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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/337/2024

ATA/620/2024 du 21.05.2024 sur JTAPI/157/2024 ( LCR ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/337/2024-LCR ATA/620/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 mai 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Killian SUDAN, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 février 2024 (JTAPI/157/2024)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : le conducteur), ressortissant français né le ______ 1987, est titulaire du permis de conduire suisse catégorie B.

b. Le conducteur a fait l’objet de plusieurs décisions de l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) qu’il conteste avoir reçues. Sa domiciliation, singulièrement en 2023, est litigieuse.

c. À teneur des renseignements de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), l’intéressé a été domicilié sur France jusqu’au 17 février 2017, avant de déménager au 1______, rue B______ à Thônex chez C______. Le 24 octobre 2023, il a annoncé à l’OCPM son déménagement, à compter du 1er octobre 2022, à la route de D______ à la Plaine, chez E______.

B. a. Le 26 octobre 2022, l’OCV a prononcé un retrait du permis de conduire d’A______ d’une durée d’un mois. La décision a été envoyée par courrier A+ à Thônex. À teneur de l’accusé de réception de la Poste, elle a été distribuée le 27 octobre 2022.

b. Par pli simple du 19 janvier 2023, envoyé à son adresse à Thônex, l’OCV a indiqué au conducteur avoir été informé qu’il s’était fait contrôler le 5 janvier 2023 au volant d’un véhicule par la police bernoise, laquelle avait relevé qu’il conduisait malgré une mesure de retrait du permis de conduire et sous l’influence présumée de stupéfiants. Il était invité à formuler ses observations.

Le courrier est revenu avec la mention « pas à cette adresse ».

c. Le 16 février 2023, le conducteur a été entendu par le Corps des gardes-frontières suite à un contrôle au passage frontière de Boncourt (JU) pour avoir, le même jour, conduit malgré un retrait de permis. Le conducteur a indiqué résider à Ferney‑Voltaire (France).

d. Le 17 février 2023, l’OCV a adressé au conducteur un courrier identique à celui du 19 janvier 2023 à son adresse en France.

e. Par courriel du 2 mars 2023, le conducteur a fait suite à un entretien téléphonique avec l’OCV. Il transmettait ses observations sur les faits du 5 janvier 2023. Il avait rencontré à l’époque des problèmes avec l’acheminement de son courrier. Il venait de prendre connaissance de la suspension de son permis de conduire. Il ne comprenait pas sa situation administrative et comptait sur l’OCV pour trouver une solution « des plus correctes ».

f. Par courrier du 2 mars 2023 adressé à l’intéressé à son adresse française, l’OCV a indiqué attendre le rapport de police complet.

g. Le 13 mars 2023, l’OCV a informé le Ministère public du canton du Jura qu’au moment des faits survenus le 16 février 2023, le conducteur ne se trouvait plus sous le coup du retrait de permis de conduire prononcé le 26 octobre 2022, lequel aurait été exécutoire depuis le 4 janvier 2023 et avait pris fin le 3 février 2023.

C. a. Par décision du 15 mars 2023, l’OCV a intimé au conducteur l’obligation de se soumettre à une expertise par un médecin de niveau 4 afin d’élucider des doutes quant à son aptitude à la conduite. Un délai de trois mois lui a été fixé à cet effet.

Le courrier a été envoyé par pli recommandé en France. Il est revenu avec la mention « pli avisé et non réclamé ». Selon le suivi de la Poste, la distribution au domicile de l’intéressé les 20 mars 2023 à 14h02 et le lendemain à 9h26 avait été infructueuse, le destinataire étant absent.

b. Par courriel du 3 avril 2023 au conducteur, l’OCV a fait suite à un entretien téléphonique du même jour avec celui-ci. L’OCV évoquait « la décision que notre office tente de vous notifier de manière infructueuse » et le priait de transmettre une adresse postale valide. À défaut, la décision du 15 mars 2023 serait notifiée par voie édictale.

c. Le 18 avril 2023, la décision a été envoyée à l’intéressé par pli simple à son adresse en France. Le courrier rappelait que la notification était intervenue à l’échéance du délai de garde postal du premier envoi.

d. Par courrier A du 19 juin 2023 au conducteur à son adresse en France, l’OCV l’a informé qu’aucun rapport d’expertise ne lui était parvenu dans le délai fixé à cet effet. Un délai pour transmettre ses observations lui était imparti.

Aucune suite n’y a été donnée.

e. Par décision du 4 juillet 2023 envoyée par pli recommandé à son adresse française, l’OCV a prononcé le retrait du permis de conduire d’A______ pour une durée indéterminée. En l’absence de transmission d’une expertise telle qu’ordonnée par décision du 15 mars 2023, entrée en force, son inaptitude à la conduite était présumée, de sorte qu’il y avait lieu de l’écarter de la circulation routière pour une durée indéterminée pour des raisons de sécurité en application de l’art. 16d de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01). La décision était déclarée immédiatement exécutoire.

Le pli est revenu avec la mention « non réclamé ». Selon le suivi de la Poste, la distribution au domicile de l’intéressé le 8 juillet 2023 à 12h17 avait été infructueuse, le destinataire étant absent.

f. Le 22 août 2023, la décision du 4 juillet 2023 a été envoyée à l’intéressé par pli simple à son adresse en France. Le courrier rappelait que la notification était intervenue à l’échéance du délai de garde postal du premier envoi.

g. Le 17 octobre 2023, A______ a fait l’objet d’un contrôle de police. Il a déclaré être domicilié à Thônex, chez C______, et faire élection de domicile chez E______ à la Plaine. Il était indépendant. Son entreprise était sise à la route de D______ à la Plaine. Selon le rapport de police, l’intéressé faisait l’objet d’un mandat d’arrêt convertible émis par les autorités bernoises pour un montant de CHF 40.- et valable jusqu’au 10 octobre 2024. Il faisait l’objet de plusieurs recherches de lieu de séjour émises par les autorités de Winterthur et Zurich pour des amendes non payées d’un montant total de CHF 1'790.-.

h. Le 18 octobre 2023, le conducteur s’est rendu aux guichets de l’OCV afin d’obtenir des renseignements sur sa situation, suite au contrôle de la veille.

i. Le 13 décembre 2023, par courrier A+ adressé à l’adresse de la Plaine, l’OCV a indiqué à A______ que la police lui avait transmis le rapport établi suite aux infractions à la circulation routière commises le 17 octobre 2023 à 16h41. Il faisait l’objet d’un retrait de permis de conduire pour une durée indéterminée prononcé le 4 juillet 2023 et n’était plus en droit de circuler avec des véhicules à moteur. La levée de cette mesure était subordonnée à la présentation d’une expertise favorable émanant d’un médecin de niveau 4. Son attention était attirée sur le fait que selon l’art. 16c al. 4 LCR, pour toute conduite sous retrait, un délai d’attente correspondant à la durée minimale prévue pour l’infraction devait être fixé. La durée minimale avant toute levée de mesure était ainsi de douze mois, dès le 17 octobre 2023.

D. a. Par acte du 29 janvier 2024, le conducteur a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions de l’OCV du 15 mars, du 4 juillet et du 13 décembre 2023, concluant, à titre préalable, à ce que le TAPI dise et constate que le recours avait effet suspensif, et à titre principal, à l’annulation de la décision du 15 mars 2023 et à ce qu’il constate la nullité des décisions du 15 mars et du 4 juillet 2023, subsidiairement, à leur annulation, et encore plus subsidiairement, au renvoi de la cause à l’OCV.

La dernière décision avait été notifiée le 13 décembre 2023, de sorte que l’ensemble des décisions pouvaient être attaquées conjointement. S’il fallait considérer que chacune d’elles devait être attaquée séparément, s’agissant des deux premières, celles-ci lui avaient été soumises le 18 octobre 2023. Or, après avoir informé l’OCV qu’il ne les avait jamais reçues auparavant, il était resté dans l’attente d’un retour formel de l’autorité, tel que cela avait été convenu aux guichets de l’OCV. Il attendait donc une reconsidération de ces décisions et n’avait, de bonne foi, aucune raison de les contester dans l’intervalle. Ce n’était que le 13 décembre 2023 que le recourant avait clairement et réellement été informé que l’OCV maintenait les deux premières décisions afin de justifier sa troisième.

Les décisions du 4 juillet et du 13 décembre 2023 devaient être déclarées nulles, car elles reposaient sur une cause inexistante, soit l’absence de soumission à une expertise. Cet ordre ne lui avait pas été notifié valablement, sans faute de sa part, car l’autorité s’était trompée d’adresse. Subsidiairement, ces décisions devaient être annulées, car elles violaient les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 16d LCR. L’autorité ne pouvait lui reprocher d’avoir adopté un comportement contraire à des décisions dont il n’aurait eu connaissance la première fois qu’en se rendant aux guichets de l’OCV le 18 octobre 2023 et dont il n’aurait eu confirmation que le 13 décembre 2023.

Il a notamment produit copie de son autorisation de séjour B UE/AELE, valable jusqu’au 17 février 2022, mentionnant comme date d’entrée sur territoire helvétique le 18 février 2017 et une adresse à Thônex.

b. L’OCV a conclu à l’irrecevabilité des conclusions sur effet suspensif et du recours, subsidiairement à son rejet.

Le courrier du 13 décembre 2023 n’était pas une décision et les décisions des 15 mars et 4 juillet 2023 étaient définitives et exécutoires.

c. Par jugement du 23 février 2024, le TAPI a déclaré irrecevable le recours interjeté contre les décisions de l’OCV des 15 mars et 4 juillet 2023 et le courrier du 13 décembre 2023.

La question de la détermination exacte de la notification des décisions des 15 mars et 4 juillet 2023 pouvait souffrir de rester indécise. En effet, bien qu’il contestât que ces décisions lui aient été valablement notifiées, le recourant avait, à tout le moins, déclaré en avoir pris connaissance le jour où il s’était rendu aux guichets de l’OCV, le 18 octobre 2023. Ainsi, dans l’hypothèse qui lui était la plus favorable, la notification de ces décisions avait été effectuée à cette date, de sorte que le délai de trente jours pour recourir contre ces décisions avait commencé à courir, au mieux, le lendemain, soit le 19 octobre 2023, et était ainsi arrivé à échéance le 20 novembre 2023. Or, le recourant n’avait formé aucun recours dans ce délai et s’était contenté d’adopter une attitude passive en vue d’une potentielle reconsidération des décisions de l’OCV, ce qui ne pouvait être admis sur la base du principe de la bonne foi. Au demeurant, conformément à l’art. 16 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), un délai fixé par la loi ne pouvait être prolongé, hormis en cas de force majeure, ce que le recourant n’avait ni allégué, ni démontré. Ces décisions étaient entrées en force, de sorte qu’elles ne pouvaient plus faire l’objet d’un recours, lequel devait être déclaré irrecevable.

Le courrier du 13 décembre 2023 ne remplissait pas tous les critères prévus par l’art. 4 LPA et par la jurisprudence. Le contenu ne tendait pas à modifier la situation juridique ou factuelle du recourant, mais à lui rappeler le contenu des décisions précédentes, entrées en force. Ce courrier lui indiquait uniquement les modalités concrètes, ex lege, d’une éventuelle levée de la mesure de retrait de permis dont il faisait l’objet. Ce courrier ne constituait pas une décision administrative sujette à recours, mais une simple communication de l’administration.

E. a. Par acte du 22 mars 2024, A______ a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement. Il a conclu à son annulation, à ce que son recours soit déclaré recevable et la cause renvoyée au TAPI. Il devait être constaté que le recours avait effet suspensif.

Les art. 29 al. 2 Cst., 4, 46 et 47 LPA avaient été violés.

Il s’était immédiatement rendu dans les locaux de l’OCV lorsque la police avait fait état de deux décisions dont il n’avait pas connaissance. La personne au guichet lui avait dit qu’elle se renseignerait et lui reviendrait. Il avait en conséquence attendu des nouvelles de l’autorité intimée qui lui avait répondu, par courrier du 13 décembre 2023, qu’elle maintenait ses décisions. Cette lettre représentait la première notification valable des décisions de l’OCV. Il s’agissait donc d’une décision. Il avait de surcroît, plaidé la nullité de cette décision, ce que le TAPI n’avait pas examiné.

L’OCV avait abusé de son pouvoir d’appréciation et violait le principe de la bonne foi.

b. L’OCV a conclu au rejet du recours. L’intéressé avait agi contrairement aux principes de la bonne foi en attendant jusqu’au 29 janvier 2024 pour recourir contre des décisions qu’il avait pu prendre en photo le 18 octobre 2023. Il avait été arrêté en février 2023 par les autorités jurassiennes et savait, à tout le moins depuis cette date, qu’il faisait l’objet d’une procédure administrative. Le conducteur avait alors communiqué une adresse de domicile française. L’OCV contestait avoir évoqué une possible reconsidération le 18 octobre 2023.

Il produisait notamment un rapport de remise de son courriel du 3 avril 2023 et un courriel de l’OCPM confirmant que l’intéressé lui avait annoncé, le 24 octobre 2023, son déménagement, à compter du 1er octobre 2022, de Thônex à la Plaine.

c. Dans sa réplique, le conducteur a insisté sur le fait que ses changements d’adresses avaient été effectués dans les délais, étaient enregistrés et devaient être connus de l’OCV. La notification en France des décisions litigieuses résultait d’une inadvertance de l’autorité intimée.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 ‑ LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du jugement du TAPI déclarant irrecevable le recours contre les décisions des 15 mars, 4 juillet et 13 décembre 2023.

2.1 Les décisions sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2 1re phr. LPA).

Le délai de recours contre une décision finale court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 62 al. 3 1re phr. LPA).

La décision qui n’est remise que contre la signature du destinataire ou d’un tiers habilité est réputée reçue au plus tard sept jours après la première tentative infructueuse de distribution (art. 62 al. 4 LPA).

2.2 Selon une jurisprudence bien établie, les communications des autorités sont soumises au principe de la réception. Il suffit qu’elles soient placées dans la sphère de puissance de leur destinataire et que celle-ci soit à même d’en prendre connaissance pour admettre qu’elles ont été valablement notifiées. Autrement dit, la prise de connaissance effective de l’envoi ne joue pas de rôle sur la détermination du dies a quo du délai de recours (ATF 144 IV 57 consid. 2.3.2 ; 142 III 599 consid. 2.4.1). L’art. 62 al. 4 LPA concrétise la jurisprudence en matière de notification des actes adressés sous pli recommandé, selon laquelle l’envoi non retiré dans le délai de garde de sept jours est réputé notifié le dernier jour de ce délai (ATF 134 V 49 consid. 4 et les références citées).

Celui qui se sait partie à une procédure et qui doit dès lors s’attendre à recevoir des actes de l’autorité est tenu de relever son courrier ou, s’il s’absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins (ATF 141 II 429 consid. 3.1). Une telle obligation signifie que le destinataire doit, le cas échéant, désigner un représentant, faire suivre son courrier, informer les autorités de son absence ou leur indiquer une adresse de notification (ATF 141 II 429 consid. 3.1 et la référence citée). À défaut, il ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d’une communication officielle à son adresse habituelle (ATF 117 V 131 consid. 4a).

Lorsque l’autorité procède à une deuxième notification, celle-ci est sans effets juridiques (ATF 119 V 89 consid. 4b/aa ; 118 V 190 consid. 3a ; 117 7 V 131 consid. 4a), sous réserve des cas où, intervenue avant l’échéance du délai de recours, elle contient une indication sans réserve des voies de droit et pour autant que les conditions relatives à l’application du principe constitutionnel de la confiance soient remplies (ATF 118 V 190 consid. 3a ; 115 Ia 12 consid. 4c).

Celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire. Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et n’est en principe pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine ; ATA/583/2023 du 5 juin 2023 consid. 1.3 et les références citées).

2.3 Selon l’art. 11 al. 1 de la convention européenne sur la notification à l’étranger des documents en matière administrative du 24 novembre 1977 (CENA 94 - RS 0.172.030.5 - STE n° 94), ratifiée tant par la France que par la Suisse, tout État contractant a la faculté de faire procéder directement par la voie de la poste aux notifications de documents à des personnes se trouvant sur le territoire d’autres États contractants.

2.4 Les registres doivent contenir des données actuelles, exactes et complètes par rapport à l’ensemble des personnes visées (art. 5 de la Loi fédérale sur l’harmonisation des registres des habitants et d’autres registres officiels de personnes du 23 juin 2006 (Loi sur l’harmonisation de registres, LHR – RS 431.02).

L’art. 6 LHR règle le contenu minimal du registre des habitants pour chaque personne établie ou en séjour, notamment l’établissement ou le séjour dans la commune (let. o). L’art. 11 LHR pose l’obligation de s’annoncer. Les cantons édictent les dispositions nécessaires afin que : toute personne physique qui déménage s’annonce au service du contrôle des habitants dans les quatorze jours qui suivent l’événement (let. a) ; toute personne tenue de s’annoncer communique, de façon conforme à la vérité, les données énumérées à l’art. 6 LHR ainsi que, le cas échéant, les documents nécessaires (let. b).

Selon l’art. 4 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’harmonisation des registres des habitants et d’autres registres officiels de personnes du 3 avril 2009 (LaLHR - F 2 25) pour chaque personne établie ou en séjour dans le canton, aux termes de l’art. 3 let. a à c LHR, les données prévues à l’art. 6 LHR figurent dans le registre des habitants. L’OCPM peut corriger d’office les données inscrites dans le registre cantonal des habitants, s’il s’avère que celles-ci ne correspondent pas à la situation de fait (art. 4A al. 1 LaLHR).

2.5 Lors d’un changement de domicile, le titulaire du permis [de conduire] doit communiquer dans les quatorze jours sa nouvelle adresse à l’autorité compétente au nouveau lieu de domicile. Si le nouveau domicile est à l’étranger, il doit annoncer son départ à l’autorité compétente jusque-là (art. 26 al. 2 de l’Ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 [Ordonnance réglant l’admission à la circulation routière, OAC – RS 741.51]).

3.             En l’espèce, il convient de traiter distinctement le recours contre chacune des trois décisions.

3.1 À teneur du registre de l’OCPM, le conducteur a toujours conservé un domicile officiel à Genève. À teneur de ses écritures, il aurait déménagé de Thônex à La Plaine en octobre 2023. Or, il ressort de ses déclarations à l’OCPM, qu’il aurait quitté Thônex le 1er octobre 2022 déjà. En tous les cas, il n’a annoncé avoir quitté Thônex que le 24 octobre 2023 à l’autorité intimée, contrairement à ses obligations découlant tant de la LHR que de l’OAC. Le retour du courrier du 19 janvier 2023 adressé à Thônex avec la mention « pas à cette adresse » confirme qu’il n’y habitait plus.

Il est par ailleurs établi qu’il résidait à cette époque effectivement en France. Ce fait est confirmé par ses déclarations à la police bernoise le 5 janvier 2023 et aux gardes‑frontière jurassiens le 16 février 2023. Dans son courriel du 2 mars 2023, le conducteur a exercé son droit d’être entendu à la suite du courrier du 17 février 2023 de l’OCV, envoyé à Ferney-Voltaire. Le courrier de l’OCV du 2 mars 2023 à son adresse française n’est pas revenu en retour. La décision du 23 mars 2023 a été, à teneur du relevé de la poste, non réclamée. Sa notification est en conséquence valable, indépendamment du courrier du 18 avril 2023, évoquant une éventuelle notification par voie édictale. Référence y est d’ailleurs faite à un entretien téléphonique dont on ignore le contenu. Enfin, l’envoi, en pli simple, de la décision du 15 mars 2023 n’est, de même, pas revenu en retour.

Le recours du conducteur du 29 janvier 2024 contre la décision du 15 mars 2023 est en conséquence tardif.

De surcroît, même à suivre l’argumentation du recourant et à considérer qu’il n’aurait pris connaissance de cette décision qu’en octobre 2023, le raisonnement du TAPI ne prête pas flanc à la critique. Aucune pièce du dossier ne fait mention d’un engagement de l’autorité intimée de reconsidérer la décision du 15 mars 2023. Interjeté plus de trente jours après la prise de connaissance de la décision, le recours est en tous les cas tardif, étant rappelé que non seulement l’intéressé n’a pas respecté ses obligations d’informer les administrations en cas de changement d’adresse, mais ne s’est pas non plus préoccupé de procédures administratives qu’il savait en cours au vu des informations transmises par les polices, respectivement bernoise et jurassienne, et de son courriel du 2 mars 2023. De même, le rapport de renseignements établi par la police bernoise relève que le conducteur faisait également l’objet de plusieurs recherches de lieu de séjour émises par les autorités de Winterthur et Zürich, indices supplémentaires du flou qu’il entretenait sur son domicile.

3.2 Le même raisonnement doit s’appliquer à la décision du 4 juillet 2023.

Le conducteur n’avait pas réagi au courrier de l’OCV du 19 juin 2023, lequel n’est pas revenu en retour. La décision du 4 juillet 2023 a été dûment notifiée à teneur de l’avis de la Poste. En tous les cas, son recours le 29 janvier 2024 alors qu’il a eu connaissance de cette décision au plus tard lors de son passage à l’OCV le 18 octobre 2023, est tardif.

3.3 Se pose la question de savoir si le courrier du département du 13 décembre 2023 constitue une décision au sens de l’art. 4 LPA à l’encontre de laquelle le recours auprès de la chambre de céans serait ouvert.

3.3.1 Au sens de l’art. 4 al. 1 LPA sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c).

Pour qu’un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/327/2023 du 28 mars 2023 consid. 2.1 et les arrêts cités).

En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021), ce qui est également valable pour les cas limites, ou plus exactement pour les actes dont l’adoption n’ouvre pas de voie de recours. Ainsi, de manière générale, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, de même que les avertissements ou certaines mises en demeure (arrêts du Tribunal fédéral 1C_150/2020 du 24 septembre 2020 consid. 5.2 et l’arrêt cité ; 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2). Ces dernières peuvent constituer des cas limites et revêtir la qualité de décisions susceptibles de recours, lorsqu’elles apparaissent comme des sanctions conditionnant ultérieurement l’adoption d’une mesure plus restrictive à l’égard du destinataire. Lorsque la mise en demeure ou l’avertissement ne possède pas un tel caractère, il n’est pas sujet à recours (ATA/505/2021 du 11 mai 2021 consid. 4a ; ATA/1308/2018 du 5 décembre 2018 consid. 8c et les arrêts cités).

Une décision tend à modifier une situation juridique préexistante. Il ne suffit pas que l’acte visé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu’acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l’administré par la volonté de l’autorité, mais sur la base et conformément à la loi (ATA/29/2023 du 17 janvier 2023 consid. 3b et l’arrêt cité ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 320 n. 876).

Pour qu’un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/775/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3a ; ATA/1672/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3b).

Les décisions doivent en principe être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Elles sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2 phr. 1 LPA).

3.3.2 En l’espèce, par courrier du 13 décembre 2023, l’OCV a indiqué au recourant que la police lui avait transmis le rapport établi suite aux infractions à la circulation routière commises le 17 octobre 2023 à 16h41. Il faisait l’objet d’un retrait de permis de conduire pour une durée indéterminée prononcé le 4 juillet 2023 et n’était plus en droit de circuler avec des véhicules à moteur. La levée de cette mesure était subordonnée à la présentation d’une expertise favorable émanant d’un médecin de niveau 4.

Ce faisant, l’autorité n’a fait que relater des faits issus du dossier de l’intéressé. À juste titre, le TAPI a relevé que le contenu de ce courrier ne tendait pas à modifier la situation juridique ou factuelle du recourant, mais à lui rappeler le contenu des décisions précédentes, entrées en force, soit son obligation de se soumettre à une expertise médicale auprès d’un médecin de niveau 4 et son retrait de permis pour une durée indéterminée dans l’attente de celle-ci.

Dans la suite du courrier, l’attention du conducteur était attirée sur le fait que selon l’art. 16c al. 4 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), pour toute conduite sous retrait, un délai d’attente correspondant à la durée minimale prévue pour l’infraction devait être fixé. La durée minimale avant toute levée de mesure était ainsi de douze mois, dès le 17 octobre 2023.

Ce faisant, l’autorité s’est limitée à énoncer le contenu de l’art. 16c al. 4 LCR et à évoquer les modalités concrètes, ex lege, d’une éventuelle levée de la mesure de retrait de permis dont l’intéressé faisait l’objet. Ce courrier ne constitue pas une décision, mais la seule communication par l’administration de renseignements concernant le recourant.

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

4.             Le recourant plaidant au bénéfice de l’assistance juridique, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 mars 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 février 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni allouée d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Killian SUDAN, avocat du recourant, à l’office cantonal des véhicules, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’à l’office fédéral des routes.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :