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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1405/2016

ATA/443/2016 du 26.05.2016 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1405/2016-FPUBL ATA/443/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 26 mai 2016

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Thomas Barth, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE



Attendu, en fait, que :

1. Monsieur A______, né le ______ 1964, travaille depuis le 1er novembre 1986 au service de la ville de Genève (ci-après : la ville) au sein du service des Espaces verts (ci-après : SEVE), avec le statut de fonctionnaire depuis le 6 janvier 1988. En dernier lieu, il a atteint la fonction de gardien d’animaux.

2. Dès le mois d’août 2012, l’équipe du SEVE travaillant au B______, à laquelle M. A______ appartient, a accueilli une apprentie, âgée de 18 ans, que l’intéressé a eu la charge d’encadrer.

3. Le 7 avril 2014, M. A______ s’est trouvé en incapacité totale de travail. Il a repris son activité à temps partiel en novembre 2014 dans un autre lieu de travail, soit au C______, ceci en accord avec son médecin traitant et son supérieur hiérarchique auxquels il avait indiqué ne plus vouloir avoir de contacts avec l’apprentie précitée vis-à-vis de laquelle il éprouvait de l’attirance.

4. Le 3 novembre 2014, ladite apprentie a trouvé dans son casier une lettre manuscrite à caractère injurieux, voire menaçant dont elle a identifié l’auteur en la personne de M. A______.

Convoqué par la direction du SEVE, celui-ci a admis être l’auteur du message et a été suspendu de son activité avec effet immédiat par son chef de service.

5. Le 4 novembre 2014, M. A______ s’est à nouveau trouvé dans l’incapacité totale de travailler pour des raisons médicales.

6. Le 5 novembre 2014, le Conseil administratif a ouvert une enquête administrative à l’encontre de M. A______, les faits étant susceptibles de constituer une violation grave des devoirs généraux des employés et pouvant entraîner des sanctions disciplinaires ou d’un licenciement.

Parallèlement, le Conseil administratif a confirmé, à titre de mesure provisionnelle, la suspension d’activité de M. A______ jusqu’au prononcé d’une éventuelle sanction ou un licenciement.

7. Le 8 juin 2015, les enquêteurs ont rendu un rapport d’enquête administrative. Selon leurs conclusions, M. A______ était l’auteur du billet injurieux déposé dans le casier de l’apprentie et il avait contrevenu par-là aux art. 82 et 83 let. a du statut du personnel de la ville du 29 juin 2010 (LC 21 135) en agissant d’une manière préjudiciable aux intérêts de celle-ci et pour avoir violé ses obligations d’entretenir des relations dignes et respectueuses avec ses collègues, supérieurs ou subordonnés, en facilitant la collaboration avec ces personnes.

Selon les enquêteurs, il convenait d’évaluer la gravité de la violation au regard des termes utilisés dans le mot incriminé qui présentaient une certaine gravité car susceptibles de sanctions pénales pour atteinte à l’honneur. Il y avait également lieu de tenir compte de ce que l’intéressé était employé depuis plus de trente ans par la ville et n’avait jamais fait l’objet de sanctions. En outre, il fallait également prendre en compte que M. A______ en voulait à son entourage, notamment à ses supérieurs ou à l’apprentie et que les faits qui s’étaient déroulés avaient affecté l’entier de l’équipe travaillant au B______.

Durant toute la procédure d’enquête administrative, M. A______ a été assisté de son conseil.

8. Le 17 juin 2015, le Conseil administratif de la ville a informé M. A______ de ce qu’il envisageait la résiliation de son engagement pour motifs objectivement fondés en raison d’un manquement grave ou répété à ses devoirs de service, et l’a invité à se déterminer à ce sujet. Après avoir reçu ses observations écrites et l’avoir entendu, cette autorité lui a écrit le 31 juillet 2015 pour l’informer de ce qu’elle résiliait ses rapports de travail. L’intéressé étant en arrêt de travail pour maladie depuis le 4 novembre 2014, il bénéficiait d’une période de protection aussi longtemps qu’il était au bénéfice d’indemnités.

9. Le 16 janvier 2016, l’intéressé a recouvré une capacité de travailler de 50 %.

10. Le 9 mars 2016, la direction des ressources humaines de la ville a informé M. A______ que son droit aux indemnités pour incapacité de travail prendrait fin le 31 mars 2016.

11. Le 1er avril 2016, M. A______ a retrouvé sa pleine capacité de travail.

12. Le 4 avril 2016, le Conseil administratif de la ville a résilié l’engagement de M. A______ pour motifs objectivement fondés au vu notamment de la gravité des faits retenus à son encontre. Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours. M. A______ était libéré de l’obligation de travailler jusqu’au terme du délai de congé, lequel arrivait à échéance le 31 octobre 2016.

13. Par acte posté le 4 mai 2016, M. A______ a interjeté recours contre la décision du Conseil administratif de la ville du 4 avril 2016 précitée, reçue le 5 avril 2016. Il conclut à l’annulation de celle-ci, à ce qu’il s’en rapportait à justice quant à la nature d’une sanction moins incisive qui devrait lui être infligée et à ce qu’il soit ordonné à la ville de le réintégrer à son ancien poste, soit à un autre poste conforme à ses compétences au sein de la ville. Préalablement, il sollicite la restitution de l’effet suspensif, en invitant la ville à opérer sa réintégration immédiate à son ancien poste ou à un autre poste conforme à ses compétences.

Subsidiairement, la ville devait être condamnée à lui verser une indemnité égale à vingt-quatre mois de son traitement brut, 13ème salaire en sus, dès le 1er juin 2016.

14. Invitée à se déterminer sur la demande de restitution de l’effet suspensif, la ville a conclu à son rejet. Le statut n’autorisait pas la réintégration d’un agent public communal en cas d’admission de son recours. Dès lors, celui-ci ne pouvait se voir accorder la restitution de l’effet suspensif. Au surplus, c’était à l’issue d’une pesée des intérêts que le Conseil administratif avait considéré que l’intérêt public à la résiliation de l’engagement ne puisse pas être suspendu par le dépôt d’un recours. En effet, au-delà de la gravité des faits reprochés, le retour de l’intéressé au sein du SEVE était susceptible d’ébranler le fonctionnement correct de celui-ci, et notamment des différents services où celui-ci avait travaillé, compte-tenu notamment des l’animosité dont il avait fait montre à l’égard de certains de ses collègues. Finalement, une restitution de l’effet suspensif conduirait à l’autoriser à reprendre son activité avec le risque qu’en cas d’échec de son recours, celui-ci ne puisse plus rembourser les salaires qu’il aurait touchés après le 31 octobre 2016.

15. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

Considérant, en droit, que :

1. Aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

2. Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par le président ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 LPA et art. 7 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 septembre 2010).

3. a. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1). Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

b. Toutefois et de jurisprudence constante, la chambre de céans considère que lorsque le statut applicable à l'agent public ne permet pas d'imposer la réintégration en cas d'admission du recours, elle ne peut faire droit à une demande de restitution de l’effet suspensif, car elle rendrait alors une décision allant au-delà des compétences qui sont les siennes sur le fond (ATA/1231/2015 et nombreuse jurisprudence citée).

4. L'art. 105 du statut du personnel de la ville de Genève, du 29 juin 2010 LC 21 151 (ci-après : le statut) ne permet pas à la chambre de céans d'imposer la réintégration d’un agent public en cas d'admission du recours. L'art. 106 du statut ne fait exception à ce principe que dans trois hypothèses, non réalisées en l'espèce.

5. En l'occurrence, l’autorité intimée a d’emblée manifesté, par le retrait de l’effet suspensif au recours, son refus de réengager le recourant, même en cas d’admission du recours. Au vu notamment des motifs a priori importants sur lesquels la décision de licenciement est fondée tels qu’ils ressortent du dossier, il y a lieu d'appliquer au cas d'espèce le principe tiré de la jurisprudence précitée et de rejeter la requête en restitution de l’effet suspensif au recours.

6. Le recourant invoque le risque, s’il devait continuer à être privé du droit de travailler jusqu’à droit jugé, qu’il retombe à nouveau en dépression, s’il ne peut reprendre immédiatement ses activités. Par cette requête, il s’en prend au volet de la décision de la ville le libérant immédiatement de son obligation de travailler. Au-delà des considérations qui précèdent, relatives à l’impossibilité d’ordonner sa réintégration en cas d’admission du recours, qui permettrait de ne pas entrer en matière sur la demande de suspendre les effets de cette décision, une pesée des intérêts en présence, soit de l’intérêt public de la ville au bon fonctionnement de ses services par rapport à l’intérêt privé du recourant à pouvoir travailler jusqu’au 31 octobre 2016, conduit à retenir que le second doit céder le pas au premier, au regard des risques de tensions entre collaborateurs susceptibles d’entraver le bon fonctionnement du service, qu’un retour de l’intéressé au sein de son service risquerait de générer. Dès lors, la chambre administrative refusera de restituer l’effet suspensif au recours.

7. Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête en restitution de l’effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Thomas Barth, avocat du recourant, ainsi qu'à la ville de Genève.

 

Le président :

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le