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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3081/2021

ATA/181/2022 du 22.02.2022 ( AMENAG ) , ADMIS

Recours TF déposé le 28.03.2022, rendu le 07.02.2023, REJETE, 2C_255/2022
Descripteurs : DROIT FONCIER RURAL;ZONE AGRICOLE;TERRAIN AGRICOLE;IMMEUBLE AGRICOLE;BAIL À FERME;CARRIÈRE;PERMIS D'EXPLOITER DES MATÉRIAUX;OBJET DU LITIGE
Normes : Cst.29.al2; LPA.61.al1; Cst.75.al1; LAT.14.al1; LAT.14.al2; LGEA.1.al1; LGEA.4; LGEA.5.al1; LGEA.6; LGEA.7; LGEA.8.al1; LGEA.11.al2; LGEA.22.al1; LDFR.1.al1; LDFR.2.al1; LDTR.6.al1; LGEA.7; LGEA.8.al1; LGEA.11.al2; LGEA.22.al1; LGEA.22.al6; LaLDFR.3.al1; LDFR.47
Résumé : Parcelle située en zone agricole, incluse dans un périmètre du plan d'extraction de gravière. Elle ne sera toutefois exploitée à ce titre que dans environ trente ans. Contrairement à ce que soutiennent les parties intimées, ce n'est pas l'entrée en force du plan d'extraction qui constitue le moment décisif permettant de sortir le terrain du champ d'application de la LDFR mais le moment de la délivrance de l'autorisation d'exploiter la parcelle à titre de gravière. La parcelle en cause est d'ailleurs actuellement affermée et cultivée. Elle est donc appropriée à un usage agricole au sens de l'art. 6 al. 1 LDFR et doit donc rester soumise au champ d'application de la LDFR. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3081/2021-AMENAG ATA/181/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 février 2022

 

dans la cause

 

OFFICE CANTONAL DE L'AGRICULTURE ET DE LA NATURE

contre

COMMISSION FONCIÈRE AGRICOLE

et

A______ SA
représentée par Me Romaine Zürcher, avocate



EN FAIT

1) Messieurs C______ et D______ B______ sont copropriétaires de la parcelle n° 1______, feuille 2______, du cadastre de la commune de G______ (ci-après : la commune), d'une surface de 16'733 m2, à l'adresse chemin de E______, ______ G______, située en zone agricole.

Un hangar agricole d'une surface de 86 m2 y est érigé.

M. C______ B______ est bénéficiaire d'un d'usufruit grevant ladite parcelle, actuellement exploitée à des fins agricoles par Monsieur F______, au bénéfice d'un bail à ferme conclu le 30 juin 2002.

2) Incluse dans le plan d'extraction de gravière « Sous-G______ » PE 3______(ci-après : plan d'extraction de gravière), adopté par le Conseil d'État le 30 octobre 2013, cette parcelle est comprise dans la phase D3 et ne sera exploitée en gravière qu'en 2054 au plus tôt, selon le rapport d'impact sur l'environnement (ci-après : RIE), version définitive, de mars 2013 relatif à ce projet.

3) A______ SA (ci-après : A______ ou la société) est une société anonyme, inscrite au registre du commerce du canton de Genève (ci-après : RC) depuis le 17 août 2020, ayant son siège à Genève. Elle a pour but, en Suisse et à l'étranger (à l'exclusion d'opérations et de participations dans des sociétés ayant une activité immobilière en Suisse), l'exploitation, le traitement, le transport et la vente de graviers, de sables et de tous autres matériaux de construction, l'achat et vente de tout matériel d'exploitation de gravière, ainsi que la prise de participations dans le capital et administration de sociétés, et toutes opérations immobilières.

4) Par acte notarié du 20 mai 2021, MM. B______ et A______ ont signé une promesse de vente et d'achat de la parcelle n° 1______ pour un prix de CHF 2'400'000.-, moyennant la réalisation de deux conditions suspensives :

- l'obtention par le promettant-acquéreur d'une décision, entrée en force, délivrée par la commission foncière agricole (ci-après : CFA) l'autorisant à acquérir la parcelle n° 1______ ou constatant son désassujettissement ou son non-assujettissement aux prescriptions du droit foncier rural pour la durée de son exploitation en tant que gravière et/ou pour du remblayage ;

- l'obtention par A______ d'un accord de fin des relations contractuelles liant M. F______ à MM. B______ (art. 2 et 21 de la convention).

5) Le 3 juin 2021, A______ a déposé auprès de la CFA une requête en non-assujettissement de la parcelle n° 1______ aux prescriptions du droit foncier rural, dans la mesure où elle était située en zone de gravière depuis l'entrée en force du plan d'extraction de gravière.

6) Par décision du 6 juillet 2021, la CFA a constaté le non-assujettissement à la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11) de la parcelle n° 1______ jusqu'à la fin de l'exploitation de la gravière.

Cette parcelle était située dans le périmètre du plan d'extraction de gravière, actuellement en force. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, un immeuble situé en zone agricole qui était affecté à l'exploitation d'une gravière devait être soustrait du champ d'application de la LDFR.

La durée temporaire d'exploitation de la gravière commençait au moment où la zone gravière était adoptée – soit de l'entrée en force du plan d'extraction de gravière qui en fixait le périmètre – et s'achevait à la fin de l'exploitation de la gravière qui serait constatée par arrêté du Conseil d'État publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO).

7) Par acte du 14 septembre 2021, l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et au renvoi du dossier à la CFA pour nouvelle décision dans le sens des considérants, sous suite de frais et dépens.

La parcelle n° 1______ était située dans une zone à constructibilité restreinte en zone agricole. Dans la mesure où le plan d'extraction de gravière avait une durée de validité temporaire et que la zone devrait retourner à l'agriculture après remise en état des lieux, ladite parcelle demeurait hors de la zone à bâtir. Affermée depuis 2002, son usage agricole était licite et il ne faisait aucun doute que le bien-fonds concerné était approprié à un tel usage. La LDFR lui était donc applicable.

A______ ne pourrait pas obtenir l'autorisation d'acquérir la parcelle. Compte tenu de la planification établie par le plan d'extraction de gravière, elle ne pourrait pas prétendre à la délivrance de l'autorisation d'exploiter avant l'année 2054. La CFA n'était donc pas susceptible d'autoriser l'acquisition de la parcelle par A______.

En l'absence de gravière autorisée en cours d'exploitation sur la parcelle, qui rendrait de fait l'immeuble impropre à une exploitation agricole, ce dernier était approprié à un usage agricole. Le motif d'exclusion de la parcelle de la LDFR n'était par conséquent pas réalisé. Au surplus, il ne saurait être réalisé avant l'entrée en force d'une autorisation d'exploiter, en l'espèce avant plusieurs dizaines d'années selon le plan d'extraction de gravière. A______ ne disposait d'aucune autorisation délivrée pour l'extraction de gravier sur la parcelle. La CFA ne pouvait ainsi pas prononcer le désassujettissement de la parcelle.

Exclure l'application de la LDFR dès la promulgation du plan d'extraction de gravière ou dans la période précédant l'exploitation effective du gravier créerait une vacance contraire aux buts de la LDFR, à savoir notamment l'encouragement de la propriété foncière rurale et le maintien des entreprises familiales comme fondement d'une population paysanne forte et d'une agriculture productive, le renforcement de la position de l'exploitant à titre personnel, y compris celle du fermier, et la lutte contre les prix surfaits des terrains agricoles. Le non-assujettissement pendant une période, qui pourrait couvrir plusieurs dizaines d'années, priverait le fermier de son droit de préemption, permettrait à un non-exploitant agricole de devenir propriétaire d'un terrain cultivé par un tiers hors des exceptions prévues par la loi et autoriserait la revente du terrain à des prix surfaits.

8) Le 20 octobre 2021, la CFA a conclu au rejet du recours.

L'usage agricole d'une parcelle exploitée en gravière était suspendu dès que l'exploitation de la gravière commençait, soit au plus tôt dès que l'autorisation d'exploiter était délivrée par le Conseil d'État, jusqu'à la fin de l'exploitation constatée par un arrêté du Conseil d'État. Si l'usage agricole pouvait être maintenu jusqu'à l'autorisation d'exploiter la gravière, cela ne signifiait pas encore que la parcelle en zone agricole devait être assujettie à la LDFR jusqu'à la délivrance de ladite autorisation.

La jurisprudence genevoise en matière de zones de développement devait s'appliquer par analogie à la zone de gravières. Ainsi, le non-assujettissement d'une parcelle en zone gravière pouvait être constaté dès que le Conseil d'État avait autorisé l'application des normes de la zone gravière, soit dès l'entrée en force du plan d'extraction de gravière, ce qui n'était pas contraire aux buts poursuivis par la LDFR. Constater le non-assujettissement au droit foncier rural de la parcelle seulement après l'entrée en force de l'autorisation d'exploiter aurait pour effet de contraindre le propriétaire à vendre la parcelle après cette entrée en force, ou à la vendre en faveur d'un exploitant à titre personnel au prix maximum licite à Genève de CHF 8.-/ m2. Le nouvel acquéreur pourrait ensuite revendre la parcelle à un prix nettement supérieur, conforme à la zone gravière, dès l'obtention de l'autorisation d'exploiter entrée en force, soit en 2054. Or, la LDFR avait pour but notamment de faciliter l'acquisition de terrains agricoles par des exploitants agricoles à titre personnel pour maintenir une agriculture forte et non pas pour leur permettre de spéculer sur du terrain agricole au détriment du droit du propriétaire.

M. F______ ne serait pas lésé par la constatation du non-assujettissement de la parcelle à la LDFR. L'usage agricole serait en effet maintenu jusqu'à l'entrée en force de l'autorisation d'exploiter, soit jusqu'en 2054. Le fermier restait par ailleurs protégé par son bail à ferme agricole et la législation en matière de bail à ferme agricole. En revanche, le fermier n'avait pas à être protégé par la LDFR, ni par une acquisition à un prix maximum licite, ni par le droit de préemption du fermier, au risque de lui permettre de spéculer sur du terrain agricole, ce qui n'était pas conforme au but poursuivi par cette loi.

La jurisprudence fédérale citée par l'OCAN à l'appui de son affirmation, selon laquelle dans la période précédant et suivant la décision d'autorisation d'exploiter, les terrains en zone gravière restaient soumis à la LDFR, ne lui était d'aucun secours. Le Tribunal fédéral ne s'était pas prononcé sur le non-assujettissement d'une parcelle en zone gravière, notamment sur le moment où le non-assujettissement pouvait être constaté.

Elle s'en remettait à justice sur la question de l'examen des conditions d'autorisation d'acquérir la parcelle au sens de la législation sur le droit foncier rural.

9) Le 22 octobre 2021, A______ a conclu, préalablement, à l'audition des parties, principalement, au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

Elle avait effectué les démarches en accord avec MM. B______, lesquels pouvaient, si la chambre administrative le jugeait nécessaire, adhérer formellement à ses écritures et participer à la procédure.

Il ressortait de la structure hiérarchique de la planification applicable en matière d'aménagement du territoire que la zone de gravières s'ajoutait à la zone primaire et avait pour effet de modifier le régime applicable aux terrains concernés pendant la durée d'exploitation de la gravière. Elle pouvait être qualifiée d'« autre zone », se superposant à une zone primaire (en général une zone agricole) et était limitée dans le temps, puisque le terrain reprenait automatiquement son affectation initiale au terme de l'exploitation de la gravière. Il n'était ainsi pas contesté que l'immeuble en zone de gravières demeurait en zone agricole primaire. En revanche, l'affectation en zone de gravières avait pour effet de sortir temporairement l'immeuble du champ d'application de la LDFR. Le moment décisif pour constater/prononcer le désassujettissement à la LDFR était celui du plan d'extraction de gravière.

L'arrêt du Tribunal fédéral cité par l'OCAN ne devait pas être compris comme se référant stricto sensu à une autorisation d'exploiter au sens de la législation sur les gravières et exploitations assimilées. Le Tribunal fédéral précisait qu'une exploitation de gravière ne pouvait généralement avoir lieu que si une zone de gravières était créée, ce qui avait pour effet de sortir le terrain concerné du champ d'application de la LDFR. L'étape clé qui définissait le caractère « non approprié à un usage agricole » du terrain était celle du changement d'affectation soit, à Genève, l'entrée en vigueur du plan d'extraction de gravière, lequel créait la zone de gravières.

Un parallèle pouvait être fait entre le régime administratif applicable à l'exploitation d'une gravière en zone agricole et celui applicable aux zones de développement dont la zone primaire était agricole. La zone secondaire (zone de développement) se superposait à la zone ordinaire (la zone agricole) et sortait du champ d'application du droit foncier rural au plus tôt au moment de l'entrée en force d'un plan d'affectation, à savoir un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ). Les phases administratives étaient analogues à celles applicables à l'exploitation de gravières. Ainsi, l'étape administrative clé pour désassujettir une parcelle située en zone primaire agricole du champ d'application de la LDFR était celle du changement d'affectation, par l'intermédiaire d'un PLQ s'agissant de la zone de développement, et donc d'un plan d'extraction s'agissant de la zone de gravières. Le caractère « impropre à une utilisation agricole » découlait d'un acte administratif d'affectation et non de l'utilisation effective qui était faite de l'immeuble. L'entrée en vigueur de cette phase administrative n'empêchait pas le maintien, pendant une certaine période, de l'activité agricole, moyennant un accord privé entre le propriétaire et l'exploitant agricole en place.

Dès l'entrée en vigueur du plan d'extraction de gravière, un usage agricole sur le terrain en question n'était plus « licite » au sens de l'aménagement du territoire, tout en demeurant envisageable sous l'angle du droit privé. Le droit de préemption légal du fermier n'était toutefois pas applicable sous le régime de la zone de gravières, puisque la LDFR ne s'appliquait temporairement plus à la parcelle.

La CFA était en droit de rendre des décisions de constatation de non-assujettissement, respectivement d'assujettissement à la LDFR. Au vu de l'analogie qui pouvait être faite avec le régime de la zone de développement, une telle décision de constatation n'aurait pas même eu besoin d'être sollicitée puisqu'il s'agissait de constater la réalisation d'une étape administrative, pouvant être attestée par le notaire.

Dans la mesure où, dès l'entrée en vigueur du plan d'extraction de gravière, les terrains concernés sortaient du champ d'application de la LDFR, la procédure d'autorisation d'acquérir au sens de la LDFR n'était plus applicable. A______ aurait également pu acquérir la parcelle avant l'entrée en force du plan d'extraction de gravière sur la base des prescriptions du droit foncier rural puisque celle-ci avait été identifiée dans le plan directeur cantonal des gravières comme « zone d'exploitation ».

10) Dans sa réplique du 17 janvier 2022, l'OCAN a relevé que les intimées admettaient qu'un usage agricole était possible sur la parcelle n° 1______ et pourrait continuer de l'être jusqu'à l'exploitation du gravier. La première condition du champ d'application de la LDFR était donc réalisée.

Le plan d'extraction de gravière confirmait que l'exploitation des surfaces en gravière était prévue pour une durée limitée, au terme de laquelle lesdites surfaces retourneraient à l'agriculture, selon un planning attribué à chaque phase du projet. Ces deux limites confirmaient que le plan d'extraction de gravière ne se superposait pas de manière temporaire à la zone agricole. Ainsi, la zone d'extraction elle-même devait être considérée comme une zone non constructible.

La jurisprudence fédérale citée par les intimées confirmait que les immeubles en principe soumis à la LDFR étaient soustraits à son champ d'application exclusivement pendant la durée de l'extraction autorisée.

Seule une autorisation d'exploiter en force permettait d'extraire des matériaux du sous-sol. Tant que la gravière autorisée n'était pas exploitée, le terrain restait approprié à un usage agricole.

L'application par analogie de la jurisprudence en matière de zone de développement n'était pas possible. Le PLQ s'appliquait dans une zone destinée à être affectée à l'habitat, au commerce et autres activités tertiaires, à savoir une zone à bâtir, ce qui n'était pas le cas d'un plan d'extraction de gravière. Il ne fallait pas déduire du plan d'affectation à constructibilité restreinte que le territoire couvert par le plan d'affectation devenait une zone à bâtir. La législation applicable montrait que le Conseil d'État avait voulu traiter ces situations divergentes de manière différenciée.

Contrairement à la position exprimée par la CFA, la qualification de la zone était essentielle pour le fermier, lequel ne demeurait protégé par son bail à ferme que si la parcelle en cause restait hors zone à bâtir.

La subordination, actée dans la promesse de vente, du transfert de la propriété de la parcelle en cause à un acquéreur non exploitant, à une décision de la CFA concluant au non-assujettissement ou au désasujettissement à la LDFR, ou à une décision de la CFA autorisant l'acquisition à l'acquéreur non exploitant, revenait à évincer le fermier. La fragilisation de la position de M. F______ était confirmée par le mandat confié à A______ de résilier le contrat de bail à ferme. La soustraction du droit de préemption ne pouvait pas être légitimée au motif que le fermier spéculait sur la parcelle en cause au détriment du propriétaire. Ici, le droit de préemption était d'autant plus important que la parcelle ne serait pas exploitée en gravière avant trente-deux ans au minimum, ce qui permettait à au moins deux générations d'exploitants agricoles, soit le fermier actuel et son successeur, de la cultiver. Ce droit n'avait pas à être pondéré, à plus forte raison pour favoriser la capacité du propriétaire non exploitant ou de l'acquéreur non exploitant de spéculer sur la parcelle.

Les conditions permettant à A______ d'acquérir la parcelle en vertu de la LDFR n'avaient pas été examinées par la CFA. Or, elles n'étaient pas réalisées.

11) Dans une écriture spontanée du 28 janvier 2022, A______ a repris et développé sa précédente argumentation.

Le bail à ferme pouvait subsister sous l'angle du droit privé puisque la parcelle était toujours affectée à l'agriculture et qu'elle demeurait en zone agricole primaire. En revanche, les dispositions de la LDFR concernant le fermier ne trouvaient pas application.

L'étape du plan d'extraction de gravière était celle déterminante pour sortir les terrains concernés du champ d'application de la LDFR (indépendamment de leur zone d'affectation primaire agricole), permettant par là-même aux exploitantes de sécuriser le foncier à un stade opportun au vu des investissements considérables qui seraient consentis pour la délivrance de l'autorisation d'exploiter.

L'acquisition du bien-fonds en cause visait à la sécurisation d'investissements et au paiement d'un prix de vente tenant compte des ressources exploitables des sous-sols.

12) Le 4 février 2022, la CFA a indiqué que la position de l'OCAN relative à la nature de la parcelle en cause n'était pas claire.

Une parcelle agricole en zone gravière pouvait être déclarée non assujettie à la LDFR dès qu'elle était au bénéfice d'un plan d'extraction entré en force. Elle ne devenait toutefois pas constructible au moment de son non-assujettissement aux prescriptions du droit foncier rural. Elle ne bénéficierait d'une constructibilité restreinte qu'à partir du moment où il y aurait une autorisation d'exploiter entrée en force. Ainsi, le fermier ne serait pas lésé par la constatation du non-assujettissement à la LDFR de la parcelle, comme expliqué dans les écritures du 20 octobre 2021.

La loi permettait au notaire qui se trouvait face à une parcelle agricole en zone de développement, au bénéfice d'un PLQ entré en force, de constater que la parcelle n'était pas assujettie à la LDFR, puisqu'il faisait face à une parcelle constructible. En revanche, il était normal que la loi ne permette pas au notaire de faire la même constatation s'il était face à une parcelle agricole en zone gravière, au bénéfice d'un plan d'extraction entré en force, puisque cette parcelle n'était pas constructible. Le notaire pouvait néanmoins s'adresser à la CFA pour constater le non-assujettissement temporaire à la LDFR, puisque cette parcelle inconstructible n'avait plus à être protégée temporairement par la législation sur le droit foncier rural.

13) Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées par courrier du 7 février 2022.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 13 de la loi d’application de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 16 décembre 1993 - LaLDFR – M 1 10).

2) Préalablement, A______ sollicite l'audition des parties.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, A______, qui n'a pas de droit à ce que ses collaborateurs ou des témoins soient entendus, a pu s'exprimer dans ses deux écritures. Elle a pu expliquer ses intentions quant à son projet d'exploitation de la parcelle à titre de gravière, au sort qu'elle entendait donner au bail à ferme agricole existant et aux démarches à effectuer en vue du dépôt de la demande d'autorisation d'exploiter. On ne voit dès lors pas ce que des auditions amèneraient de plus, ce qu'elle ne précise au demeurant pas.

Il s’ensuit que le dossier est complet et contient déjà les éléments nécessaires à l'examen de la situation, sans qu'une audience de comparution personnelle des parties ne soit de nature à changer l'issue du litige. Il ne sera donc pas donné suite à la conclusion préalable formulée par A______.

3) L'objet du litige consiste à déterminer si la CFA était en droit de constater le non-assujettissement à la LDFR, dès à présent, de la parcelle en cause jusqu'à la fin de l'exploitation de la gravière.

a. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exceptions prévues par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisées dans le cas d’espèce.

b. Selon l'art. 75 al. 1 Cst., la Confédération fixe les principes applicables à l’aménagement du territoire. Celui-ci incombe aux cantons et sert une utilisation judicieuse et mesurée du sol et une occupation rationnelle du territoire.

c. Aux termes de l'art. 14 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), les plans d'affectation règlent le mode d'utilisation du sol (al. 1). Ils délimitent en premier lieu les zones à bâtir (art. 15 LAT), les zones agricoles (art. 16 ss LAT), les zones à protéger (art. 17 LAT) et les autres zones et territoires, prévus par le droit cantonal (art. 18 LAT) (al. 2). Les plans d'affectation ont force obligatoire pour chacun (art. 21 al. 1 LAT).

d. Selon la doctrine, l'obligation de diviser le territoire en diverses zones d'affectation n'interdit pas d'effectuer des superpositions de zones. Si une zone agricole ne peut par essence pas se superposer à une zone à bâtir, une zone à protéger au sens de l'art. 17 LAT ou l'une des « autres zones » que les cantons sont habilités à prévoir dans leur plan d'affectation en vertu de l'art. 18 al. 1 LAT, peut évidemment se superposer à une zone à bâtir ou à une zone agricole (Eloi JEANNERAT et Pierre MOOR in Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN [éd], Commentaire pratique LAT : Planifier l’affectation, 2016, n. 39 ad art. 14 LAT).

4) Dans le canton de Genève, la loi sur les gravières et exploitations assimilées du 28 octobre 1999 (LGEA - L 3 10) s’applique aux exploitations à ciel ouvert de gravier, sable et argile (art. 1 al. 1 LGEA).

Selon l'art. 2 LGEA, le but de la loi est de notamment planifier l’extraction des matériaux nécessaires aux constructions et aménagements publics et privés en vue d’une utilisation rationnelle du territoire et des ressources naturelles (al. 1 let. a). La poursuite de cet objectif doit tenir compte de la nécessité de protéger les sols des parcelles sur lesquelles sont exploitées des gravières, de leur ouverture à la remise en état des lieux à la fin de l'exploitation (al. 2 let. d).

L'art. 4 LGEA prévoit qu'aucune gravière ne peut être ouverte en dehors des périmètres fixés par le plan directeur (al. 1). Le plan directeur fait partie du schéma directeur cantonal, au sens de l’art. 7 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) (al. 2). Il comporte l’inventaire des territoires déjà exploités, en cours d’exploitation, ainsi que des zones exploitables et des zones d’attente, dans le respect des objectifs définis à l’art. 2 al. 2 LGEA (al. 3).

Aux termes de l'art. 5 al. 1 LGEA, le plan directeur des gravières est élaboré par le département chargé de l’environnement, à savoir le département du territoire.

Conformément à l'art. 6 LGEA, les plans d’extraction sont des plans d’affectation adoptés par le Conseil d'État (al. 1). Ces plans définissent les zones de gravières (al. 2).

L'art. 7 LGEA prévoit que les plans d'extraction doivent permettre d'effectuer une pesée globale de tous les intérêts concernant l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement, la gestion des eaux et la protection de la nature et du paysage et contenir, notamment la délimitation du périmètre de la zone d’extraction et des surfaces propres à l’extraction (al. 1 let. a). Les plans d'extraction font l'objet d'une étude d'impact sur l'environnement lorsque la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) le prescrit (al. 2 1ère phr.).

Nul ne peut ouvrir une gravière avant que le département n’ait délivré une autorisation d’exploiter (art. 8 al. 1 LGEA). L'autorisation peut être assortie de conditions et de charges conformes au plan d'extraction de gravière et au résultat de l'étude ou de la notice d'impact (art. 11 al. 2 LGEA).

L'art. 22 LGEA prévoit qu'à l’achèvement du remblayage, l’exploitant effectue les travaux nécessaires pour que les lieux soient remis en état conformément aux dispositions du plan d’extraction de gravière et de l’autorisation d’exploiter (al. 1). Au terme du contrôle effectué par le département, la zone de gravières créée par le plan d’affectation du sol au sens de l’art. 6 LGEA ne déploie plus d’effets. Le Conseil d'État en prend acte par un arrêté publié dans la FAO (al. 6).

5) a. Selon l'art. 1 al. 1 LDFR, la LDFR a pour but d’encourager la propriété foncière rurale et en particulier de maintenir des entreprises familiales comme fondement d’une population paysanne forte et d’une agriculture productive, orientée vers une exploitation durable du sol, ainsi que d’améliorer les structures (let. a), de renforcer la position de l’exploitant à titre personnel, y compris celle du fermier, en cas d’acquisition d’entreprises et d’immeubles agricoles (let. b), de lutter contre les prix surfaits des terrains agricoles (let. c).

Aux termes de son art. 2 al. 1 LDFR, la loi s'applique aux immeubles agricoles isolés ou aux immeubles agricoles faisant partie d'une entreprise agricole qui sont situés en dehors d'une zone à bâtir au sens de l'art. 15 LAT (let. a) et dont l'utilisation agricole est licite (let. b).

Selon l'art. 6 al. 1 LDFR, est agricole l'immeuble approprié à un usage agricole ou horticole.

L'art. 3 al. 1 LaLDFR prévoit que les immeubles situés en zone agricole qui ne sont pas appropriés à un usage agricole ou horticole sont exclus du champ d’application de la LaLDFR par décision de l’autorité compétente, fixée à l’art. 9 LaLDFR, à savoir la CFA.

b. Selon le Tribunal fédéral, est agricole l'immeuble approprié à un usage agricole ou horticole (champ d'application matériel ; art. 6 al. 1 LDFR ; ATF 132 III 515 consid. 3.2 ; 128 III 229 consid. 2), à savoir celui qui, par sa situation et sa composition, peut être exploité sous cette forme. En faisant abstraction des aires forestières, toutes les surfaces qui ne sont pas boisées et qui disposent d'une couche de terre suffisante pour produire de la végétation se prêtent à un usage agricole (ATF 139 III 327 consid. 2.1) ; parmi celles-ci, on trouve les prairies, les champs, les surfaces cultivables, les cultures fruitières et les pâturages (arrêts du Tribunal fédéral 2C_14/2020 du 18 juin 2020 consid. 5.1 ; 2C_1068/2019 du 26 mai 2020 consid. 2.1 et les arrêts cités). La caractéristique de l'aptitude est donc d'abord d'ordre objectif (ATF 139 III 327 consid. 2.1). Elle est néanmoins tempérée par une composante d'ordre subjectif, à savoir la prise en compte de l'usage effectif qui est fait de l'immeuble. Cette composante ne revêt qu'une portée subsidiaire. Dès lors qu'elle est de nature à faire perdre au terrain sa nature agricole, elle ne peut être déterminante qu'à trois conditions strictes : l'usage non agricole doit durer depuis quelques dizaines d'années, il ne doit plus être envisageable pour l'avenir et les installations qui ont été érigées sur le terrain doivent l'avoir été de manière légale (ATF 139 III 327 consid. 2.2 et 3).

c. Dans un dossier afférent à l’exploitation d’une gravière (extraction de gravier et de sable), activité industrielle empêchant un usage agricole tant que durait l’exploitation, le Tribunal fédéral a considéré que, bien que l’immeuble soit en principe assujetti à la LDFR, il devait être soustrait au champ d’application de cette loi pendant la durée – temporaire – de l’autorisation d’exploiter des ressources du sol (ATF 128 III 229 consid. 3b et 3c = JdT 2003 I 123 ; Eduard HOFER, in Christoph BANDLI et autres, Le droit foncier rural, Commentaire de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991, 1998, n. 15 ad art. 6 LDFR).

Le Tribunal fédéral a également considéré qu'une autorisation d'exploiter des ressources minérales ou une décharge permettait d'autoriser temporairement une utilisation non agricole modifiant le sol. Pendant cette période, les immeubles soumis à la LDFR échappent au champ d'application de la loi, car l'exploitation nécessite en principe un changement d'affectation et l'immeuble sort ainsi du champ d'application de la loi (art. 2 al. 1 let. a LDFR ; ATF 128 III 229 consid. 3c ; Eduard HOFER, in Das bäuerliche Bodenrecht, Kommentar zum BGBB, 2ème édition, 2011, n. 15 ad art. 6 LDFR). Pendant la période précédant et suivant l'exploitation autorisée, de tels immeubles restent soumis sans changement à la LDFR (arrêt du Tribunal fédéral 2C_157/2017 du 12 septembre 2017 consid. 3.2).

La doctrine précise également qu'aussi longtemps que l'extraction n'est pas autorisée, la surface concernée demeure assujettie à la LDFR (Eduard HOFER, in Christoph BANDLI et autres, op. cit., n. 15 ad art. 6 LDFR).

6) En l'espèce, la parcelle n° 1______ est située en zone agricole et dans le périmètre du plan d'extraction de gravière, ce qu'aucune des parties ne conteste.

Il est également acquis par les parties, conformément à l'ATF 128 III 229 consid. 3b et 3c, que, pendant l'exploitation du gravier, le terrain ne sera plus approprié à un usage agricole.

Les parties divergent toutefois sur le moment à partir duquel la parcelle n'est plus soumise aux prescriptions du droit foncier rural. Pour l'OCAN, la délivrance de l'autorisation d'exploiter constitue le moment décisif, alors que pour les parties intimées, il s'agit de l'entrée en force du plan d'extraction de gravière.

La position de l'OCAN doit être suivie.

En effet, la parcelle en cause est actuellement affermée par M. F______ qui la cultive. Le bien-fonds en cause fait donc l'objet, pour le moment, d'un usage agricole, en conformité avec les art. 2 al. 1 et 6 al. 1 LDFR.

Il ne ressort en outre pas du dossier que la parcelle n° 1______ serait au bénéfice d'une autorisation d'exploiter une gravière, autorisation qui d'ailleurs ne pourrait être octroyée pas avant 2054 selon le RIE, de mars 2013.

Le fait que le bien-fonds se trouve dans le périmètre du plan d'extraction de gravière en force ne modifie en rien son affectation actuelle et pour les plus de trente ans à venir. Partant, il demeure soumis à la LDFR, puisqu'il ressort de la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée que pendant la période précédant et suivant l'exploitation autorisée, la parcelle reste soumise sans changement à cette loi. La doctrine précitée va également dans ce sens.

En outre, une décision de non-assujettissement priverait le fermier de son droit de préemption légal (art. 47 LDFR), ce qui irait à l'encontre des buts de la LDFR qui vise notamment au maintien d'entreprises familiales comme fondement d’une population paysanne forte et d’une agriculture productive, ainsi que le renforcement de la position de l’exploitant à titre personnel, y compris celle du fermier (art. 1 al. 1 let. a et b LDFR). Il ressort en outre de la promesse de vente et d'achat conclue le 20 mai 2021 que A______ est chargée de mettre fin aux relations contractuelles liant MM. B______ au fermier (art. 21 2ème par. de la convention), ce qui constitue un indice supplémentaire de la volonté de l'intimée d'évincer prématurément le fermier.

La jurisprudence du Tribunal fédéral a d'ailleurs posé le principe selon lequel le but de politique agricole de LDFR n'est pas simplement de maintenir le statu quo, mais de renforcer la position des exploitants à titre personnel et de privilégier l'attribution des immeubles à de tels exploitants lors de chaque transfert de propriété, c'est-à-dire de réellement promouvoir le principe de l'exploitation à titre personnel. La LDFR cherche, dans cette mesure, à exclure du marché foncier tous ceux qui visent à acquérir les entreprises et les immeubles agricoles principalement à titre de placement de capitaux ou dans un but de spéculation (ATF 145 II 328 consid. 3.3.1 et les arrêts cités). À ce titre, le maintien de l'assujettissement à la LDFR de la parcelle concernée permet également d'éviter l'acquisition de ce bien-fonds à des fins spéculatives, ce d'autant plus, qu'en l'occurrence, l'exploitation de la parcelle en gravière n'est prévue qu'en l'an 2054 au plus tôt.

La jurisprudence citée par la CFA et qu'elle voudrait voir être appliquée par analogie ne lui est d'aucun secours.

En effet, l'ATA/857/2014 du 1er novembre 2014 concernait l'assujettissement à la LDFR d'un immeuble sis en zone de développement avec zone primaire agricole ; cas réglé spécifiquement par une disposition légale, soit l'art. 10A du règlement d’exécution de la loi d’application de la LDFR du 26 janvier 1994 (RaLDFR - M 1 10.01). Dans cet arrêt, la chambre administrative a précisé qu'il ressortait tant de la LaLAT que de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) que la délimitation d’une zone de développement par le Grand Conseil ne suffisait pas à elle seule pour l’application des normes de ladite zone. Ces dernières n'étaient applicables qu’après autorisation du Conseil d’État ou renonciation de ce dernier à l’établissement d’un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ). Les normes de la zone primaire, en l'espèce agricole, restaient donc applicables à la zone de développement constructible aussi longtemps que le Conseil d’État n’avait pas autorisé leur application en approuvant un PLQ, assorti d’un règlement, et les conditions particulières applicables au projet ou renoncé à l’établissement d’un PLQ. Préalablement à cette autorisation du Conseil d'État ou renonciation, l'immeuble demeurait hors zone à bâtir et dans le champ d’application de la LDFR.

Certes, un PLQ et un plan d'extraction de gravière constituent des plans d'affectation spéciaux. Néanmoins, le PLQ s'applique dans une zone destinée à être affectée notamment à l'habitat, ce qui n'est pas le cas du plan d'extraction de gravière pour lequel la constructibilité est restreinte au projet d'exploitation, ce d'autant plus que l'exploitation est prévue uniquement pour une période déterminée et que les lieux doivent être remis en état en application de l'art. 22 LGEA. Aucun parallèle ne peut donc être dressé entre le présent dossier et le régime applicable aux zones de développement.

Compte tenu de ces éléments et contrairement à ce que soutiennent les intimées, c'est au moment de l'entrée en force de l'autorisation d'exploiter la gravière que la parcelle n° 1______ sortira du champ d'application de la LDFR.

Le grief de l'OCAN est bien fondé.

La décision de constatation de non-assujettissement à la LDFR de la parcelle n° 1______ doit en conséquence être annulée et le recours de l'OCAN admis.

7) Par surabondance de moyens, l'OCAN a invoqué la question d'une autorisation d'acquérir la parcelle.

a. L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'elle ou il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1301/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si une recourante ou un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, elle ou il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1301/2020 précité consid. 2b).

Ainsi, l'autorité de recours n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATA/1390/2021 du 21 décembre 2021 consid. 2a et les références citées).

b. En l'espèce, la décision contestée, qui répond à la requête déposée par A______ le 3 juin 2021, porte exclusivement sur la question de l'assujettissement à la LDFR de la parcelle n° 1______ et non pas sur la question d'une autorisation d'acquérir ladite parcelle. Cette problématique est d'ailleurs régie par d'autres dispositions et conditions légales (art. 61 et ss LDFR) que celles examinées dans le cadre du contrôle de la décision attaquée comme vu ci-dessus.

Dès lors que l’objet de la procédure administrative ne peut se modifier qualitativement au fil du litige, que, comme vu ci-dessus, le grief de l'OCAN a été admis et que la CFA ne s’est pas prononcée à propos de l'examen des conditions d’une autorisation d'acquérir le bien-fonds concerné, cette question exorbitante au litige ne sera pas traitée.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de A______, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2021 par l'office cantonal de l’agriculture et de la nature contre la décision de la commission foncière agricole du 6 juillet 2021 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de la commission foncière agricole du 6 juillet 2021 ;

met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'office cantonal de l’agriculture et de la nature, à la commission foncière agricole, à Me Romaine Zürcher, avocate de l'intimée, à l'office fédéral de la justice, à l’office fédéral du développement territorial (ARE) ainsi qu'à l'office fédéral de l'agriculture.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :