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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/360/2018

ATA/1144/2018 du 30.10.2018 ( AMENAG ) , REJETE

Parties : CHARLES Christophe et Daniel, CHARLES Daniel / COMMISSION FONCIERE AGRICOLE
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/360/2018-AMENAG ATA/1144/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 octobre 2018

 

dans la cause

 

Messieurs Christophe et Daniel CHARLES
représentés par Me François Bellanger, avocat

contre

COMMISSION FONCIÈRE AGRICOLE

 



EN FAIT

1. Messieurs Christophe et Daniel CHARLES sont propriétaires de la parcelle n° 11'040 de la commune de Confignon, d’une superficie de 11'955 m2 et sise en zone agricole de développement 3.

Par l’intermédiaire de leur mandataire, Hestia Construction SA (ci-après : Hestia), ils ont déposé une demande d’autorisation de construire sur ladite parcelle un « réaménagement d’une installation de chantier, base arrière » pour des travaux liés à la construction d’un immeuble artisanal et industriel sur trois parcelles nos 7'056, 7'057 et 7'058, route de la Galaise 32, sises quasiment en face de la leur, de l’autre côté de la route de Base.

Tous les préavis recueillis ont été favorables, voire favorables sous conditions.

2. L’autorisation de construire a été délivrée par le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : DT) le 18 septembre 2017 sous les références DD 109'944-3. Elle est entrée en force le 18 octobre 2017.

3. Le 30 novembre 2017, MM. CHARLES ont formé une requête auprès de la commission foncière agricole (ci-après : CFA) en désassujetissement de la parcelle n° 11'040.

4. Par décision du 5 décembre 2017, la CFA a rejeté la requête. Un terrain en zone agricole de développement demeurait soumis aux normes applicables de la zone agricole jusqu’à autorisation d’application des normes de la zone de développement par le Conseil d’État ou renonciation à l’établissement d’un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ). Préalablement à cette autorisation ou renonciation, le terrain continuait à être situé hors zone à bâtir et rentrait dans le champ d’application de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11), à laquelle il restait assujetti.

5. Par acte du 31 janvier 2018, MM. CHARLES ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de la CFA. Ils ont conclu à son annulation et au prononcé du désassujetissement de l’entier de la parcelle n° 11'040 de la LDFR. Subsidiairement, le désassujetissement devait être prononcé partiellement, pour la partie du terrain correspondant à la superficie de la base arrière du chantier tel qu’approuvé par l’autorisation de construire du 18 septembre 2017, et pour la durée d’installation de ladite base arrière.

Les faits avaient été mal établis, l’autorité intimée ayant méconnu l’existence de l’autorisation de construire. L’art. 84 LDFR était violé.

6. La CFA a conclu au rejet du recours.

7. Dans leur réplique, les recourants ont persisté dans leurs conclusions et indiqué qu’une nouvelle autorisation de construire (DD 109'944/2) avait été délivrée le 2 mai 2018 sur la même parcelle pour l’ « installation provisoire d’un prototype et la pose d’un enrobé ».

8. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 88 al. 1 LDFR ; art. 13 de la loi d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 16 décembre 1993 - LaLDFR - M 1 10).

2. Le litige porte sur le refus de la CFA de constater le désassujetissement de la parcelle n° 11'040.

3. a. Pour déterminer l’affectation du sol sur l’ensemble du territoire cantonal, celui-ci est réparti en zones, dont les périmètres sont fixés par des plans annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30 ; art. 12 al. 1 LaLAT). Les zones sont de trois types : les zones ordinaires, les zones de développement (ci-après : ZD) et les zones protégées (art.  12  al.  2  LaLAT).

b. Les zones ordinaires ont pour objet de définir l’affectation générale des terrains qu’elles englobent (art. 12 al. 3 LaLAT). Parmi les zones ordinaires figure la zone agricole, destinée à l’exploitation agricole ou horticole (art. 20
al. 1 LaLAT).

c. En vue de favoriser l’urbanisation, la restructuration de certains territoires, l’extension des villages ou de zones existantes, la création de zones d’activités publiques ou privées, le Grand Conseil peut délimiter des périmètres de développement, dits ZD, dont il fixe le régime d’affectation. À l’intérieur de ces périmètres, le Conseil d’État peut, en vue de la délivrance d’une autorisation de construire, autoriser le département à faire application des normes résultant de la ZD, en lieu et place de celles de la zone à laquelle elle se substitue (art. 12
al. 4 LaLAT).

d. Les ZD sont régies par la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) et par la loi sur les zones de développement industriel ou d'activités mixtes (LZIAM - L 145 ; art. 30 LaLAT).

À teneur de l'art. 2 al. 1 LGZD, la délivrance d’autorisations de construire selon les normes d’une zone de développement est subordonnée, sous réserve des demandes portant sur des objets de peu d’importance ou provisoires, à l’approbation préalable par le Conseil d’État :

- d’un PLQ au sens de l’art. 3 LGZD, assorti d’un règlement (let. a) ;

- des conditions particulières applicables au projet, conformément aux art. 3A, 4 et 5 LGZD, sauf pour des demandes portant sur des objets à édifier dans les périmètres de développement de la cinquième zone résidentielle (let. b).

En dérogation à l'art. 2 al. 1 let. a LGZD, le Conseil d'État peut, après consultation du Conseil administratif ou du maire de la commune, renoncer à l'établissement d'un PLQ :

- dans les périmètres de développement de la cinquième zone résidentielle (let. a) ;

- en ZD affectée à de l'équipement public (let. b) ;

- dans les quartiers de développement déjà fortement urbanisés (let. c) ;

- pour des projets de constructions ou installations conformes à des plans directeurs de quartier indiquant l’aménagement souhaité (let. d) ;

- pour des projets de constructions ou installations conformes au premier prix d’un concours d’urbanisme et d’architecture réalisé en application de la norme SIA applicable, sur la base d’un cahier des charges accepté par le département chargé de l’aménagement (let. e).

e. Dans un arrêt ATA/752/2014 du 23 septembre 2014 portant sur une autorisation de construire en vue de la modification et de la rénovation d'un rural sis en zone 4B, à laquelle se superposait une ZD industrielle et artisanale, la chambre administrative a considéré que, faute de plan d'aménagement spécial concernant la zone litigieuse, la validité de l'autorisation de construire devait s'examiner au regard de la zone de fond 4B (ATA/752/2014 précité consid. 4).

Le 4 novembre 2014, dans un arrêt ATA/857/2014 concernant l'assujettissement à la LDFR d'un immeuble sis en ZD avec zone primaire agricole, la chambre administrative a précisé qu'il ressortait tant de la LaLAT que de la LGZD que la délimitation d’une ZD par le Grand Conseil ne suffisait pas à elle seule pour l’application des normes de la ZD. Ces dernières n'étaient applicables qu’après autorisation du Conseil d’État ou renonciation de ce dernier à l’établissement d’un PLQ. Les normes de la zone primaire restaient donc applicables à la ZD constructible aussi longtemps que le Conseil d’État n’avait pas autorisé leur application en approuvant un PLQ, assorti d’un règlement, et les conditions particulières applicables au projet ou renoncé à l’établissement d’un PLQ. Ainsi, un terrain en zone agricole de développement demeurait soumis aux normes applicables à la zone agricole jusqu’à autorisation d’application des normes de la ZD par le Conseil d’État ou renonciation à l’établissement d’un PLQ. Préalablement à cette autorisation ou renonciation, il continuait dès lors à être situé hors zone à bâtir et rentrait dans le champ d’application de la LDFR, à laquelle il restait assujetti (ATA/857/2014 précité consid. 8).

Cette jurisprudence a été régulièrement confirmée par la chambre de céans (ATA/436/2018 du 8 mai 2018 ; ATA/1185/2017 du 22 août 2017).

4. En l’espèce, dans un premier grief, les recourants se plaignent d’un mauvais établissement des faits.

Toutefois, la délivrance de l’autorisation de construire est sans incidence sur l’issue du litige, conformément aux considérants qui suivent.

Le grief est infondé.

5. Dans un second grief, les recourants invoquent une violation de
l’art. 84 LDFR.

a. Selon la jurisprudence, l'art. 84 LDFR permet au propriétaire de faire constater, par l'autorité compétente, que l'immeuble considéré n'est pas soumis au champ d'application de la LDFR (ATF 139 III 327 consid. 2 p. 329 ; 132 III 515 consid. 3.3.2 p. 519).

La CFA est notamment compétente pour déterminer si un immeuble est exclu du champ d’application de la LDFR (art. 10 let. f LaLDFR).

b. En l’espèce, la parcelle litigieuse est sise en ZD 3 et en zone de fond agricole. Elle ne fait pas l'objet à ce jour d'un PLQ au sens des art. 2 et 3 LGZD. Aucune renonciation à un tel PLQ par le Conseil d’État n’est alléguée par les recourants.

En conséquence, la parcelle litigieuse reste soumise aux normes de la zone primaire, en l’espèce la zone agricole.

L’art. 12 al. 4 LaLAT portant sur les ZD, il n’est en conséquence pas applicable au cas d’espèce, contrairement à ce que soutiennent les recourants.

6. Les recourants se prévalent des autorisations de construire définitives obtenues les 18 septembre 2017 et 2 mai 2018 pour justifier un désassujetissement « de facto ».

a. Conformément à l’art. 2 al. 1 LGZD, une autorisation de construire peut être délivrée, sans l’approbation préalable du Conseil d’État, si elle porte sur un objet de peu d’importance ou est provisoire.

b. Tel est le cas en l’espèce, où l’autorisation de construire porte sur une base arrière de chantier, pour une durée de vingt-quatre mois.

Cette possibilité de délivrer de façon exceptionnelle une autorisation, provisoire, de construire n’implique pas le désassujetissement, définitif, de la parcelle.

c. Les recourants invoquent que le résultat est identique à la renonciation par le Conseil d’État à l’établissement d’un PLQ.

Ils oublient que le résultat n’est que temporaire. Leur argument n’est pas fondé.

La conclusion subsidiaire tendant à un désassujetissement de la seule assiette de la base arrière du chantier doit être rejetée pour les mêmes motifs.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

7. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge des recourants qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 janvier 2018 par Messieurs Christophe et Daniel CHARLES contre la décision de la commission foncière agricole du 5 décembre 2017 ;


 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Messieurs Christophe et Daniel CHARLES, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt (la présente décision) et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat des recourants ainsi qu'à la commission foncière agricole et à l'office fédéral de la justice.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :