Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1755/2021

ATA/1177/2022 du 22.11.2022 sur JTAPI/54/2022 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 17.01.2023, rendu le 20.06.2023, PARTIELMNT ADMIS, 9C_39/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1755/2021-ICCIFD ATA/1177/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 novembre 2022

4ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
représentés par Me Michel Cabaj, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 janvier 2022 (JTAPI/54/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1954, est le fils de Monsieur B______, lequel est décédé le ______ 2009. Il a épousé Madame A______en 2011.

2) Par courrier de son mandataire du 28 septembre 2018, M. A______ a informé l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) avoir reçu de son défunt père des avoirs intitulés « C______ Luxembourg – D______ n. 1______ » pour un montant de EUR 242'962.- au 31 décembre 2017. Cette déclaration spontanée concernait les périodes fiscales 2008 à 2017.

3) Par courriers recommandés du 13 décembre 2018, l’AFC-GE a informé les époux de l’ouverture d’une procédure en rappel et soustraction d’impôt pour les années 2008, 2011, 2012, 2013 et 2015.

4) Par courrier A+ de l’AFC-GE du 19 décembre 2019, ces procédures ont été étendues aux années fiscales 2009, 2014 et 2016. Les époux étaient priés de fournir les relevés fiscaux détaillés et complets, avec mention des rendements échus aux 31 décembre 2008 à 2016, de leurs titres déposés auprès de C______ Luxembourg – D______ n. 1______. Ils étaient également invités à justifier concrètement la provenance des fonds à hauteur d’environ EUR 243'000.- au moyen de tous documents.

5) À la demande des contribuables, l’AFC-GE a accordé plusieurs prolongations de délai, à savoir au 29 février, 31 mars et 30 juin 2020.

6) N’ayant pas reçu les renseignements et les justificatifs requis, l’AFC-GE a imparti aux époux, par courrier recommandé du 13 juillet 2020, un dernier délai au 31 juillet 2020 pour les fournir, sous peine de taxation d’office et d’amende.

7) Par courrier recommandé du 14 août 2020, l’AFC-GE a informé les contribuables de l’ouverture complémentaire d’une procédure en tentative de soustraction d’impôt pour l’ICC et l’IFD 2017.

Les époux étaient invités à lui faire parvenir les mêmes documents et renseignements que précédemment, mais arrêtés au 31 décembre 2017, ainsi qu’une attestation bancaire (formulaire A) authentifiant l’identité de l’ayant droit économique de la relation bancaire C______ Luxembourg – D______ n. 1______.

En outre, le service de taxation des personnes morales de l’AFC-GE avait relevé que M. A______ avait bénéficié de prestations appréciables en argent de CHF 28'492.-, sous forme d’intérêts excessifs, de la part de la société immobilière F______ SA (ci-après : la SI). Ce montant serait à reprendre au titre de rendement de la fortune mobilière.

8) Par courrier recommandé du 17 décembre 2020, l’AFC-GE a informé les époux que les procédures en rappel et soustraction d’impôt pour les années 2008, 2009 et 2011 étaient terminées et leur a remis les bordereaux de rappel d’impôt pour ces années ainsi que des bordereaux d’amende ICC et IFD 2011. Les années 2008 et 2009 ne faisaient pas l’objet d’une amende.

Les reprises et les amendes étaient les suivantes :

Année fiscale

Supplément d'impôt ICC

Supplément d'impôt IFD

Amende ICC

Amende IFD

2008

CHF 129'324.05

CHF 51'400.80

2009

CHF 4'590.40

CHF 488.40

2011

CHF 3'525.05

CHF 390.--

CHF 3'525.-

CHF 390.-

Total

CHF 137'439.50

CHF 52'279.20

CHF 3'525.-

CHF 390.-

Les bordereaux d’amende ICC et IFD 2011, correspondant à l’impôt soustrait, étaient motivés comme suit : « À teneur de la loi, lorsque le contribuable dénonce spontanément et pour la première fois une soustraction d’impôt, il n’y a pas d’amende (dénonciation spontanée non punissable) à condition qu’aucune autorité fiscale n’en ait connaissance ; qu’il collabore sans réserve avec l’administration pour déterminer le montant du rappel d’impôt ; qu’il s’efforce d’acquitter le rappel d’impôt dû. En cas de dénonciation spontanée non punissable, il est également renoncé à la poursuite pénale pour toutes les infractions commises dans le but de soustraire des impôts (usage de faux, détournement d’impôt à la source et autres actes délictueux). En l’occurrence, les conditions de la dénonciation spontanée non punissable ne sont pas remplies vu l’absence de collaboration. En outre, en ne déclarant pas la prestation appréciable en argent perçue par la [SI] vous n’avez pas été imposé selon votre réelle capacité contributive ».

9) Le même jour, les époux étaient informés de la clôture des procédures en rappel et soustraction d’impôt relatives aux années 2012 à 2016 et les bordereaux de rappel d’impôt et d’amende pour ces années leur ont été remis.

Les reprises et les amendes étaient les suivantes :

Année fiscale

Supplément d'impôt ICC

Supplément d'impôt IFD

Amende ICC

Amende IFD

2012

CHF 3'489.35

CHF 377.-

CHF 3'489.-

CHF 377.-

2013

CHF 3'551.10

CHF 390.-

CHF 3'551.-

CHF 390.-

2014

CHF 3'602.90

CHF 390.-

CHF 3'602.-

CHF 390.-

2015

CHF 3'160.70

CHF 338.-

CHF 3'160.-

CHF 338.-

2016

CHF 10'637.70

CHF 4'043.-

CHF 10'637.-

CHF 4'043.-

Total

CHF 24'441.75

CHF 5'538.-

CHF 24'439.-

CHF 5'538.-

 

10) Par courrier du 18 janvier 2021, les époux ont formé réclamation à l’encontre des l'ensemble des bordereaux de rappel d’impôt et d’amende précités, concluant à leur annulation. Les bordereaux de rappel d’impôt étaient insuffisamment motivés. S’agissant de leur absence de collaboration, ils s’étaient efforcés de renseigner au mieux l’AFC-GE avec les éléments dont ils disposaient. La fiduciaire en charge de la comptabilité de la SI n’avait pas pu finaliser les états financiers de celle-ci car son employé avait été victime d’un cancer généralisé. En toute hypothèse, ils n’avaient eu ni la conscience ni la volonté de commettre une soustraction.

11) Par lettre du 5 février 2021, l’AFC-GE a expliqué aux époux qu’à défaut d’informations de leur part, malgré plusieurs délais accordés, elle avait considéré le solde au 31 décembre 2017 de EUR 242'962.- comme étant un revenu perçu en 2008. Elle avait à chaque fois repris ce solde en l’extrapolant pour les années 2008 à 2016 et calculé un rendement annuel y relatif de 1 %. Concernant la reprise de CHF 28'492.- en 2016, elle correspondait à des intérêts excessifs taxés comme un rendement de la fortune mobilière découlant d’une participation dans la SI.

Un délai était imparti aux époux pour leur permettre de préciser l’objet de leur réclamation. Passé ce délai, et sans réponse de leur part, une décision sur réclamation serait rendue sur la base de leur courrier du 18 janvier 2021.

12) Le 22 février 2021, les contribuables ont indiqué ne pas s’opposer aux reprises suivantes :

-       les rendements de 1 % de la relation bancaire C______ Luxembourg pour chaque année fiscale ;

-       le solde de EUR 242'962.- extrapolé sur les années 2008 à 2016 ;

-       la prestation appréciable en argent sous forme d’intérêts excessifs d’un montant de CHF 28'492.- pour l’année 2016.

En revanche, la reprise en revenu du solde de la relation bancaire C______ Luxembourg de EUR 242'962.- était formellement contestée, dès lors que ce montant provenait de fonds de la succession de feu le père du contribuable. Ils ont sollicité un délai supplémentaire au 15 mars 2021 afin de pouvoir remettre tout document pertinent quant à la provenance des fonds en question.

13) Par lettre du 2 mars 2021, l’AFC-GE leur a accordé un délai, non prolongeable, au 15 mars 2021 pour compléter leur réclamation.

14) Par décision sur réclamation du 15 avril 2021, l’AFC-GE a maintenu les bordereaux de rappel ICC et IFD 2008, 2009 et 2011 à 2016 ainsi que les amendes.

Malgré le délai supplémentaire accordé, les époux n’avaient toujours pas apporté la preuve de leurs allégations. L’AFC-GE n’avait pu obtenir ni l’identité de l’ayant droit économique, ni les relevés fiscaux pour les années 2008 à 2017, ni les justificatifs de la provenance des fonds qui avaient permis d’alimenter le compte C______ Luxembourg – D______ n. 1______.

Force était ainsi de constater que les contribuables n’avaient pas pleinement collaboré à l’instruction des procédures. En conséquence, faute de justificatifs, les reprises étaient maintenues.

15) Par acte du 17 mai 2021, les époux ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision sur réclamation du 15 avril 2021, concluant principalement, à son annulation et à ce que de nouveaux bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2008, 2009 et 2011 à 2016 ainsi que d’amende ICC et IFD 2011 à 2016 soient émis.

L’AFC-GE disposait du relevé de compte de la relation bancaire « C______ Luxembourg - D______ n. 1______ » au 31 décembre 2017, sur la base duquel les reprises et les amendes avaient été calculées. Partant, on ne pouvait leur reprocher un manque de collaboration pour justifier les amendes.

La société G______ SA (ci-après : G______), qui détenait la documentation pertinente, avait été liquidée et radiée le ______ 2019 suite au scandale des « Panama Papers ». De ce fait, ils n’avaient pas pu fournir les pièces justificatives prouvant l’acquisition par voie de succession des avoirs litigieux. Cela étant, le compte précité était libellé « D______ », ce qui correspondait au prénom « B______ » du père du recourant écrit à l’envers. Au vu du délai de conservation des documents de dix ans, les pièces d’ouverture de compte par feu M. B______ n’avaient pas pu être obtenues. De plus, ce dernier avait signé un accusé de réception, daté du 30 novembre 1999, de documents relatifs au compte « D______ » autorisant leur destruction, ce qui indiquait qu’il avait la titularité de ce compte. La signature du recourant sur un mémorandum relatif aux avoirs de son père indiquait qu’il n’était pas le signataire de la décharge susmentionnée.

Au vu de ce faisceau d’indices établis par pièces, il fallait considérer que les avoirs du compte « D______ » avaient été acquis par voie successorale et qu’ils devaient bénéficier d’une exonération d’impôt.

16) Le 20 juillet 2021, l’AFC-GE a conclu à l’annulation des bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2009 et au rejet du recours pour le surplus.

Malgré les nombreuses prolongations de délai, les contribuables n’avaient jamais remis de justificatifs sur la provenance des fonds et sur l’ayant droit économique du compte litigieux.

L’accusé de réception du 30 novembre 1999 n’apportait pas de renseignements sur la titularité du compte en 2008, année durant laquelle le recourant déclarait avoir reçu les avoirs de EUR 242'962.-. Il n’était pas non plus démontré que G______ détenait effectivement la documentation pertinente et les droits de signature permettant d’obtenir copie de ces documents.

Par ailleurs, il était demandé aux époux, non pas de fournir les pièces d’ouverture du compte « D______ », mais les relevés fiscaux 2008 à 2016 de celui-ci. Or, le délai de conservation de dix ans n’était pas échu pour ces années. Par ailleurs, il était possible que les banques conservent les documents bancaires plus de dix ans, notamment sous forme numérique. Le courriel du 28 janvier 2020 de C______ Luxembourg adressé en copie au recourant n’était pas suffisant pour prouver que ce dernier n’arriverait pas à obtenir les relevés fiscaux requis. En tout état, ce courriel laissait entendre que les relevés fiscaux existeraient toujours et n’auraient pas été détruits.

Ainsi, au vu des pièces du dossier, les époux n’avaient pas apporté la preuve que les avoirs de EUR 242'962.- avaient été perçus par voie de succession en ligne directe impliquant une exonération fiscale. Partant, faute de documents répondant aux questions posées par l’AFC-GE, il se justifiait d’infliger une amende aux recourants pour manque de collaboration de leur part. Enfin, une erreur de plume s’était glissée dans les bordereaux d’amende ICC et IFD 2011 à 2015, dès lors que la motivation de la prestation appréciable en argent perçue de la SI n’aurait dû figurer que dans les bordereaux d’amende ICC et IFD 2016. Toutefois, cela n’avait pas de conséquence sur le fond du litige.

17) Le 1er septembre 2021, les époux ont persisté intégralement dans les conclusions de leur recours. Le compte « D______ » avait été ouvert dans les années 80 par feu M. B______ auprès de l’ex-banque H______ à Luxembourg. Malgré de nombreuses démarches, l’accusé de réception du 30 novembre 1999 constituait le seul document ayant pu être retrouvé qui prouverait le pouvoir de disposition de M. B______ sur ces avoirs.

Les époux ont joint une attestation de l’administrateur d’I______ SA (ci-après : I______), en liquidation, datée du 1er septembre 2021, laquelle indiquait qu’elle gérait les avoirs du compte « D______ » et que M. B______ en était l’ayant droit économique.

18) Par jugement du 24 janvier 2022, le TAPI a admis partiellement le recours, donnant acte à l'AFC-GE de ce qu’elle annulait les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2009 et rejetant le recours pour le surplus.

Par courrier du 28 septembre 2018, M. A______ avait procédé à la dénonciation spontanée du compte bancaire litigieux pour les années fiscales 2008 à 2017. Or, son père étant décédé le 14 mars 2009 et faute de justificatifs confirmant une éventuelle avance d’hoirie, sachant qu'il avait deux autres frères, l’on peinait à comprendre comment il aurait pu acquérir ce compte en 2008 par dévolution successorale.

Malgré les multiples délais accordés par l’AFC-GE, les époux n'avaient pas établi la provenance des fonds sur le compte, ni fourni la preuve que M. B______ en était l’ayant droit économique. L’accusé de réception du 30 novembre 1999 ne permettait pas de constater à satisfaction de droit que le de cujus en était le titulaire ou l’ayant droit économique en 2008. Rien n’indiquait non plus que G______, radiée le ______ 2019, aurait détenu les documents pertinents et les droits de signature permettant de les obtenir. Compte tenu de la date de la lettre de la dénonciation spontanée, les époux ne pouvaient pas raisonnablement soutenir que le délai de conservation des pièces justificatives de dix ans était échu pour les années 2008 à 2016, et le courriel de C______ Luxembourg du 28 janvier 2020 ne permettait pas de considérer que ceux-ci n’étaient plus disponibles pour les années concernées. Enfin, l’attestation du 1er septembre 2021, établie pour les besoins de la cause par l’administrateur liquidateur d’I______, ne pouvait suffire à prouver que feu M. B______ avait été le bénéficiaire économique du compte bancaire litigieux.

Dans ces circonstances, à défaut de pièces justificatives concernant l’origine des fonds sur le susdit compte bancaire, il y avait lieu de considérer que M. A______ n'avait pas démontré avoir acquis le montant de EUR 242'962.- dans la succession de son père. En conséquence, la reprise de ce montant dans l’année fiscale 2008 était confirmée.

S'agissant des amendes, la condition de la bonne collaboration n'était pas donnée dès lors que malgré les nombreuses prolongations de délai accordées par l’AFC-GE, les époux n'avaient pas fourni les renseignements et justificatifs nécessaires (notamment les relevés fiscaux détaillés et complets, la justification de la provenance des fonds, ainsi qu’une attestation bancaire authentifiant l’identité de l’ayant droit économique). À cet égard, à la date de la lettre de dénonciation spontanée, soit le 28 septembre 2018, le délai de conservation de dix ans n’était pas échu pour les années 2008 à 2016. De plus, il était possible que les banques conservent les documents bancaires plus de dix ans, notamment sous un format informatique. La quotité des amendes n'étant pas contestée, celles-ci devaient être confirmées.

19) Par acte posté le 25 février 2022, les époux A______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant préalablement à la comparution personnelle des parties, à l'audition de trois personnes en lien avec I______ et à une expertise d'authenticité graphologique de la décharge du 30 novembre 1999, et principalement à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il confirmait les bordereaux de rappel d'impôts et d'amende.

Il était démontré que la société J______ SA (ci-après : J______) était administrée par G______ à teneur de son extrait du registre du commerce (ci-après : RC) ainsi que selon l'attestation du liquidateur d'I______, dont la bonne foi ne pouvait être mise en cause dès lors qu'il engageait sa responsabilité. M. B______ n'avait pu être légitimé à signer en 1999 une décharge d'autorisation de destruction de correspondance liée à ce compte que s'il en était l'ayant droit économique.

Selon l'expérience de la vie et le bon sens, l'attestation précitée signée par le défunt le 30 novembre 1999 en lien avec une société (J______) créée en 1983 et un compte bancaire libellé « D______ » pour « B______ » était suffisante pour retenir que M. B______ était l'ayant droit économique de ce compte et que son fils n'avait acquis cette qualité que suite au décès de M. B______. Le mémorandum signé par M. A______ fils concordait avec ces différents éléments. S'agissant de leur collaboration, il était erroné de retenir qu'au moment de l'envoi de la lettre d'auto-dénonciation le délai de dix ans de conservation des pièces n'était pas échu. En effet, l'AFC-GE n'avait demandé la production de ces pièces que le 19 décembre 2019.

L'AFC-GE avait annulé les bordereaux ICC et IFD 2009 compte tenu de la date de décès de M. B______, si bien que les bordereaux ICC et IFD 2008 devaient être annulés également pour ce motif.

S'agissant des amendes, ils avaient collaboré au mieux de leurs possibilités compte tenu du contexte du décès de M. B______, qui n'avait pas pris soin de remettre l'entier de la documentation relative à ce compte à son fils, ainsi que la faillite de G______ et de l'absence de collaboration de C______ Luxembourg. Les amendes constituaient une double peine, en sus des bordereaux de rappel d'impôts qui qualifiaient les avoirs du compte de revenu imposable. Même si leur absence de collaboration était retenue, la quotité devait être réduite à un tiers des impôts soustraits, leur faute ne pouvant être « tout au plus que légère ».

20) Le 25 mars 2022, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours, les actes d'instruction demandés étant au surplus inutiles.

Les époux semblaient alléguer que c'était J______ qui était titulaire du compte et que cette société était administrée par G______, Monsieur K______ étant « suscriptor » de J______. Or, devant le TAPI, ils avaient fait valoir que c'était I______ qui détenait la documentation bancaire et gérait le compte auprès e C______. Les liens entre ces trois sociétés n'étaient en outre nullement explicités. Les époux n'avaient toujours pas établi à quel titre et sous quelle forme les avoirs du compte litigieux avaient été transférés à M. A______, ni quelle était la provenance desdits fonds. Comme l'avait justement relevé le TAPI, on ne voyait pas comment le précité aurait pu acquérir, un an avant le décès de son père, ce compte par dévolution successorale.

Les bordereaux ICC et IFD 2009 avaient été annulés pour des raisons successorales. En effet, lorsque les époux avaient fait leur dénonciation spontanée en septembre 2018, une procédure de réclamation était toujours en cours. Tel n'était pas le cas pour la taxation 2008.

21) Le 22 avril 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai 13 mai 2022 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

22) Le 11 mai 2022, l'AFC-GE a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires à faire valoir.

23) Le 13 mai 2022, les époux ont persisté dans leurs conclusions.

L'objet de la cause, à savoir des rappels d'impôts et des amendes fiscales, imposait une stricte application des garanties de l'art. 6 § 1 et § 3 let. d de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), en particulier le droit de ne pas s'auto-incriminer et celui d'obtenir son audition ainsi que celle de témoins à décharge.

Lorsque les conditions de la dénonciation spontanée non punissable n'étaient pas remplies, les dispositions légales relatives à la soustraction, et en particulier le droit de ne pas s'auto-incriminer, s'appliquaient. Il revenait donc à l'AFC-GE de prouver qu'il était titulaire des avoirs litigieux.

24) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2) Le litige porte sur l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2008 et 2011 à 2016.

a. De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (arrêt du Tribunal fédéral 2C_60/2020 du 27 avril 2021 consid. 3.1 ; ATA/1399/2021 du 21 décembre 2021 consid. 3a). Le rappel d'impôt relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles (arrêts du Tribunal fédéral 2C_674/2021 du 27 avril 2022 consid. 5 ; 2C_60/2020 précité consid. 3a).

b. S'agissant de l'ICC, le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la LIPP, dont l'art. 69 a abrogé les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques (aLIPP-I à aLIPP-V du 22 septembre 2000). L'art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s'applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Pour les périodes fiscales antérieures, les dispositions des anciennes lois s'appliquent même après l'entrée en vigueur de la loi. Il s'ensuit que la présente cause est régie, pour l’ICC, par les dispositions des aLIPP-I à aLIPP-V du 22 septembre 2000 pour ce qui est de la période fiscale 2008, et de la LIPP pour les autres périodes fiscales, dans sa teneur en vigueur durant les exercices litigieux, ainsi que par la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), là aussi dans sa teneur en vigueur durant les exercices litigieux.

La taxation de l'IFD est soumise aux dispositions de la LIFD et de sa législation d'application, dans leur teneur en vigueur durant les exercices litigieux.

3) À titre liminaire, les recourants concluent préalablement – ce qu'ils n'avaient pas fait devant le TAPI – à la comparution personnelle des parties, à l'audition de trois personnes en lien avec I______ et à une expertise d'authenticité graphologique de la décharge du 30 novembre 1999. Dans leurs dernières écritures, ils invoquent – pour la première fois – l'art. 6 CEDH à l'appui de leurs requêtes d'audition.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_157/2021 du 7 juillet 2021 consid. 3.1 et les références citées). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. À teneur de l’art. 6 § 1 CEDH, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. L’art. 6 CEDH trouve application, sous son volet pénal, dans les procédures réprimant la soustraction fiscale vu leur caractère pénal, contrairement aux procédures de taxation et de rappel d’impôt (ATF 140 I 68 consid. 9 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 3.1, où le Tribunal fédéral a qualifié une affaire portant sur un redressement fiscal de purement fiscale et ne comprenant pas d'aspect pénal).

Selon la CourEDH, l’art. 6 § 3 d let. d CEDH laisse en principe aux juridictions nationales le soin de juger de l’utilité d’une offre de preuve par témoin ; cette disposition n’exige pas la convocation et l’interrogation de tout témoin à décharge : ainsi que l’indiquent les mots « dans les mêmes conditions », elle a pour but essentiel une complète « égalité des armes » en la matière (ACEDH Pereira Cruz et autres c. Portugal du 26 juin 2018, req. 56396/12, § 207). Dans un arrêt du reste cité par les recourants, elle a indiqué ne pas douter qu’une procédure écrite puisse souvent se révéler plus efficace qu’une procédure orale pour le contrôle de l’exactitude des déclarations de situation patrimoniale faites par les contribuables ainsi que de l’existence et de la régularité des justificatifs produits, et avait jugé pertinent l’argument du gouvernement selon lequel tous les points de fait et de droit susceptibles de surgir dans cette affaire pouvaient être examinés et tranchés de manière adéquate sur la base des écritures des parties (ACEDH Jussila c. Finlande du 23 novembre 2006, req. 73053/06, § 47).

De plus, lorsque l'art. 6 § 3 let. d commande d'entendre un témoin à décharge, l'occasion doit en être offerte au prévenu « au moins une fois au cours de la procédure » (ATF 140 IV 172 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1361/2021 du 25 août 2022 consid. 1.1) ; cette « occasion adéquate et suffisante » (ACEDH Mulosmani c. Albanie du 8 octobre 2013, req. 29864/03, § 130) ne correspondant pas nécessairement au moment souhaité par le prévenu. Le Tribunal fédéral reconnaît notamment une exception au principe « une audition contradictoire au moins lors de la procédure » lorsque le principe de la bonne foi imposait une requête plus précoce que celle qui a été formulée par la défense (arrêts du Tribunal fédéral 6P.68/2003 du 7 août 2003 consid. 2.2 ; 6P.68/2000 du 1er novembre 2000 consid. 1f).

c. Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst., dont le Tribunal fédéral contrôle librement le respect (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1074/2018 du 24 janvier 2019 consid, 1.2). Le principe de la bonne foi est également concrétisé à l'art. 3 al. 2 let. a du code de procédure pénale du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0) et concerne, en procédure pénale, non seulement les autorités pénales mais, le cas échéant, les différentes parties, y compris le prévenu (ATF 144 IV 189 consid. 5.1 ; 143 IV 117 consid. 3.2).

4) En l'espèce, l'art. 6 CEDH s'applique à la présente cause dans la mesure où elle concerne le prononcé d'amendes fiscales. Le fait d'invoquer l'art. 6 CEDH au stade de la dernière écriture devant la dernière instance cantonale, dans une cause où la prescription menace, pour obtenir une audience de comparution personnelle (non demandée en première instance) est à la limite de la bonne foi.

Quoi qu'il en soit, les actes d'instruction demandés apparaissent inutiles. S'agissant de leur comparution personnelle, les recourants n'ont pas motivé en quoi celle-ci serait nécessaire ni même utile à l'instruction de la cause, étant rappelé qu'ils ont eu l'occasion de s'exprimer par écrit à de très nombreuses reprises et de fournir toutes les pièces utiles.

L'expertise graphologique demandée, outre qu'il s'agit là aussi d'une requête formulée seulement au stade de la dernière instance cantonale, est inapte à prouver un fait pertinent pour l'issue du présent litige. En effet, comme l'a relevé l'intimée devant le TAPI, l’accusé de réception du 30 novembre 1999 n’apporte pas de renseignements sur la titularité du compte en 2008, année durant laquelle le recourant a déclaré avoir reçu les avoirs en cause.

Quant aux auditions demandées de trois témoins en lien avec I______, les recourants indiquent seulement qu'elles permettraient de clarifier la nature du rattachement du compte « D______ » à la sphère patrimoniale du contribuable, ainsi que de l'année fiscale à laquelle celle-ci serait intervenue et de son acquisition par voie de dévolution successorale. Comme relevé à juste titre par le TAPI, l'attestation du 1er septembre 2021, établie pour les besoins de la cause par l’administrateur liquidateur d’I______, ne peut suffire à prouver que feu M. B______ avait été le bénéficiaire économique du compte bancaire litigieux en l'absence de toute pièce justificative. L'audition demandée est d'autant moins justifiée que dans leur acte de recours, les recourants prétendent désormais que c'était G______ qui disposait de la documentation relative à l'ouverture du compte (recours, ch. 8 en droit), et aussi que c'était J______ qui était titulaire du compte, mais qu'I______ l'avait géré auprès de C______ Luxembourg (réplique, p. 4). Les recourants n'ont en outre aucunement explicité quelle était la fonction des trois personnes citées, ni si elles travaillaient déjà pour I______ en 2008 voire en 1999.

Enfin, l'on se trouve typiquement dans la situation décrite par la CourEDH comme justifiant un usage prépondérant de la procédure écrite, à savoir le contrôle de l’exactitude des déclarations de situation patrimoniale faites par les contribuables ainsi que de l’existence et de la régularité des justificatifs produits.

Il s'ensuit que les demandes d'actes d'instruction seront rejetées.

5) Est litigieuse la qualification de revenus de la somme de EUR 242'962.- correspondant au montant des avoirs du compte « D______ », le recourant soutenant qu’elle est issue d'une dévolution successorale en sa faveur et, à ce titre, exempte d’impôts.

a. Selon l'art. 16 al. 1 LIFD, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. Cette disposition exprime la théorie de l'accroissement du patrimoine, respectivement du principe de l'imposition du revenu global net, selon lesquels tous les montants qui accroissent le patrimoine d'une personne sont inclus dans son revenu imposable, à moins d'être expressément exonérés (ATF 146 II 6 consid. 4.1 ; 143 II 402 consid. 5.1). Dans la LIFD, les revenus exonérés sont les gains en capitaux privés (art. 16 al. 3 LIFD) et les revenus énumérés dans la liste exhaustive figurant à l'art. 24 LIFD (ATF 143 II 402 consid. 5.1). Dans un système caractérisé par une imposition générale des revenus, ces exceptions à l'imposition doivent être interprétées de manière restrictive (ATF 146 II 6 consid. 4.1 ; 143 II 402 consid. 5.3).

b. L’art. 17 de la loi genevoise sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), tout comme l'art. 3 aLIPP-IV, ont un contenu similaire à l'art. 16 LIFD et conforme à l'art. 7 al. 1 de la loi du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation fiscale des impôts directs des cantons et des communes (LHID - RS 642.14).

En vertu des art. 24 let. a LIFD et 27 let. d LIPP (art. 10 aLIPP-IV), les dévolutions de fortune ensuite d'une donation sont exonérées de l'impôt sur le revenu. L'impôt sur les donations et l'impôt sur le revenu sont donc exclusifs l'un de l'autre (arrêt du Tribunal fédéral 2C_148/2020 du 19 janvier 2021 consid. 7). Les donations sont exonérées de l'impôt direct sur le revenu, afin d'éviter une double imposition avec l'impôt sur les donations, que pratiquement tous les cantons prélèvent et qui est de leur compétence exclusive (ATF 146 II 6 consid. 6.1).

6) a. En matière fiscale, les règles générales du fardeau de la preuve ancrées à l'art. 8 du code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), et destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, ont pour effet que l'autorité fiscale doit établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'indices révélant l'existence d'éléments imposables, il appartient à nouveau au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations et de supporter le fardeau de la preuve du fait qui justifie son exonération (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_80/2021 du 29 juillet 2021 consid. 3.2).

b. Selon la jurisprudence, le devoir de collaboration du contribuable (art. 124 LIFD) est particulièrement qualifié dans les relations internationales, notamment en présence de prestations réalisées depuis la Suisse vers un pays étranger sans convention de double imposition ou dont la clause d'échange de renseignements ne correspond pas aux standards actuels de l'organisation de coopération et de développement économiques (ci-après : OCDE) en matière d'échange de renseignements (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 et 2C_1089/2018 précités consid. 11.4 ; 2C_16/2015 du 6 août 2015 consid. 2.5.2 et les nombreuses références, in RF 70/2015 p. 811, traduit in RDAF 2016 II 110 ; ATF 144 II 427 consid. 2.3.2). Certes, le Luxembourg n'entre pas dans cette dernière catégorie puisqu'une convention de double imposition le lie à la Suisse depuis 1993 (Convention du 21 janvier 1993 entre la Confédération suisse et le Grand-Duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune – CDI-Lux – RS 0.672.951.31), mais la relation bancaire litigieuse s'inscrit néanmoins dans une relation économique transnationale et exigeait donc des recourants un surcroît de collaboration.

c. Le recourant soutient que l'art. 6 § 1 CEDH s'appliquerait au rappel d'impôt et que le droit de refuser de s'incriminer conduirait à retenir que c'était à l'AFC-GE de prouver qu'il était bien le titulaire des avoirs litigieux.

Ils ne peuvent être suivis. Comme déjà exposé, selon le Tribunal fédéral, la procédure de rappel d'impôt en tant que tel est purement fiscale et n'est pas soumise à l'art. 6 CEDH. La jurisprudence de la CourEDH est sans doute moins tranchée sur ce point, mais même dans un arrêt cité par les recourants, la CourEDH fait une différence nette entre le requérant, qui s'était toujours opposé à la remise de documents susceptibles de l'incriminer, et « un contribuable qui avoue spontanément avoir fraudé le fisc dans l’espoir d’être moins sévèrement puni » (ACEDH Chambaz c. Suisse du 5 avril 2012, req. 11663/04, § 57), ce qui est précisément le cas du recourant dans la présente espèce. Le fait que l'une des conditions de cette réduction de peine ne soit le cas échéant pas remplie n'y change rien, et retenir que c'est aux intimées de prouver la titularité de fonds que le contribuable a spontanément décrits comme siens confinerait à l'absurde, ce d'autant plus qu'en l'occurrence, les recourants prétendent que le montant litigieux est exonéré d'impôt, ce qui constitue typiquement un fait que le contribuable doit lui-même prouver.

7) a. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/880/2021 du 31 août 2021 consid. 3a).

b. En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; ATA/919/2022 du 13 septembre 2022 consid. 9b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/880/2021 précité consid. 3b).

8) Les recourants considèrent avoir suffisamment prouvé que le compte litigieux a été dévolu au recourant par voie successorale, estimant que les quatre éléments qu'ils ont relevés ou produits (à savoir la dénomination du compte, un accusé de réception du 30 novembre 1999 signé par M. A______, le « mémorandum » rédigé par le recourant le 18 août 2020, l'attestation rédigée le 1er septembre 2021 par l'administrateur liquidateur d'I______) constituaient un faisceau d'indices probant.

Ils ne sauraient toutefois être suivis sur ce point. Plusieurs éléments mis en avant par le TAPI doivent à cet égard être confirmés, notamment que l'accusé de réception de 1999 ne peut suffire à prouver qui était l'ayant droit économique du compte en 2008, que le délai de conservation de dix ans des pièces justificatives n'était pas échu au moment de la dénonciation spontanée – ni même en 2020, étant rappelé que les taxations concernées allaient jusqu'en 2016 et que les recourants n'ont produit aucun document bancaire –, et que l'attestation du 1er septembre 2021 avait été émise pour les besoins de la cause et ne pouvait remplacer d'autres moyens de preuve. Il est de même patent que le « mémorandum » rédigé par le recourant le 18 août 2020, qui se contente d'indiquer que les fonds se trouvant sur le compte litigieux résultaient de la fortune personnelle de son père, constitue une simple allégation de partie qui ne prouve rien par elle-même.

Ce qui est cependant déterminant pour la question d'une possible exonération d'impôt sur le revenu est l'absence totale de pièce probante relative à une dévolution successorale. Aucun testament ni convention d'avance d'hoirie – puisque, comme justement relevé par le TAPI, la titularité du compte aurait eu lieu selon les dires du recourant une année environ avant le décès de son père, et qu'il n'est pas enfant unique – n'a été produit. Le fait que les avoirs du compte litigieux proviennent de la fortune de son père non seulement n'est pas prouvé avec un degré de vraisemblance suffisant, mais ne saurait à lui seul démontrer que la somme lui a bien été dévolue.

Dans ces circonstances, on ne peut retenir que le recourant aurait démontré avoir acquis le montant de EUR 242'962.- dans la succession de son père. En conséquence, la reprise de ce montant dans l’année fiscale 2008 doit être confirmée.

9) Est également litigieuse la question de savoir si les conditions permettant de retenir une dénonciation spontanée non punissable sont remplies en lien avec les éléments annoncés par les recourants le 28 septembre 2018.

a. Aux termes de l'art. 175 al. 3 LIFD, lorsque le contribuable dénonce spontanément et pour la première fois une soustraction d'impôt, il est renoncé à la poursuite pénale (dénonciation spontanée non punissable), à condition qu'aucune autorité fiscale n'en ait connaissance (let. a), qu'il collabore sans réserve avec l'administration pour déterminer le montant du rappel d'impôt (let. b) et qu'il s'efforce d'acquitter le rappel d'impôt dû (let. c). Pour toute dénonciation spontanée ultérieure, l'amende est réduite au cinquième de l'impôt soustrait si les conditions prévues à l'al. 3 sont remplies (al. 4).

Comme en témoigne l'emploi de la conjonction « et » dans l'énumération précitée, ces conditions sont cumulatives (ATA/919/2022 précité consid. 10 ; ATA/646/2012 du 25 septembre 2012 consid. 7 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5ème éd., 2021, chap. 7 n. 78).

Les art. 56 al. 1 LHID et l'art. 69 LPFisc prévoient une réglementation similaire.

b. Selon la doctrine et la jurisprudence, la notion de dénonciation suppose que le contribuable annonce de lui-même son infraction à l'autorité fiscale, alors que celle-ci n'en a encore pas eu connaissance d'une autre manière (arrêts du Tribunal fédéral 2C_281/2019 du 26 septembre 2019 consid, 7.2 ; 2C_370/2019 du 19 septembre 2019 consid. 5.2 ; 2C_797/2017 du 19 mars 2018 consid. 4.1 ; 2C_480/2009 du 16 mars 2010 consid. 6.1 et les références citées). Elle est possible aussi longtemps que l'autorité fiscale n'a pas eu connaissance de l'infraction d'une autre manière, soit par elle-même, soit par l'effet d'indications de tierces personnes (Peter AGNER/Beat JUNG/Gotthard STEINMANN, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2001, ad art. 175 n. 6c p. 482 ; ATA/1399/2021 précité consid. 6a). La déclaration spontanée de l'art. 175 al. 3 LIFD n'est réalisée que lorsque l'auteur se dénonce spontanément (« de son propre mouvement »), sans pression extérieure (arrêts du Tribunal fédéral 2C_14/2021 précité consid. 6.2 ; 2C_370/2019 précité consid. 5.2 et les références citées).

c. La dénonciation spontanée doit comporter tous les éléments de revenus et de fortune non déclarés (ATA/1399/2021 précité consid. 6c ; ATA/687/2013 précité consid. 17e ; Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER, op. cit., n. 48c ad art. 175 LIFD). L'autorité fiscale a l'obligation d'aviser par écrit le contribuable de l'ouverture d'une procédure de rappel d'impôt (art. 153 al. 1 LIFD). Lorsque l'autorité fiscale constate, après l'ouverture d'une procédure de rappel faisant suite à une dénonciation spontanée, que la soustraction fiscale dépasse les éléments déclarés dans ladite dénonciation, l'exemption de peine ne peut plus être accordée (FF 2006-8347, 8375). À défaut, la dénonciation spontanée permettrait au contribuable de bénéficier de l'absence de sanction pénale également pour tous les éléments non déclarés découverts par l'autorité fiscale lors de la procédure de rappel d'impôt (Peter LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, III. Teil, Art. 102-222 DBG, 2015, ad art. 175 n. 63 p. 1139).

d. Il découle de la condition de collaboration (« soutien », dans la version allemande de la LIFD et de la LHID) sans réserve avec l'autorité fiscale qu'une dénonciation spontanée doit inclure intégralement tous les revenus et valeurs patrimoniales non déclarés jusqu'alors et que les documents nécessaires ou exigés doivent, dans la mesure du possible, être remis intégralement et dans les délais ; la dénonciation spontanée ne doit pas contenir de nouvelles inexactitudes ou lacunes (Martin ZWEIFEL/Michael BEUSCH [éd.], DBG - Basler Kommentar, 4ème éd., 2022, n. 67 ad art. 175 LIFD). Ne peut en outre prétendre à l'impunité celui qui ne fait que donner des indices sur l'existence de la soustraction d'impôt, sans répondre aux questions de l'administration fiscale nécessaires à l'établissement des faits (Rolf BENZ, Die Gültigkeitsvoraussetzungen der erstmaligen Selbstanzeige im Recht der direkten Steuer, Revue fiscale 2011 182-202, p. 193).

Le devoir de collaboration mentionné ici correspond à l'obligation générale de collaborer du contribuable dans la procédure ordinaire de taxation et de rappel d'impôt selon l'art. 126 LIFD ; la limite de cette obligation de collaborer est toujours l'exigibilité en tant qu'aspect du principe de proportionnalité (Martin ZWEIFEL/Michael BEUSCH [éd.], op. cit., n. 67a ad art. 175 LIFD et les références citées). La conséquence d'un manque de collaboration n'est toutefois pas ici une sanction au sens de l'art. 174 LIFD, mais l'engagement de la poursuite ordinaire pour soustraction selon l'art. 175 LIFD (Peter LOCHER, op. cit., 2015, n. 62 ad art. 175 LIFD).

10) En l'espèce, la réalisation de la condition de spontanéité n'est pas contestée, mais c'est celle de collaboration sans réserve qui a été niée par l'intimée.

Certes, la collaboration demandée ne peut l'être que dans la mesure du possible, et les recourants ont apparemment eu des difficultés à obtenir des pièces en raison de la cessation d'activité de certaines sociétés et d'une certaine rigidité administrative de la part de la banque luxembourgeoise. Ils n'ont toutefois fourni aucun des documents demandés, pas même des attestations bancaires de clôture annuelle pour les exercices récents au moment de la dénonciation spontanée, bien qu'ils se soient vu octroyer de multiples délais. Ils devaient pourtant s'attendre, en s'adressant à l'AFC-GE, à ce que celle-ci leur demande de plus amples renseignements sur la titularité du compte et l'origine des fonds.

Force est dès lors de constater qu'ils n'ont pas rempli leur devoir de collaborer et que l'une des conditions de l'impunissabilité n'est pas remplie. Le principe du prononcé d'amende pour soustraction ne peut dès lors qu'être confirmé.

11) Enfin, dans leur recours auprès de la chambre de céans, les recourants invoquent que même si leur absence de collaboration était retenue, la quotité des amendes devrait être réduite à un tiers des impôts soustraits, leur faute ne pouvant être « tout au plus que légère ».

a. En cas de soustraction consommée, l’amende est, en règle générale, fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc). Le montant de l’impôt soustrait constitue donc le premier critère de fixation de l’amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d’augmentation de sa quotité (ATA/407/2022 du 12 avril 2022 consid. 6c).

La quotité précise de l’amende doit par ailleurs être fixée en tenant compte des dispositions de la partie générale du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), les principes de l’art. 47 CP régissant la fixation de la peine s’appliquant. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur. Les circonstances atténuantes de l’art. 48 CP sont aussi applicables par analogie (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1 s).

b. Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lors de la fixation de l’amende, l’autorité de recours ne censurant que l’abus du pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1 ; ATA/1002/2020 du 6 octobre 2020 consid. 9b et les références citées).

12) En l’espèce, les montants en jeu sont relativement importants, et le compte bancaire litigieux n'a pas été déclaré pendant presque dix ans, ce qui constitue deux éléments à charge, de même que le caractère intentionnel de l’infraction, commise à tout le moins par dol éventuel, ainsi que leur mauvaise collaboration.

Il y a cependant lieu de tenir compte, à la décharge des recourants, du fait qu'ils ont spontanément fait part de l'existence du compte. En outre, l’ancienneté de l’infraction, qui remonte à 2008, sera également prise en compte en leur faveur (arrêt du Tribunal fédéral 2C_14/2021 précité consid. 7 ; ATA/709/2022 du 5 juillet 2022 consid. 8).

Ce dernier critère revêt un poids certain, si bien que l'on doit retenir que les amendes auraient dû correspondre aux trois quarts de l'impôt éludé et non à l'entier de celui-ci.

Le recours sera dès lors, et dans cette mesure seulement, admis partiellement, et l'affaire renvoyée à l'AFC-GE pour édition de nouveaux bordereaux d'amende en ce sens.

13) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent en grande partie (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 500.- leur sera allouée, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 février 2022 par Madame et Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 janvier 2022 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 janvier 2022 en ce qu'il confirme les bordereaux d'amende litigieux ;

fixe le montant des amendes aux trois quarts de l'impôt soustrait ;

confirme le jugement attaqué pour le surplus ;

renvoie la cause à l'administration fiscale cantonale au sens des considérants ;

met à la charge solidaire de Madame et Monsieur A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue à Madame et Monsieur A______, pris solidairement, une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l'État de Genève (administration fiscale cantonale) ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Cabaj, avocat des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme McGregor, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :