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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3256/2020

ATA/258/2021 du 02.03.2021 ( PROF ) , REJETE

Descripteurs : AVOCAT;AUTORITÉ DE SURVEILLANCE;DEVOIR PROFESSIONNEL;INDÉPENDANCE DE L'AVOCAT;MESURE DISCIPLINAIRE
Normes : LLCA.12; LLCA.17; CSD.1; CSD.8
Résumé : Rejet du recours d'un avocat ayant été sanctionné par un avertissement de la commission du barreau. S'exprimant hors procédure et répondant à une journaliste, il a reproché à un arrêt du Tribunal fédéral de consacrer une « erreur judiciaire », aucune infraction n'ayant selon lui été commise par sa cliente. Or, il ne pouvait ignorer que l'infraction avait en réalité été définitivement confirmée par l'arrêt du Tribunal fédéral, étant observé que ce dernier n'a pas fait l'objet d'une requête à la Cour européenne des droits de l'homme. Par ailleurs, le recourant a mis en cause publiquement et de manière virulente la partie adverse, alors qu'il connaissait le contexte particulièrement conflictuel de la procédure. Dès lors qu'il n'a pas observé la distance professionnelle qui lui incombait, l'autorité de surveillance lui a infligé une sanction proportionnée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3256/2020-PROF ATA/258/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 mars 2021

 

dans la cause

 

M. A______

contre

COMMISSION DU BARREAU



EN FAIT

1) M. A______ est titulaire du brevet d'avocat, inscrit au barreau de Genève, et exerce la profession d'avocat à titre indépendant.

2) En cette qualité, il a été le conseil de Mme B______, qu'il a défendue dans des procédures du droit de la famille et pénales opposant celle-ci à son époux M. B______ au sujet de l'autorité parentale et de la garde sur leur enfant commun C______, né le ______ 2009 à Genève.

3) Dans le cadre de mesures protectrices de l'union conjugale, la garde sur C______ avait initialement été attribuée à la mère en octobre 2010, mais suite à une expertise psychiatrique, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant avait le 15 mars 2013 attribué la garde et l'autorité parentale au père, réservant un droit de visite à la mère. La mère avait quitté la Suisse pour D______ avec C______ au printemps 2011 pour des vacances et n'était pas revenue. Suite à l'exequatur du jugement du 15 mars 2013, C______ est retourné vivre à Genève avec son père.

Une procédure de divorce ouverte par la mère le 29 juin 2012 a donné lieu à de nombreuses requêtes de mesures provisionnelles et super-provisionnelles, ainsi qu'à une nouvelle expertise psychiatrique. Le père a conservé l'autorité parentale et la garde sur C______, à teneur d'un jugement du Tribunal de première instance du 5 décembre 2017, confirmé sur ces points par arrêt de la chambre civile de la Cour de justice du 11 décembre 2018.

4) La mère a par ailleurs été condamnée par ordonnance pénale du Ministère public genevois du 9 juin 2016 à un travail d'intérêt général de cent soixante heures pour n'avoir pas versé les contributions d'entretien pour C______.

Le 31 mai 2017, la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de Genève l'a en outre condamnée à une peine privative de liberté de dix mois pour enlèvement de mineur, violation du devoir d'assistance et d'éducation par négligence et violation d'une obligation d'entretien.

Un recours formé par Mme B______ contre cet arrêt a été rejeté par arrêt du Tribunal fédéral 1______/2017 du 12 avril 2018.

5) Dans un article paru dans le quotidien E______ le ______ 2018 suite à ce dernier arrêt et intitulé « Une mère condamnée pour l'enlèvement de son fils », les propos suivants de M. A______ ont été rapportés par Mme F______, la journaliste auteure de l'article : « Cet arrêt consacre une erreur judiciaire ! Il n'y a pas eu enlèvement de mineur, car ma cliente avait la garde de l'enfant et pouvait donc partir à l'étranger. Elle n'a pas entravé le droit de visite du père ». Puis plus loin : « Un enfant a besoin de ses deux parents ! Malheureusement, par vengeance, le père fait tout pour couper tout lien entre la mère et le fils, à l'encontre de l'intérêt de celui-ci ».

Ces propos s'inscrivaient dans le texte intégral suivant de l'article :

« JUSTICE

« Une mère condamnée pour l'enlèvement de son fils

« Le Tribunal fédéral a rejeté le recours d'une mère, condamnée en première instance à 8 mois de prison avec sursis. Elle était partie aux D______ avec l'enfant. Un jugement rare, qui vient clore huit ans de combat d'un Genevois.

« Dix-huit pages qui viennent couronner huit ans de combat. Celui d'un père, le Genevois B______, pour faire reconnaître par la justice l'enlèvement de son fils par son épouse. C'est désormais chose faite, par arrêt du Tribunal fédéral (TF) daté du 12 avril dernier.

« Les juges confirment le jugement de la Cour cantonale, reconnaissant la mère coupable d'enlèvement de mineur et la condamnant à 8 mois de prison avec sursis. " En Suisse, si votre femme enlève votre enfant, vous devez vous battre non seulement contre elle, mais contre tout le système judiciaire qui est favorable aux mères, estime Monsieur B______. Ce dénouement est pour moi une reconnaissance inespérée. " Un jugement rare en effet, qui inspire à Me A______, l'avocat de la recourante, des propos féroces: " Cet arrêt consacre une erreur judiciaire! Il n'y a pas eu enlèvement de mineur, car ma cliente avait la garde de l'enfant et pouvait donc partir à l'étranger. Elle n'a pas entravé le droit de visite du père. "

« Difficile d'y voir clair dans ces drames familiaux où il revient à la justice d'écrire l'épilogue. Celle-ci retiendra les faits suivants. En avril 2011, Madame B______, alors titulaire du droit de garde, décide de partir avec son bébé D______ où elle emménage avec son nouveau compagnon. Elle tente de faire valoir devant les juges cantonaux qu'il s'agissait de vacances, mais cela ne les a pas convaincus. Car celles-ci vont durer deux ans et demi et priver le père de son fils. " Le Tribunal fédéral a donc reconnu un abus de droit, explique Me G______. Il constate en effet que Madame B______ a déménagé dans le but premier de spolier les droits du père sur son fils ".

« Le Tribunal reconnaît que la mère avait préparé son départ en secret, puis caché son adresse au père. Ce déménagement allait aussi à l'encontre des recommandations des médecins, lesquels préconisaient de ne pas perturber les habitudes de l'enfant, et des experts, insistant sur l'importance des liens paternels pour un développement harmonieux. Des éléments pris en compte par le TF, qui condamne aussi la mère pour violation du devoir d'assistance ou d'éducation. En revanche, son recours pour violation d'une obligation d'entretien est partiellement admis. Les juges de Mon-Repos renvoient la cause à l'autorité cantonale, afin d'examiner si une incapacité de travail due à la naissance de jumelles dans l'intervalle a pu peser sur ses ressources financières.

« En 2013, après de multiples péripéties, Monsieur B______ se voit attribuer la garde de son fils par les tribunaux suisses. Mais son ex-femme refuse de lui remettre l'enfant " dans le but d'entraver les contacts entre celui-ci et son père ", écrit le TF. Le Genevois s'envole pour les D______ où il finira par récupérer le petit garçon, qui vit désormais avec lui à Genève, sans plus voir sa mère. Ce qui fait fulminer Me A______: " Un enfant a besoin de ses deux parents! Malheureusement, par vengeance, le père fait tout pour couper tout lien entre la mère et son fils, à l'encontre de l'intérêt de celui-ci. " La même accusation que Monsieur B______ portait, quelques années plus tôt, à l'encontre de son épouse. Comme le miroir d'un irréconciliable conflit.

« Reste un enfant écartelé, d'abord sans papa, puis sans maman, otage d'un conflit qui n'aura trouvé d'autre issue que le tout ou rien. Non sans clairvoyance, Monsieur B______ conclut: " Il y a deux perdants. Sauf qu'elle a perdu plus que moi. " C'est compter sans le petit. »

6) M. B______ a déposé plainte contre M. A______ au Ministère public genevois pour diffamation, au motif que celui-ci connaissait la fausseté de ses allégations. Malgré le retour de C______ à Genève en octobre 2013, sa mère n'était revenue à Genève qu'en mars 2014, et avait passé la majeure partie de son temps aux D______ avec son compagnon et leurs jumelles nées en 2016. C'était elle qui avait décidé de ne pas exercer son droit de visite. Il n'avait nullement fait obstruction à l'exercice de ce droit. Les propos tenus à son encontre par M. A______ portaient atteinte à son honneur en le faisant passer pour un mauvais père, et relevaient de la calomnie.

Entendu comme prévenu le 12 décembre 2018 par le Ministère public, M. A______ a contesté avoir porté atteinte à l'honneur de M. B______. Il n'avait pas agi contre lui et n'avait pas voulu le blesser. Il avait répondu aux questions de la journaliste qui l'avait sollicité et reconnaissait les propos que celle-ci lui prêtait dans son article. L'arrêt du Tribunal fédéral constituait une erreur judiciaire. Il avait agi en qualité d'avocat et exprimé le ressenti de sa cliente dans un contexte conjugal extrêmement tendu. Les parties avaient été mariées une année et se déchiraient en procédure depuis huit ans. M. A______ a présenté ses excuses à M. B______.

7) Le 24 juin 2019, M. A______ a indiqué sous la plume de son avocat qu'il n'avait jamais eu l'intention de blesser et encore moins de calomnier M. B______. Ses propos ne reflétaient pas sa conviction propre mais celle de sa cliente, laquelle venait de succomber au Tribunal fédéral dans le cadre d'un long et difficile combat judiciaire. Un lecteur moyen non averti était parfaitement en mesure de réaliser l'existence de ce contexte de conflit conjugal extrême.

8) Le 5 juillet 2019, le Ministère public a ordonné le classement de la plainte de M. B______.

M. A______ n'avait pas fait preuve de la retenue nécessaire exigée par la profession d'avocat et ses propos virulents avaient pu offenser M. B______. La nature du reproche, soit d'avoir en tant que père divorcé manqué à ses devoirs de parent en entravant les relations personnelles de la mère avec son fils, n'était pas suffisamment grave pour faire apparaître M. B______, aux yeux de tiers qui l'auraient reconnu malgré l'anonymisation de l'article, comme une personne méprisable. Un lecteur moyen non averti était en mesure de percevoir le contexte conjugal extrêmement litigieux opposant les époux depuis de nombreuses années et de nuancer ainsi les propos de l'avocat de la mère au sujet de l'arrêt du Tribunal fédéral qui avait donné tort à sa cliente.

M. A______, qui avait présenté publiquement les faits de manière contraire à ceux retenus par le Tribunal fédéral, et manqué de la retenue exigée par sa déontologie professionnelle, avait violé son devoir de diligence au sens de l'art. 12 let. a de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61), de sorte qu'il était condamné aux frais de la procédure pénale.

L'ordonnance était communiquée à la commission du barreau (ci-après : la commission).

Un recours de M. B______ contre l'ordonnance de classement a été rejeté par la chambre pénale des recours de la Cour de justice le 31 octobre 2019.

9) Le 23 août 2019, M. A______ s'est déterminé à la demande de la commission.

Il n'avait contrevenu à aucune règle professionnelle. Sa cliente avait perçu les exigences de M. B______ en matière de droit de visite comme une vengeance après qu'il eut été privé deux ans durant de relations avec C______, et elle n'avait elle-même plus vu son fils depuis 2013. Son commentaire s'intégrait dans l'approche de la journaliste, concentrée sur l'arrêt du Tribunal fédéral, mais qui avait aussi abordé la question d'un enfant victime d'un conflit parental aigu et privé successivement de son père durant plus de deux ans et de sa mère durant près de cinq ans. La journaliste avait d'ailleurs mis en miroir les accusations croisées des parents. Il n'avait jamais voulu blesser M. B______ et lui réitérait ses excuses.

10) Le 19 décembre 2019, la commission a informé M. A______ de l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son encontre et lui a imparti un délai au 17 janvier 2020 pour d'éventuelles observations complémentaires.

11) Par décision du 7 septembre 2020, notifiée le 11 septembre 2020, la commission a prononcé à l'encontre de M. A______ un avertissement assorti d'un délai de radiation de cinq ans.

Il s'était exprimé publiquement en son nom et en dehors de la procédure, avait qualifié l'arrêt du Tribunal fédéral d'erreur judiciaire et présenté les faits de manière contraire à ceux retenus par cette juridiction.

La déclaration, si elle n'était pas attentatoire à l'honneur de M. B______, constituait tout de même une déclaration virulente, sans retenue, et offensante pour celui-ci. Elle n'était aucunement justifiée par les besoins de la défense des intérêts de sa cliente, laquelle n'avait d'ailleurs pas attaqué l'arrêt devant la Cour européenne des droits de l'homme. Les propos n'avaient pas été tenus à chaud, au sortir d'une audience, ce qui eût pu atténuer leur portée, mais communiqués par écrit à la journaliste deux jours avant la parution de l'article. Il n'avait ainsi pas respecté le devoir de réserve dont devait faire preuve tout avocat s'exprimant publiquement, et n'avait pas respecté l'objectivité dont tout avocat devait faire preuve lorsqu'il présentait des faits à la presse, violant son devoir de diligence disposé à l'art. 12 let. a LLCA.

La gravité du manquement était suffisante pour justifier le prononcé d'une sanction. À décharge, M. A______ n'avait pas provoqué l'article ni la médiatisation d'une affaire lourde et douloureuse pour toutes les parties. Il n'avait pas de motifs personnels ni d'antécédents disciplinaires. Un avertissement, sanction la moins sévère, était prononcé.

12) Par acte remis à la poste le 14 octobre 2010, M. A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation

Il avait indiqué à la journaliste que la mère n'avait pas enlevé l'enfant car elle avait à l'époque la garde sur lui et pouvait partir à l'étranger, et qu'elle n'avait pas entravé le droit de visite du père. Un avocat pouvait, au nom de la liberté d'expression, relayer le ressenti de sa mandante, critiquer une décision de justice pour marquer le désaccord de celle-ci, sans pour autant contrevenir à son devoir de réserve.

La décision n'avait pas retenu à charge la deuxième phrase, portant sur le besoin de ses deux parents pour l'enfant et la vengeance de son père. Celle-ci ne constituait pas plus une violation du devoir de réserve.

Il n'avait fait qu'exprimer le sentiment de sa mandante, pour laquelle la constante opposition du père de l'enfant à ce qu'elle puisse bénéficier, à tout le moins, d'un droit de visite usuel, sans surveillance, avec le cas échéant, établissement préalable d'une nouvelle expertise, était une vengeance, car il n'avait pas vu son fils durant plus de deux ans, alors qu'il était aux D______. Sa cliente, elle, ne l'avait pas vu depuis 2013.

Ce commentaire s'intégrait dans l'approche de la journaliste, qui avait aussi abordé la question d'un enfant victime d'un conflit parental aigu et privé successivement de ses deux parents.

13) Le 13 novembre 2020, la commission a transmis son dossier sans observations.

14) Le 17 décembre 2020, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

15) Le 18 décembre 2020, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant soutient que son comportement n'a pas contrevenu à l'art. 12 let. a LLCA.

3) a. L'avocat autorisé à pratiquer doit respecter les règles professionnelles énoncées à l'art. 12 LLCA. Ces règles professionnelles sont des normes destinées à réglementer, dans l'intérêt public, la profession d'avocat, afin d'assurer son exercice correct et de préserver la confiance du public à l'égard des avocats
(ATF
135 III 145 consid. 6.1).

Aux termes de l'art. 12 let. a LLCA, l'avocat exerce sa profession avec soin et diligence. Cette disposition vise le soin et la diligence que l'avocat doit apporter dans l'exercice de son activité professionnelle. Elle constitue une clause générale, permettant d'exiger de l'avocat qu'il se comporte correctement dans l'exercice de sa profession. Sa portée n'est pas limitée aux rapports professionnels de l'avocat avec ses clients, mais comprend aussi les relations avec les confrères et les autorités (ATF 144 II 473 consid. 4.1).

b. La LLCA définit de manière exhaustive les règles professionnelles auxquelles les avocats sont soumis. Les règles déontologiques conservent toutefois une portée juridique en permettant de préciser ou d'interpréter les règles professionnelles, dans la mesure où elles expriment une opinion largement répandue au plan national (ATF 136 III 296 consid. 2.1 ; 131 I 223 consid. 3.4). Dans le but d'unifier les règles déontologiques sur tout le territoire de la Confédération, la Fédération Suisse des Avocats (FSA) a précisément édicté le Code suisse de déontologie (ci-après : CSD), consultable sur http://www.
sav-fsa.ch, entré en vigueur le 1er juillet 2005 et modifié le 22 juin 2012.

À teneur de l'art. 1 CSD, l'avocat exerce sa profession, avec soin et diligence, et dans le respect de l'ordre juridique. Il s'abstient de toute activité susceptible de mettre en cause la confiance mise en lui.

Selon l'art. 8 CSD, l'avocat s'adresse aux autorités avec le respect qui leur est dû et attend d'elles les mêmes égards. Il entreprend toutes les démarches légales nécessaires à la sauvegarde des intérêts de son client.

c. La formulation très large de l'art. 12 let. a LLCA constitue une clause générale qui demande à être interprétée et qui permet de la sorte aux tribunaux de dessiner les devoirs professionnels de l'avocat d'une façon assez libre et étendue, l'énumération exhaustive des devoirs professionnels dans la loi étant impossible. De fait, la jurisprudence donne à cette clause générale un sens qui va bien au-delà de la lettre du texte légal. En effet, le soin et la diligence visés par l'art. 12 let. a LLCA constituent des devoirs qui n'ont pas les clients pour seuls bénéficiaires. Ces devoirs s'étendent à tous les actes professionnels de l'avocat qui, en tant qu'auxiliaire de la justice, doit assurer la dignité de la profession, qui est une condition nécessaire au bon fonctionnement de la justice
(Benoît CHAPPUIS, La profession d'avocat., Tome I, pp. 50-51 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_167/2020 du 13 mai 2020 consid. 3.4 et les références citées).

d. Dans la procédure, l'avocat peut défendre les intérêts de ses clients de manière vigoureuse et s'exprimer de manière énergique et vive. Il n'est pas tenu de choisir la formulation la plus mesurée à l'encontre de la partie adverse, ni de peser tous ses mots. Une certaine marge d'exagération, voire même de provocation, doit ainsi être acceptée (Benoît CHAPPUIS, op.cit., Tome I, pp. 39-40 ; ATF 131 IV 154 consid. 1.3.2).

Tous les moyens ne sont toutefois pas permis. Un comportement inutilement agressif ne correspond pas à une manière d'exercer la profession avec soin et diligence au sens de l'art. 12 let. a LLCA (ATF 130 II 270 consid. 3.2.2 p. 277; arrêt du Tribunal fédéral 2C_507/2019 du 14 novembre 2019 consid. 5.1.3). L'avocat assume une tâche essentielle à l'administration de la justice, en garantissant le respect des droits des justiciables, et joue ainsi un rôle important pour le bon fonctionnement des institutions judiciaires au sens large. Il est partant tenu de s'abstenir de tout acte susceptible de remettre en cause la confiance qui doit pouvoir être placée dans la profession et faire montre d'un comportement correct dans son activité (ATF 144 II 473 consid. 4.3 p. 477 et les références;
130 II 270 consid. 3.2.2 p. 277 s.; arrêts précités 2C_507/2019 consid. 5.1.3; 2C_103/2016 du 20 août 2016 consid. 3.2.2). Il doit contribuer à ce que les conflits juridiques se déroulent de manière appropriée et professionnelle et s'abstenir de tenir des propos inutilement blessants (ATF 131 IV 154 consid. 1.3.2 p. 158; arrêts du Tribunal fédéral 2C_620/2016 du 30 novembre 2016 consid. 2.2; 2C_103/2016 précité consid. 3.2.2). L'avocat n'agit pas dans l'intérêt de son client s'il se livre à des attaques excessives inutiles, susceptibles de durcir les fronts et de conduire à une escalade dans le conflit (ATF 130 II 270 consid. 3.2.2 p. 277; arrêts précités 2C_507/2019 consid. 5.1.3; 2C_103/2016 consid. 3.2.2).  

Dans ses contacts avec la partie adverse, ainsi qu'avec ses représentants, l'avocat doit s'abstenir de prononcer des attaques personnelles, des diffamations ou des allégations injurieuses. S'il peut adopter un comportement énergique et s'exprimer de façon vigoureuse, il ne doit pas pour autant offenser inutilement la partie adverse (cf. ATF 131 IV 154 consid. 1.3.2 p. 158; arrêts du Tribunal fédéral 2C_103/2016 précité consid. 3.2.3 et les références; 2C_1138/2013 du
5 septembre 2014 consid. 2.2; 2A.168/2005 du 6 septembre 2005 consid. 2.2.3).

e. Dans ses rapports avec les media, l'avocat doit jouir d'une grande liberté d'expression et il conserve la faculté de décider sans restriction, et d'entente avec son client, qui reste maître de la question, quand il veut s'exprimer publiquement. Lorsqu'il le fait, il doit garder la réserve nécessaire et ne pas profiter du large retentissement de ses propos publics et de l'absence de la partie adverse ou de l'autorité qu'il critique pour déformer la réalité de l'affaire sur laquelle il s'exprime (Benoît CHAPPUIS, op. cit. , Tome I, pp. 41-42).

f. L'avocat dispose ainsi d'une grande liberté pour critiquer l'administration de la justice, que ce soit en s'en prenant à un magistrat ou à un confrère (arrêt 2P.212/2000 du 5 janvier 2001, RDAT 2001 II no 10 p. 44 consid. 3b), tant qu'il le fait dans le cadre de la procédure, dans un mémoire ou à l'occasion de débats oraux. Dans ce cas, l'avocat n'agit contrairement à ses devoirs professionnels et, partant, de façon inadmissible, que s'il formule des critiques en étant conscient de la fausseté de ses affirmations ou dans une forme attentatoire à l'honneur, au lieu de se limiter à des allégations de fait et à des appréciations. Les déclarations faites en dehors de toute procédure sont quant à elles soumises à des exigences plus strictes. En particulier, un avocat ne devrait faire des déclarations publiques que si les circonstances le justifient. Tel est le cas notamment lorsque cela est nécessaire à sauvegarder les intérêts de son client ou pour repousser des attaques dirigées contre l'avocat lui-même ou encore quand l'avocat se heurte à d'importants dysfonctionnements des pouvoirs publics et ne peut obtenir par une autre voie qu'il y soit remédié (ATF 106 Ia 100 consid. 8b p. 107-108 et les références citées; arrêt du tribunal fédéral 2P.251/2000 du 20 février 2001 consid. 5b et 5c/aa). Ainsi par exemple le fait de déclarer dans le cadre d'une procédure qu'une autorité judiciaire s'est comportée de manière incorrecte ou illégale ne peut être sanctionné disciplinairement si cela est avéré. Toutefois, un avocat qui reproche à un confrère et à des magistrats d'avoir eu un comportement pénalement répréhensible ne peut apporter la preuve de la véracité de telles affirmations qu'en produisant un jugement pénal passé en force. S'il ne dispose pas d'un tel moyen de preuve, il doit s'exprimer avec plus de retenue (arrêts du Tribunal fédéral 2A_191/2003 du 22 janvier 2004 consid. 7.3 ; 2P.101/1998 du 15 décembre 1998, Pra 1999 no 51 p. 291, SJ 1999 I p. 262, ZBl 2000 p. 307, RDAF 2001 I p. 606 consid. 5d/cc et 5e/aa; arrêt du Tribunal fédéral 2P.212/2000 du 5 janvier 2001, RDAT 2001 II n° 10, consid. 3c/bb).

g. Selon la jurisprudence, on peut par ailleurs attendre d'un avocat qu'il fasse preuve de plus de retenue lorsqu'il s'exprime par écrit qu'oralement, puisqu'il a alors le temps de peser ses mots, de réfléchir à leur portée et d'éviter les formulations excessives (arrêts du Tribunal fédéral 2C_103/2016 précité
consid. 3.2.3; 2C_652/2014 du 24 décembre 2014 consid.3.3 et les références, in Pra 2015/94 p. 746).

h. Ainsi, la mise en cause virulente par écrit des compétences et des intentions du conseil d'une partie peut constituer une attaque gratuite et inutilement blessante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_307/2019 du 8 janvier 2020 consid. 7.3). Les accusations graves portées à la légère contre un confrère respectivement un expert (conclusion de l'expertise qualifiées d'« iniques », reproches à l'experte de « désinvolture » et de « vision arbitraire ») peuvent constituer une violation de l'art. 12 let. a LLCA (arrêt du Tribunal fédéral 2C_243/2020 du 25 juin 2020 consid. 3.4 et 3.5). Les reproches personnels, virulents et inutilement blessants contenus dans un courrier adressé à un fonctionnaire dépassent ce qui peut être admis d'un avocat dans sa relation avec une autorité administrative (arrêt du Tribunal fédéral 2C_474/2014 du 26 novembre 2014 consid. 2.3). Les reproches d'usage abusif des procédures disciplinaires adressés à des confrères, dans un courrier diffusé de manière restreinte à des personnes non compétentes pour en connaître, et alors qu'une décision était attendue sur ce point, sont prématurés et ne constituent pas le seul moyen de repousser des attaques ou de remédier à des dysfonctionnements des pouvoirs publics, pas plus qu'ils ne constituent une mise au point (arrêt du Tribunal fédéral 2A_191/2003 précité consid. 7.4).

4) Sous l'angle de la protection de la liberté d'expression de l'avocat par
l'art. 10 CEDH et des limitations pouvant être apportées à l'exercice de cette liberté par ces derniers, la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : la Cour) a jugé que le statut spécifique des avocats, intermédiaires entre les justiciables et les tribunaux, leur fait occuper une position centrale dans l'administration de la justice. C'est à ce titre qu'ils jouent un rôle clé pour assurer la confiance du public dans l'action des tribunaux, dont la mission est fondamentale dans une démocratie et un État de droit (arrêts de la Cour Schöpfer c. Suisse du 20 mai 1998, Rec. 1998-III, §§ 29-30 ; Nikula c. Finlande du 21 mars 2002, Rec. 2002-II, req. n° 31611/96, § 45 ; Amihalachioaie c. Moldova du
20 avril 2004, Rec. 2004-III, req. n° 60115/00, § 27 ; Kyprianou c. Chypre du
15 décembre 2005, req. n° 73797/01, § 173 ; André et autre c. France du 28 juillet 2008, req. n° 18603/03, § 42). Toutefois, pour croire en l'administration de la justice, le public doit également avoir confiance en la capacité des avocats à représenter effectivement les justiciables (arrêt de la Cour Kyprianou, précité,
§ 175). De ce rôle particulier des avocats, professionnels indépendants, dans l'administration de la justice, découlent un certain nombre d'obligations, notamment dans leur conduite (arrêts de la Cour Van der Mussele c. Belgique du 23 novembre 1983, série A n° 70 ; Casado Coca c. Espagne du 24 février 1994, série A, n° 285-A, § 46 ; Steur c. Pays-Bas du 28 octobre 2003, Rec. 2003-XI, req. n° 39657/98, § 38, ; Veraart c. Pays-Bas du 30 novembre 2006, req.
n° 10807/04, § 51 ; et Coutant c. France [décision] du 24 janvier 2008, req.
n° 17155/03). Toutefois, s'ils sont certes soumis à des restrictions concernant leur comportement professionnel, qui doit être empreint de discrétion, d'honnêteté et de dignité, ils bénéficient également de droits et des privilèges exclusifs, qui peuvent varier d'une juridiction à l'autre, comme généralement une certaine latitude concernant les propos qu'ils tiennent devant les tribunaux (arrêt de la Cour Steur, précité). Ainsi, la liberté d'expression vaut aussi pour les avocats. Outre la substance des idées et des informations exprimées, elle englobe leur mode d'expression (arrêt de la Cour Foglia c Suisse du 13 décembre 2007, req.
n° 35865/04, § 85). Les avocats ont ainsi notamment le droit de se prononcer publiquement sur le fonctionnement de la justice, même si leur critique ne saurait franchir certaines limites (arrêts de la Cour Amihalachioaie, précité, §§ 27-28, Foglia, précité, § 86, et Mor c. France du 15 décembre 2011, req. n° 28198/09,
§ 43). Ces dernières se retrouvent dans les normes de conduite imposées en général aux membres du barreau (arrêt de la Cour Kyprianou, précité, § 173), à l'instar des dix principes essentiels énumérés par le CCBE pour les avocats européens, qu'il s'agisse notamment de « la dignité, l'honneur et la probité » ou de « la contribution à une bonne administration de la justice ». De telles règles contribuent à protéger le pouvoir judiciaire des attaques gratuites et infondées qui pourraient n'être motivées que par une volonté ou une stratégie de déplacer le débat judiciaire sur le terrain strictement médiatique ou d'en découdre avec les magistrats en charge de l'affaire. La question de la liberté d'expression est liée à l'indépendance de la profession d'avocat, cruciale pour un fonctionnement effectif de l'administration équitable de la justice (arrêt de la Cour Sialkowska c. Pologne du 22 mars 2007, req. n° 8932/05, § 111). Ce n'est qu'exceptionnellement qu'une limite touchant la liberté d'expression de l'avocat de la défense - même au moyen d'une sanction pénale légère - peut passer pour nécessaire dans une société démocratique (arrêts de la Cour Nikula et Kyprianou, précités, respectivement
§§ 55 et 174).

Selon la Cour, il convient toutefois de distinguer selon que l'avocat s'exprime dans le prétoire ou en dehors de celui-ci. S'agissant tout d'abord des « faits d'audience », dès lors que la liberté d'expression de l'avocat peut soulever une question sous l'angle du droit de son client à un procès équitable, l'équité milite également en faveur d'un échange de vues libre, voire énergique, entre les parties (arrêts de la Cour Nikula, précité, § 49, et Steur, précité, § 37) et l'avocat a le devoir de « défendre avec zèle les intérêts de ses clients » (arrêt de la Cour Nikula, précité, § 54), ce qui le conduit parfois à s'interroger sur la nécessité de s'opposer ou non à l'attitude du tribunal ou de s'en plaindre (arrêt de la Cour Kyprianou, précité, § 175). De plus, la Cour tient compte du fait que les propos litigieux ne sortent pas de la salle d'audience. Par ailleurs, elle opère une distinction selon la personne visée, un procureur, qui est une « partie » au procès, devant « tolérer des critiques très larges de la part de [l'avocat de la défense] », même si certains termes sont déplacés, dès lors qu'elles ne portent pas sur ses qualités professionnelles ou autres en général (arrêts de la Cour Nikula, précité,
§§ 51-52, Foglia, précité, § 95, et Roland Dumas c. France du 23 septembre 2003, req. n° 53425/99, § 48). Concernant ensuite les propos tenus en dehors du prétoire, la Cour rappelle que la défense d'un client peut se poursuivre avec une apparition dans un journal télévisé ou une intervention dans la presse et, à cette occasion, avec une information du public sur des dysfonctionnements de nature à nuire à la bonne marche d'une instruction (arrêt de la Cour Mor, précité, § 59). À ce titre, la Cour estime qu'un avocat ne saurait être tenu responsable de tout ce qui figurait dans l'« interview » publiée, compte tenu du fait que c'est la presse qui a repris ses déclarations et que celui-ci a démenti par la suite ses propos (arrêt de la Cour Amihalachioaie, précité, § 37). Dans l'affaire Foglia précitée, elle a également considéré qu'il ne se justifiait pas d'attribuer à l'avocat la responsabilité des agissements des organes de presse (arrêt de la Cour Foglia, précité, § 97). De même, lorsqu'une affaire fait l'objet d'une couverture médiatique en raison de la gravité des faits et des personnes susceptibles d'être mises en cause, on ne peut sanctionner pour violation du secret de l'instruction un avocat qui s'est contenté de faire des déclarations personnelles sur des informations déjà connues des journalistes et que ces derniers s'apprêtent à diffuser avec ou sans de tels commentaires. Pour autant, l'avocat n'est pas déchargé de son devoir de prudence à l'égard du secret de l'instruction en cours lorsqu'il s'exprime publiquement (arrêt de la Cour Mor, précité, §§ 55 et 56).

Il reste, selon la Cour, que les avocats ne peuvent tenir des propos d'une gravité dépassant le commentaire admissible sans solide base factuelle (arrêt de la Cour Karpetas, précité, § 78 ; voir également A c. Finlande [décision] du 8 janvier 2004, req. n° 44998/98) ou proférer des injures (décision de la Cour Coutant précitée). Au regard des circonstances de l'affaire Gouveia Gomes Fernandes et Freitas e Costa, un ton non pas injurieux mais acerbe, voire sarcastique, visant des magistrats, a été jugé compatible avec l'article 10 (arrêt de la Cour Gouveia Gomes Fernandes et Freitas e Costa, précité, § 48). La Cour apprécie les propos dans leur contexte général, notamment pour savoir s'ils peuvent passer pour trompeurs ou comme une attaque gratuite (arrêts de la Cour Ormanni c. Italie du 17 juillet 2007, req. n° 30278/04, § 73, et Gouveia Gomes Fernandes et Freitas e Costa, précité, § 51) et pour s'assurer que les expressions utilisées en l'espèce présentent un lien suffisamment étroit avec les faits de l'espèce (arrêts de la Cour Feldek c. Slovaquie du 12 juillet 2001, Rec. 2001-VIII, req. n° 29032/95, § 86, et Gouveia Gomes Fernandes et Freitas e Costa précité).

La Cour a par exemple jugé que les reproches, adressées par une avocate de la défense à un procureur dans le cadre de la procédure, soit sans sortir de la salle d'audience ni paraître dans la presse, au sujet de la stratégie de l'accusation d'avoir pris deux décisions avant le procès constituant des manipulations méconnaissant les devoirs de sa charge, portaient uniquement sur la manière dont le procureur s'était acquitté de ses fonctions, n'étaient pas personnelles et devaient être tolérées par celui-ci, étant observé que le reproche avait été traité comme une objection, et rejeté, et que le tribunal n'avait ni interrompu ni réprimandé l'avocate (arrêt de la Cour Nikula c. Finlande précité, §§ 51-56). Les critiques adressées dans la presse par un avocat à la juge d'instruction, qui avait tardé à instruire et négligé de transmettre une pièce essentielle après avoir été écartée du dossier, reposaient sur des faits avérés, présentaient un lien suffisamment étroit avec les faits de la procédure, et n'étaient ni trompeurs ni constitutifs d'une attaque gratuite (arrêt de la Cour Morice c. France [Grande Chambre] du 23 avril 2015, req. n° 29369/10, §§ 154-161).

5) a. Selon l'art. 14 al. 1 de la loi sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10), la commission exerce les compétences dévolues à l'autorité de surveillance des avocats par la LLCA, ainsi que les compétences qui lui sont attribuées par la LPAv.

Les avocats inscrits au registre cantonal sont soumis, sans préjudice des règles de droit commun, à la surveillance de la commission (art. 42
al. 1 LPAv). La commission statue sur tout manquement aux devoirs professionnels. Si un tel manquement est constaté, elle peut, suivant la gravité du cas, prononcer les sanctions énoncées à l'art. 17 LLCA. La prescription est régie par l'art. 19 de cette même loi (art. 43 al. 1 LPAv).

b. Si la procédure a été ouverte sur une dénonciation, l'auteur de cette dernière est avisé de la suite qui y a été donnée. Il n'a pas accès au dossier. La commission lui communique la sanction infligée et décide dans chaque cas de la mesure dans laquelle il se justifie de lui donner connaissance des considérants (art. 48 LPAv).

6) L'autorité de surveillance doit faire preuve d'une certaine réserve dans son appréciation du comportement de l'avocat (arrêt du Tribunal fédéral 2C_103/2016 précité consid. 3.2.3). L'art. 12 let. a LLCA est une disposition subsidiaire. Pour que le comportement d'un avocat justifie une sanction au sens de cette disposition, la violation du devoir de prudence doit atteindre une certaine gravité qui, au-delà des sanctions relevant du droit des mandats, nécessite, dans l'intérêt public, l'intervention proportionnée de l'État (arrêt du Tribunal fédéral 2C_933/2018 du 25 mars 2019 consid. 5.1). Le comportement sanctionné par
l'art. 12 let. a LLCA suppose partant un manquement significatif aux devoirs de la profession.

7) La chambre administrative examine librement si le comportement incriminé contrevient à l'art. 12 let. a LLCA (art. 61 LPA ; ATA/1405/2017 du 17 octobre 2017 ; ATA/820/2014 du 28 octobre 2014).

8) En l'espèce, le recourant, s'exprimant hors procédure et répondant à l'interpellation d'une journaliste, a reproché à l'arrêt du Tribunal fédéral de consacrer une « erreur judiciaire », aucun enlèvement de mineur n'ayant eu lieu. Or le recourant ne pouvait ignorer que l'infraction d'enlèvement de mineur avait en réalité été définitivement confirmée par l'arrêt du Tribunal fédéral, étant observé qu'une requête à la Cour européenne des droits de l'homme n'a en l'occurrence pas été formé.

En présentant la version de la réalité défendue par sa cliente sans mentionner la vérité judiciaire contraire telle qu'établie par les tribunaux, il a manqué de l'objectivité qui pouvait être attendue de lui, comme l'a à juste titre relevé la commission. La chambre de céans observe par ailleurs que le droit de l'avocat de discuter et de critiquer les décisions de justice suppose que le contenu déterminant de ces dernières soit au moins mentionné. En l'espèce, le recourant s'est tenu à une critique cinglante (l'arrêt consacrait une erreur judiciaire) et une assertion factuelle (il n'y avait pas eu enlèvement de mineur, sa cliente avait le droit de garde, elle pouvait partir à l'étranger, elle n'avait pas entravé le droit de visite du père), propos que la journaliste a d'ailleurs qualifiés de « féroces ».

Le recourant a également prêté au père de l'enfant l'intention de couper tout lien entre l'enfant et sa cliente, avec le mobile de la vengeance. Or, le recourant connaissait les procédures et la situation très complexe de la famille, et il ne pouvait en particulier ignorer les craintes du père après l'enlèvement de l'enfant par la mère. Expliquer dans ces circonstances les difficultés de l'exercice du droit de visite de sa cliente par l'intention du père de couper tout lien et sa volonté de vengeance, constituait bien une déclaration virulente, sans retenue et offensante pour ce dernier, comme l'a relevé la commission.

C'est également à juste titre que la commission a tenu compte du fait que la procédure devant le Tribunal fédéral était terminée et que le recourant avait agi à froid, par écrit, deux jours avant la publication de l'article.

Le recourant ne saurait être suivi lorsqu'il suggère qu'il aurait voulu mettre en lumière les conflits autour de la garde des enfants et leurs conséquences parfois dramatiques. En telle hypothèse, il lui eut en effet été loisible de se cantonner à des considérations générales, sans qu'il lui soit nécessaire de mettre en cause publiquement et de manière virulente la partie adverse. La défense de sa cliente ne nécessitait en aucun cas les excès auxquels il s'est livré, ce d'autant que la procédure était terminée. La distance professionnelle que l'avocat doit observer, même avec son client, aurait au contraire dû lui suggérer de ne pas s'aventurer, dans un contexte aussi tendu, à reproduire publiquement le ressenti de celle-ci.

Le grief tiré de la violation de l'art. 12 let. a LLCA sera écarté.

9) Reste à examiner la proportionnalité de la sanction prononcée par la commission.

a. Selon l'art. 17 al. 1 LLCA, en cas de violation de la LLCA, l'autorité de surveillance peut prononcer des mesures disciplinaires, soit l'avertissement (let. a), le blâme (let. b), une amende de CHF 20'000.- au plus (let. c), l'interdiction temporaire de pratiquer pour une durée maximale de deux ans (let. d) ou l'interdiction définitive de pratiquer (let. e). L'amende peut être cumulée avec une interdiction de pratiquer (art. 17 al. 2 LLCA). Si nécessaire, l'autorité de surveillance peut retirer provisoirement l'autorisation de pratiquer (art. 17 al. 3 LLCA).

L'avertissement, le blâme et l'amende sont radiés du registre cinq ans après leur prononcé (art. 20 al. 1 LLCA). L'avertissement est la sanction prévue la moins grave et est réservée aux cas bénins. Le blâme est destiné à sanctionner des manquements professionnels plus graves et doit apparaître comme suffisant pour ramener l'avocat à ses devoirs et l'inciter à se comporter de manière irréprochable, conformément aux exigences de la profession (Alain BAUER/Philippe BAUER in Michel VALTICOS/Christian M. REISER/Benoît CHAPPUIS [éd.], Loi sur les avocats : commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats, 2010, n. 58 à 62 ad art.  17 LLCA).

b. Des sanctions disciplinaires contre un avocat présupposent, du point de vue subjectif, une faute, dont le fardeau de la preuve incombe à l'autorité disciplinaire. La faute peut consister en une simple négligence ; peut être sanctionné un mandataire qui a manqué du soin habituel qu'en toute bonne foi on peut et doit exiger de chaque avocat (ATF 110 Ia 95 = JdT 1986 I 142 ; Alain BAUER/Philippe BAUER, in Michel VALTICOS/Christian REISER/Benoît CHAPPUIS, op. cit., n.  11 ad art. 17 LLCA).

c. Pour déterminer la sanction, l'autorité doit, en application du principe de la proportionnalité, tenir compte tant des éléments objectifs, telle l'atteinte objectivement portée à l'intérêt public, que de facteurs subjectifs. Elle jouit d'un large pouvoir d'appréciation que la chambre administrative ne censure qu'en cas d'excès ou d'abus (ATA/152/2018 du 20 février 2018 et les références citées).

L'autorité tiendra notamment compte de la gravité de la faute commise, des mobiles et des antécédents de son auteur, ou encore de la durée de l'activité répréhensible. Elle pourra également prendre en considération, suivant les cas, des éléments plus objectifs extérieurs à la cause, comme l'importance du principe de la règle violée ou l'atteinte portée à la dignité de la profession. Elle devra enfin tenir compte des conséquences que la mesure disciplinaire sera de nature à entraîner pour l'avocat, en particulier sur le plan économique, ainsi que des sanctions ou mesures civiles, pénales ou administratives auxquelles elle peut s'ajouter (Alain BAUER/Philippe BAUER, in Michel VALTICOS/Christian REISER/Benoît CHAPPUIS, op. cit., n. 25 ad art. 17 LLCA).

d. En l'espèce, la commission a prononcé la sanction la plus clémente prévue par la loi.

La nécessité du prononcé d'une sanction et l'adéquation de celle-ci sont acquises, s'agissant de sanctionner un comportement d'une certaine gravité aux fins d'en prévenir la répétition.

Le choix de l'avertissement, compte tenu de la gravité de la faute, des circonstances particulières du cas, de l'absence d'intérêt personnel et d'antécédents du recourant, ne constitue ni un excès ni abus du pouvoir d'appréciation de la commission, et sera confirmé (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_247/2014 du 26 novembre 2014).

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

10) Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

11) Le Ministère public, qui a dénoncé le recourant, n'étant pas partie à la procédure devant la chambre de céans, ni l'arrêt ni le dispositif ne lui seront notifiés. La tâche de l'en informer reviendra ainsi à la commission. Il en ira de même de M. B______, qui avait reçu de la commission copie de la décision attaquée (ATA/818/2018 du 14 août 2018 et les références citées).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 octobre 2020 par M. A______ contre la décision de la commission du barreau du 7 septembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de M. A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

communique le présent arrêt à M. A______ ainsi qu'à la commission du barreau.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Steck, M. Verniory,
Mme McGregor, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :