. 3.2 ; RDAF 1999 I p. 301 ; ATA/851/2014 précité consid. 9b ; ATA/20/2014 précité consid. 11). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d’appréciation (JAAC 1999 p. 143 ; ATA/851/2014 précité consid. 9b ; ATA/20/2014 précité consid. 11).

8) Dans le cas d’espèce, l’examen prima facie des pièces versées au dossier et des arguments présentés, conduit à retenir les éléments qui suivent.

Les griefs de la recourante se rapportant à la façon dont l’appel d’offres a été rédigé, en rapport notamment avec la pondération des critères d’adjudication, sont a priori tardifs, car ils auraient dû être invoqués dans le cadre d’un recours contre l’appel d’offres lui-même.

Le prix de CHF 4'175'976.75, auquel le marché a été attribué aux appelés en cause, correspond à celui de l’offre qu’elles ont formulée. Selon le dossier d’appel d’offres, le prix à prendre en considération devait correspondre au total du prix proposé pour les lots no 1 et 2. Dans son offre, les appelées en cause avaient ajouté par erreur celui du lot no 3. A priori, une correction du prix par soustraction de ce montant entre dans le cadre de ce que peut effectuer l’autorité adjudicatrice sans atteinte au principe de l’intangibilité de l’offre. L’erreur en question était en effet aisément identifiable, à partir du dossier de soumission fourni, notamment par comparaison des pages 1 et 5 de la soumission. Il est vrai que dans le dossier de l’appel d’offres fourni par la Ville, les prix proposés ont fait l’objet d’annotations par l’évaluateur chargé de la contrôler. Toutefois, c’est bel et bien en fonction du prix proposé par les appelées en cause, sans prendre en considération les corrections faites au crayon, que l’offre a été évaluée.

Les autres griefs présentés par la recourante n’ont a priori pas de consistance.

Ainsi, il ressort du dossier déposé par les appelées en cause, que leur offre a été formée dès le départ au nom d’un consortium de ces deux entités, ce qui était autorisé par les conditions générales de l’appel d’offres. Même si l’existence d’un tel consortium n’a pas été mentionnée dans le procès-verbal d’ouverture des offres, cet élément, a priori, n’est pas susceptible de remettre en question la régularité de la décision de lui attribuer le marché.

En outre, une décision d’adjudication ne doit être motivée que sommairement. En outre, accompagnée d’une grille d’évaluation, voire accompagnée d’un tableau comparatif des offres, conformément aux exigences de l’art. 45 RMP, on peut considérer a priori que la motivation figurant dans la décision est suffisante. Il en va de même de l’absence de rapport d’évaluation dont la présence finale n’est pas exigée par la loi, au contraire de la nécessité pour le pouvoir adjudicateur d’établir sous une forme ou sous une autre un tableau comparatif (art. 43 Al. 2 RMP).

Finalement, s’agissant des critiques formulées par la recourante contre la façon dont son offre, respectivement celle des adjudicataires, ont été évaluées, devront faire l’objet d’une instruction avant décision sur le fond. Aucune des critiques formulées à ce propos ne permet d’admettre, à ce stade de la procédure, que l’évaluation de l’offre comporterait des éléments de traitement arbitraire, la recourante se limitant le plus souvent à substituer sa propre évaluation à celle du pouvoir adjudicateur. Il en va de même du grief lié à l’intervention, au sein du groupe chargé de l’évaluation des offres, d’un fonctionnaire de la Ville dont le titre lié à sa formation aurait été désigné de manière inexacte, car on ne voit pas en quoi telle inexactitude aurait une incidence sur la régularité de la décision attaquée et la recourante n’apporte aucun élément concret sur ce point.

Pour le surplus, il existe un intérêt public important à ce que les travaux puissent être exécutés dans les meilleurs délais et dans le respect du planning établi, le Grand Théâtre ne pouvant pas indéfiniment rester dans les locaux provisoires érigés à la place des Nations. Cet intérêt prévaut largement sur l’intérêt privé de la recourante à bloquer l’exécution de la décision d’adjudication jusqu’à droit jugé sur le fond du litige.

9) La requête en restitution de l’effet suspensif sera rejetée.

 

* * * * *

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête en restitution de l’effet suspensif formée par Egg-Telsa SA contre la décision de la Ville de Genève du 20 novembre 2015 d’adjuger les travaux relatifs aux travaux de démontage et d’installation de courants fort et faible - d’installation provisoire - au consortium formé par Rhône-Electra SA et par Savoy SA ;

dit que les frais suivront le sort de la procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sebastiano Chiesa, avocat de la recourante, à la Ville de Genève, ainsi qu'à Me Cyril Aellen, avocat de Rhône-Electra SA et Savoy SA.

 

Le président :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :