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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2130/2020

ATA/559/2021 du 25.05.2021 sur JTAPI/1161/2020 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2130/2020-LCI ATA/559/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 mai 2021

3ème section

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Catarina Monteiro Santos, avocate

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 décembre 2020 (JTAPI/1161/2020)


EN FAIT

1) A______ (ci-après : A______) est une société anonyme de droit suisse, ayant son siège à Genève. Son but est l'exploitation d'un bureau d'études techniques dans le domaine du bâtiment, l'exécution de tous travaux liés à la construction et à la rénovation, ainsi que l'import-export de services et de matériaux dans le domaine de la construction.

Monsieur B______ en est l'administrateur unique, avec signature individuelle. À teneur du dossier, il se présente comme directeur de cette société, fonction qui ne ressort toutefois pas du registre du commerce.

À teneur dudit registre, l'adresse de A______ est __, rue de C______, 1201 Genève, qui est aussi l'adresse privée de M. B______, selon la base de données officielle « Calvin » de l'office cantonal de la population et des migrations (OCPM).

2) Le 8 mai 2020, un inspecteur du département du territoire (ci-après : le département) a constaté au __, route du D______, parcelle no 1______ de la commune de E______, diverses infractions, notamment au règlement sur les chantiers du 30 juillet 1958 (RChant - L 5 05.03 - art. 1, 3, 7, 49, 55, 92, 99 et 100 RChant).

En particulier, trois personnes travaillaient sur le toit de la villa sise à ladite adresse dans des conditions dangereuses, au mépris des dispositions légales. La réfection du toit se faisait à plus de 2 m de hauteur, sans protection réglementaire, en utilisant une échelle ne dépassant pas d'1 m la zone à desservir. Le chantier n'avait pas été annoncé au moyen du formulaire ad hoc. Un arrêt de chantier a été immédiatement ordonné.

3) Il ressort du rapport d'enquête que l'une des trois personnes présentes sur le chantier s'était présentée comme le « patron » de A______ et avait dit à l'inspecteur que ce dernier n'avait pas « le droit d'être sur une propriété privée », dont celui-là était locataire, que ses ouvriers rénovaient la toiture en raison de problèmes avec des insectes et qu'il « n'avait pas à mettre en place des mesures de protection collectives ». Les ouvriers avaient continué leur activité malgré l'ordre d'arrêt des travaux.

L'identité des ouvriers ne ressort pas du rapport.

Ce rapport d'enquête était accompagné de nombreuses photos, prises en pleine journée d'après la luminosité. Y apparaissaient trois personnes, en tenues de travail, sur le toit de la villa, affairées avec outils et masques, sans aucune protection contre les chutes (échafaudages, garde-corps, encordement, etc.). Des tuiles avaient été enlevées et plusieurs rouleaux d'isolants, ainsi que des sacs poubelles, étaient posés sur le toit.

4) Par courrier recommandé du 12 mai 2020, adressé à A______ à son siège social, le département l'a informée des constats de l'inspecteur et l'a invitée à faire valoir ses observations dans un délai de cinq jours. Le droit de sanctionner les infractions commises était réservé.

L'arrêt immédiat des travaux était confirmé, jusqu'au rétablissement d'une situation conforme au droit.

5) Par pli recommandé du 18 mai 2020, A______, par son administrateur unique, a répondu que la villa située 24, route du D______ comprenait son bureau et son dépôt. Ce dernier avait été envahi le 7 mai 2020 par des fourmis tombant de la toiture et du plafond. Le directeur, M. B______ et le technicien, Monsieur F______, étaient montés sur le toit et, ayant constaté la présence d'un nid de fourmis, avaient entrepris de nettoyer la zone infestée sur 4 m2 en y accédant au moyen d'une échelle.

Lors du contrôle du 8 mai 2020, les ouvriers n'étaient plus dans leurs horaires de travail et étaient montés sur le toit par curiosité.

L'arrêt de chantier signifié par l'inspecteur ne pouvait être respecté car il était impossible de laisser la toiture ouverte en raison d'intempéries annoncées. Après le contrôle, M. B______ était monté seul sur le toit pour reposer les tuiles.

L'intervention « dans un cadre privé et dans l'urgence de l'invasion des fourmis » ne demandait aucune déclaration de travaux. Il s'agissait d'une situation exceptionnelle qui n'allait pas se reproduire.

Deux photos pixélisées, sans dates ni légendes, sur lesquelles on devine des insectes sur le sol à l'intérieur d'une habitation, ont été produites à l'appui de ce courrier.

6) Par décision du 10 juin 2020, se fondant sur les manquements constatés le 8 mai 2020, le département a infligé à A______ une amende administrative de CHF 8'000.-, en application de l'art. 137 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

Ce montant tenait compte de la gravité objective et subjective des violations du règlement sur les chantiers du 30 juillet 1958 (RChant - L 5 05.03) et de l'art. 18 de l'ordonnance sur la sécurité et la protection de la santé des travailleurs dans les travaux de construction du 29 juin 2005 (ordonnance sur les travaux de construction, OTConst - RS 832.311.141).

7) Par acte expédié le 13 juillet 2020, A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation.

La présence de MM. B______ et F______ sur le toit ne concernait pas la réfection de la toiture, mais le nettoyage d'une zone infestée de fourmis, ce après leur journée de travail. Elle soulignait qu'« aucun employé n'avait été affecté à cette tâche ». Il s'agissait d'une situation exceptionnelle ne nécessitant pas l'installation d'un échafaudage et nullement constitutive d'une infraction.

Subsidiairement, le montant de l'amende était manifestement disproportionné au vu des circonstances du cas d'espèce. L'état de fait décrit par le département n'était pas documenté ou conforme à ses observations, lesquelles n'avaient visiblement pas été prises en compte. Le montant de CHF 8'000.- était très élevé, au regard de l'absence d'une circonstance aggravante et pour une « éventuelle première infraction ».

8) Dans ses observations du 15 septembre 2020, le département a conclu au rejet du recours.

Il ressortait du dossier que des travaux avaient été effectués, en particulier de l'entretien. L'activité déployée sur le toit avait, à certains endroits, nécessité l'enlèvement de tuiles ou la pose de laine de verre. Les photos mettaient en évidence d'autres personnes que M. B______ actives sur le chantier. Les travaux nécessitaient la prise de mesures de protection imposées par les art. 3 al. 1, 49 al. 4, 55 al. 1 RChant ainsi que 18 OTConst. Ainsi, l'accès au toit aurait dû se faire par une échelle dépassant de 1 m le niveau desservi, la zone de travail aurait dû être sécurisée par un échafaudage et un garde-corps et le chantier aurait dû être annoncé.

Dans ces conditions, l'autorité intimée était en droit d'infliger une amende administrative de CHF 8'000.-. Elle estimait avoir fait preuve de mansuétude quant à son montant, le maximum fixé dans la loi étant de CHF 150'000.-. L'absence de mesures de sécurité, pourtant imposées par la loi, avait mis en danger l'intégrité physique de trois personnes. En outre, malgré les ordres signifiés par l'inspecteur, les travaux s'étaient poursuivis au détriment des règles de sécurité.

9) Dans une réplique du 28 octobre 2020, A______ a ajouté que ses bureaux étaient situés __, rue du D______, ce que démontrait la plaque posée sur la façade de la maison. Il y avait urgence à agir en présence d'un nid de fourmis. Cette démarche ponctuelle extraordinaire avait duré environ 1h 30. Il était impératif de refermer le toit avant les intempéries annoncées en fin de journée.

Les travaux en cause n'étant pas visés par l'art. 1 LCI, aucune autorisation ne devait être sollicitée. En outre, les ouvriers avaient spontanément aidé M. B______, malgré ses indications contraires. L'amende, injustifiée et en tout état disproportionnée, devait être réduite à son minimum, soit CHF 100.-.

10) Dans sa duplique du 12 novembre 2020, le département a précisé que le RChant s'appliquait à tous les participants à l'acte de construire, démolir, transformer ou entretenir, comme la jurisprudence avait eu l'occasion de le confirmer. Ce n'était pas la qualité dans laquelle les participants exécutaient les travaux qui était déterminante mais le fait qu'ils déployaient une activité susceptible de faire courir des dangers à eux-mêmes ou autrui. Le non-respect des articles topiques du RChant et de l'OTConst était sanctionné, dès lors que des mesures étaient faciles à mettre en place, surtout pour une entreprise active dans le domaine de la construction.

11) Le TAPI a, par jugement du 23 décembre 2020, partiellement admis le recours de A______.

Le dossier contenait les éléments suffisants et nécessaires pour lui permettre de statuer en toute connaissance de cause sur le litige, de sorte qu'il ne se justifiait pas de procéder à l'audition de l'administrateur de A______, comme demandé.

Contrairement à ses allégations, le comportement reproché correspondait bien à l'acte de construire et d'entretenir, en particulier le toit de la villa, de sorte que la notion de chantier devait être admise. Le comportement querellé tombait sous le coup du RChant. Toutes les personnes oeuvrant sur ce dernier, ainsi que les personnes physiques ou morales employant des travailleurs à cet effet, étaient dès lors tenues de s'y conformer (art. 1 al. 2 RChant).

Il ressortait des pièces figurant au dossier, en particulier du rapport dressé par un inspecteur du département dans l'exercice de ses fonctions et des photographies réalisées lors de son contrôle sur place du 8 mai 2020, que trois personnes, en tenue de travail, oeuvraient sur le toit à plus de 2 m de hauteur sans aucune protection contre les chutes, contrairement aux prescriptions des art. 55 al. 1, 92 et 99 al. 1 RChant et de l'art. 18 OTConst notamment. La zone de travail aurait dû être sécurisée par un échafaudage et un garde-corps. L'échelle d'accès au toit ne dépassait par ailleurs pas d' 1 m le niveau desservi, comme prescrit à l'art. 49 al. 4 RChant. En outre, les travaux n'avaient pas été annoncés, en violation de l'art. 4 al. 1 RChant. De tels manquements violaient sans conteste le RChant et l'OTConst et avaient, en l'occurrence, créé un danger pour les personnes concernées, se rapportant à des règles essentielles visant à assurer la sécurité d'un chantier aux fins de prévenir des risques d'accidents potentiellement très graves, voire fatals. Le fait que les employés de A______ seraient montés sur le toit par curiosité ou pour aider, en dehors de leurs heures de travail, ne la disculpait pas ni ne la dispensait de respecter les prescriptions précitées.

Enfin, les travaux avaient été poursuivis au mépris de l'ordre d'arrêt, manquement expressément visé à l'art. 137 al. 1 let. c LCI.

L'amende était dès lors justifiée dans son principe.

Les manquements reprochés se rapportaient à des règles essentielles visant à assurer la sécurité d'un chantier aux fins de prévenir des risques d'accidents potentiellement très graves pour les ouvriers et/ou des tiers, ce qui justifiait le prononcé d'une amende élevée. L'absence de coopération et l'attitude de l'administrateur et directeur de A______ étaient inexcusables, au regard notamment des risques encourus par ses employés.

Le contenu de ses écritures démontrait qu'elle n'avait pas pris conscience de la gravité des faits qu'elle tentait, de surcroit, de minimiser par des allégations peu crédibles et non prouvées. La nécessité d'intervenir d'urgence sur le toit n'était, en particulier, nullement démontrée. Quand bien même, elle n'aurait pas justifié la prise de tels risques, par une entreprise spécialisée dans le domaine de la construction qui plus est.

Il devait toutefois être tenu compte de l'absence d'antécédents de la A______. Une amende de CHF 6'000.- apparaissait plus conforme au principe de proportionnalité.

12) A______ a formé recours contre ce jugement par acte expédié le 4 février 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant principalement à son annulation et subsidiairement au prononcé d'une amende « de CHF 100.- mais au maximum de CHF 3'000.- ».

Elle se référait à l'état de faits du jugement entrepris. Pour le surplus, en cette fin de journée du début du mois de mai 2020, il faisait jour. Le rapport d'enquête ne mentionnait ni l'heure du constat, ni l'identité des personnes présentes. MM. B______ et F______ n'étaient pas présents sur le toit de la villa pour sa réfection mais pour nettoyer la zone « infectée » par les fourmis, ce qui ne pouvait être compris comme de l'entretien tel que répondant à la définition du Larousse. Aucun employé de A______ n'avait été affecté à cette tâche, liée à une situation exceptionnelle, commandant une intervention ponctuelle ne nécessitant pas l'installation d'un échafaudage, conformément à l'art. 55 al. 1 RChant, ni annonce de travaux. Dans ces conditions, nulle infraction avait été commise.

Le montant de l'amende était manifestement disproportionné vu les circonstances du cas d'espèce qui ne correspondaient nullement aux exemples jurisprudentiels mentionnés par le TAPI. L'amende ne visait qu'un seul constat, dont l'état de fait n'était pas complet, documenté ou conforme aux observations de A______. Il s'agissait de son premier manquement, alors qu'elle avait agi dans l'urgence et en estimant qu'aucune demande ni annonce était nécessaire. M. B______ n'avait nullement sollicité l'aide des employés encore présents au dépôt et aurait effectivement dû insister pour qu'ils descendent immédiatement.

13) Le département a conclu le 5 mars 2021 au rejet du recours.

Il rappelait que l'inspecteur avait notamment constaté sur le toit de la maison en question, ce qui ressortait de ses photos, la présence de trois personnes employées par A______, actives, en tenue de travail et masques, des tuiles démontées et des rouleaux d'isolants.

Le RChantier s'appliquait à tous types de travaux et non uniquement ceux soumis à autorisation de construire. Même à retenir qu'il ne se serait agi en l'espèce que d'une intervention ponctuelle, cela ne dispensait pas A______ de mettre en place les mesures de protection essentielles telles que prescrites dans ledit règlement et l' OTConst.

Quant au montant de l'amende, A______ minimisait encore sa faute, bien qu'elle reconnaisse enfin qu'elle aurait effectivement dû insister pour que les personnes accompagnant M. B______ descendent immédiatement du toit. Les manquements reprochés avaient exposé ces personnes à des risques d'accidents potentiellement très graves, voire fatals, comme justement retenu par le TAPI. L'amende devait également tenir compte de ce que M. B______ n'avait pas jugé utile de respecter les ordres d'arrêt de chantier signifiés par oral et par écrit. A______ n'était pas venue prétendre que le montant de CHF 6'000.- la confronterait à des difficultés financières.

14) Par réplique du 27 avril 2021, A______ a réitéré ses précédentes explications.

Pour le surplus, aucun manque de collaboration ne pouvait être reproché puisque M. B______ avait répondu à tous les courriers du département et s'était toujours montré disponible. Le montant de l'amende, au vu des circonstances concrètes du cas d'espèce, manifestement disproportionné, mettait en péril la situation financière de l'entreprise, ébranlée par la crise sanitaire.

15) Les parties ont été informées, le 29 avril 2021, que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

3) La recourante remet en cause tant le principe que le montant de l'amende infligée par le département, ramenée à CHF 6'000.- par le TAPI pour tenir compte de l'absence d'antécédents.

4) a. Selon l'art. 151 let. d LCI, le Conseil d'État fixe par règlements les dispositions relatives à la sécurité et à la prévention des accidents sur les chantiers.

b. Sur cette base, le Conseil d'État a adopté le RChant.

Selon l'art. 1 al. 1 RChant, la prévention des accidents sur les chantiers et les mesures à prendre pour assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs, ainsi que la sécurité du public, des ouvrages et de leurs abords sont réglées par les dispositions du RChant.

Sont tenus de s'y conformer tous les participants à l'acte de construire, démolir, transformer, entretenir, c'est-à-dire toutes les personnes exécutant des travaux se rapportant à l'activité du bâtiment ou du génie civil ainsi que les personnes physiques ou morales employant des travailleurs à cet effet. Il en est de même des personnes chargées de la surveillance des travaux, notamment pour le compte des bureaux d'ingénieurs, d'architectes, des entreprises générales et des coordonnateurs de sécurité et de santé (art. 1 al. 2 RChant).

L'art. 3 al. 1 RChant prévoit que le travail doit s'exécuter en prenant, en plus des mesures ordonnées par le présent règlement, toutes les précautions commandées par les circonstances et par les usages de la profession.

Selon l'art. 4 al. 1 RChant, afin d'en permettre le contrôle, aucun chantier ne peut être ouvert et aucun échafaudage ne peut être dressé avant d'avoir été annoncé à la direction de l'inspectorat de la construction sur une formule ad hoc fournie par l'administration.

c. En l'espèce la recourante, active dans le domaine des travaux de construction et de rénovation, considère que son intervention sur le toit de la villa, qu'elle dit louer et abriter notamment son dépôt, ne saurait être qualifiée de travaux d'entretien au sens de l'art. 1 al. 2 RChant dans la mesure où il se serait agi uniquement d'extraire un nid de fourmis.

Elle ne saurait être suivie sur ce point à teneur des observations de l'inspecteur, dûment étayées par des photos et qu'il n'y a aucune raison de remettre en cause. Il en ressort que la totalité des tuiles couvrant l'avant-toit étaient déplacées et empilées sur une longueur de 2 à 3 m. Deux des trois ouvriers présents sur le toit étaient notamment en train de remplir chacun un sac poubelle de 60 l d'éléments provenant du toit, dont l'un était déjà pratiquement plein. Trois rouleaux de laine isolante étaient entreposés à proximité directe du lieu d'intervention des ouvriers. Les trois ouvriers portaient des tenues de travail identiques, étaient équipés de masques de protection couvrant le nez et la bouche, de même que de gants.

Il en découle que, contrairement à ce que la recourante soutient, deux des employés de la société ne sont pas simplement venus par curiosité « jeter un coup d'oeil » à un nid de fourmis que leur employeur aurait été en train d'extraire du toit, mais étaient bien, de concert, affairés à sa réfection, laquelle revêt incontestablement la qualification de travaux d'entretien.

Il sera ajouté que tout comme le TAPI avant elle, la chambre de céans estime dépourvue de toute force probante les deux photos déposées par la recourante en première instance, censées représenter des fourmis du nid en question, se déplaçant au plafond et sur le carrelage de la villa. Si l'on y discerne effectivement ce qui peut être des fourmis, rien ne démontre qu'elles auraient été présentes dans la villa et à la date correspondant aux travaux en question.

L'intervention du 8 mai 2020 revêt en conséquence bien la qualification de chantier de sorte que le premier grief de la recourante sera écarté.

5) La recourante conteste les mesures qu'elle aurait eu à prendre en marge de ces travaux à savoir, selon la décision du département, l'utilisation d'une échelle dépassant d'1 m la zone à desservir, la protection règlementaire des personnes pour des travaux à plus de 2 m de hauteur et l'annonce du chantier au moyen du formulaire ad hoc.

a. Selon l'art. 49 al. 5 RChant, les échelles doivent être disposées de façon à ne pouvoir ni glisser, ni basculer, ni se renverser. Elles doivent dépasser le niveau desservi de 1 m au moins ou être prolongées par un montant de même hauteur formant main courante.

Les photos prises par l'inspecteur démontrent sans discussion possible que l'échelle métallique utilisée par les trois ouvriers pour accéder au toit ne le dépassait pas de cette hauteur minimale.

b. S'agissant de travaux en toiture, à défaut d'échafaudages, les ouvriers doivent être assurés par un harnais de sécurité équipé d'un stop-chute avec corde d'amarrage ou par un appareil spécial arrêtant automatiquement la chute. Les mêmes mesures doivent être prises lors du montage ou du démontage d'un échafaudage sur un toit. L'outillage de tout couvreur ou ferblantier doit comprendre un harnais de sécurité équipé d'un stop-chute et une corde d'amarrage fournis par l'entreprise. La corde ou l'appareil doivent être amarrés à un point fixe et solide de la construction, à l'exclusion des souches de cheminées, mâts de TSF, liteaux, barres à neige. Les points d'amarrage doivent être judicieusement choisis pour éviter qu'en cas de chute l'ouvrier soit blessé en décrivant un mouvement de pendule. Si la corde ne peut être amarrée, l'ouvrier doit se faire assurer correctement par un collègue. L'entreprise doit exiger de son personnel l'utilisation effective des dispositifs de sécurité et la contrôler le plus souvent possible (art. 56 al. 1 à 7 RChant).

c. Selon l'art. 99 RChant, tout poste de travail doit être muni de garde-corps réglementaires sur toutes les faces exposées au vide dès qu'il atteint 2 m de hauteur (al. 1). Ces garde-corps doivent rester en place jusqu'à l'achèvement de tous les travaux (al. 2).

d. Selon l'art. 18 OTConst., dans les travaux de construction de bâtiments, un échafaudage de façade doit être installé dès que la hauteur de chute dépasse 3 m. Le garde-corps supérieur de l'échafaudage doit, pendant toute la durée des travaux de construction, dépasser de 80 cm au moins le bord de la zone la plus élevée présentant un risque de chutes.

e. Il ne peut être disputé que les travaux en cause concernaient le toit de la villa, à une hauteur de plus de 2 m, de sorte que les trois ouvriers présents auraient à tout le moins dû être équipés de systèmes d'amarrage pour éviter ou freiner toute chute, respectivement le bord du toit muni de garde-corps. Or tel n'était, toujours à teneur des photos de l'inspecteur, assurément pas le cas. On y voit au fur et à mesure des prises de vues les trois ouvriers en question s'être déplacés sur le toit, sans quelconque dispositif de sécurité pour les protéger d'une chute du toit. Dans ces conditions, il n'est nul besoin d'examiner si un échafaudage devait en sus être installé.

Enfin, dans la mesure où les travaux en question ont été qualifiés d'entretien, ils devaient être annoncés conformément à l'art. 4 al. 1 RChant.

6) Ainsi, la recourante a violé diverses règles de sécurité prévues notamment dans le RChant, dont le but est de préserver la santé de ses ouvriers.

7) a. Selon l'art. 333 RChant, tout contrevenant aux dispositions du RChant est passible des peines prévues par la LCI (voir aussi ATA/611/2004 du 5 août 2004, consid. 12 ; ATA/640/1999 du 2 novembre 1999, consid. 4a).

b. L'art. 137 al. 1 LCI est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant : a) à la LCI ; b) aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la LCI ; c) aux ordres donnés par le département dans les limites de la LCI et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci.

Selon l'art. 137 al. 3 LCI, il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive et l'établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d'une attestation, au sens de l'art. 7, non conforme à la réalité.

Si l'infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société en commandite, d'une société en nom collectif ou d'une entreprise à raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom, la personne morale, la société ou le propriétaire de l'entreprise individuelle répondant solidairement des amendes. Les sanctions sont applicables directement aux sociétés ou entreprises précitées lorsqu'il n'apparaît pas de prime abord quelles sont les personnes responsables (art. 137 al. 4 LCI).

c. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/206/2020 du 25 février 2020, consid. 4b ; ATA/13/2020 du 7 janvier 2020, consid. 7b et les références citées).

d. En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/206/2020 précité, consid. 4c ; ATA/13/2020 précité, consid. 7c et les références citées).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès ou d'abus. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst. ; ATA/206/2020 précité, consid. 4c ; ATA/13/2020 précité, consid. 7c et les références citées).

e. L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/206/2020 précité, consid. 4c ; ATA/13/2020 précité, consid. 7c et les références citées).

f. S'agissant de la quotité de l'amende, la jurisprudence de la chambre de céans précise que le département jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour en fixer le montant. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de proportionnalité (ATA/19/2018 précité consid. 9d ; ATA/558/2013 du 27 août 2013 consid. 18 ; ATA/804/2012 du 27 novembre 2012 ; ATA/488/2011 du 27 juillet 2011 ; ATA/537/2009 du 27 octobre 2009).

8) Le montant de l'amende, initialement fixé à CHF 8'000.- par le département, a été réduit à CHF 6'000.- par le TAPI. Il se situe en bas de la fourchette prévue à l'art. 137 LCI.

Comme retenu à juste titre par ces deux autorités, la faute de la recourante, qui ne pouvait ignorer les dispositions applicables du fait de son domaine spécifique d'activités, est importante. Elle aurait pu avoir de très graves conséquences tant les circonstances des travaux en cause pouvaient faire craindre la chute d'un ouvrier, pouvant causer un grave traumatisme, voire la mort. Or les dispositions n'étaient, en particulier pour une telle entreprise, nullement difficiles à prendre s'agissant à tout le moins d'équiper ses ouvriers du matériel d'amarrage indispensable pour un travail en toiture.

La prise de conscience de la recourante est quasi inexistante, puisqu'elle persiste à soutenir que seul son administrateur était affairé aux travaux en cause et par conséquent mettait sa sécurité en danger, alors même qu'il est patent que deux de ses employés, dont elle a pour devoir de protéger la santé, travaillaient à leurs risques et périls sur ce toit.

Dans la mesure où il n'est pas avéré que seule l'extraction d'un nid de fourmis faisait l'objet de l'intervention, nul besoin de qualifier cette dernière d'urgence ou non, étant relevé qu'il est notoire que, sous nos latitudes, les fourmis, même en nombre, ne sont pas des insectes représentant un danger pour l'être humain pas plus que pour les constructions, en tous les cas qui ne puisse souffrir quelques jours d'attente.

Ainsi, quand bien même il ne s'agit pas en l'espèce de sanctionner une récidive, le montant de CHF 6'000.- est propre et de nature à amener la recourante à respecter à l'avenir les prescriptions du RChant, liées en particulier à la protection de ses employés. Ce montant tient également compte du fait que la recourante n'a nullement respecté la décision d'arrêt de chantier, étant relevé que rien ne l'empêchait de munir le toit de protections en plastique le temps de prendre les dispositions règlementaires nécessaires à la poursuite des travaux en cause.

Enfin, c'est de manière bien peu convaincante et sans nul document, en particulier comptable, que la recourante vient soutenir, au stade de sa réplique seulement, qu'un tel montant mettrait sa situation financière en péril, quand bien même il est notoire que la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 a impliqué qu'il mette son activité entre parenthèses ou en tous cas au ralenti pendant quelques semaines en raison du confinement au printemps 2020. Comme c'était précisément à cette époque qu'elle a entrepris les travaux litigieux, elle n'en est que plus blâmable de ne pas avoir pris la peine d'à tout le moins exiger de ses employés qu'ils s'équipent du matériel de protection élémentaire pour des travaux en hauteur.

Ainsi, l'amende ramenée à CHF 6'000.- par le TAPI, qui tient compte de la gravité objective et subjective de l'infraction commise, sera confirmée et le recours rejeté.

9) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 février 2021 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 décembre 2020 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Catarina Monteiro Santos, avocate de la recourante, au département du territoire-oac, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber et M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :