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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2335/2014

ATA/755/2014 du 23.09.2014 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2335/2014-FORMA ATA/755/2014

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 septembre 2014

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

DÉPARTEMENT DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA CULTURE ET DU SPORT

 



EN FAIT

1) Monsieur A______ (ci-après : l’élève), né le ______ 1994, a entrepris durant l’année scolaire 2010/2011 un apprentissage en école d’employé de commerce B______ (ci-après : B______), qu’il a interrompu en cours d’année.

2) Il a repris cet apprentissage dans la même école durant l’année scolaire 2011/2012. À la fin de celle-ci, il ne remplissait pas les conditions de promotion et il a été autorisé par la direction de l’établissement scolaire à répéter son année.

3) À la fin de l’année scolaire 2012/2013, étant promu, il a décidé de se réorienter et a intégré une classe de 2ème année de culture générale à C______ (c-après : C______), en option spécifique santé.

4) Au début de l’année scolaire 2013/2014, ses parents ont reçu du doyen des élèves de 2ème année (ci-après : le doyen) de C______ un courrier leur rappelant que l’élève avait déjà bénéficié d’un redoublement dans sa scolarité au niveau de l’enseignement secondaire postobligatoire. Le fait que cela soit intervenu dans une autre filière de formation n’avait pas d’importance. En cas d’échec en fin d’année, l’élève ne pourrait plus poursuivre sa scolarité à C______. Le doyen insistait sur la collaboration entre les parents et l’école pour suivre régulièrement les performances scolaires de l’élève et rappelait les possibilités de dépannage ponctuelles.

5) À l’issue du premier semestre d’études, l’élève s’est trouvé en situation d’échec. Dès lors, le 22 janvier 2014, le doyen a écrit aux parents de l’élève pour signaler une situation préoccupante. L’élève devait fournir un sérieux effort pour compenser ses notes insuffisantes car il n’aurait pas la possibilité de redoubler. Le doyen rappelait la possibilité de prendre contact avec la maîtresse de groupe, les psychologues et les conseillères d’orientation professionnelle qui travaillaient dans C______, ces dernières en cas d’intention de réorientation.

6) Le 19 juin 2014, le père de l’élève a écrit à la présidente du département de l’instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : le département). Son fils, effondré, l’avait informé la veille qu’il n’était pas promu. En effet, il était désireux d’obtenir un diplôme. Ce dernier avait remonté ses notes et, avant les derniers examens, était promu en 2ème année. Il prenait la responsabilité de l’échec scolaire de son fils car ce dernier avait vécu pendant sa préparation d’examens, et pendant ceux-ci, une situation familiale très mauvaise, rendant impossible une préparation et une concentration adéquate. Concernant la situation familiale visée, lui-même était en conflit avec son frère et sa sœur au sujet de leur mère, âgée de 90 ans, ces derniers l’empêchant par tous les moyens de la contacter. Celle-ci vivait en Espagne et, pour arriver à leurs fins, son frère et sa sœur avaient déposé plainte contre lui, ce qui avait conduit à son arrestation pendant une nuit. Lui-même avait déposé plainte pénale, la procédure étant en cours d’instruction. Tout ceci avait perturbé l’élève, bien que celui-ci se soit battu pour remonter ses notes.

Dans ce contexte, une chance supplémentaire devait être donnée à l’élève pour qu’il puisse obtenir son diplôme.

Ce courrier a été reçu le 20 juin 2014 par le département.

7) Le 24 juin 2014, le doyen a écrit aux parents de l’élève. Les résultats de ce dernier ne lui permettaient pas de poursuivre ses études à C______. Il leur transmettait son bulletin scolaire.

À teneur de ce document, l’élève avait plus de trois moyennes insuffisantes (mathématiques A, italien, biologie, chimie, physique et cinéma). L’écart négatif était de 2.2.

8) Le 8 juillet 2014, la direction générale de l’enseignement secondaire II (ci-après : DGES II) a écrit à l’élève. Le courrier adressé par son père à la présidente du département avait été considéré comme un recours contre la décision du doyen ne l’autorisant plus à poursuivre ses études à C______, selon confirmation du 24 juin 2014. Il ne remplissait ni les conditions de promotion ordinaire ni celles par dérogation. En effet, il avait obtenu des résultats insuffisants dans six disciplines et totalisait une somme des écarts négatifs à la moyenne de 2.2, supérieure à celle de 1.5 tolérée. S’il était indéniable que sa situation familiale avait pu le perturber, les problèmes invoqués ne permettaient pas à eux seuls d’expliquer la fragilité de ses résultats, alors qu’il avait bénéficié du redoublement de la 2ème année, sans compter le premier semestre de l’année scolaire 2010/2011.

9) Par acte posté le 8 août 2014, l’élève a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de la DGES II du 8 juillet 2014. Il contestait ladite décision et demandait de pouvoir continuer ses études, étant motivé pour cela. Dans sa décision, le département n’avait que trop partiellement tenu compte de sa situation familiale désastreuse et minimisé par trop les effets que cela avait eu sur la préparation de ses derniers examens. Il précisait que, depuis 2008, il avait vécu des moments difficiles sur le plan familial avec la maladie de son grand-père, décédé le 11 janvier 2011. Ces événements correspondaient à ses difficultés scolaires, alors qu’il n’avait à aucun moment pensé à abandonner ses études ayant l’ambition de sortir de l’école avec un certificat. Concernant ses derniers examens, leur préparation avait été perturbée en raison de la dépression de son père pendant cette période, ce qui l’avait obligé à s’en occuper. La DGES II avait commis des erreurs importantes dans l’état de fait à la base de la décision querellée. Contrairement à ce qui avait été retenu, il était entré à C______ en étant promu à l’issue de l’année scolaire 2012/2013. Sa mère se portait très bien et ce n’était pas elle qui avait été victime d’un cancer du côlon, mais sa grand-mère.

10) Le 29 août 2014, le département a répondu au recours, concluant à son rejet et à la confirmation de la décision de la DGSE II du 10 juillet 2014 refusant d’autoriser l’élève à répéter sa 2ème année de formation à l’ECG.

11) Un délai complémentaire au 2 septembre 2014 a été accordé aux parties pour formuler toute requête complémentaire, avec l’indication que, passée la date précitée, la cause serait gardée à juger. Celles-ci n’ont pas fait usage de ce délai.

EN DROIT

1) La chambre administrative est compétente pour connaître des recours contre les décisions du département concernant les élèves fréquentant les établissements scolaires publics (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05).

2) Le recours doit être interjeté dans les trente jours suivant la notification de la décision (art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

En l’occurrence, la décision querellée a été notifiée, au sens de l’art. 46 LPA, le 24 juin 2014, soit après l’envoi du courrier du 19 juin 2014 traité comme un recours par le département. Il ressort de ce courrier que ladite décision avait déjà été communiquée oralement au recourant la veille du 19 juin 2014. C’est donc à juste titre que le département a traité comme un recours le courrier qui lui a été adressé à cette dernière date.

3) Le recourant étant majeur à la date de la décision, il lui appartenait de faire lui-même recours (art. 8 al. 2 LPA a contrario). Toutefois, l’art. 9 LPA autorise qu’il agisse se faisant représenter par un ascendant majeur. C’est à juste titre que le département est entré en matière sur le recours interjeté par son père, non représenté par un avocat, en retenant qu’il agissait pour le compte de son fils.

4) La chambre de céans applique le droit d’office. Elle ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, sans être liée par les motifs invoqués (art. 69 LPA) ni par l’argumentation juridique développée dans la décision entreprise (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 300 n. 2.2.6.5). Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). La chambre administrative n’a toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

5) a. Selon l’art. 44A de la loi sur l’instruction publique du 6 novembre 1940 (LIP - C 1 10), l’ECG appartient à l’enseignement secondaire pour la scolarité secondaire II, qui assure un enseignement général et professionnel. Dans la continuité des objectifs du degré secondaire I, elle permet aux élèves d’approfondir et d’élargir les savoirs et les compétences acquis pendant la scolarité obligatoire. Elle dispense une formation de culture générale solide et complète, doublée, dans les écoles professionnelles, d’une formation théorique et pratique spécialisée. Les certificats délivrés au degré secondaire II garantissent l’accès aux filières de formation du degré tertiaire ou à la vie professionnelle. Le degré secondaire II prend des mesures facilitant, cas échéant, le changement de filière en cours de formation et l’accès aux formations tertiaires ne relevant pas des hautes écoles (art. 44 al. 2 LIP).

b. L’art. 47 al. 1 LIP délègue au Conseil d’État le pouvoir d’établir les conditions d’admission, de promotion et d’obtention des titres.

c. Selon l’art. 21 al. 1 du règlement de l’enseignement secondaire du 14 octobre 1998 (RES - C 1 10.24), les conditions de promotion sont fixées par les règlements de formation ou d’études, d’école ou de type d’école. Sur cette base, le Conseil d’État a adopté le règlement relatif à la formation « école du degré diplôme » à l’ECG du 8 mai 2002 (REDD - C 1 10.70).

6) Si le REDD contient des dispositions traitant des disciplines enseignées et des conditions de promotion des élèves dans le degré supérieur, l’art. 32 REDD prévoit que le département se doit de prendre des dispositions transitoires dérogeant au REDD soumises à l’approbation de la conseillère ou du conseiller d’État chargé du département, dans l’attente des normes de la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de l’instruction publique définissant les conditions d’obtention du diplôme de culture générale décerné par les écoles. Celles-ci doivent porter sur l’organisation des disciplines d’enseignement, des conditions de promotion, à propos des disciplines faisant l’objet d’un examen de diplôme, et des critères de réussite.

7) Sur cette base, le département a édicté des dispositions transitoires relatives à l’ECG, valables pour l’année scolaire 2013-2014 (ci-après : les dispositions transitoires) qui ont été approuvées le 2 septembre 2013 par le conseiller d’État en charge du département. Celles-ci règlent à l’art. 16 les conditions de promotion des élèves de l’ECG qui passent de 2ème en 3ème année. Le recourant ne contestant pas, à juste titre, qu’il ne les remplit pas, il n’y a pas lieu d’en contrôler plus loin l’application, la seule question litigieuse étant de savoir s’il devait être autorisé à redoubler son année.

8) Les dispositions transitoires ne contiennent aucune règle relative au redoublement. Cette question reste donc réglée par la réglementation ordinaire.

9) a. Selon l’art. 10 al. 4 REDD, la promotion par dérogation, le redoublement ou l’essai éventuels sont régis par le règlement de l’enseignement secondaire du 14 octobre 1998 (RES – C 1 10.24).

b. Les questions du redoublement sont réglées à l’art. 22 RES. Aux termes de l’art. 22 al. 1 RES, l’orientation des élèves constitue une part importante de la mission de l’école ; dans cette optique, la direction d’un établissement, sur proposition de la conférence des maîtres ou maîtresses de la classe ou du groupe, ou, dans des cas exceptionnels, de sa propre initiative, peut autoriser un élève non promu à répéter l’année. Il est tenu compte des circonstances qui ont entraîné l’échec, de la fréquentation régulière des cours et du comportement adopté par l’élève durant l’année.

Dans ce cadre, l’autorité scolaire bénéficie d’un très large pouvoir d’appréciation (ATA/680/2013 du 8 octobre 2013 ; ATA/57/2013 du 29 janvier 2013 ; ATA/47/2012 du 24 janvier 2012 consid. 5c ; ATA/634/2001 du 9 octobre 2001 consid. 10), dont la chambre de céans ne censure que l’abus ou l’excès. Ainsi, alors même que l’autorité resterait dans le cadre de ses pouvoirs, quelques principes juridiques les restreignent, dont la violation constitue un abus de celui-ci : elle doit exercer sa liberté conformément au droit, respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Alexandre FLUCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I : Les fondements, 3ème éd. 2012, p. 739 ss n. 4.3.2).

c. Un redoublement n’est cependant possible qu’une fois par filière (art. 22 al. 2 RES). En outre, un élève ne peut bénéficier de cette mesure ni deux années consécutives ni deux degrés consécutifs (art. 22 al. 3 RES).

10) En l’espèce, le recourant a déjà bénéficié de la possibilité de redoubler sa première année d’apprentissage en école. Dès lors, en application de l’art. 22 al. 3 RES, il n’est plus autorisé à redoubler sa deuxième année de formation postobligatoire, même s’il a changé d’école ou de type de filière. En refusant de le mettre au bénéfice de cette mesure, la direction de son école a correctement appliqué la loi et c’est à juste titre que le département a confirmé sa décision.

11) Le recourant se prévaut d’une situation personnelle et familiale difficile, qui l’a affecté dans son équilibre psychologique et l’a de ce fait entravé dans la préparation de ses examens, le conduisant à se trouver en situation d’échec à la fin l’année scolaire. Il demande qu’il en soit tenu compte pour obtenir une possibilité de répéter son année.

D’une manière générale, en matière de formation, la prise en compte a posteriori - soit après que l’étudiant se soit trouvé en situation d’échec dans sa formation - de problèmes de santé ou de difficultés personnelles ne peut l’être que de manière restrictive et que dans les cas où l’étudiant n’en avait sur le moment pas conscience. En l’espèce, la chambre administrative ne minimise pas les problèmes personnels et familiaux rencontrés par le recourant, mais si ces derniers étaient tels qu’ils portaient atteinte à sa capacité d’étudier, il lui appartenait de les faire valoir auprès de la direction C______ au moment de leur survenance, soit avant la fin de l’année scolaire, de façon que les mesures adéquates soient prises. En l’occurrence, le recourant n’a rien entrepris dans ce sens, si bien que la direction de C______ était fondée à refuser, après le constat de la non-promotion du recourant, que celui-ci poursuive malgré tout sa formation au sein de l’ECG. De même, c’est à juste titre que la DGES II a confirmé cette décision.

Le recours sera rejeté.

12) Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 août 2014 par Monsieur A______ contre la décision du département de l’instruction publique, de la culture et du sport du 8 juillet 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu’au département de l’instruction publique, de la culture et du sport.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :