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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4345/2017

ATA/1328/2018 du 11.12.2018 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE; EMPLOYÉ PUBLIC; EXERCICE DE LA FONCTION; HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE; MESURE DISCIPLINAIRE; RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC; RÉPRIMANDE
Normes : RPERS.4.al1; RPERS.4.al2; RPERS.4.al4; RPERS.8; RPERS.21; RPERS.22; RPERS.147.al1; RPERS.148.al1; RPERS.149.al1
Résumé : En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Elle doit néanmoins tenir compte de toutes les circonstances du cas concret, notamment de la situation, de la place occupée et de la responsabilité de l'agent. La violation des devoirs de service et d'autorité revêt une certaine gravité, lorsque notamment le comportement du supérieur hiérarchique sur ses subordonnés n'est pas un acte isolé, mais est constitué d'agissements qui s'étendent dans le temps et touchent plusieurs collaborateurs différents. Le prononcé d'une sanction apparaît dans ces conditions justifié.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4345/2017-FPUBL ATA/1328/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 décembre 2018

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

 



EN FAIT

1) Monsieur A______ est, depuis 2010, maître d’enseignement et de recherche auprès de la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (ci-après : FPSE) de l’Université de Genève (ci-après : l’université), après avoir été assistant post-doctorant et maître-assistant. Il exerce des activités d’enseignement et d’encadrement, de recherche et de participation aux tâches de gestion et d’organisation relevant de l’équipe de méthodologie et d’analyse de données (ci-après : MAD). Il a la responsabilité d’assistants, de doctorants, de post-doctorants ou de maîtres-assistants.

2) En mai 2016, Monsieur B______, post-doctorant au MAD de 2013 à _____e 2016, s’est plaint auprès des professeurs C______ et D______, supérieurs hiérarchiques de M. A______, du comportement de celui-ci à son égard dans le cadre professionnel.

3) Le 24 mai 2016, une rencontre a été organisée par les professeurs précités en vue d’une médiation entre MM. B______ et A______. Les premiers entretiens avec les médiateurs ont eu lieu le 10 juin 2016, mais ne souhaitant plus entrer en contact avec M. A______, M. B______ a, le 24 juin 2016, renoncé à la médiation.

4) Le 9 juin 2016, Madame E______, ancienne assistante post-doctorante de M. A______, de juillet 2011 à juillet 2013, a adressé aux deux professeurs susnommés un courriel concernant ses relations de travail avec le précité.

Elle avait, fin juillet 2013, quitté son poste avant le terme de son contrat en raison de la situation tendue avec M. A______. Durant son activité, elle n’avait osé rien dire par contrainte de ce dernier qui était son supérieur hiérarchique. L’intéressé lui reprochait de continuer à publier avec des universités extérieures et exigeait d’elle d’arrêter toute forme de collaboration avec celles-ci. Elle était pourtant chercheur associée à l’Université de Grenoble. Or, avec lui, elle n’était pas sûre de publier. Celui-ci s’était montré méprisant à son égard et lui avait mis de la pression. Elle s’était trouvée dans un état de stress permanent. Elle s’était sentie surveillée sans que l’intéressé lui apporte de l’aide. Elle ne parvenait pas à percevoir ses attentes qui étaient floues et peu claires. L’intéressé était illisible et incohérent, ambivalent dans son discours. Il n’avait jamais manifesté un signe de reconnaissance à son égard. Il l’avait discréditée par un travail de sape auprès de ses collègues. Elle s’était sentie isolée et avait perdu confiance en elle.

Elle a joint à son témoignage un échange de courriels avec M. A______ entre janvier et juillet 2013 duquel il ressortait une divergence de méthode de travail, de conduite d’un projet du Fonds national suisse de la recherche scientifique (ci-après : FNS) et des difficultés de collaboration.

5) Le 24 juin 2016, M. B______ a adressé un courriel au service des ressources humaines (ci-après : RH) de l’université et aux prof. C______ et D______.

M. A______ avait eu à son égard plusieurs comportements inadaptés qui l’avaient fragilisé. Ses instructions et les tâches assignées n’étaient pas coordonnées. Il avait des difficultés à faire des publications à cause de M. A______. Les courriels de ce dernier étaient rédigés sur un ton menaçant. Il l’avait culpabilisé au sujet de leur collaboration sur des projets de recherches et avait mis en doute son honnêteté scientifique. Son cas n’était pas isolé, d’autres post-doctorants avant lui, comme Mme E______, avaient vécu la même situation.

Il a joint à son courriel des échanges de courriels avec l’intéressé desquels il ressort des reproches qui lui étaient adressés.

6) Le 28 juin 2016, le doyen de la FPSE a convoqué M. A______ à un entretien fixé au 5 juillet 2016, à la suite « d’un signalement de faits préoccupants relatifs à ses interactions avec les membres de son équipe ». Un membre des RH et le prof. C______ étaient également invités à cette séance.

7) Le 1er juillet 2016, Madame F______, ancienne assistante et assistante post-doctorante au MAD, a écrit aux RH au sujet de ses rapports de travail avec M. A______.

L’intéressé lui faisait reprendre sans cesse le travail déjà effectué et se montrait mécontent lorsqu’elle n’était pas à son entière disposition. Il s’était souvent montré « dur et suspicieux » à son encontre. Il entretenait une atmosphère tendue et désagréable, tout en gardant un comportement artificiellement chaleureux.

8) Le 2 juillet 2016, Madame G______, doctorante de M. A______ du 1er septembre 2010 au 31 mars 2016, a rédigé un témoignage concernant sa relation de travail avec celui-ci.

Leur collaboration avait été difficile pour elle, à cause du comportement de l’intéressé. Ce dernier changeait souvent d’avis et souhaitait régulièrement reprendre les résultats des recherches, même ceux qui avaient été déjà validés ou jugés non pertinents. Il n’apportait pas de soutien à ses collègues et les culpabilisait. Il exerçait sur eux une forte pression à l’approche des échéances. Il pouvait se montrer insultant sur le plan personnel. Il n’hésitait pas à utiliser tous les moyens de communication, notamment le téléphone privé, pour la contacter. Elle avait vécu une situation de terreur quasi permanente.

Elle a joint à son témoignage une série de courriels échangés avec l’intéressé au sujet de publications d’articles sur lesquels ils avaient travaillé ensemble.

9) Le 5 juillet 2016, le doyen de la faculté, en compagnie du prof. C______ et d’une représentante des RH, a reçu M. A______ en entretien au cours duquel l’intéressé a pris connaissance des reproches qui lui étaient faits.

a. Quatre témoignages étaient parvenus aux RH accompagnés de pièces desquelles il ressortait une similitude de faits répétitifs et récurrents reprochés à M. A______, une insatisfaction en permanence du travail de ses collaborateurs, une modification constante des documents, des tâches et des consignes peu claires, un manque de visibilité sur le travail réel, des responsabilités mal définies, un ton méprisant, des remarques négatives, une attitude déstabilisante, des changements d’avis fréquents et un « hypercontrôle ». Ces éléments étaient préoccupants et pouvaient relever d’un harcèlement psychologique. Une sanction sous forme de blâme était envisageable.

b. M. A______ a déclaré ne pas comprendre les reproches de ses collaborateurs. Il n’avait jamais remis en cause la qualité de leur travail. Il s’était souvent adressé à sa hiérarchie pour signaler les difficultés de collaboration avec M. B______.

10) Le 6 juillet 2016, le procès-verbal de l’entretien précité a été adressé à M. A______ et un délai lui a été imparti pour formuler ses remarques.

11) Dans un document non daté et non signé, M. A______ a transmis ses observations au sujet des reproches de ses collaborateurs.

a. Il avait eu des rencontres avec Mme E______ pour réguler le travail et clarifier les tâches. La concernée remettait souvent en cause ses instructions et n’acceptait pas de dialoguer. Il lui arrivait de lui rappeler son autorité hiérarchique et l’exécution des tâches confiées même si elle avait parfois des doutes sur leur fondement. Il n’avait jamais exigé de sa collaboratrice de cesser toute collaboration avec ses collègues de Grenoble. Il n’avait pas exigé sa présence physique au laboratoire, mais de suivre les projets et d’en assumer la responsabilité. Il n’avait pas exercé de contrôle et de surveillance extrême à son égard. Il n’avait pas eu la volonté de la mettre dans une situation dégradante. Leur relation professionnelle s’était terminée de manière abrupte et difficile.

b. Il avait eu la volonté de comprendre les résultats des recherches de Mme F______ et non de les remettre en cause.

c. Le courrier du 24 juin 2016 de M. B______ était diffamatoire. Aucune preuve n’avait été apportée à l’appui de ses propos. Sa personnalité, ses méthodes de travail et ses compétences professionnelles étaient remises en cause. Il avait pris des mesures concernant les symptômes de stress et d’angoisse de M. B______. Celui-ci n’avait pas démontré des capacités de s’adapter aux contraintes ressenties. Ces ressentis n’étaient pas imputables à des comportements inadaptés ou inappropriés de sa part durant leurs relations de travail. Il n’avait pas eu de ton menaçant dans ses courriels, mais avait eu le souci d’éclaircir les malentendus ou de préparer ensemble le travail. Il avait à plusieurs reprises alerté en vain ses supérieurs hiérarchiques sur ses relations avec M. B______, notamment sur les insuffisances de celui-ci dans la gestion des projets menés ensemble comme celui du FNS. Lui-même avait voulu toujours favoriser la parcours professionnel de l’intéressé, trouvé les financements pour poursuivre son engagement au sein du MAD, essayé de le former et d’améliorer ses pratiques professionnelles de rigueur et de responsabilité du chercheur.

d. Il n’avait jamais surveillé le travail de Mme G______. Il avait sollicité l’intéressée par messagerie, mais ne l’avait jamais appelée sur son téléphone privé.

12) Le 2 septembre 2016, le doyen de la FPSE et les RH de l’université ont requis du rectorat l’ouverture d’une procédure d’« investigation » à l’encontre de M. A______.

M. B______ avait fait état au printemps 2016 des difficultés rencontrées dans sa relation professionnelle avec M. A______, ressenties comme des atteintes aux droits de la personnalité. Le doyen avait été informé et sollicité l’accompagnement des RH. Une médiation avait été initiée, mais n’avait pas abouti, M. B______ l’ayant dénoncée. Trois nouveaux témoignages étaient entre-temps parvenus aux RH faisant état de difficultés rencontrées par des collaborateurs dans leur activité avec l’intéressé sur le plan relationnel et du suivi des projets. Le doyen avait convoqué M. A______ pour l’entendre sur les faits reprochés. Celui-ci avait pris une position défensive dans un document faisant suite au procès-verbal de l’entretien du 5 juillet 2016 et à la transmission des témoignages des anciens collaborateurs. Une investigation s’imposait pour établir les faits et déterminer si des éléments constitutifs d’une atteinte aux droits de la personnalité des collaborateurs étaient réalisés.

13) Le 12 octobre 2016, le rectorat a décidé l’ouverture de la procédure d’enquête demandée à l’encontre de M. A______ et en a informé celui-ci.

La procédure devait déterminer si dans la gestion de son équipe, M. A______ avait adopté des comportements constitutifs d’une atteinte aux droits de la personnalité et enfreint ses devoirs de service et ceux d’autorité.

14) Plusieurs auditions ont été menées par l’enquêteur entre le 22 novembre 2016 et le 16 mars 2017.

a. Selon M. B______, M. A______ avait une stratégie pour déstabiliser ses collaborateurs et les rendre dépendants de lui. Ses remarques se faisaient pour la plupart oralement. Il laissait planer des menaces angoissantes, parfois non suivies d’effets. Il effectuait des changements continuels dans le travail, tout en mettant la faute sur les autres. Il avait eu la volonté de l’isoler. Il lui avait interdit de travailler avec son ancien laboratoire et sur sa thèse.

Pour le surplus, il a réitéré le contenu de son courriel du 24 juin 2016.

b. D’après M. A______, M. B______ se désintéressait des projets dont il était responsable comme celui du FNS. Il culpabilisait dans la mesure où il avait tardé à terminer sa thèse. Les remarques de Mme F______ avaient été faites a posteriori. Lors de leur collaboration, elle ne lui avait pas adressé des reproches. Il n’avait pas remis en cause les compétences de Mme G______. Les différentes plaintes contre lui étaient similaires et temporellement rapprochées. Elles semblaient avoir été faites sur demande de M. B______.

Pour le surplus, il a réitéré le contenu de son document précité non daté.

c. Selon Mme F______, ancienne assistante post-doctorante de M. A______, celui-ci était brouillon dans son travail et remettait sans cesse en cause les résultats des recherches. L’atmosphère était désagréable et tendue dans ses relations avec M. B______ et Mme G______. M. A______ ignorait Mme G______ lorsque celle-ci passait dans son bureau. Il n’encadrait pas les étudiants convenablement.

Pour le surplus, elle a repris les termes de son courriel du 1er juillet 2016.

d. D’après Mme G______, M. A______ avait des propos contradictoires et une humeur fluctuante. Il pouvait être agréable un jour et méprisant, dégradant et dévalorisant le jour suivant. Il manquait d’organisation et le travail des autres n’était jamais assez bien. Il exerçait sur ses collaborateurs une « pression contrôlante ». Elle avait discuté de ses problèmes avec le prof. C______ et s’était effondrée en larmes, épuisée. Elle ne s’était pas plainte durant son activité, car son avenir était encore incertain. D’autres doctorants de l’intéressé avaient vécu les mêmes problèmes.

Pour le surplus, elle a repris les termes de son courriel du 2 juillet 2016.

e. Mme E______ avait ressenti du mépris de la part de M. A______. Celui-ci faisait preuve de condescendance à son égard. Il changeait constamment d’avis. Il divisait pour régner et rendait les autres responsables de ses propres erreurs.

Pour le surplus, elle a repris le contenu de son courriel du 9 juin 2016.

f. Le prof. D______ avait eu vent de nombreux reproches des assistants de M. A______ qui se plaignaient d’une charge de travail lourde et d’un style de communication qui n’était pas adéquat. Les reproches portaient sur la formulation trop directe et condescendante des demandes de l’intéressé. Les collaborateurs lui avaient demandé de ne pas interpeller M. A______ au sujet de leurs reproches. À deux reprises, au printemps 2016, M. A______ s’était plaint du peu d’engagement de M. B______ dans ses travaux de recherches au MAD. Depuis 2008 jusqu’en 2014, il y avait eu des « clashs » avec certaines personnalités fortes du MAD. M. A______ avait confié à ses subordonnés des tâches trop lourdes dont certaines ne relevaient pas de leur cahier des charges. Il avait un caractère peu stable, pouvant se présenter très amicalement, mais tournait brusquement. Lui-même et le prof. C______ avaient vécu des relations difficiles avec l’intéressé. Celui-ci croyait en un complot contre lui ourdi par lui-même, le prof. C______ et la responsable des RH.

g. Le prof. C______ avait reçu des plaintes de Mme G______ depuis 2011 portant sur des difficultés de travailler avec M. A______, des directives peu claires et plusieurs demandes de reprises du travail déjà effectué. Elle était affectée par les contacts avec celui-ci et en avait peur. Il avait demandé à plusieurs reprises à Mme G______ s’il pouvait intervenir auprès de M. A______, mais celle-ci ne l’avait pas souhaité. Son intervention aurait sans doute poussé Mme G______ à démissionner pour ne pas être confrontée à M. A______. Il avait parlé de ces problèmes avec l’intéressé et avait constaté une divergence entre celui-ci et ses collaborateurs. Il n’avait pas poussé plus loin ses démarches dans la mesure où la fin du semestre approchait. M. A______ s’était plaint du travail de M. B______ vers la fin du contrat de ce dernier. Lui-même connaissait Mme F______ qui n’était pas de nature à « inventer des histoires ». M. A______ était quelqu’un d’assez nerveux. Lui-même et le prof. D______ avaient toujours soutenu l’intéressé.

h. Monsieur H______ n’avait pas connu M. B______ et n’avait pas discuté avec lui. Lui-même avait eu une bonne collaboration avec M. A______, même si celui-ci était plutôt impulsif. Ils s’étaient accommodés tous les deux. M. A______ était venu à Genève pour s’y faire une place. Lui-même n’avait ressenti aucun harcèlement de la part de celui-ci. Il n’avait pas entendu de la part des autres assistants des accusations de mobbing concernant le comportement de M. A______, même si certains lui reprochaient un certain manque d’organisation. Pour lui, l’ambiance était assez bonne au MAD même si elle était parfois assez « musclée ».

i. Madame I______, assistante de M. A______ depuis 2014, craignait de s’exprimer sur ses ressentis et ses constatations, pour ne pas en subir des conséquences. D’autres personnes avaient parlé de problèmes avec l’intéressé et elle-même avait constaté un changement d’attitude de celui-ci. Elle confirmait les propos tenus par le prof. C______ lors de son audition. M. B______ lui avait parlé de ses problèmes avec M. A______.

j. Monsieur J______, assistant en enseignement et en recherche sous la direction de M. A______, avait des intérêts communs avec celui-ci au travail et en dehors notamment dans le domaine du basket-ball. Ils entretenaient de bonnes relations. Il n’avait pas travaillé avec M. B______, mais ils avaient eu des échanges professionnels. Il n’avait rien remarqué au sujet des difficultés entre MM. B______ et A______. Mme I______ s’était plainte des problèmes d’organisation du travail, mais pas de problèmes relationnels avec M. A______. Il n’avait pas connu de plaintes d’autres personnes. Il n’était pas au courant de ce qui se passait au MAD.

k. Madame K______, assistante de M. A______, avait travaillé avec M. B______. Elle n’avait pas eu de problèmes avec M. A______. L’attitude de ce dernier à son égard était correcte. Elle n’avait rien remarqué de négatif dans les relations entre MM. B______ et A______. Selon elle, leurs relations étaient positives. M. A______ était assez souple dans l’organisation du travail de M. B______. Elle avait arrêté sa thèse de doctorat pour des raisons personnelles. Elle trouvait l’ambiance de travail au MAD bonne et y serait volontiers restée. Elle n’avait pas connu d’autres personnes qui avaient eu des problèmes avec M. A______.

l. Madame L______, assistante doctorante de M. A______ depuis 2016, avait de bonnes relations de travail avec l’intéressé. Il la laissait s’organiser de manière autonome. Sa charge de travail n’était pas lourde. M. A______ et Mme F______ avaient parfois des divergences sur le projet auquel elle travaillait. Elle avait appris les problèmes de M. B______ et M. A______ au moment de l’arrêt maladie de celui-là pour cause de « burn out ». Elle n’avait pas remarqué des sautes d’humeur de M. A______. Le prof. C______ avait été associé à la direction de sa thèse de doctorat.

m. Madame M______, assistante à l’enseignement de M. A______, avait eu de bonnes relations de travail avec lui, mais d’autres personnes, comme Mme G______, s’étaient plaintes d’avoir des difficultés dans l’avancement de leur thèse. Celle-ci avait demandé d’associer un autre professeur à la direction de sa thèse, car elle avait peur de tenir des séances de discussions avec M. A______. Celui-ci avait parfois tendance à se décharger sur les assistants et de leur confier des tâches qui ne figuraient pas dans leur cahier des charges. Sa façon de travailler n’était pas toujours bien organisée. Elle était au courant des problèmes entre MM. B______ et A______. Celui-là se sentait peu écouté, un peu exploité, par celui-ci. M. B______ avait encaissé les remarques parfois ironiques de M. A______ sans réagir. De façon générale, certaines personnes avaient des difficultés avec M. A______ notamment en raison de sa manière ironique de se s'exprimer. Il y avait des tensions entre Mme I______ et M. A______, les deux ayant des caractères différents.

n. Par courrier du 11 mars 2017, répondant aux questions de l’enquêteur, Monsieur N______ a déclaré n’avoir pas directement travaillé avec MM. B______ et A______. Il avait eu et gardait des relations amicales avec eux. Il avait partagé des réunions d’équipes avec eux et échangé sur des thèmes de recherche et sur sa carrière. Il n’avait pas remarqué de relations conflictuelles entre les deux. M. B______ avait évoqué une grosse charge de travail liée à l’enseignement et à sa recherche.

15) Le 20 mars 2017, l’enquêteur a annoncé à MM. A______ et B______ la clôture de l’enquête et leur a, pour la deuxième fois, donné la possibilité de consulter le dossier et leur a fixé un délai pour se déterminer par écrit, après celui du 6 février 2017.

16) Le 20 avril 2017, M. A______ s’est déterminé sur les différents témoignages et particulièrement sur les allégations de M. B______.

Le MAD était passé d’un effectif de cent nonante à quatre cents étudiants en peu de temps, ses assistants étaient chargés d’enseignement et la charge de travail était importante en première année. Il avait proposé des solutions en vue de réduire la charge de travail des assistants. Celles-ci avaient été mises en place dès le début de son mandat. Il faisait confiance à ses collaborateurs et leur laissait une autonomie dans le travail. Il était cependant le garant et le responsable du travail produit. Il devait le superviser et le réguler pour en assurer la qualité. Il avait gardé une attitude respectueuse vis-à-vis des collaborateurs de son équipe.

Il attendait de M. B______ une certaine autonomie de chercheur. Le retard dans la rédaction de sa thèse avait provoqué d’autres retards, notamment dans l’enseignement. Des travaux de recherches s’étaient rajoutés à ceux qui étaient en cours. Ce cumul avait provoqué une importante charge de travail tout au long du mandat de l’intéressé. Celui-ci avait mis de côté tous les projets de leur collaboration. En juin 2016, il avait constaté une erreur commise par M. B______ dans le codage de données, six mois de travail sur le projet « besoins » avaient été ainsi mis en cause. Il avait lui-même annoncé aux autres collaborateurs les résultats de cette recherche qui étaient faux. Il n’en avait pas imputé la responsabilité à M. B______ et ne l’avait pas vilipendé auprès d’eux. Il n’était pas sorti de son rôle et avait pris en considération l’intérêt du laboratoire. Son positionnement avait été adéquat. Leur relation s’était dégradée à ce moment et M. B______ avait abandonné leurs projets communs. Lors de sa dernière année de contrat, M. B______ avait profité de sa confiance et de l’autonomie qui lui avait été laissée et avait créé une atmosphère de défiance à son égard, nuisible à la réputation et au bon fonctionnement du groupe. Il avait alors alerté ses supérieurs. Le prof. C______ était au courant de cette relation mais n’était pas intervenu.

Il avait apporté son soutien à Mme G______ durant la rédaction de sa thèse de doctorat. Il avait en outre échangé avec elle au sujet de ses difficultés à terminer sa thèse. Le témoignage de Mme F______ était basé sur les déclarations de M. B______ qui n’étaient pas fondées. Les déclarations de Mme E______ étaient remises en cause par plusieurs documents.

Depuis son engagement au sein de la FPSE, il avait conformé son comportement aux exigences du fonctionnement du MAD pour répondre à ses missions d’enseignement, de recherches et de supervision. Celles-ci exigeaient d’interagir avec ses collaborateurs dont les cahiers de charges étaient différents. Il s’était employé à adapter son management en privilégiant une relation hiérarchique qui laissait de l’autonomie et de l’initiative à ses collaborateurs. Il veillait au respect des objectifs, des cahiers de charges et des échéances professionnelles fixées.

17) Le 5 mai 2017, l’enquêteur a rendu au rectorat son rapport final et a retenu qu’un blâme à l’encontre de M. A______ pouvait être envisagé, compte tenu des circonstances et de la gravité relative des faits établis.

Plusieurs témoins avaient confirmé le caractère brouillon du travail de M. A______ et relevé son manque d’organisation. L’intéressé avait admis ce fait. Celui-ci ne justifiait cependant pas une sanction, mais la mise en place d’un contrôle.

M. A______ avait eu, dans ses rapports avec M. B______, une attitude ambiguë et contradictoire s’agissant du travail à effectuer par ce dernier. Il n’en était pas satisfait, mais le qualifiait d’excellent. Sous couvert d’une attitude de familiarité amicale, l’intéressé avait, durant plusieurs années, instauré dans ses rapports avec certains collaborateurs une atmosphère de tension constante, de remise en question régulière du travail effectué, de contrôle et de pression psychologique sur certaines personnes qui n’étaient pas aptes à y résister. Les témoignages étaient convergents et il n’y avait pas de raison de les mettre en doute. Les difficultés relationnelles avec certains collaborateurs s’étaient déroulées sur plusieurs années. Les personnes n’ayant pas de problèmes avec M. A______ avaient confirmé les plaintes relatives au comportement de l’intéressé. Il existait un faisceau d’indices suffisants pour admettre une attitude critiquable de M. A______ s’apparentant à du harcèlement psychologique. Ce comportement tendait à la déstabilisation et à une forme de marginalisation d’un ou de plusieurs collaborateurs. L’intéressé avait une tendance à reporter sur les autres les critiques qui lui étaient faites.

18) Par décision du 26 juin 2017, le rectorat a prononcé un blâme à l’encontre de M. A______.

L’intéressé n’avait pas su entretenir des relations dignes et correctes avec ses subordonnés, ne se conformant pas à ses devoirs de service. Il n’avait pas su organiser le travail de son groupe de manière structurée ni veiller à la protection de la personnalité de certains collaborateurs, ne se conformant pas à ses devoirs d’autorité.

La situation de subordination d’un assistant ou d’un post-doctorant par rapport au maître d’enseignement et de recherche était particulière, dans la mesure où l’avenir professionnel de celui-là dans son domaine de spécialisation dépendait du soutien de celui-ci. Il était, dans ce contexte, difficile de rendre publics les éventuels problèmes rencontrés. L’intéressé n’avait à aucun moment de l’investigation considéré sa gestion de l’équipe comme défaillante, et s’était limité à chercher des motifs de malveillance chez les témoins. Or, au regard des éléments recueillis, les méthodes de gestion du personnel choisies par M. A______ ne permettaient pas de respecter pleinement son obligation d’entretenir des relations dignes et correctes avec les personnes sous sa responsabilité, de faciliter la collaboration des membres de son équipe, d’organiser efficacement le travail de ses subordonnées et de protéger leur personnalité.

19) Le 4 septembre 2017, M. A______ a formé opposition à l’encontre de la décision précitée, en requérant son annulation. Il était néanmoins favorable à un encadrement et à une surveillance de son activité avec ses collaborateurs.

La sanction prononcée faisait reposer la responsabilité des situations vécues par ces collaborateurs sur lui uniquement. Il avait alerté ses supérieurs au sujet de ses difficultés relationnelles et professionnelles avec M. B______. Rien n’avait été fait par ces derniers pour endiguer cette spirale. La situation avait eu des impacts négatifs sur sa vie professionnelle et sa santé. Il avait suivi un traitement et subi un arrêt de travail.

Le maintien de la sanction handicapait son avenir professionnel. Ses relations avec ses assistants actuels étaient bonnes. L’enquête n’avait pas considéré la globalité de la situation professionnelle dans laquelle s’étaient déroulés les faits.

20) Par décision sur opposition du 28 septembre 2017, le rectorat a maintenu le blâme prononcé.

Les supérieurs hiérarchiques de l’intéressé avaient évoqué avec lui certaines situations. Il avait par conséquent été alerté sur les situations de ses subordonnés. Il était de son devoir comme supérieur hiérarchique d’avoir une attitude digne, correcte et respectueuse de la personnalité des personnes qui lui étaient subordonnées, un éventuel manque de soutien de sa propre hiérarchie ne le dispensait pas de ses obligations envers ses collaborateurs.

Au surplus, le rectorat a repris les éléments de sa décision antérieure.

21) Par acte expédié le 30 octobre 2017, M. A______ a recouru contre cette décision sur opposition devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant à son annulation.

Ses échanges avec M. B______ et Mmes G______ et E______ devaient être remis dans leur contexte. Il entretenait avec eux une relation amicale en raison de leur proximité d’âge et de l’intérêt académique partagé. Leurs échanges étaient caractérisés par un ton libre. Leurs rapports dépassaient le cadre professionnel. Il voyait régulièrement M. B______ en dehors du travail. L’université avait mis en avant le rapport de subordination d’un assistant ou d’un post-doctorant vis-à-vis d’un maître d’enseignement et de recherche. Sa fonction n’était guère hiérarchiquement supérieure à celle de ses collaborateurs. Ils appartenaient au même corps d’enseignement. Il n’était pas membre du corps professoral. La structure hiérarchisée de l’université permettait de comprendre la nature de ses relations avec ses collaborateurs. La situation était paradoxale. Les intéressés étaient, selon l’université, incapables de se positionner face à un maître d’enseignement et de recherche, mais n’avaient pas hésité à interpeller deux professeurs pour se plaindre de leurs conditions de travail au sein du MAD. Ces professeurs qui avaient eu le loisir de l’observer dans ses activités avec les assistants et les post-doctorants ne lui avaient pas fait part d’une quelconque inadéquation de son comportement vis-à-vis des personnes concernées. Les professeurs auraient pu, le cas échéant, intervenir en le sommant de modifier son comportement. Ils n’avaient pas jugé utile de réagir dans la mesure où ils ne portaient pas de crédit aux plaintes. L’université aurait dû lui adresser un avertissement pour lui permettre de comprendre et si besoin de changer de comportement.

Il jouissait d’excellents états de service qui démontraient son attachement au respect des devoirs de sa fonction.

22) Le 8 décembre 2017, l’université a conclu au rejet du recours.

Le rectorat avait ouvert une procédure d’investigation qui s’était déroulée selon les normes en vigueur. L’appartenance de collaborateurs au même corps de collaborateurs de l’enseignement et de la recherche ne modifiait pas leurs obligations réciproques dans une relation de supérieur hiérarchique et de subordonné. Une proximité peut expliquer une certaine familiarité, mais non un manque de respect des devoirs de service et d’autorité. Les faits sur lesquels avait porté l’enquête étaient constitutifs d’un harcèlement psychologique. M. A______ avait manqué à ses devoirs. Il ne pouvait pas échapper au prononcé d’une sanction même s’il soutenait n’avoir pas été conscient de l’inadéquation de son comportement avec ses devoirs professionnels ou n’en avoir pas été informé au préalable ou invité à modifier son comportement. Le comportement de l’intéressé n’était pas un acte isolé, il s’était étendu sur une période allant de 2013 à 2015 et avait concerné plusieurs personnes. La violation de ses devoirs revêtait une certaine gravité. Le prononcé d’une sanction apparaissait dans ces conditions justifié, même si les autres aspects de son activité n’étaient pas critiquables. La sanction prononcée était la moins sévère. Elle respectait le principe de la proportionnalité au regard de l’ensemble des circonstances. Le rectorat n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation. Le droit d’être entendu de l’intéressé n’avait pas été violé, il avait eu plusieurs occasions de s’exprimer par écrit notamment.

23) Par un courrier non daté et non signé, reçu par la chambre administrative le 23 février 2018, M. A______ a persisté dans ses conclusions et dans les termes de ses précédentes écritures.

Sa relation chaleureuse avec ses collaborateurs n’était pas feinte, elle était sincère et plusieurs témoignages l’avaient attesté. L’accusation de mobbing n’était pas démontrée. Il n’avait porté aucune attaque personnelle à l’encontre de Mme G______, aucun témoignage ne l’attestait. Il avait été marginalisé par ses trois collaborateurs les plus proches. Il avait été lui-même victime de mobbing dès 2015, ce qui avait conduit à une dégradation de son état de santé et à un arrêt de travail.

24) Le 5 mars 2018, les observations de M. A______ ont été transmises à l’université, ensuite de quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le bien-fondé du blâme décidé à l’encontre du recourant par le rectorat de l’université le 26 juin 2017 et confirmé par une décision sur opposition le 28 septembre 2017.

3) Le statut des membres du corps professoral et du corps des collaboratrices et collaborateurs de l’enseignement et de la recherche de l’université est régi par la loi sur l’université du 13 juin 2008 (LU - C 1 30), dont l’art. 13 al. 1 dispose que l’université est l’employeur de son personnel. Selon l’art. 12 al. 1 de cette loi, ces employés sont également soumis aux dispositions de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10) entrée en vigueur le 1er janvier 2016 et de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15). Pour le surplus, les prescriptions nécessaires concernant leur statut sont fixées dans le règlement sur le personnel de l’université du 17 mars 2009 (ci-après : RPers).

4) Le recourant soutient que sa fonction de maître d’enseignement et de recherche n’est pas hiérarchiquement supérieure à celle de ses collaborateurs dans la mesure où ils appartiennent au même corps d’enseignement.

a. Le corps enseignant regroupe les enseignants et les chercheurs de l’université (art. 4 al. 1 RPers). Il est formé des membres du corps professoral et des membres du corps des collaborateurs de l’enseignement et de la recherche ainsi que de leurs suppléants éventuels, qu’ils soient rémunérés par des fonds provenant du budget de l’État ou par des fonds provenant de l’extérieur (al. 2 phr. 1). Les membres du corps des collaborateurs de l’enseignement et de la recherche sont notamment les maîtres d’enseignement et de recherche (art. 4 al. 4 let. a RPers), les maîtres assistants (let. h), les post-doctorants (let. i) et les assistants (let. j).

b. Le maître-assistant participe, sous la direction d’un professeur ordinaire, d’un professeur associé, d’un professeur assistant, d’un professeur titulaire ou d’un maître d’enseignement et de recherche, à l’enseignement et à la recherche (art. 147 al. 1 phr. 1 RPers). Le post-doctorant, titulaire depuis moins de cinq ans du titre de docteur ou d’un titre jugé équivalent lors de l’engagement, poursuit, sous la responsabilité d’un professeur ordinaire, d’un professeur associé, d’un professeur assistant, d’un maître d’enseignement et de recherche ou d’un chargé de cours, une activité de recherche auprès de l’université (art. 148 al. 1 phr. 1 RPers). L’assistant exerce, sous la direction d’un professeur ordinaire, d’un professeur associé, d’un professeur assistant, d’un professeur titulaire, d’un maître d’enseignement et de recherche ou d’un chargé de cours, des activités d’enseignement et de recherche (art. 149 al. 1 let. a RPers).

c. En l’espèce, les personnes concernées par les agissements du recourant sont des assistants et des post-doctorants. Ils appartiennent certes, selon les dispositions légales précitées, au corps des collaborateurs de l’enseignement et de la recherche comme le recourant. Toutefois, ils exercent leurs activités respectives d’enseignement et de recherche sous la direction ou la responsabilité de celui-ci. Ainsi, contrairement à l’affirmation de ce dernier, ils sont soumis à son autorité hiérarchique au sens du RPers. Au demeurant, le recourant souligne, dans sa détermination du 20 avril 2017, qu’il s’est employé à adapter sa gestion en privilégiant une relation hiérarchique qui laisse de l’autonomie et de l’initiative à ses collaborateurs, reconnaissant ainsi qu’il existe une relation hiérarchique entre lui et ses collaborateurs. Il ressort par ailleurs du dossier que, dans l’exercice de ses activités d’enseignement et de recherche, le recourant avait la responsabilité d’assistants, de doctorants, de post-doctorants ou de maîtres-assistants.

Le grief du recourant doit dès lors être écarté.

5) Le recourant conteste qu’il ait exercé du harcèlement psychologique sur ses collaborateurs. Il soutient avoir eu un positionnement adéquat à leur égard et qu’il a toujours conformé son comportement aux exigences du fonctionnement de son équipe pour répondre à ses missions d’enseignement et de recherche.

a. L’université veille à la protection de la personnalité des membres du corps enseignant et combat l’apparition ou la persistance de comportements constitutifs de harcèlement psychologique ou sexuel (art. 8 al. 1 RPers). Les membres du corps enseignant doivent par leur attitude entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés ; permettre et faciliter la collaboration entre ces personnes (art. 21 let. a RPers). Ceux chargés de fonctions d’autorité sont en outre tenus d’organiser le travail de leur structure et de leurs subordonnés (art. 22 let. a RPers) ; de diriger leurs subordonnés, d’en coordonner et contrôler l’activité (let. b).

b. Le harcèlement psychologique, appelé aussi mobbing, se définit comme un enchaînement de propos et/ou d'agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus cherchent à isoler, à marginaliser, voire à exclure une personne sur son lieu de travail (art. 63 al. 1 RPers ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.207/2002 du 20 juin 2003 consid. 4.2 ; Rémy WYLER/Boris HEINZER, Droit du travail, 3ème éd., 2014, p. 348 n. 3.14) ; Jean-Bernard WAEBER, Le mobbing ou harcèlement psychologique au travail, quelles solutions ?, PJA 1998 p. 792 ss ; Élisabeth CONNE-PERRÉARD, Expériences genevoises, in Harcèlement au travail, Le droit du travail en pratique, vol. 22, 2002, p. 89 ss [p. 91 ss]) ; Gabriella WENNUBST, Mobbing, Le harcèlement psychologique analysé sur le lieu de travail, 1999, p. 24 ss ; Manfred REHBINDER/Alexander KRAUSZ, Psychoterror am Arbeitsplatz : Mobbing und Bossing und das Arbeitsrecht, in ArbR - Mitteilungen des Instituts für schweizerisches Arbeitsrecht, 1996, p. 17 ss [p. 18 s.]). La victime est souvent placée dans une situation où chaque acte pris individuellement, auquel un témoin a pu assister, peut éventuellement être considéré comme supportable alors que l'ensemble des agissements constitue une déstabilisation de la personnalité, poussée jusqu'à l'élimination professionnelle de la personne visée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.770/2006 du 26 avril 2007 consid. 4.3). Tout harcèlement est une forme aiguë d’atteinte à la personnalité (art. 63 al. 3 RPers).

II n'y a toutefois pas harcèlement psychologique du seul fait qu'un conflit existe dans les relations professionnelles (Marie-France HIRIGOYEN, Harcèlement et conflits de travail, in Harcèlement au travail, Zurich 2002, p. 9 ss [p. 18 s.] ; Dominique QUINTON, Le concept du mobbing - cas cliniques, in Harcèlement au travail, op. cit., p. 65 ss [p. 69]), ni d'une mauvaise ambiance de travail (Thomas GEISER, Rechtsfragen der sexuellen Belästigung und des Mobbings, in RJB 2001 p. 429 ss [p. 431]), ni du fait qu'un membre du personnel serait invité - même de façon pressante, répétée, au besoin sous la menace de sanctions disciplinaires ou d'une procédure de licenciement - à se conformer à ses obligations résultant du rapport de travail, ou encore du fait qu'un supérieur hiérarchique n'aurait pas satisfait pleinement et toujours aux devoirs qui lui incombent à l'égard de ses collaboratrices et collaborateurs. Il résulte des particularités du mobbing que ce dernier est généralement difficile à prouver, si bien qu'il faut savoir admettre son existence sur la base d'un faisceau d'indices convergents, mais aussi garder à l'esprit qu'il peut n'être qu'imaginaire, sinon même être allégué abusivement pour tenter de se protéger contre des remarques et mesures pourtant justifiées (arrêts du Tribunal fédéral 2A.770/2006 précité consid. 4.3 ; 2P.39/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.1 ; 2P.207/2002 du 20 juin 2003 consid. 4.2).

c. En l’occurrence, il ressort du rapport d’enquêtes du 5 mai 2017 qu’un faisceau d’indices suffisants permet d’admettre une attitude critiquable du recourant vis-à-vis de ses subordonnés, s’apparentant à du harcèlement psychologique. Durant deux ans au moins, de 2013 à 2015, le recourant a instauré dans ses rapports avec de nombreux collaborateurs différents et à des périodes distinctes une atmosphère de tension constante, de remise en question régulière du travail effectué, de contrôle et de pression psychologique. Ce comportement tendait à leur déstabilisation et à leur marginalisation. Il ressort ensuite de nombreux témoignages convergents émanant aussi bien de collaborateurs ayant des difficultés relationnelles avec le recourant que de ceux n’ayant pas de problèmes avec lui, une similitude de faits répétitifs et récurrents reprochés à ce dernier, soit une insatisfaction en permanence du travail accompli, une modification constante des documents destinés à la publication, des tâches et des consignes peu claires, un ton méprisant utilisé dans les courriels notamment, des remarques négatives, une attitude déstabilisante et un contrôle permanent et tatillon. Il résulte des agissements du recourant qu’une de ses collaboratrices a dû quitter son poste au MAD avant le terme de son contrat et que d’autres ont changé de collaboration dans le cadre de la rédaction de leur thèse ou des travaux des recherches, d’autres encore ont préféré garder le silence pour éviter de compromettre leur avenir professionnel. D’autres collaborateurs ont subi des conséquences dans leur santé et des arrêts de travail.

Dans ces circonstances, le comportement du recourant s'apparente bien à du harcèlement psychologique, sans qu'un constat formel à ce sujet soit requis dans le cadre de la présente procédure. Il suffit en effet que le comportement du recourant, qu'il soit ou non qualifié de harcèlement psychologique au sens du RPers, soit contraire à ses devoirs et donc susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire, ce qui est le cas.

Le grief du recourant sera dès lors écarté.

6) Le recourant soutient en outre que l’université aurait dû lui infliger un avertissement pour lui permettre de comprendre et si besoin de changer de comportement. Il se plaint ainsi implicitement de la violation du principe de la proportionnalité.

a. Les membres du corps enseignant qui enfreignent leurs devoirs de service ou de fonction, soit intentionnellement, soit par négligence, peuvent faire l'objet notamment d’un blâme infligé par le doyen, en sa qualité de supérieur hiérarchique, ou par le rectorat (art. 80 al. 1 let. a ch. 1 RPers).

En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1255/2015 du 24 novembre 2015 ; ATA/748/2014 du 23 septembre 2014). Alors même que l'autorité resterait dans le cadre de ses pouvoirs, quelques principes juridiques les restreignent, dont la violation constitue un abus de pouvoir : l'autorité doit exercer sa liberté conformément au droit. Elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d'inégalité de traitement et appliquer le principe de proportionnalité (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 743 ss). L’autorité doit tenir compte de toutes les circonstances du cas concret, notamment de la situation, de la place occupée et de la responsabilité de l’agent (ATA/680/2010 du 5 octobre 2010 ; ATA/252/2009 du 19 mai 2009).

L’autorité commet un abus de son pouvoir d’appréciation, tout en respectant les conditions et les limites légales, si elle ne se fonde pas sur des motifs sérieux et objectifs, se laisse guider par des éléments non pertinents ou étrangers au but des règles ou viole des principes généraux tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATA/189/2018 du 27 février 2018 ; ATA/38/2018 du 16 janvier 2018 et les références citées).

b. L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_500/2012 du 22 novembre 2012 consid. 3.3). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATF 108 Ia 230 consid. 2b ; 106 Ia 100 consid. 13c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_448/2014 du 5 novembre 2014 consid. 4.3 ; 2C_500/2012 du 22 novembre 2012 consid. 3.3 ; ATA/101/2010 du 16 février 2010).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

c. En l’occurrence, le comportement du recourant n’est pas un acte isolé. Ses agissements se sont étendus, comme déjà relevé dans les considérants précédents, sur une période allant de 2013 à 2015 et ont en outre touché plusieurs collaborateurs différents qui lui étaient subordonnés. La violation de ses devoirs de service et d’autorité revêt par conséquent une certaine gravité. Le prononcé d’une sanction apparaît dans ces conditions justifié. La sanction prononcée est en outre la moins sévère. En choisissant la sanction la plus légère et en tenant compte de toutes les circonstances du cas d’espèce, notamment du fait que les autres aspects de l’activité du recourant n’étaient pas critiquables, l’autorité intimée n’a pas violé le principe de la proportionnalité ni abusé de son pouvoir d’appréciation.

La sanction prononcée étant conforme au droit, le grief du recourant doit être écarté.

7) Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 octobre 2017 par Monsieur A______ contre la décision de l’Université de Genève du 28 septembre 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :