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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/182/2022

ATA/212/2022 du 01.03.2022 ( EXPLOI ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/182/2022-EXPLOI ATA/212/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 1er mars 2022

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Louise Bonadio, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ



Vu, en fait, la décision rendue le 30 novembre 2021 par le département de la sécurité, de la population et de la santé ordonnant à Monsieur A______, sous la menace des peines prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), la fermeture immédiate et définitive des salons de massages B______ 1 et 2 sis rue de C______ à Genève ainsi que de l’agence d’escorte B______ Agency, interdisant à M. A______ d’exploiter un salon de massage et une agence d’escorte pendant dix ans, ces points étant déclarés exécutoires nonobstant recours, et lui infligeant une amende administrative de CHF 500.- ; il ressortait d’un rapport de police rédigé à la suite d’un contrôle opéré le 22 février 2021 au sein du salon de massage B______ 2 que les conditions sanitaires visant à lutter contre le Covid-19 n’étaient pas remplies ; en particulier, aucun fichier répertoriant le nom des clients n’était tenu et aucun gel désinfectant n’était mis à disposition ; par ailleurs, M. A______ avait déclaré travailler à 100 % dans une société d’investissement, qui était « quasiment en faillite » ; n’ayant pas donné suite à la demande du département de produire un extrait de poursuites, celui-ci en avait requis et constaté que M. A______ avait été déclaré en faillite en 2020, la faillite ayant été clôturée le 25 mars 2021, et faisait l’objet de nouvelles poursuites pour un montant total de CHF 40'000.- ;

vu le recours interjeté le 17 janvier 2022 devant la chambre administrative de la Cour de justice par M. A______ contre cette décision, dont il a demandé l’annulation ; il sous-louait les deux appartements dans lesquels les quatre travailleuses du sexe exerçaient ; il s’était inscrit comme exploitant de salon uniquement parce qu’il lui avait été indiqué qu’il s’agissait d’une condition pour sous-louer les appartements ; il n’avait jamais eu la volonté d’exploiter les salons ; il avait renoncé à l’exploitation des salons et tentait d’améliorer sa situation financière ;

qu’il a requis la restitution de l’effet suspensif, la décision le privant de tout revenu ; sa situation financière ne dégradait nullement les conditions de travail des travailleuses du sexe ; son droit d’être entendu avait été violé dès lors qu’il n’avait pas eu accès aux procès-verbaux des contrôles effectués le 22 octobre 2021 dans les deux appartements ; il ne pouvait ainsi être retenu que ces locaux constituaient des salons de massage ; par ailleurs, la décision violait le principe de la proportionnalité ;

que le département a conclu au rejet de la requête ; qu’il a relevé que le recourant avait fait des déclarations contradictoires, indiquant le 15 octobre 2021 qu’il sous-louait à des « personnes qui s’y prostituent seules », alors qu’il avait précédemment confirmé que le B______ 2 était occupé par quatre travailleuses du sexe ; il avait ainsi sous-loué les locaux spécifiquement à des personnes exerçant la prostitution ; les intentions du recourant n’étaient pas claires : il avait affirmé vouloir renoncer à l’exploitation de son agence, tout en affirmant que sa fermeture le mettait dans une situation financière difficile ; le contrôle du 22 octobre 2021 avait fait l’objet, dans un premier temps, d’un rapport oral, puis d’un courriel, le 3 novembre 2021, qui avait été transmis au recourant ; l’intérêt public à une bonne gestion des établissements publics dédiés à la prostitution, notamment d’éviter une sur-occupation des lieux ou la perception de loyers disproportionnés, s’opposait à la restitution de l’effet suspensif ;

que le recourant ne s’est pas manifesté dans le délai imparti pour répliquer sur effet suspensif ;

que les parties ont été informées que la cause était gardée à juger su effet suspensif ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par une juge ;

qu'aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles, dont fait partie la restitution et le retrait de l'effet suspensif, ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/288/2021 du 3 mars 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020) ;

que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que la restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que lors du prononcé de mesures provisionnelles, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que toute personne physique qui, en tant que locataire, sous-locataire, usufruitière, propriétaire ou copropriétaire, exploite un salon et met à disposition de tiers des locaux affectés à l'exercice de la prostitution doit s'annoncer, préalablement et par écrit, aux autorités compétentes en indiquant le nombre et l'identité des personnes qui y exercent la prostitution (art. 9 al. 1 la loi sur la prostitution du 17 décembre 2009 (LProst- I - 49 -LProst) ; la personne qui effectue l'annonce est considérée comme personne responsable au sens de la LProst (art. 9 al. 4 LProst);

que, selon l'art. 10 LProst, la personne responsable d'un salon doit remplir les conditions personnelles suivantes : être de nationalité suisse ou titulaire de l'autorisation nécessaire pour exercer une activité indépendante en Suisse (let. a) ; avoir l'exercice des droits civils (let. b) ; offrir, par ses antécédents et son comportement, toute garantie d'honorabilité et de solvabilité concernant la sphère d'activité envisagée (let. c) ; être au bénéfice d'un préavis favorable du département, confirmant que les locaux utilisés peuvent être affectés à une activité commerciale ou qu'une dérogation a été accordée (let. d) ; ne pas avoir été responsable, au cours des dix dernières années, d'un salon ou d'une agence d'escorte ayant fait l'objet d'une fermeture et d'une interdiction d'exploiter au sens des art. 14 et 21 LProst (let. e) ;

que l’art. 17 LProst prévoit les mêmes conditions personnelles pour pouvoir exploiter une agence d’escorte ;

qu’en l’espèce, la requête de restitution de l’effet suspensif tend à permettre au recourant de continuer à exploiter, durant la présente procédure, les salons de massage B______ 1 et 2 et l’agence d’escorte B______;

qu’il convient, en premier lieu, de relever que les affirmations du recourant quant à sa qualité d’exploitant d’un salon de massages et d’une agence d’escorte sont contradictoires, soutenant tantôt ne pas avoir cette qualité, puis vouloir y renoncer et semblant, en demandant la restitution de l’effet suspensif, s’en prévaloir à nouveau ;

que cela étant, à teneur du dossier, le recourant s’est annoncé à plusieurs reprises au département, en dernier lieu le 18 octobre 2015, comme exploitant d’un salon de massages et d’une agence d’escorte, ayant repris seul la gestion des salons de massages le 14 octobre 2014 ;

qu’il apparaît, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, que le recourant ne semble plus remplir les conditions nécessaires à ces deux activités ;

qu’en effet, à teneur de l’attestation établie le 8 septembre 2021 par l’office des poursuites du district de Nyon, le recourant a été déclaré en faillite personnelle le 6 juillet 2020 et la faillite clôturée le 25 mars 2021 ; en outre, il faisait, depuis lors, l’objet de nouvelles poursuites pour plusieurs dizaines de milliers de francs ;

qu’à cet égard, bien qu’il le soutienne, il n’apporte pas d’éléments permettant de retenir que sa situation financière serait désormais assainie ; qu’au contraire, selon un courriel adressé par ses soins à l’un de ses créanciers, Corner Card, le 15 novembre 2021, il n’était pas en mesure d’honorer l’échéancier proposé par celui-ci ;

qu’au vu de ces éléments, il ne peut être retenu que les chances de succès de son recours justifieraient l’octroi des mesures provisionnelles sollicitées ;

qu’en outre et contrairement à ce que fait valoir le recourant, l’exigence posée par la loi d’être solvable pour exploiter un salon de massages ou une agence d’escortes vise des intérêts publics et privés majeurs, à savoir ceux d’éviter que les prostituées versent des loyers disproportionnés et aussi de veiller à éviter une sur-occupation des lieux ;

que ces intérêts prévalent sur ceux du recourant à préserver ses sources de revenus ;

qu’au vu de ce qui précède, la requête de restitution de l’effet suspensif sera rejetée ;

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais de la présente décision.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution de l’effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Louise Bonadio, avocate du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

 

 

Le vice-président :

 

 

 

C. Mascotto

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :