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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1740/2021

ATA/620/2021 du 11.06.2021 sur JTAPI/484/2021 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1740/2021-MC ATA/620/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 juin 2021

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Magali Buser, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 mai 2021 (JTAPI/484/2021)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1980, est originaire de Tunisie. Il est connu des autorités suisses sous plusieurs autres identités, la dernière étant celle d'B______, né le ______ 1987, algérien.

2) M. A______ a été renvoyé de Suisse à destination de la Tunisie les 14 mai 2008 et 11 octobre 2012.

3) Depuis 2004, il a aussi fait l'objet de trois interdictions d'entrée en Suisse, la dernière interdiction ayant été valable jusqu’au 21 décembre 2017.

4) Entre 2011 et 2017, M. A______ a été condamné à de nombreuses reprises par les instances pénales lucernoises, bernoises et neuchâteloises, principalement pour des vols au sens de l'art. 139 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), violation de domicile au sens de l'art. 186 CP et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).

5) Le 5 mars 2019, le commissaire de police a notifié à M. A______ une interdiction de pénétrer sur l'ensemble du territoire genevois pour une durée de douze mois, à laquelle il ne s’est pas opposé.

6) Le 29 avril 2019, M. A______ a été interpellé par la police genevoise.

7) a. Le 27 juin 2019, le Tribunal de police (ci-après : TP) a déclaré M. A______, sous le nom d’B______, coupable de vol (art. 139 ch. 1 CP), de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI) et de non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une autre interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI) et l'a condamné à une peine privative de liberté de huit mois sous déduction de soixante-trois jours de détention avant jugement.

Le TP a simultanément ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de trois ans (art. 66abis CP).

b. Par arrêt du 16 septembre 2019, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : CPAR) a pris acte du retrait d'appel de M. A______ contre le jugement du 27 juin 2019.

8) a. Le 22 février 2020, M. A______ a été libéré de la prison de Champ-Dollon par les autorités pénales.

b. Le même jour, le commissaire de police l'a assigné au territoire de la commune de Carouge pour une durée de douze mois conformément à l'art. 74 LEI, dans l'attente de l'arrêt de la chambre pénale de recours de la Cour de justice (ci-après : CPR) suite au recours interjeté contre la décision de non-report de son expulsion judiciaire.

9) Le 10 mars 2021, la CPR a rejeté le recours de M. A______, considérant en droit ce qui suit :

« Le recourant s'opposait à son expulsion pour des motifs liés à sa maladie et à ses liens avec sa fille.

« Or, dans son jugement, le Tribunal de police a statué, s'agissant de ces derniers, qu'ils étaient ponctuels et que de tels contacts - qui n'étaient pas assimilables à une vie de famille ne pouvant être maintenue ailleurs qu'en Suisse - pourraient continuer si l'intéressé devait retourner dans son pays d'origine. Sous l'angle médical, il a également relevé que le suivi médical obtenu à Genève ne paraissait pas indispensable à sa survie et que rien n'indiquait qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans un autre pays.

« Le recourant ne saurait ainsi aujourd'hui, au détour de sa contestation de l'exécution de son expulsion, faire réexaminer ces questions, qui sont définitivement tranchées.

« À l'instar du Ministère public, il y a lieu de relever qu'à teneur de la jurisprudence du Tribunal fédéral, le système de santé tunisien permet de s'y faire traiter médicalement (arrêt 2C_411/2015 du 24 juin 2015, consid. 5.2). L'avis contraire de son médecin n'y change donc rien, de sorte que son audition est inutile. Que le recourant considère n'avoir pas les ressources financières pour recevoir les soins nécessaires en Tunisie n'est enfin pas démontré.

« Le recourant a, devant l'OCPM, sollicité son renvoi vers l'Italie. Il ne revient pas là-dessus dans son recours. Son renvoi vers un État "Dublin" est de toute manière exclu à teneur du dossier. Sa nationalité tunisienne est également établie. La Tunisie l'a reconnu comme étant l'un de ses ressortissants et est disposée à lui délivrer un laissez-passer, de sorte qu'il n'y a aucun obstacle matériel à son renvoi dans ce pays.

« Enfin, le recourant ne prétend pas que son renvoi vers la Tunisie l'exposerait à des persécutions ou à d'autres traitements inhumains ou dégradants.

« Son renvoi ou son expulsion n'étant pas impossible, le recourant ne peut continuer à séjourner en Suisse. La mesure n'avait pas à être différée. L'OCPM a statué à bon droit ».

10) Les services de police ont demandé à swissREPAT, en date du 12 mai 2021 de prévoir un vol avec escorte policière à destination de la Tunisie afin de permettre de refoulement de M. A______. 

Une place sur un vol à destination de la Tunisie a été réservée et confirmée pour le 9 juin 2021 à 12h20 au départ de Genève.

11) Le 19 mai 2021, à 15h10, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de six semaines.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Tunisie.

12) Lors de l’audience devant le TAPI, M. A______ a déclaré qu'il ne s'appelait pas A______ mais B______. Il était d’origine algérienne et s’opposait à son renvoi tant en Algérie qu'en Tunisie. Il n’avait toutefois pas de document d’identité en cours de validité au nom de B______. Il n'avait pas de lieu de résidence à Genève ni de source de revenu. Sa fille, C______, habitait avec sa maman à Bienne : il la voyait deux fois par mois. Il n’était pas en bonne santé, ayant dû débuter un traitement pour soigner sa spondylarthrite ankylosante, laquelle avait commencé il y avait entre quinze et vingt ans. Il avait également une prothèse à la hanche et était asthmatique. Il devait être immédiatement libéré : son renvoi était impossible en raison du fait de son origine algérienne, de ses gros problèmes de santé et de la présence de sa fille en Suisse.

Le représentant du commissaire de police a indiqué qu'il n'avait aucun élément concernant la nationalité algérienne de l'intéressé, lequel avait été reconnu par les autorités tunisiennes comme étant un de leurs ressortissants, sous le nom de A______ - nom apparaissant dans les extraits SYMIC, lesquels étaient les seuls à faire foi. Dans le cas de la demande de soutien, faite au secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM), les autorités avaient adressé la liste des alias de l’intéressé, ses empreintes digitales ainsi que la copie des deux premières demandes de soutien puisqu'il s'agissait de la troisième procédure de renvoi, et une photo récente. Le SEM avait pris contact avec les autorités tunisiennes en vue de la délivrance d'un laissez-passer – lequel serait remis quelques jours avant la date du vol. La situation médicale de l'intéressé n'atteignait pas la gravité nécessaire pour faire obstacle à l'expulsion.

13) Par jugement du 21 mai 2021, le TAPI a rejeté le recours.

Se posait tout d’abord la question du nom et de la nationalité de l’intéressé. Il avait été reconnu par les autorités tunisiennes sous le nom de A______, lesquelles avaient délivré, à deux reprises, un laissez-passer en sa faveur pour son renvoi en Tunisie en 2008 et 2012, sans qu’il ne s’y soit opposé. Lors de son audition par la police le 4 mars 2019, il avait reconnu que son véritablement nom était A______ et l’utilisation d’alias. Par ailleurs, le rapport médical établi le 29 mars 2019 par les hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) l’avait été sous le nom de A______, identité sous laquelle le suivi médical s’était très probablement poursuivi. Enfin, il n’était titulaire d’aucun document d’identité en cours de validité permettant de confirmer qu’il se nommerait effectivement B______ et serait algérien. Le TAPI tenait pour établi qu’il s’appelait A______ et était ressortissant de Tunisie.

M. A______ faisait l'objet d'une mesure d'expulsion pénale et avait été condamné pour vols par le TP le 27 juin 2019 et le Ministère public de Berne le 5 janvier 2021, soit des infractions qualifiées de crimes. Sa détention administrative se justifiait donc sous l'angle de l’art. 75 al. 1 let. h LEI par le renvoi de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, ce motif permettant à lui seul le prononcé d'une telle mesure. Le principe de la légalité était donc respecté.

L'assurance de son départ de Suisse répondait par ailleurs à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où M. A______ devrait monter dans l'avion devant le reconduire dans son pays d'origine, étant notamment observé qu'à teneur du dossier, il ne disposait pas en Suisse de moyens de subsistance et ni lieu de résidence. La détention respectait par conséquent le principe de la proportionnalité.

La CPR avait retenu, dans son arrêt du 10 mars 2021, que le renvoi de l’intéressé était possible, après avoir analysé ses situations médicale et personnelle, notamment ses relations avec sa fille. Aucun nouvel élément n’avait été apporté dans le cadre de la présente procédure.

14) Par acte du 31 mai 2021 M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI précité. Il a conclu à son annulation, au constat d'une violation de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et à ce que sa mise en liberté soit immédiatement ordonnée.

Les faits avaient été pour partie mal établis. Le TAPI s'était référé aux arguments développés par le TP. Or, plusieurs éléments retenus par ce dernier étaient faux. Ainsi M. A______ avait fait l'objet d'un suivi médical comme en témoignaient plusieurs certificats médicaux y compris des HUG. Il avait ainsi une « couverture maladie », ce que le TP avait, à tort, nié. M. A______ avait fait des démarches auprès de la consultation ambulatoire mobile des soins communautaires (ci-après : SAMSCO) pour être pris en charge. Par ailleurs l'argument du TP selon lequel la maladie dont il souffrait ne l'empêchait pas de commettre des infractions et que le traitement médical ne paraissait ainsi pas indispensable à sa survie était choquant. Il souffrait d'une spondylarthrite-ankylosante qui allait entrainer une raideur et une douleur progressives au niveau lombaire avec une impossibilité de se pencher et de bouger. La maladie était paralysante. De surcroit le suivi en Tunisie n'était pas assurée pour ce qui était des blessures ou maladies graves. Dans les conseils donnés aux voyageurs se rendant en Tunisie il était justement recommandé de se soigner en Europe. Il était en conséquence faux de reconnaître qu'il pourrait être pris en charge médicalement en Tunisie.

Contrairement à ce qu'avait retenu le TP, il avait entretenu une relation étroite avec sa fille. Il avait toutefois choisi, durant son incarcération, de ne pas la voir, considérant que les centres de détention n'étaient pas un lieu pour y emmener un enfant et encore moins une jeune fille en pleine adolescence. Toutefois lorsqu'il n'était pas incarcéré il la voyait très régulièrement. Il l'avait d'ailleurs reconnue depuis de nombreuses années déjà.

Il avait des contacts avec l'ambassade de Tunisie auprès de qui il avait sollicité la suspension de son expulsion. La pandémie risquait aussi d'impliquer que les frontières tunisiennes soient refermées, ledit pays voyant ses cas augmenter ces derniers jours.

Juridiquement, le TAPI avait violé les art. 80 al. 4 et 6 LEI. Son état de santé était très préoccupant et il ne pourrait pas suivre son traitement en Tunisie. Son état de santé ne lui permettrait pas non plus de travailler. Son renvoi aurait pour effet qu'il n'aurait aucun moyen de subsistance et encore moins la possibilité de se faire soigner. Sa vie était mise concrètement en danger en cas de renvoi. La chambre de céans ne pouvait suivre les considérants, erronés, du TP.

Par ailleurs l'art. 8 CEDH avait été violé. Sa fille était suisse à l'instar de son ex-compagne. Il ne pouvait leur être demandé de le suivre en Tunisie. Son enfant était scolarisé depuis sa naissance en Suisse et ne pourrait pas le suivre. S'il était vrai qu'il avait des antécédents judiciaires, il s'agissait essentiellement de condamnations pour vols, séjour illégal et dommages à la propriété. Sans minimiser ces infractions, aucune de celles-ci n'était susceptible d'une expulsion obligatoire. Il ne pouvait pas être considéré que la sécurité publique était mise en danger par sa présence en Suisse. Son intérêt privé à rester auprès de sa fille primait tout intérêt public à le voir quitter le pays.

15) Le commissaire a conclu au rejet du recours.

Le vol du 9 juin 2021 avait dû être annulé. Les démarches de l’intéressé auprès de l’ambassade de Tunisie avaient provoqué l'annulation de son renvoi le 9 juin 2021, l'ambassade de Tunisie ayant, dans l'attente d'informations complémentaires, au sujet de la famille de M. A______ à fournir par le SEM, refusé de délivrer le laissez-passer nécessaire à cette fin. Ce refus n'était toutefois pas définitif, le SEM étant en discussions avec l’ambassade pour la suite de la procédure.

Les arguments du recourant, pour autant qu'ils aient un quelconque fondement, étaient sans pertinence pour ce qui avait trait à la privation de liberté administrative. Ils concernaient la mesure d'expulsion prononcée à son encontre le 27 juin 2019 par le TP. L'état de santé du recourant pouvait être pris en charge en Tunisie selon les pièces produites par celui-ci ainsi que l’a admis le Tribunal fédéral dans un dossier concernant une personne nécessitant des soins en psychiatrie, domaine de la médecine pourtant notoirement moins doté en ressources qu'une autre spécialité. Les contacts épisodiques que le recourant, qui ne disposait ni de l'autorité parentale ni de la garde de sa fille et ne pourvoyait pas financièrement à son entretien, ne pouvaient en aucun cas être assimilables à une vie de famille qui ne pourrait être maintenue ailleurs qu'en Suisse et justifierait l'application de l'art. 8 CEDH.

16) Par réplique du 9 juin 2021 M. A______ a persisté dans ses conclusions.

a. Les relations avec sa fille étaient concrètes et effectives. Elles étaient « empreintes d'amour et d'affection » selon son ex-compagne, Madame D______. Il joignait une attestation dans ce sens et copie du passeport de cette dernière.

Il était regrettable que l'appel contre le jugement du TP ait été retiré. Il s'agissait d'une expulsion facultative et les chances de succès dans la procédure d'appel étaient bonnes. Il souffrait de ce retrait et s'était par la suite défendu seul.

Il n'invoquait plus une quelconque nationalité algérienne ou l'identité d'B______ et s'excusait d'avoir donné de fausses informations. Il était décidé à collaborer avec les autorités « sur cette question ».

L'atteinte à sa santé était sérieuse. C'était la raison pour laquelle l'ambassade de Tunisie se devait de clarifier la situation. Le fait que ladite ambassade avait refusé de délivrer un laissez-passer démontrait que la situation particulière dans laquelle il se trouvait était sérieuse et légitime. Cela prouvait aussi que l'accès aux soins ne serait pas donné en Tunisie.

b. Il ressortait de l'attestation de Mme D______ qu'elle connaissait M. A______ depuis 2005 environ. Il avait toujours entretenu des relations empreintes d'amour et d'affection, bienveillantes à l'égard de sa fille. Malgré sa situation et les coupures que celle-ci avait entrainées au niveau de la relation avec sa fille, M. A______ avait toujours témoigné beaucoup d'amour et d'intérêt pour celle-ci. Il avait également fait de son mieux pour entretenir ce lien par des téléphones, des contacts épistolaires, des cadeaux pour son anniversaire notamment. Il se souciait de la santé, de la scolarité et du bien-être de son enfant. Elle avait soutenu ce bon rapport entre le père et sa fille et avait pu observer régulièrement tout au long des années « ce que je décris ci-dessus ». « Ma fille d'ailleurs a du plaisir à rencontrer son père, malgré le fait qu'elle ne le connait que relativement peu, ayant habité avec lui que lorsqu'elle était un bébé ».

17) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 1er juin 2021 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3) La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale.

En vertu de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l'art. 75 al. 1 LEI, après notification d'une décision de première instance d'expulsion au sens de la LEI ou des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, notamment si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire à son renvoi ou à son expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer ou si son comportement permet de conclure qu'elle refuse d'obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4), mettre en détention la personne concernée, notamment si elle a été condamnée pour crime (art. 75 al. 1 let. h LEI). Les chiffres 3 et 4 de l'art. 76 LEI décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

b. En l'espèce, les conditions d'une détention administrative sont remplies, notamment vu les condamnations à des crimes et l’expulsion pénale du recourant, selon le jugement du TP du 27 juin 2019 principalement.

Le recourant ne remet, au demeurant, pas en cause ces conditions.

Les autorités compétentes ont entrepris avec célérité les démarches nécessaires en vue du renvoi du recourant, conformément à l'art. 76
al. 4 LEI, ce qu'il ne remet pas en cause.

Enfin, l’identité et la nationalité tunisienne du recourant ne sont plus contestées.

4) La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Les raisons juridiques ou matérielles doivent être importantes (« triftige Gründe »), l'exécution du renvoi devant être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 et les arrêts cités). Il s'agit d'évaluer si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1). La détention viole l'art. 80 al. 6 let. a LEI, ainsi que le principe de proportionnalité, lorsqu'il y a de bonnes raisons de penser que tel ne pourra pas être le cas (ATF 130 II 56
consid. 4.1.3). La détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (ATF 130 II 56 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1).

L'impossibilité suppose en tout état de cause notamment que l'étranger ne puisse pas, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre son État d'origine, de provenance ou un État tiers (ATA/1143/2019 du 19 juillet 2019 consid. 10 ; ATA/776/2019 du 16 avril 2019 consid. 7 et les références citées), étant rappelé que tant que l'impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l'étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut s'en prévaloir (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 ; ATA/221/2018 du 9 mars 2018 ; ATA/381/2012 du 13 juin 2012 ; ATA/283/2012 du 8 mai 2012).

5) Le recourant fait valoir que l'exécution de son renvoi vers la Tunisie serait illicite.

a. Dans un premier argument, l’intéressé relève que les faits auraient été mal établis par le TAPI. Il bénéficierait d'une couverture-maladie en Suisse.

L’objet du litige porte exclusivement sur le bien-fondé de la décision du commissaire, confirmée par le TAPI, de mettre en détention administrative l’intéressé à compter du 19 mai 2021, pour six semaines, en vue de l’exécution de son renvoi. L’existence d’une couverture d’assurance maladie est en conséquence sans pertinence sur l’issue du litige.

b. Dans un second argument, le recourant soutient que son traitement médical est indispensable à sa survie et que les soins nécessaires ne sont pas disponibles en Tunisie.

C'est à tort que le recourant essaye de remettre en question le jugement du TP, définitif et exécutoire, à l'instar de celui de la CPR du 10 mars 2021 à l'encontre duquel il n'est pas allégué qu'un recours ait été interjeté. Aucun élément nouveau et pertinent n’est par ailleurs intervenu depuis l’analyse faite par les juridictions pénales.

Le grief est infondé.

c. Dans un troisième argument le recourant invoque la relation étroite qu'il entretient avec sa fille.

L'art. 8 CEDH consacre le droit au respect de la vie privée et familiale, tout en admettant qu'il puisse y avoir une ingérence dans son exercice à certaines conditions précises, notamment lorsqu'une telle mesure est nécessaire à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales. Pour pouvoir invoquer la protection familiale découlant de l'art. 8 § 1 CEDH, l'étranger doit entretenir une relation étroite et effective (ATF 131 II 265 consid. 5 ; 129 II 193 consid. 5.3.1) avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (sur cette notion ATF 135 I 143 consid. 1.3.1 ; 130 II 281 consid. 3.1).

En tant que le recourant fait valoir sa relation avec sa fille vivant en Suisse, pour autant que son renvoi serait contraire et au droit à la vie familiale, il fait valoir un argument se rapportant au droit d'obtenir, à certaines conditions, un titre de séjour. Or, cette question ne peut être examinée dans le cadre de la procédure de renvoi. En effet, le juge de la détention administrative doit en principe seulement s'assurer qu'une décision de renvoi existe, sans avoir à vérifier la légalité de cette dernière. Ce n'est que lorsque la décision de renvoi apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, que le juge de la détention peut, voire doit, refuser ou mettre fin à la détention administrative (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1177/2013 du 17 janvier 2014 consid. 2.2). Tel n'est pas le cas en l'espèce ; le recourant ne le fait d'ailleurs pas valoir.

De surcroît, tant le TP que la CPR ont tranché cette question par des jugements définitifs et exécutoires, considérant que le renvoi du recourant ne violait pas l’art. 8 CEDH.

La pièce nouvelle produite à l'appui de la réplique ne modifie pas ce qui précède, la mère d'C______ relevant que cette dernière ne connaît que relativement peu son père. Entretenir des relations empreintes d'amour et d'affection pour son enfant peut être attendu de tout parent et est sans incidence sur l’objet du litige. Dans la mesure où les relations actuelles du recourant avec sa fille, selon l’attestation de la mère de celle-ci, le sont par téléphone, lettres et envoi de cadeaux pour son anniversaire, un renvoi dans son pays d'origine ne modifierait pas ces habitudes.

Pour autant qu'il soit recevable, ce grief sera écarté.

d. Le recourant invoque l'intervention de l'ambassade de Tunisie pour attester du bien-fondé de son recours.

Toutefois contrairement à ce qu’il prétend, l'ambassade n'est pas intervenue au motif de l’état de santé du recourant mais de son lien avec sa fille lequel méritait vérification conformément au courriel du SEM du 3 juin 2021. Ledit courriel invoque « des clarifications au sujet de la situation familiale de l'intéressé ». Il ne peut en tirer aucun argument quant au bien-fondé de son recours.

Entièrement mal fondé le recours sera rejeté.

6) La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 mai 2021 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 mai 2021 ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Magali Buser, avocate du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

 

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Marinheiro

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :