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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1009/2021

ATA/743/2021 du 13.07.2021 ( DELIB ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1009/2021-DELIB ATA/743/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 juillet 2021

 

dans la cause

 

VILLE DE GENÈVE

contre

 

DÉPARTEMENT DE LA COHÉSION SOCIALE

 



EN FAIT

1) Madame A______, décédée le ______ 1993, a, par testament du ______ 1982, notamment institué la Ville de Genève (ci-après : la ville) en qualité d'unique héritière de ses biens « en faveur de son service social et plus particulièrement pour les personnes âgées ».

2) La ville a ainsi acquis le patrimoine résultant de la succession précitée et constitué un fonds, soit le « fonds A______ ».

3) Suite à la révision de la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 (LAC – B 6 05) en 2016, prévoyant notamment l'introduction du modèle comptable harmonisé MCH2, le Conseil administratif de la ville a adopté le 12 décembre 2017 un règlement d'utilisation du fonds A______ (ci-après : le règlement d'utilisation).

4) Au cours du processus d'élaboration du budget 2021 de la ville, le département municipal en charge des affaires sociales a proposé au Conseil municipal de prélever CHF ______ sur le fonds A______ dans le but d'allouer CHF ______ à la B______, respectivement CHF ______ au financement de l'exploitation, par l'Hospice général (ci-après : l'hospice), de la « C______ ».

La B______, en tant qu'entreprise sociale visant à l'accompagnement et à l'intégration sociale de personnes en difficultés sociales, parmi ses nombreuses activités, fournissait notamment aux seniors de la ville un service de blanchisserie, que le montant précité était destiné à financer.

La « C______ » était une maison de vacances et de convalescence, sise ______, propriété de la ville et de l'hospice, accueillant des aînés et des personnes au bénéfice de prestations de l'assurance-invalidité (ci-après : AI).

5) À teneur d'articles parus dans la presse locale à l'automne 2020, la ville avait décidé de supprimer les subventions qui étaient, jusqu'en 2020, versées directement à B______ et à la « C______ » – qui constituaient alors, d'un point de vue comptable dans le budget de fonctionnement, des charges – pour les réaffecter à l'aide sociale d'urgence en faveur des personnes démunies et sans bri, dont la crise sanitaire avait considérablement accru les besoins.

6) Le 7 décembre 2020, le service des affaires communales (ci-après : SAFCO), rattaché au département cantonal de la cohésion sociale (ci-après : DCS ou le département), ayant pris connaissance des articles de presse précités, a demandé au département de la ville en charge des finances de lui transmettre toutes les informations et pièces utiles à la compréhension de l'affectation des CHF ______ provenant du fonds A______ dans le budget 2021. Était requise en particulier toute documentation pertinente relative aux conditions du legs de feu Mme A______ et aux prestations faisant l'objet de la subvention municipale à B______. Par ailleurs, toute pièce permettant de documenter, s'il y en avait un, le lien établi entre les financements proposés et ceux consacrés à l'urgence sociale, était bienvenue.

7) Par délibération du 12 décembre 2020, le Conseil municipal a approuvé le budget de fonctionnement de la ville pour l'année 2021, lequel, conformément aux propositions formulées précitées, comptabilisait à titre de revenu le montant de CHF ______ prélevé dans le fonds A______.

8) Le 23 décembre 2020, le conseiller administratif en charge des finances de la ville a indiqué au SAFCO que, par des fuites émanant de la commission des finances, la presse avait obtenu des éléments avant que le rapport de cette commission sur le budget 2021 ne soit rendu. Au 31 décembre 2019, le fonds A______ était constitué d'un montant de près de CHF ______. Dans le cadre du projet de budget 2021, des propositions avaient été formulées quant à la prise en charge par ce fonds de deux prestations bénéficiant aux personnes âgées pour un total de CHF ______. La première prestation concernait la part du déficit prévisionnel de la maison de vacances pour personnes âgées la « C______ » à hauteur de CHF ______ et la seconde l'activité de blanchisserie effectuée par B______, qui s'adressait aux personnes au bénéfice d'une rente AVS ou AI. L'âge moyen des quatre mille cent vingt-six bénéficiaires était de 69,4 ans, dont 12 % avaient plus de 90 ans. Cette prestation désormais offerte par B______ était précédemment effectuée par le service social de la ville.

Aucune pièce n'était jointe à ce courrier.

9) Lors de sa séance du 3 février 2021, le conseil administratif a, par deux décisions, approuvé le prélèvement sur le fonds A______ de la somme de CHF ______ afin de financer B______ et la « C______ », étant précisé que le délai légal d'approbation du budget municipal par le département arrivait à échéance le 19 février 2021.

10) Par décision du 17 février 2021, le DCS a approuvé la délibération du Conseil municipal du 12 décembre 2020 et le budget de fonctionnement de la ville pour l'année 2021. Il a toutefois formulé deux remarques, la seconde concernant le prélèvement de CHF ______ sur le Fonds A______ porté en revenu au budget indiquant : « Ce prélèvement, en ceci qu'il n'attribue pas de nouvelles ressources en faveur des personnes âgées, viole les conditions du legs. Ce revenu ne pourra donc pas être comptabilisé dans les comptes 2021 ».

11) Le 26 février 2021, le Conseil administratif a demandé au Conseil d'État de constater que la décision du DCS du 17 février 2021 était nulle, en tant qu'elle assortissait l'approbation de la délibération budgétaire du 12 décembre 2020 de deux remarques.

En effet, la portée juridique de ces dernières était ambiguë et nécessitait une clarification de la part du Conseil d'État. Si l'approbation du budget municipal ressortissait à la compétence du DCS, seul le Conseil d'État était compétent pour prononcer l'annulation, totale ou partielle, des délibérations municipales. Le cas d'une approbation de la délibération budgétaire avec remarques n'était pas prévu par la loi. Le sens et la portée d'une remarque étaient ainsi incertains. Soit celle-ci exprimait une simple réflexion de l'autorité d'approbation, auquel cas il n'y avait pas de raison qu'elle figure dans le dispositif de la décision puisqu'elle n'était pas destinée à produire un effet juridique contraignant à l'égard de la commune concernée, soit elle constituait une réserve, ce qui signifiait que le budget n'était que partiellement approuvé. Dans ce dernier cas, la décision équivalait à une annulation partielle de la délibération budgétaire, qui ne pouvait être prononcée valablement que par le Conseil d'État. En l'occurrence, si le département avait voulu, par ses remarques, émettre des réserves au budget 2021 de la ville, sa décision était nulle, faute de compétence.

Au surplus, les motifs invoqués par le DCS à l'appui de ses remarques étaient infondés. Ni le testament ni le règlement d'utilisation du fonds A______ n'imposaient que ce dernier ne puisse servir qu'à l'attribution de nouvelles ressources en faveur des personnes âgées. Les deux affectations proposées, soit le service de buanderie effectué par B______ et la « C______ » étaient bel et bien destinées aux personnes âgées. Elles avaient été adoptées en pleine connaissance de cause, dès lors qu'elles avaient été présentées sous forme d'amendements du Conseil administratif au projet de budget et dûment discutées lors des débats suivants de la commission des finances et du conseil municipal.

12) Le 18 mars 2021, la ville a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du DCS du 17 février 2021. Elle concluait principalement à ce que soit constatée la nullité de la remarque n° 2 énoncée dans cette décision approuvant la délibération du Conseil municipal du 12 décembre 2020 adoptant le budget de fonctionnement de la ville pour 2021. Subsidiairement, elle concluait à l'annulation de la remarque n° 2 énoncée dans cette décision approuvant la délibération du Conseil municipal du 12 décembre 2020 adoptant le budget de fonctionnement de la ville pour 2021.

La décision attaquée ayant pour objet principal d'approuver le budget de fonctionnement 2021 de la ville, elle constituait une décision au sens de la loi. S'agissant en revanche des remarques dont elle était assortie, la question devait se poser selon l'alternative suivante : soit ces remarques ne déployaient aucun effet juridique contraignant pour la mise en œuvre du budget 2021 et ne constituaient pas des décisions, ce qui conduisait à l'irrecevabilité du recours ; soit elles étaient destinées et propres à sortir un effet juridique obligatoire à charge de la ville, avec un effet direct sur ses droits et obligations, et partageaient ainsi la nature de décision administrative de l'acte d'approbation du budget municipal. En l'occurrence, seule la seconde remarque faisait l'objet du recours. Même si elle n'énonçait qu'une interdiction de comptabiliser dont le contrôle n'interviendrait que lors de l'approbation des comptes, elle déployait d'ores et déjà un effet sur le budget. Matériellement, l'autorisation de dépense donnée par le budget à hauteur des ressources issues du fonds A______ était paralysée par l'interdiction de comptabiliser. Ainsi, la remarque visant ce but constituait un acte contraignant limitant les droits de la ville, respectivement lui imposant une obligation, et donc un acte sujet à recours.

Dans la mesure où la décision attaquée était assortie de remarques équivalant à des réserves, déployant des effets juridiques contraignants, elle devait être considérée comme une approbation limitée du budget municipal. Dès lors que ce cas de figure n'était pas prévu par la loi, il fallait retenir qu'il s'agissait d'une décision consistant à invalider partiellement la délibération budgétaire, laquelle relevait de la compétence du Conseil d'État et non du DCS. Un vice d'une telle gravité impliquait la nullité de la décision.

Les affectations décidées pour les CHF ______ prélevés dans le fonds A______ étaient conformes tant au testament de Mme A______ qu'aux dispositions du règlement d'utilisation du fonds et étaient destinées à financer des prestations pour les personnes âgées. Le fait que l'utilisation du montant précité pour le financement de la « C______ » et l'exploitation de la buanderie de B______ vienne en quelque sorte suppléer le financement que la ville leur apportait précédemment n'était pas de nature à remettre en cause ce constat. La ville était libre de définir budgétairement l'affectation de ses propres ressources générales. Partant, la position du DCS à cet égard était erronée.

13) Le 22 avril 2021, le DCS a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet.

La formulation de remarques dans les décisions d'approbation de délibérations des communes et leur présence à la suite du dispositif des décisions rendues n'était pas prévues par la loi, mais constituait une pratique administrative courante du SAFCO, datant de nombreuses années. À titre d'exemples, pièces à l'appui, les délibérations du Conseil municipal de la ville sur les budgets de fonctionnement des années 2017, 2018 et 2020 avaient toutes fait l'objet de remarques, y compris lors de l'approbation des comptes. Cette pratique se justifiait dans la mesure où elle permettait d'attirer l'attention de l'autorité sur des irrégularités de peu d'importance, au vu du budget global, et la nécessité de les corriger pour éviter que les comptes ne soient éventuellement refusés, cela sans devoir formellement annuler une délibération. Si la décision attaquée était une décision sujette à recours, tel n'était pas le cas de la remarque litigieuse. Cette pratique s'avérait efficace et efficiente. Les remarques n'avaient aucun effet juridique contraignant, faute de disposition légale en ce sens. La mention à la suite du dispositif d'une décision n'était pas de nature à considérer cette dernière comme une décision d'annulation partielle.

En l'occurrence, la seconde remarque n'était pas une décision, mais une prise de position, voire une recommandation. La ville était libre de s'y conformer ou non, comme elle l'avait d'ailleurs fait pour la première remarque qui figurait pour la deuxième année consécutive dans les décisions d'approbation du budget 2021, ce qui signifiait qu'elle n'en avait pas tenu compte en 2020. Ainsi, le recours était irrecevable.

Conformément à la loi, le DCS était, sur délégation du Conseil d'État et en tant que département de tutelle du SAFCO, compétent pour approuver les délibérations du Conseil municipal de la ville concernant le budget de fonctionnement et les comptes annuels.

Les décisions de prélever CHF ______ et CHF ______ sur le fonds A______ pour financer B______ et la « C______ » n'étaient conformes ni au règlement d'utilisation du fonds, ni à la volonté de feu Mme A______. À la demande du SAFCO, Me D______ avait émis le 12 mars 2021 un avis de droit portant sur la question de savoir si la ville était autorisée à prélever sur le fonds A______ un montant total de CHF ______ destiné à financer B_____ à hauteur de CHF ______ et la « C______ » pour CHF ______ tout en supprimant, en parallèle, les subventions qu'elle accordait précédemment à ces deux entités. Une analyse juridique de cette question avait conduit le précité à retenir qu'une interprétation du testament et du règlement d'utilisation permettait de conclure que le fonds A______ ne pouvait être utilisé que pour verser des aides financières ou pour financer des projets destinés aux personnes en âge de recevoir une rente vieillesse. Toute autre utilisation était exclue. En revanche, ni le règlement d'utilisation ni le testament ne postulaient que le fonds A______ ne devait servir qu'à attribuer de nouvelles ressources en faveur des personnes âgées. Une analyse prima facie pouvait conduire à admettre la licéité des deux décisions d'affectation de la ville, dès lors qu'elles bénéficiaient directement et spécifiquement à des personnes âgées ou en âge de recevoir une rente vieillesse. Il convenait toutefois de les replacer dans le contexte dans lequel ces décisions avaient été prises, en ce sens que la ville avait décidé de supprimer, pour 2021, les subventions précédemment octroyées à B______ et à la « C_____ » pour les réaffecter à l'aide sociale d'urgence en faveur des personnes démunies et sans-abri. Les prélèvements dans le fonds A______ avaient ainsi eu pour finalité de remplacer le versement de ces subventions. Ainsi, le transfert des charges en faveur de l'aide sociale d'urgence n'avait été rendu possible que par le prélèvement des CHF ______, de sorte que l'utilisation de ce montant n'était pas originellement et directement destinée aux personnes âgées, ayant en réalité servi de « variable d'ajustement » pour permettre à la ville de subventionner l'aide sociale d'urgence sans avoir à trouver de nouvelles sources de financement ni alourdir les charges figurant dans son budget de fonctionnement pour l'année 2021. Le DCS se ralliait à cette analyse, étant encore relevé que la ville n'avait pas démontré que toutes les personnes ayant besoin de l'aide sociale d'urgence étaient des personnes âgées ou en âge de percevoir une rente, même s'il n'était pas exclu que cela soit le cas de certains.

14) Le 21 mai 2021, la ville a répliqué, persistant dans les conclusions de son recours.

Si la pratique du SAFCO visant à assortir ses décisions de remarques n'était pas contestée, il fallait préciser que celles-ci avaient des objets très variés et pas toutes la même portée juridique. Le fait que la ville n'avait pas contesté les remarques émises les années précédentes n'avait pas d'incidence sur leur qualification juridique. Le département adoptait une position contradictoire et ambiguë en alléguant que la remarque litigieuse n'était pas contraignante, alors même que la ville s'exposait au rejet de ses comptes si elle l'ignorait, tout en faisant valoir fermement son point de vue et sa motivation quant à la prétendue illicéité de l'utilisation des deniers du fonds A______.

La conclusion de l'avis de droit sur lequel le département fondait désormais son raisonnement quant au prélèvement sur le fonds A______ reposait exclusivement sur le « contexte » de l'attribution des montants. Il s'agissait d'une appréciation purement politique et non juridique. Or, la ville disposait d'une garantie de son autonomie communale dans l'élaboration de sa politique sociale et dans l'utilisation à cette fin de ses ressources financières, y compris issues de libéralités de tiers, et aucune disposition légale n'empêchait le désengagement des ressources propres de la ville pour financer d'autres activités.

15) Le 10 juin 2021, le DCS a renoncé à dupliquer et persisté dans ses conclusions.

16) Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) La chambre administrative est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) Selon l'art. 132 al. 2 LOJ, le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des articles 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA- E 5 10). Font notamment partie des autorités administratives, les autorités communales, les services et les institutions qui en dépendent (art. 5 let. f LPA) et les personnes, institutions et organismes investis du pouvoir de décision par le droit fédéral ou cantonal (art. 5 let. g LPA).

Un recours n'est toutefois pas recevable contre les décisions pour lesquelles le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132
al. 7 LOJ). À l'inverse, il peut être ouvert dans d'autres cas que contre des décisions lorsque la LOJ ou une autre loi le prévoit expressément (art. 132 al. 3 à 6 LOJ).

3) a. Il s'agit en premier lieu de déterminer si la seconde remarque figurant dans le dispositif de la décision du DCS du 17 février 2021, approuvant la délibération d'approbation du budget de fonctionnement 2021 de la recourante, peut être ou non qualifiée de décision sujette à recours.

b. Au sens de l'art. 4 al. 1 LPA sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité, dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal, et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral
(art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021), ce qui est également valable pour les cas limites, ou plus exactement pour les actes dont l'adoption n'ouvre pas de voie de recours. Ainsi, de manière générale, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, de même que les avertissements ou certaines mises en demeure (arrêts du Tribunal fédéral
8C_220/2011 du 2 mars 2012 ; 8C_191/2010 du 12 octobre 2010 consid. 6.1 ; 1C_408/2008 du 16 juillet 2009 consid. 2 ; ATA/238/2013 du 16 avril 2013 consid. 3a ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., 2010, n. 867 ss ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, pp. 179 ss n. 2.1.2.1 ss et 245 n. 2.2.3.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 269 ss n. 783 ss). Ces dernières peuvent constituer des cas limites et revêtir la qualité de décisions susceptibles de recours, lorsqu'elles apparaissent comme des sanctions conditionnant ultérieurement l'adoption d'une mesure plus restrictive à l'égard du destinataire. Lorsque la mise en demeure ou l'avertissement ne possède pas un tel caractère, il n'est pas sujet à recours (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 180, n.2.1.2.1 ; Alfred KÖLZ/Isabelle HÄNER/Martin BERTSCHI, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 3ème éd., 2013, p. 310 ; ATA/715/2014 du 9 septembre 2014 consid. 3 ; ATA/537/2014 du 17 juillet 2014 consid. 2 ; ATA/104/2013 du 19 février 2013 consid. 2).

De même, ne sont pas des décisions les actes internes ou d'organisation, qui visent les situations à l'intérieur de l'administration ; il peut y avoir des effets juridiques, mais ce n'en est pas l'objet. C'est pourquoi ils ne sont en règle générale pas susceptibles de recours (ATF 136 I 323 consid. 4.4 ; 8C_191/2010 du 12 octobre 2010 consid. 6.1 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, op. cit., no 2.1.2.3 p. 164).

Les mesures d'organisation administrative, aussi qualifiées d'actes internes ou d'organisation de l'administration, s'adressent à leur destinataire en qualité d'organe, d'agent, d'auxiliaire ou de service chargé de gérer une tâche publique sans autonomie. Le destinataire n'est pas l'administré mais l'administration. Deux critères permettent ainsi de distinguer une décision d'un acte interne: celui-ci n'a pas pour objet de régler la situation juridique d'un sujet de droit en tant que tel et le destinataire en est l'administration elle-même dans l'exercice de ses tâches (ATF 136 I 323 consid. 4.4 ; ATA/846/2014 du 28 octobre 2014 consid. 3 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p.343).

c. L'approbation, tout comme l'approbation partielle et l'annulation d'une séance de délibération du conseil municipal portant sur l'adoption du budget de fonctionnement sont régis par les art. 88 ss. LAC. Toutefois, le cas de figure de l'adjonction de remarques dans le dispositif d'une décision du DCS approuvant l'adoption d'un budget n'est pas expressément prévu par les dispositions précitées.

d. En l'espèce, la seconde remarque figurant dans le dispositif de la décision attaquée, faisant l'objet du présent litige, concerne l'affectation du prélèvement de CHF ______, délibérée par le Conseil municipal de la recourante.

De l'aveu même du département, cette remarque a été émise conformément à sa pratique constante et constitue un simple commentaire, voire une recommandation, destinée à attirer l'attention de la ville sur le fait que l'affectation précitée serait susceptible de soulever la question de sa licéité et de sa conformité au testament du légataire ainsi qu'aux dispositions du règlement d'utilisation du fonds ayant été constitué à la suite du legs.

Ainsi, à ce stade du processus d'adoption du budget de fonctionnement de la recourante, force est de constater que la remarque litigieuse ne déploie pas à son égard d'effets juridiques contraignants. Celle-ci ne répondant pas aux caractéristiques d'une décision administrative sujette à recours au sens de l'art. 4 al. 1 LPA, le recours, en tant qu'il est dirigé spécifiquement contre cette seconde remarque contenue dans la décision du 17 février 2021, devra être déclaré irrecevable.

4) Vu ce qui précède, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 18 mars 2021 par la Ville de Genève contre la seconde remarque mentionnée dans le dispositif de la décision du département de la cohésion sociale du 17 février 2021 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de la Ville de Genève ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à de la Ville de Genève ainsi qu'au département de la cohésion sociale.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, MM. Verniory, Chenaux et Mascotto, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :