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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2284/2018

ATA/790/2018 du 27.07.2018 sur JTAPI/663/2018 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2284/2018-MC ATA/790/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 juillet 2018

en section

 

dans la cause

 

COMMISSAIRE DE POLICE

contre

Monsieur A______
représenté par Me Gian Luigi Berardi, avocat

et

Monsieur A______
représenté par Me Gian Luigi Berardi, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 juillet 2018 (JTAPI/663/2018)


EN FAIT

1) Monsieur A______, ressortissant algérien né le ______ 2001, fait l’objet d’une mesure ordonnée par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE), prononcée le 7 juin 2018. Madame B______, intervenante en protection de l’enfant et Madame C______, cheffe de groupe au service de protection des mineurs (ci-après : SPMi), ont reçu un mandat de curatrice principale et de curatrice suppléante « aux fins de le représenter et de prendre toutes décisions utiles à son sujet, notamment de couvrir les besoins élémentaires de l’enfant depuis la date de sa prise en charge ».

Il ressortait de la motivation de cette décision que M. A______, dont la mère était décédée et dont le père était resté en Algérie, avait été placé à l’hôtel D______ à Genève, inscrit au programme de l’association « E______ », dont il fréquentait très régulièrement les locaux, et pris en charge sur le plan médical depuis le 2 mai 2018. La date d’arrivée en Suisse ne ressort pas du dossier.

2) Durant le mois de juin 2018, l’intéressé a été condamné à deux reprises par le Tribunal des mineurs. En outre, il a été interpellé à une autre occasion par la police, sans que les suites données à cette interpellation soient connues.

3) Le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé, le 13 juin 2018, une interdiction d’entrée contre M. A______, valable depuis la date de son prononcé jusqu’au 12 juin 2021.

Cette décision a été notifiée à l’intéressé le 14 juin 2018.

4) Le 14 juin 2018, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. A______ une interdiction de pénétrer dans l’ensemble du territoire genevois pour une durée de six mois.

Confirmée par le Tribunal administratif de première instance
(ci-après : TAPI –
JTAPI/638/2018) sur opposition du 22 juin 2018, cette décision a toutefois été annulée par arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 18 juillet 2018 (ATA/748/2018), sur recours de M. A______ formé le 9 juillet 2018.

5) Le 22 juin 2018, le commissaire de police a notifié à l’intéressé une nouvelle décision lui interdisant de pénétrer sur l’ensemble du territoire genevois pour une durée de douze mois.

6) Saisi par M. A______, le TAPI a, le 11 juillet 2018, déclaré l'opposition irrecevable car tardive, tout en constatant la nullité de cette décision.

La prolongation d’une interdiction territoriale devait être demandée par l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) au TAPI. Elle ne pouvait être décidée par le commissaire de police (JTAPI/663/2018).

7) Par acte posté le 23 juillet 2018, le commissaire de police a saisi la chambre administrative d’un recours contre le jugement précité.

Les dispositions de droit fédéral régissant les interdictions de pénétrer dans une région déterminée et l’assignation à un lieu de résidence ne prévoyaient pas de durée maximale, et ne donnaient aucune indication ni ne posaient aucune exigence quant à la prolongation de telles mesures. Le Tribunal fédéral avait simplement précisé que de telles mesures ne pouvaient être prononcées pour une durée indéterminée. Il avait en revanche confirmé des mesures ordonnées pour une durée de douze mois à Genève, ainsi que de vingt-quatre mois dans d’autre canton.

Le législateur cantonal avait quant à lui accordé à l’autorité administrative une limite de compétence de six mois, sans donner d’indications quant au motif permettant de la prolonger.

En tout état, rien n’interdisait au commissaire de police de prononcer une nouvelle mesure d’interdiction territoriale en cas de fait nouveau, notamment si la personne concernée avait commis de nouvelles infractions.

L’exigence posée par le TAPI, qui contraignait l’OCPM à saisir cette juridiction pour demander la prolongation d’une interdiction de pénétrer dans une région déterminée en cas de fait nouveau revenait à empêcher le commissaire de police de prendre les mesures administratives prévues par la législation fédérale et mises à sa disposition afin de prévenir la commission de nouvelles infractions et de protéger la sécurité et l’ordre publics. L’approche de la juridiction de première instance créait une inégalité de traitement inadmissible, car il n'était plus possible de prendre en compte des circonstances nouvelles, et donc de traiter différemment des situations différentes.

8) Le 25 juillet 2018, M. A______ a conclu au rejet du recours, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

En instituant la procédure ainsi que la répartition des rôles prévues par l'art. 7 LaLEtr, le législateur genevois entendait expressément aller au-delà des exigences posées par le droit fédéral. On ne discernait pas en quoi le contrôle juridictionnel prévu par la loi genevoise empêchait ou même entravait l'application de l'art. 74 LEtr. La seconde mesure (d'une durée de douze mois) avait été prononcée alors que la première (d'une durée de six mois) venait de commencer à déployer ses effets. Elle prolongeait donc bel et bien la première, et ne revêtait pas de caractère indépendant.

Le raisonnement du commissaire de police aurait pour effet d'abolir le contrôle juridictionnel du bien-fondé d'une mesure d'interdiction d'une durée initiale de six mois ou plus.

Au cas où la nullité de la mesure ne serait pas confirmée, il fallait constater que le TAPI n'aurait pas dû se pencher sur la recevabilité de l'opposition, dès lors qu'en retenant la nullité, il admettait que la mesure attaquée n'avait produit aucun effet juridique. De plus, la notification – directement au destinataire, alors qu'il était légalement représenté par un curateur – était irrégulière.

9) Interpellées par le juge délégué, les curatrices de l’intéressé ne se sont pas manifestées.

10) Par acte posté le 26 juillet 2018, reçu le 27 juillet 2018, M. A______ a également interjeté recours contre le jugement du TAPI du 11 juillet 2018.

A priori, il ne disposait pas d'un intérêt à l'annulation du jugement précité. Mais l'instance précédente avait, à tort, tranché la question de la recevabilité de son opposition, en la considérant comme tardive. Dès lors, en cas d'admission du recours du commissaire de police, le jugement du TAPI entrerait en force en tant qu'il constate l'irrecevabilité de l'opposition. De plus, le TAPI lui avait dénié le droit à se voir octroyer une indemnité de procédure.

11) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours du commissaire de police est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art 74 al. 3 LEtr ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2) Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 24 juillet 2018 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

La chambre administrative est en outre compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 2ème phr. LaLEtr).

3) a. Aux termes de l’art. 74 al. 1 let. a LEtr, l’autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée si celui-ci n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, d’une autorisation de séjour ou d’une autorisation d’établissement et trouble ou menace la sécurité et l’ordre publics. Cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants.

L'art. 6 al. 3 LaLEtr prévoit que l'étranger peut être contraint à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEtr, notamment suite à une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommages à la propriété ou pour une infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951
(LStup - RS 812.121).

b. L’interdiction de pénétrer dans une région déterminée ne constitue pas une mesure équivalant à une privation de liberté au sens de l’art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et n’a donc pas à satisfaire aux conditions du premier alinéa de cette disposition (Tarkan GÖKSU, in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela TURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, Berne, 2010 ; Andreas ZÜND in Marc SPESCHA/Hanspeter THÜR/Peter BOLZLI, Migrationsrecht, 2ème éd., 2013, ad art. 74, p. 204 n. 1).

Selon le message du Conseil fédéral du 22 décembre 1993 (FF 1994 I 325), les étrangers dépourvus d’autorisation de séjour et d’établissement n’ont pas le droit à une liberté totale de mouvement ; s’agissant d’une atteinte relativement légère à la liberté personnelle de l’étranger concerné, « le seuil, pour l’ordonner, n’a pas été placé très haut » ; il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l’ordre publics.

4) La jurisprudence fédérale admet que la mesure d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prévue à l’art. 74 LEtr peut s’appliquer à l’entier du territoire d’un canton (arrêts du Tribunal fédéral 2A.253/2006 du 12 mai 2006 ; 2C_231/2007 du 13 novembre 2007), même si la doctrine relève que le prononcé d’une telle mesure peut paraître problématique au regard du but assigné à celle-ci (Tarkan GÖKSU, op. cit., p. 725 n. 7). La portée de l’art. 6 al. 3 LaLEtr, qui se réfère à cette disposition et en reprend les termes, ne peut être interprétée de manière plus restrictive. C’est en réalité lors de l’examen du respect par la mesure du principe de la proportionnalité que la question de l’étendue de la zone géographique à laquelle elle s’applique doit être examinée.

5) En l'espèce, l'instance précédente n'est pas entrée en matière sur le fond de la mesure attaquée, mais a constaté sa nullité pour des raisons liées à la compétence de l'autorité. Le TAPI a en effet considéré que la mesure du 22 juin 2018, prononcée pour douze mois, constituait une prolongation de la première mesure, prononcée le 14 juin 2018 pour une durée de six mois, et qu'il appartenait dès lors, selon le droit cantonal, à l'OCPM de proposer une telle prolongation, et à lui-même – le TAPI – de statuer.

6) a. L'art. 74 LEtr ne précise ni la durée que peut ou doit fixer la mesure, pas plus qu'il ne précise quelles sont les autorités compétentes.

b. S'agissant de la durée des mesures prévues à l'art. 74 LEtr, le Tribunal fédéral a précisé qu'elles devaient dans tous les cas répondre au principe de proportionnalité, c'est-à-dire être adéquates au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci, en particulier au regard de la taille du périmètre concerné et de la durée de la mesure (ATF 142 II 1 consid. 2.3). Plus spécifiquement, elles ne pouvaient pas être ordonnées pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c). Des durées inférieures à six mois n'étaient guère efficaces (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2) ; vers le haut, des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2), voire de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.

c. S'agissant des autorités compétentes, le canton chargé d'exécuter le renvoi ou l'expulsion, en principe celui auquel l'étranger a été attribué et sur le territoire duquel il réside ou est censé résider, est également compétent pour ordonner l'interdiction ; il incombe à chaque canton, en vertu des art. 98 al. 3 et
124 al. 2 LEtr, de désigner les autorités chargées de s'acquitter de cette tâche (Gregor CHATTON/Laurent MERZ, Commentaire de l'art. 74 LEtr, in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II, 2017, n. 30 ad art. 74 LEtr).

À Genève, selon l'art. 7 LaLEtr, l'OCPM est compétent pour proposer au commissaire de police d’ordonner l’interdiction de quitter un territoire assigné ou de pénétrer dans une région déterminée (art. 7 al. 1 let. a LaLEtr), ainsi que pour demander au TAPI de prolonger à chaque fois de six mois au plus l'interdiction de quitter un territoire assigné ou de pénétrer dans une région déterminée (art. 7 al. 1 let. b LaLEtr). Le commissaire de police est compétent pour ordonner l’interdiction de quitter un territoire assigné ou de pénétrer dans une région déterminée (art. 7 al. 1 let. a LaLEtr), tandis que le TAPI est compétent pour examiner sur opposition la légalité et l'adéquation de l'interdiction de quitter un territoire assigné ou de pénétrer dans une région déterminée (art. 7 al. 3 let. a LaLEtr), ainsi que pour prolonger à chaque fois de six mois au plus l'interdiction de quitter un territoire assigné ou de pénétrer dans une région déterminée (art. 7 al. 3 let. b LaLEtr) et statuer sur les demandes de levée d'interdiction de quitter un territoire assigné ou de pénétrer dans une région déterminée déposées par l'étranger (art. 7 al. 3 let. c LaLEtr).

L'exposé des motifs de la novelle ayant introduit cette répartition des compétences (PL 7517) indique que « la décision d'application de cette forme de contrainte [les mesures prises en application de l'art. 74 LEtr, NDR] peut faire l'objet d'un recours auprès du président de la commission [dont les compétences sont aujourd'hui exercées par le TAPI], comme le prévoit l'al. 3 de l'article précité. Toutefois, pour éviter qu'une interdiction ne se prolonge sans contrôle d'une autorité judiciaire, une limite de compétence de six mois est fixée à l’OCPM.
Au-delà de cette durée, une demande de prolongation de la mesure doit être adressée au président de la commission (lettre d). Cette procédure qui ne correspond pas à une exigence posée par la loi fédérale doit répondre aux craintes exprimées par les œuvres d'entraide spécialisées dans le domaine des étrangers devant le risque qu'une mesure restreignant la liberté de mouvement perdure indéfiniment en marge de tout contrôle judiciaire. Elle est de leur inspiration » (MGC 1996 50/VII 7524).

Il convient en outre de rappeler que, postérieurement à la loi 7517, la loi 10358, entrée en vigueur le 28 juillet 2012 après de longs débats, a supprimé la durée initiale de six mois de la mesure d'exclusion de zone alors contenue dans la LaLEtr (MGC 2008-2009 X A 12702 ; cf. le texte précité de l'art. 7 al. 1 let. a LaLEtr), mais a maintenu le système de prolongation de la mesure tel que prévu à l'art. 7 LaLEtr.

7) La nullité absolue d'une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d'office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement reconnaissables et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_354/2015 du 21 janvier 2016 consid. 4.1). Des vices de fond d'une décision n'entraînent qu'exceptionnellement sa nullité. Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure (ATF 129 I 361 consid. 2.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_354/2015 du 21 janvier 2016 consid. 4.1 ; ATA/347/2018 du 24 avril 2018 consid. 3a).

8) a. En l'espèce, le commissaire de police a pris le 14 juin 2018, à l'encontre de l'intimé, une mesure d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève d'une durée de six mois ; le 22 juin 2018, soit encore dans le délai d'opposition contre cette décision, et le jour même où l'intéressé déposait son opposition, il a – sans aucunement annuler la mesure précédente – pris une nouvelle mesure, portant sur la même zone géographique mais cette fois pour une durée de douze mois. Il a donc créé une situation dans laquelle ses deux décisions se superposaient jusqu'au 14 décembre 2018, puis où seule la seconde perdurait, étendant temporellement l'interdiction de périmètre jusqu'au 21 juin 2019. Il est donc exact qu'il a, matériellement, lui-même prolongé sa propre décision, alors que le droit cantonal prévoit que cette compétence appartient au TAPI, sur demande de l'OCPM.

b. Reste à savoir si l'art. 7 LaLEtr est conforme ou non au droit fédéral, cette dernière hypothèse étant défendue par le recourant.

Le droit fédéral prévoit que les cantons édictent les dispositions d'exécution de la LEtr (art. 124 al. 2 LEtr), et désignent les autorités compétentes pour les tâches qui leur sont attribuées (art. 98 al. 3 LEtr).

Le système institué par la LaLEtr depuis fin 2012 (fixation de la durée initiale libre – sous réserve du respect du principe de la proportionnalité – par le commissaire de police, puis prolongation de six mois en six mois par le TAPI, sur demande de l'OCPM) permet parfaitement d'appréhender toutes les différentes situations. En cas de récidive pénale du destinataire de la mesure, comme en l'espèce, il ne sert à rien que deux mesures d'interdiction se superposent, en créant des incertitudes juridiques et en compliquant le contrôle juridictionnel ; si, en raison de cette récidive ou pour d'autres motifs, l'étranger présente toujours une menace pour la sécurité et l'ordre publics à la fin de la mesure initiale, le commissaire de police en informe l'OCPM, qui demandera au TAPI la prolongation de la mesure. Le grief de violation de l'art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) est donc infondé.

Quant au grief de violation de la primauté du droit fédéral, il n'a pas davantage de substance. Le commissaire de police peut parfaitement, en l'état, prendre une mesure initiale d'une durée de deux ans, pour peu que cette durée soit compatible avec les exigences constitutionnelles ; le droit cantonal ne l'en empêche plus. Il peut par ailleurs demander, par l'intermédiaire de l'OCPM, la prolongation de la mesure au TAPI, si bien que l'on ne voit pas en quoi la mise en œuvre de l'art. 74 LEtr serait entravée par la procédure propre au canton de Genève.

Il n'y a en revanche pas lieu d'examiner si le droit genevois empêche le commissaire de police, comme il le prétend, de prononcer une nouvelle mesure d'interdiction. Ce cas ne correspond en effet pas à celui d'espèce. Il résulte en effet du dossier qu'une mesure d'interdiction courait déjà, et que le commissaire de police n'a ni annulé sa décision pour en prendre une autre en lieu et place, ni attendu le terme de la première mesure d'interdiction pour prendre la deuxième, étant précisé d'une part qu'il n'est ainsi pas nécessaire en l'état de se déterminer sur le caractère licite ou non de telles hypothèses, et d'autre part que l'annulation de la première mesure par la chambre de céans ne confère pas à la seconde le caractère de décision nouvelle, n'ayant pas cette qualité au moment de son prononcé.

c. Dès lors que la mesure ici en cause constituait bien une prolongation de celle adoptée le 14 juin 2018, elle a été prise par une autorité incompétente, seul le TAPI pouvant prolonger une mesure initiale fondée sur l'art. 74 LEtr, en vertu de l'art. 7 al. 3 let. b LaLEtr dont la teneur n'est pas contraire au droit fédéral.

La conclusion qu'en a tirée l'instance précédente, à savoir le constat de nullité de la mesure, ne prête pas le flanc à la critique, dès lors que l'incompétence de l'autorité décisionnaire est un vice procédural extrêmement grave, qui constitue du reste l'exemple type des cas de nullité.

Il résulte de ce qui précède que le recours du commissaire de police sera rejeté.

9) Malgré l'issue du recours, aucun émolument ne sera perçu, l'autorité recourante défendant sa propre décision (art. 87 al. 1 2ème phr. de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Vu cette issue, une indemnité de procédure de CHF 750.- sera allouée à l'intimé, qui y a conclu et a eu recours aux services d'un mandataire (art. 87 al. 2 LPA).

10) S'agissant du recours de M. A______, au vu de ce qui précède, sa crainte de voir entrer en force le jugement du TAPI concernant l'irrecevabilité éventuelle de son opposition n'est pas fondée, si bien qu'il n'a pas – le constat de nullité auquel est parvenu le TAPI étant ici confirmé – d'intérêt personnel et pratique à recourir. Son recours est donc irrecevable, ce qui doit être constaté sans autre d'acte d'instruction conformément à l'art. 72 LPA.

La question de l'indemnité de procédure devant le TAPI devenant dès lors seule en cause, c'est par la voie de la réclamation sur indemnité, prévue à l'art. 87 al. 4 LPA, que M. A______ doit, s'il s'y estime fondé, procéder (ATA/190/2016 du 1er mars 2016 consid. 3). À cet égard, la jurisprudence qu'il cite n'est pas pertinente, dès lors qu'il s'agissait d'un cas où la question des dépens cantonaux était directement réglée par le droit fédéral, en l'occurrence la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Vu la nature de la cause, aucun émolument ne sera perçu pour ce recours (art. 87 al. 1 cum art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et vu l'issue de celui-ci aucune indemnité de procédure ne sera allouée à M. A______ en sus de celle octroyée en lien avec le recours du commissaire de police.

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare irrecevable le recours déposé le 26 juillet 2018 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 juillet 2018 ;

déclare recevable le recours interjeté le 24 juillet 2018 par le commissaire de police contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 juillet 2018 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 750.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ; 

communique le présent arrêt au commissaire de police, à Me Gian Luigi Berardi, avocat de Monsieur A______, à ses curatrices, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Verniory, président, MM. Pagan et Martin, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

S. Cardinaux

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :