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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1460/2004

ATA/839/2004 du 26.10.2004 ( JPT ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION D'EXERCER; PROFESSION; CONDAMNATION
Normes : CES.9 al.1 litt.c
Résumé : Refus de l'autorisation d'exercer la profession d'agent de sécurité au motif que l'intéressé s'est vu condamné à la peine de 5 jours d'emprisonnement assorti d'un sursis de 2 ans pour s'être rendu coupable de lésions corporelles simples. Confirmation de la décision : de tels actes sont incompatibles avec l'exercice de la profession d'agent de sécurité.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1460/2004-JPT ATA/839/2004

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 26 octobre 2004

dans la cause

 

Monsieur Pedro G.
représenté par Me Pierre-Bernard Petitat, avocat

contre

DEPARTEMENT DE JUSTICE, POLICE ET SECURITE


 


1. Le 7 mai 2004, S. associates Sàrl, à Genève, a présenté au service des autorisations et patentes (ci-après : le service) du département de justice, police et sécurité (ci-après : le département) une demande d’autorisation concordataire pour engager en qualité d’agent de sécurité Monsieur Pedro G. (ci-après : M. G.), ressortissant espagnol, né en 1965, domicilié à Genève.

2. Le service a requis des renseignements de police desquels il ressort les éléments suivants :

05.06.1985 Arrestation pour recel d’un autoradio et de deux haut-parleurs achetés CHF 400.-

26.06.1998 Renouvellement de son port d’arme avec deux mois et demi de retard

21.07.1998 Amende de CHF 100.- par le DJPT pour retard dans le renouvellement du port d’arme

22.12.1998 Plainte et retrait de plainte déposés par l’avocat de son épouse pour menace et coups et blessures

18.03.2000 Arrestation pour lésions corporelles simples, condamné à cinq jours d’emprisonnement sursis deux ans (fiche de renseignements de police du 20 avril 2004).

Les faits du 18 mars 2000 ont donné lieu à un arrêt du 19 février 2001 de la Chambre pénale de la Cour de justice, aux termes duquel M. G. a été reconnu coupable de lésions corporelles simples et condamné à la peine de cinq jours d’emprisonnement, sursis deux ans.

3. Par arrêté du 11 juin 2004, le département a refusé l’autorisation sollicitée, retenant qu’au vu de la condamnation pénale précitée et des renseignements de police, les conditions de l’article 9 alinéa 1 lettre c du concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996, entré en vigueur pour le canton de Genève le 1er mai 2000 (ci-après : le concordat – I 2 15) n’étaient pas réalisées.

4. M. G. a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée, par acte du 8 juillet 2004. La condamnation pénale dont il avait fait l’objet était de nature domestique, la peine modeste et les faits avaient toujours été contestés. Il envisageait d’ailleurs de former une demande en révision. Les faits remontaient à une époque où il ne travaillait pas encore dans le domaine de la sécurité. Pour le surplus, il n’avait pas commis d’autres infractions et aucune inscription ne figurait au casier judiciaire.

Il a conclu à ce que le tribunal réforme et mette à néant l’arrêté querellé.

5. Dans le délai prolongé au 30 septembre 2004, le département s’est opposé au recours. La décision litigieuse était conforme à la jurisprudence du Tribunal administratif en la matière et respectait le principe de la proportionnalité.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’article 60 lettre b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée. L’intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, immédiat et actuel (ATA/2/2002 du 8 janvier 2002, et les références citées). S’agissant de l’intérêt du recourant, il faut l’admettre bien que l’agence de sécurité qui a requis l’autorisation d’exercer n’ait pas recouru parallèlement.

En effet, le recourant est destinataire de la décision attaquée et il est toujours lésé par celle-ci. Le Tribunal administratif a admis la qualité pour recourir dans des affaires similaires, dans lesquelles l’employeur requérant n’avait pas recouru (ATA/658/2004 du 24 août 2004 et les références citées).

3. Comme l’ancienne loi cantonale sur la profession d’agent de sécurité privé du 15 mars 1985, le concordat a pour but de fixer les règles communes régissant l’activité des entreprises de sécurité et de leurs agents et d’assurer la validité intercantonale des autorisations accordées par les cantons (art. 2 du concordat ; MGC, 1999, IX, p. 9051).

Par convention du 3 juillet 2003, le concordat a fait l’objet de modifications. La République et canton de Genève a adhéré à cette convention par la loi du 11 juin 2004, entrée en vigueur le 1er octobre 2004 (I 2 14.01).

Selon l’article 8 de la novelle, les procédures administratives et judiciaires pendantes à l’entrée en vigueur de la convention du 3 juillet 2003, portant révision du concordat, sont régies par le nouveau droit.

4. L’actuel article 9 alinéa 1 lettre c du concordat prévoit que l’autorisation d’engager du personnel n’est accordée que si l’agent de sécurité « offre, par ses antécédents, son caractère et son comportement, toute garantie d’honorabilité concernant la sphère d’activité envisagée. La Commission concordataire édicte des directives à cet égard ».

Il a été admis que cette disposition du concordat, dans son ancienne teneur, dont les termes pratiquement identiques avaient pour effet de limiter le libre accès à la profession d’agent de sécurité, constituait une restriction à la liberté économique dont la conformité à l’article 36 alinéa 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. féd. - RS 101) était admissible (ATA/229/2004 du 16 mars 2004). Cette conclusion conserve toute son actualité, car, en effet, si les termes de la nouvelle disposition concordataire diffèrent de ceux de la précédente version, la ratio legis n’a elle pas été modifiée.

Dans l’exposé des motifs accompagnant le projet d’adhésion au concordat, il est indiqué que certains actes de violence, l’abus de confiance et le vol sont, par exemple, au nombre des infractions jugées incompatibles avec la sphère d’activité professionnelle envisagée (MGC, 1998, VI, p. 5197).

5. La notion d'actes incompatibles avec la sphère d'activité envisagée ou d'honorabilité fait régulièrement l'objet d'arrêts du tribunal de céans :

a. Dans une affaire jugée le 30 octobre 2001, le tribunal de céans a estimé que des menaces proférées à l'occasion d'un litige familial ayant entraîné des propos déplacés de part et d'autre ne constituaient pas des actes incompatibles avec l'exercice de la profession d'agent de sécurité, le recourant occupant de surcroît de telles fonctions depuis 1990 sans donner lieu à des plaintes (ATA/683/2001 du 30 octobre 2001);

b. Dans un arrêt du 13 novembre 2001, deux condamnations radiées du casier judiciaire mais datant de 4 et 7 ans, l'une pour lésions corporelles simples et l'autre pour vol, ont été jugées incompatibles avec l'exercice de la profession d'agent de sécurité : dans l'exercice de son activité, le recourant serait amené à entrer en contact avec les valeurs ou les biens mobiliers ou immobiliers d'autrui et pourrait être tenté de commettre un nouveau délit (ATA/721/2001 du 13 novembre 2001).

6. En l’espèce, le Tribunal administratif estime que les lésions corporelles dont le recourant s’est rendu coupable sont des actes qui sont incompatibles avec l’exercice de la profession d’agent de sécurité. En raison de leur nature, mais aussi de leur répétition. En effet, il ressort du dossier en possession du tribunal que les violences exercées par le recourant sur son épouse se sont produites à deux reprises, la première fois en 1998 puis en 2000. Une telle attitude a pour corollaire que l’on ne peut exclure le risque que l’intéressé soit tenté de régler par la violence des situations conflictuelles qui pourraient se présenter dans le cadre de la profession d’agent de sécurité.

7. La décision entreprise ne viole pas le principe de la proportionnalité, si tant est qu’elle n’a pas pour conséquence d’empêcher définitivement le recourant d’exercer la profession d’agent de sécurité. Dès que la condition de l’article 9 alinéa 1 lettre c du concordat sera remplie, il pourra présenter une nouvelle requête. Dans l’intervalle, le recourant n’est pas empêché de gagner sa vie puisqu’il possède une formation de serrurier, profession qu’il a exercée pendant plusieurs années.

8. Mal fondé, le recours sera rejeté.

Aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant qui plaide au bénéfice de l’assistance juridique.

* * * * *

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 juillet 2004 par Monsieur Pedro G. contre la décision du département de justice, police et sécurité du 11 juin 2004;

au fond :

le rejette;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument;

communique le présent arrêt à Me Pierre-Bernard Petitat, avocat du recourant ainsi qu'au département de justice, police et sécurité.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :