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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/3919/2019

ACST/41/2019 du 19.12.2019 ( ELEVOT ) , SANS OBJET

Parties : COMITE REFERENDAIRE "LES HABITANTS DU CREUX-DE-GENTHOD" / COMMUNE DE GENTHOD
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3919/2019-ELEVOT ACST/41/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 19 décembre 2019

 

dans la cause

 

COMITÉ RÉFÉRENDAIRE « LES HABITANTS DU CREUX-DE-GENTHOD »
représenté par Me Marc Bellon, avocat

contre

COMMUNE DE GENTHOD
représentée par Me François Bellanger, avocat

 


EN FAIT

1.             Le 26 février 2019, le Conseil municipal de la commune de Genthod (ci-après : la commune) a adopté une délibération ouvrant un crédit d'investissement de CHF 3'540'000.- destiné à l'acquisition des bâtiments, sis sur la parcelle n° 884, située route du Creux-de-Genthod n° 21, 23, 25, 27, 31, 35 et 39.

2.             Un référendum a été lancé à l'encontre de cette délibération par un comité référendaire « Les habitants du Creux-de-Genthod » (ci-après : le comité référendaire) et a abouti.

3.             La votation référendaire a été fixée au 24 novembre 2019.

4.             Dans la brochure explicative, devant comporter un commentaire des autorités et des auteurs du référendum, l'exécutif de la commune de Genthod a modifié le projet de texte que le comité référendaire lui avait adressé, essentiellement sur les points indiqués ci-après :

-       il y avait supprimé la première phrase dudit projet de texte, voulue « accrocheuse » par le comité référendaire, à savoir : « NON à l'acquisition des bâtiments sis sur la parcelle N° 884, située route du Creux-de-Genthod n° 21, 23, 25, 27, 31, 35 et 39 » (= LDS1 dans la version Word avec suivi des corrections) ;

-       il y avait supprimé la mention qu'« aucune construction ne peut être développée au Creux de-Genthod » et y a indiqué qu'une « partie de la zone » (plutôt que « la zone ») était strictement protégée par la loi de protection des bords du lac (= LDS2) ;

-       il y avait fait figurer la mention qu'une « partie de la zone du Creux-de-Genthod est inconstructible du point de vue du droit public » (et non que « la zone du Creux-de-Genthod est totalement inconstructible (...) » et avait supprimé la mention immédiatement subséquente que « Les maisons existantes ne peuvent pas non plus être démolies. Dès lors, seul un projet d'aménagement  de surface  des espaces publics du Creux-de-Genthod (plage, parking, etc.) serait faisable, et ceci sans que les constructions existantes soient un obstacle » (= LDS4).

Dans la brève synthèse faisant partie du commentaire de la commune (à la page 4 de la brochure), l'exécutif communal avait indiqué qu'un « droit de superficie ne [pouvait] pas se prolonger. Il [pouvait] cependant être renouvelé sous la forme d'un nouvel acte authentique », et il avait expliqué, sous « Glossaire », qu'un droit de superficie « ne [pouvait] être prolongé. Un nouveau droit de superficie [devait] le cas échéant être conclu ».

5.             La commune a informé le comité référendaire de ces modifications par un courrier simple du 15 octobre 2019, reçu le lendemain, et le comité référendaire a alors pris connaissance de ladite brochure ainsi modifiée, qui avait été publiée sur le site internet de l'État de Genève (soit du service des votations et élections [ci-après : SVE]) le 15 octobre 2019 en fin de journée.

6.             Par recours posté le 22 octobre 2019 à 23h40 à Genève à l'adresse de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle), le comité référendaire a contesté les modifications et la mention précitées de la brochure explicative éditée par la commune, en concluant, sous suite de frais et dépens :

- à titre de mesure superprovisionnelle urgente, à ce qu'interdiction soit faite à la commune et/ou au SVE d'adresser ladite brochure explicative aux électeurs de la commune ;

- principalement, à ce que les modifications précitées apportées par la commune au projet de texte du comité référendaire soient annulées, que ce dernier soit admis dans la version qui avait été proposée par le comité référendaire et que les passages précités de la brève synthèse soient modifiés de façon à indiquer qu'un « droit de superficie [pouvait] légalement être prolongé en tout temps. Il [pouvait] encore être renouvelé sous la forme d'un nouvel acte authentique » et, sous « Glossaire », que ce « droit [pouvait] être prolongé. Un nouveau droit de superficie [devait] le cas échéant être conclu » ;

- subsidiairement, à défaut de temps suffisant pour que ces modifications puissent intervenir, à ce que la votation communale considérée soit reportée à une date ultérieure.

7.             Le 23 octobre 2019, à réception dudit recours, la présidence de la chambre constitutionnelle a ordonné, à titre superprovisionnel, le blocage de la mise sous pli du matériel de vote concernant ladite votation communale, ainsi que le retrait de ladite brochure explicative du site internet de l'État de Genève, après avoir obtenu du SVE l'information que ces mesures étaient encore réalisables et qu'une nouvelle brochure explicative (qui, par hypothèse, devrait être réimprimée) pourrait encore parvenir aux électeurs, avec le matériel de vote, dans le respect des délais légaux si elle lui était livrée le jeudi 31 octobre 2019 avant 08h00 pour mise sous pli. Elle a en outre convoqué une audience de comparution personnelle des parties et d'audition du directeur du SVE à titre de témoin pour le 24 octobre 2019 à 14h00.

8.             a. Le 24 octobre 2019, lors de son audition, le directeur du SVE a déclaré que la brochure explicative concernant la votation communale considérée avait été publiée sur le site internet de l'État de Genève le 15 octobre 2019 en fin de journée et avait été retirée dudit site le 23 octobre 2019 en fin de journée sur ordre de la présidence de la chambre constitutionnelle, et il a précisé que l'élaboration et l'impression de ladite brochure étaient du ressort de la commune. Il a en outre indiqué que si, sur ordre de la présidence de la chambre constitutionnelle, une nouvelle brochure explicative devait être imprimée en une version corrigée ou si un addendum à ladite brochure devait être imprimé (ce qui devrait et pourrait l'être par la commune par voie de photocopie, en un format A5, en 2000 exemplaires), ce matériel devrait lui parvenir au plus tard le jeudi 31 octobre 2019 avant 08h00 pour qu'il puisse encore être expédié, en courrier A, de façon à être reçu par les électeurs avant l'échéance du délai légal de trois semaines avant le scrutin.

b. Pour la commune, la modification LDS1 apportée par cette dernière au texte proposé par le comité référendaire ne visait pas seulement à assurer le respect d'un principe de parallélisme des dimensions et des formes réglementaires, mais surtout à rectifier un titre trompeur dès lors que l'objet de la votation n'était pas l'acquisition des bâtiments considérés mais une indemnisation due à des titulaires de droits de superficie ayant pris fin.

S'agissant des modifications LDS2 et LDS4, elles rectifiaient des informations erronées et trompeuses sur le caractère prétendument inconstructible du périmètre considéré, sur l'étendue de la zone touchée par la protection stricte de la loi sur la protection générale des rives du lac du 4 décembre 1992 (LPRLac - L 4 10), et sur la prétendue impossibilité de démolir les maisons existantes dans ledit périmètre. Selon la commune (qui a produit un agrandissement du plan objet de la pièce 10 du comité référendaire), l'interdiction stricte de construire prévue par la LPRLac, seule évoquée à l'endroit considéré par le texte proposé par le comité référendaire, ne visait que les zones figurées en rouge sur ledit plan, mais pas celle figurée en vert, qui relevait de la zone de verdure au sens de l'art. 24 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), étant toutefois précisé d'une part que dans ces zones en principe inconstructibles figurées en rouge il était possible d'effectuer des constructions ou des aménagements d'intérêt général dont l'emplacement était imposé par leur destination (art. 2 al. 1 phr. 3 in fine LPRLac), et d'autre part que dans cette zone figurée en vert, ouverte à l'usage public et destinée au délassement, les constructions, installations et défrichements étaient interdits s'ils ne servaient l'aménagement de lieux de délassement de plein air, sauf exceptions, si la destination principale était respectée, en faveur de constructions d'utilité publique dont l'emplacement était imposé par leur destination (art. 24 al. 1 à 3 LaLAT). Il serait donc possible d'édifier des installations liées au délassement dans le périmètre considéré, si bien qu'il était justifié de corriger le texte du comité référendaire, tant sur la prétendue impossibilité d'y construire, évoquée en lien avec la seule LPRLac, que sur l'étendue d'une telle interdiction à l'ensemble de la parcelle (plutôt que sur les seules parties figurées en rouge).

c. Le comité référendaire a développé une autre lecture des plans et analyse des textes légaux à ce double égard, estimant que les zones figurées en rouge sur le plan précité représentaient, selon la légende de ce dernier, une « zone protection de la nature et du paysage » correspondant aux sites et paysages dont l'art. 35 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) prévoyait la protection en tant qu'ensembles bâtis méritant d'être protégés pour eux-mêmes ou en raison de leur situation privilégiée, voire que des plans de site protégeaient (art. 38 LPMNS). Le plan adopté par le Conseil d'État sur la base de l'art. 2 al. 1 LPRLac, portant le n° 28'123 (objet de la pièce 4, dont le comité référendaire produisait un agrandissement partiel comme pièce 12), représentait en gris foncé les « secteurs inconstructibles », qui correspondaient à l'intégralité dudit périmètre, soit de ses parties figurées tant en rouge qu'en vert sur le plan précité (pièce 10), si bien que le comité référendaire avait raison d'affirmer que toute la zone du Creux-de-Genthod (et pas seulement une partie de cette zone) était inconstructible, au surplus bien au regard de la LPRLac (et au demeurant sans préjudice des restrictions résultant d'autres lois, dont l'art. 24 al. 1 à 3 LaLAT sur la zone de verdure).

d. La commune a objecté qu'il n'y avait aucune mesure de protection de la nature et du paysage qui avait été prise pour la zone considérée en application de la LPMNS, et que la légende « zone protection de la nature et du paysage » portée sur la pièce 10 précitée devait être comprise comme faisant référence, non à la LPMNS, mais à la LPRLac, et qu'ainsi, sur le plan constituant la pièce 4 précitée faisant apparaître le Creux-de-Genthod comme étant entièrement en gris foncé à titre de « secteurs inconstructibles » (sous réserve de dérogations), la zone de verdure se superposait à la zone de protection de la LPRLac et primait sur cette dernière, conformément au sens à donner à ladite légende « zone de verdure » relative à la zone figurée en vert comme ayant pour origine le plan 27'496. Le comité référendaire a contesté cette interprétation, en faisant remarquer que le plan 27'496 datait du 16 septembre 1983, tandis que le plan 28'123 (pièce 4) adopté en application de la LPRLac l'avait été le 4 décembre 1992, soit postérieurement au plan 27'496, sur lequel il primait logiquement, si bien qu'il était juste d'affirmer que toute la zone considérée était en principe inconstructible.

e. La commune a également maintenu qu'il était faux et trompeur de prétendre, comme l'avait fait le comité référendaire, que les maisons existantes ne pouvaient pas être démolies, alors qu'aucune mesure n'interdisait la démolition des bâtiments considérés objet de la délibération frappée du référendum, même s'il ne pouvait être exclu que des mesures soient prises dans ce sens pour certains de ces bâtiments. Pour le comité référendaire, se référant à nouveau à la pièce 10 précitée et sa légende renvoyant selon lui à la LPMNS, les bâtiments visés étaient tous situés en zone figurée en rouge (sauf une annexe sans intérêt à un chalet) et se trouvaient dès lors protégés contre toute démolition en vertu de l'art. 35 LPMNS, la route d'accès au Creux-de-Genthod étant quant à elle protégée elle aussi en application de la LPMNS, à titre de « point de vue » au sens de l'art. 35 al. 1 let. a in fine LPMNS.

f. Pour la commune, s'agissant de la brève synthèse du commentaire des autorités, l'affirmation était rigoureusement et techniquement exacte qu'un « droit de superficie ne [pouvait] légalement pas se prolonger [... mais pouvait] être renouvelé sous la forme d'un nouvel acte authentique » - dès lors que la conclusion d'un nouvel acte était de toute façon nécessaire si les parties entendaient renouveler un tel droit, ce à quoi elles ne pouvaient toutefois s'engager d'avance -, même si, dans le langage courant, le citoyen lambda ne faisait pas de nuance entre une prolongation d'un droit de superficie et la conclusion d'un nouvel acte, le cas échéant indispensable non seulement en l'occurrence, du fait de l'échéance déjà survenue des droits de superficie en question, mais de toute façon. Le comité référendaire a opposé à ce point de vue celui que l'art. 779l al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) disait explicitement que le droit de superficie « [pouvait] en tout temps être prolongé », et qu'il fallait différencier les deux hypothèses d'une prolongation d'un droit de superficie, avec le même superficiaire et possiblement pour une durée minimale inférieure à 30 ans, et la création d'un nouveau droit de superficie, avec l'éventualité d'un appel d'offres et d'un changement de superficiaire.

g. En conclusion, considérant qu'aucune solution ne pouvait être trouvée d'ici le 30 octobre 2019, le comité référendaire a conclu au maintien, à titre de mesure provisionnelle, des mesures superprovisionnelles prises (blocage de la mise sous pli du matériel de vote et retrait du site internet de la brochure explicative) et au report du scrutin du 24 novembre 2019 à une date ultérieure jusqu'à droit connu sur le fond, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure équitable.

La commune a conclu quant à elle au rejet des requêtes de mesures provisionnelles assortissant le recours et à la levée des mesures superprovisionnelles précitées, sous suite de frais et dépens.

9.             a. Par décision sur mesures provisionnelles du 25 octobre 2019, la présidence de la chambre constitutionnelle a estimé notamment ce qui suit :

-       la mention supprimée par la commune « NON à l'acquisition des bâtiments sis sur la parcelle N° 884, située route du Creux-de-Genthod n° 21, 23, 25, 27, 31, 35 et 39 » (= LDS1), reprenant le libellé même de la délibération frappée du référendum, n'apparaissait pas trompeuse ni n'allongeait indûment le texte du comité référendaire, et elle ne contrevenait pas à une prescription formelle. La suppression de cette phrase introductive n'induisait cependant pas un électeur en erreur sur le fait que le comité référendaire se prononçait - et invitait à se prononcer - contre l'acquisition (ou l'indemnisation) considérée, ainsi que cela figurait explicitement et très visiblement au bas de la page 14 de la brochure explicative. Il n'y avait pas lieu d'ordonner des mesures provisionnelles à ce sujet ;

-       s'agissant des modifications LDS2 et LDS4 (soit les principales apportées par la commune au texte proposé par le comité référendaire), elles portaient sur des sujets propres à influer sur la volonté des électeurs de voter en faveur ou en défaveur de la délibération frappée du référendum, car il ne leur était a priori pas indifférent que leur commune dépense ou non quelque CHF 3'500'000.- pour l'acquisition des bâtiments considérés (ou l'indemnisation des titulaires des droits de superficie ayant pris fin) selon qu'elle pourrait ou non démolir les bâtiments se trouvant sur cette parcelle, y effectuer ou non des installations et aménagements et le cas échéant lesquels, et ce sur tout ou partie seulement du périmètre considéré. Les positions des parties sur ces trois sujets apparaissaient irréconciliables, mais en réalité, au-delà de la question des lois impliquant d'importantes restrictions de droit public qui étaient susceptibles de trouver application dans le secteur du Creux-de-Genthod (dont, notamment, la LaLAT, la LPRLac et la LPMNS), il était admis par la commune elle-même qu'il n'y avait guère que des installations et des aménagements en lien avec le délassement qui pourraient être réalisés dans ce périmètre, que ce soit sur les zones figurées, sur la pièce 10, en rouge (en vertu de la LPRLac) ou en vert (en application de l'art. 24 al. 1 à 3 LaLAT), sans préjudice d'éventuelles mesures protectrices qui, à l'avenir, seraient susceptibles d'être prises sur la base de la LPMNS. La commune aurait pu et dû d'abord proposer puis au besoin imposer au comité référendaire une modification de son texte conciliant au mieux les interprétations divergentes, en mettant l'accent sur le type de modestes constructions susceptibles d'être édifiées sur l'entier du périmètre considéré au regard non seulement de la LPRLac mais aussi d'autres lois, plutôt que modifier unilatéralement ce texte de la façon dont elle l'avait fait avec les LDS2 et LDS4, avec l'effet - et c'était cela qui était gravement critiquable, manifestement - de prêter au comité référendaire, aux yeux des électeurs, une position éloignée de celle qu'il avait. Avec ces modifications LDS2 et LDS4, la brochure explicative faisait passer le message au corps électoral que le comité référendaire lui-même estimait que seule une partie de la zone considérée, et non l'entier de la parcelle, serait soumise à des restrictions de droit public la rendant en substance inconstructible (sous des réserves mineures) et que les maisons existantes pourraient être démolies, alors que le comité référendaire avait une toute autre position à ces propos. Des mesures provisionnelles devaient être ordonnées sur ces points ;

-       en ce qui concernait les informations données par la commune, dans la « Brève synthèse » de la brochure explicative, sur une non-prolongation possible du droit de superficie mais sur la possibilité d'un renouvellement d'un tel droit par le biais d'un nouvel acte authentique, force était de retenir que les nuances faites à ce propos par les parties n'apparaissaient pas propres à influer significativement sur la formation de la volonté populaire pour la votation considérée. Le corps électoral n'était pas trompé sur la position du comité référendaire sur ce sujet, dès lors que, dans le commentaire de ce dernier, figuraient (et n'avaient donc pas été supprimées par la commune) d'une part la mention qu'un droit de superficie « [pouvait] en tout temps être prolongé » et d'autre part l'art. 779l al. 2 CC, aux termes duquel le droit de superficie « [pouvait] en tout temps être prolongé, en la forme prescrite pour sa constitution, pour une nouvelle durée maximum de cent ans, mais tout engagement pris d'avance à ce sujet [était] nul ». Il ne se justifiait pas d'ordonner des mesures provisionnelles sur ce point.

b. En conclusion, la présidence de la chambre constitutionnelle a ordonné à la commune d'imprimer au format A5 et de mettre à la disposition du SVE (dans les délais et selon les instructions et modalités que ledit service était habilité à lui préciser), l'addendum suivant à la brochure explicative, à joindre au matériel de vote :

« Addendum à la brochure explicative relative à la votation communale du 24 novembre 2019 dans la commune de Genthod

Sur décision du 25 octobre 2019 de la présidence de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice,

l'exécutif de la commune de Genthod

fait savoir que le comité référendaire « Les habitants du Creux-de-Genthod » estime que l'entier (et non une partie seulement) du périmètre du Creux-de-Genthod visé par la délibération frappée du référendum est inconstructible au regard des restrictions de droit public résultant des lois applicables audit périmètre, dont la loi sur la protection générale des rives du lac du 4 décembre 1992, et que les maisons existantes ne peuvent pas non plus être démolies. »

Cette mesure provisionnelle impliquait la levée de la mesure superprovisionnelle rendue le 23 octobre 2019, la brochure explicative imprimée pouvant être envoyée au corps électoral et remise sur le site internet de l'État de Genève, avec toutefois l'addendum ordonné. Le sort des frais et dépens était réservé jusqu'à droit jugé au fond.

10.         La commune a livré au SVE l'addendum considéré le 28 octobre 2019. La brochure explicative et ledit addendum ont été publiés sur le site internet de l'État de Genève le 29 octobre 2019 à 14h00. La mise sous pli et la prise en charge des enveloppes de vote par la poste sont intervenues le 29 octobre 2019 à 16h00. Les enveloppes de votes ont été distribuées par la poste en courrier A le 30 octobre 2019.

11.         Lors de la votation référendaire du 24 novembre 2019, le corps électoral de Genthod a refusé la délibération ouvrant un crédit d'investissement de CHF 3'540'000.- destiné à l'acquisition des bâtiments, sis sur la parcelle n° 884, située route du Creux-de-Genthod n° 21, 23, 25, 27, 31, 35 et 39, par 593 NON contre 307 OUI, ainsi que le Conseil d'État l'a constaté par arrêté, resté non attaqué, du 27 novembre 2019, publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève le 29 novembre 2019.

12.         Par écriture du 10 décembre 2019, le comité référendaire a déclaré retirer son recours pour le motif qu'il était devenu matériellement sans objet en cours de procédure au vu du rejet de ladite délibération par le corps électoral de Genthod, tout en concluant à la mise à la charge de la commune des frais de la procédure ainsi que, en sa faveur, d'une indemnité de procédure, considérant que la saisine de la chambre constitutionnelle s'était avérée justifiée, ainsi que l'avait démontré l'octroi de mesures superprovisionnelles puis de mesures provisionnelles.

13.         Par écriture du 12 décembre 2019, la commune a conclu à la mise à la charge du comité référendaire des frais des mesures superprovisionnelles et provisionnelles et, en sa faveur, d'une indemnité de procédure.

EN DROIT

1.             a. La chambre constitutionnelle est compétente pour connaître du recours - qui est un recours pour violation des droits politiques - en vertu de l'art. 124 let. b de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), concrétisé en cette matière notamment par l'art. 130B al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) et par l'art. 180 de la loi sur l'exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05).

b. Le recours satisfait aux exigences de forme et de contenu posées par la loi (art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

c. Il a été interjeté en temps utile (art. 62 al. 1 let. c LPA), compte tenu du fait que le comité référendaire a reçu le 16 octobre 2019 le courrier par lequel la commune a informé le comité référendaire des modifications apportées à son texte et qu'on ne saurait en l'espèce partir de l'idée que ledit comité était censé avoir pris connaissance du texte de la brochure explicative contestée dès sa publication sur le site internet de l'État de Genève le 15 octobre 2019 en fin de journée (ACST/13/2018 du 7 juin 2018 consid. 2b).

2.             a. Le comité référendaire avait indéniablement qualité pour recourir (ACST/7/2019 du 11 mars 2019 consid. 2c et les références citées) lors du dépôt du recours.

L'intérêt au recours fondant la qualité pour recourir doit cependant exister aussi au moment où l'arrêt est rendu pour que la chambre de céans ait à entrer en matière sur le recours (ATF 145 I 26 consid. 1.2 ; ACST/22/2019 du 8 mai 2019 consid. 1.2). Si cet intérêt disparaît en cours de procédure, le recours n'est toutefois pas déclaré irrecevable, mais il est constaté qu'il est devenu sans objet en cours de procédure et la cause est rayée du rôle.

b. En l'espèce, il appert que - sous réserve de la question des frais et de l'octroi d'une indemnité de procédure - le comité référendaire n'a plus d'intérêt actuel à son recours, dès lors que la délibération communale en question a été rejetée par le corps électoral, ainsi qu'il le préconisait tant par le lancement du référendum que par ses recommandations de vote. Comme les parties l'admettent d'ailleurs toutes deux, il n'y a pas lieu de statuer sur le fond du recours, en particulier de valider les mesures provisionnelles que la chambre constitutionnelle a ordonnées.

Bien que, le 10 décembre 2019, le comité référendaire ait déclaré retirer son recours, il se justifie de considérer, au regard de la motivation et des conclusions qu'il a fait figurer dans cette écriture, qu'il a retiré son recours - soit plus justement dit, a conclu au constat que son recours était devenu sans objet en cours de procédure - seulement en tant qu'il portait sur le fond de la cause, mais qu'il l'a maintenu en tant qu'il concerne les « frais et dépens ». Il y a donc lieu de rayer la cause du rôle mais de statuer sur les frais et dépens (Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 1028 et 1059).

3.             a. Selon l'art. 87 al. 1 phr. 1 LPA, la juridiction administrative qui rend la décision statue sur les frais de procédure et émoluments. Conformément à un principe général de procédure administrative, ces frais sont mis à la charge de la partie qui succombe et dans la mesure où elle succombe (ATA/882/2016 du 18 octobre 2016 consid. 3 ; Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, op. cit., n. 1030).

b. En règle générale, l'État, les communes et les institutions de droit public ne peuvent se voir imposer de frais de procédure si leurs décisions font l'objet d'un recours (art. 87 al. 1 phr. 2 LPA). En l'espèce, il y a lieu de s'en tenir à cette règle, donc de ne pas mettre de frais de procédure à la charge de la commune intimée, sans même s'interroger sur les cas exceptionnels dans lesquels il pourrait ou devrait être dérogé à cette règle, assurément non réalisés en l'occurrence.

c. Il ne saurait être exclu par principe que des frais de procédure soient mis à la charge de la partie recourante dans l'hypothèse dans laquelle le recours devient sans objet en cours de procédure. Dans de tels cas, il y a lieu d'apprécier quelle issue aurait probablement été donnée au recours (Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, op. cit., n. 1064), toutefois prima facie seulement.

En l'espèce, pour statuer sur mesures provisionnelles, la présidence de la chambre constitutionnelle devait immanquablement procéder à une appréciation des chances de succès du recours. Or, le faisant, elle est parvenue à juste titre à la conclusion qu'en modifiant unilatéralement le texte du comité référendaire destiné à figurer dans la brochure explicative, la commune intimée, par les modifications LDS2 et LDS4, faisait trompeusement passer au corps électoral le message que le comité référendaire estimait lui-même que seule une partie de la zone considérée, et non l'entier de la parcelle, serait soumise à des restrictions de droit public la rendant en substance inconstructible (sous des réserves mineures) et que les maisons existantes pourraient être démolies, alors que le comité référendaire avait une toute autre position à ces propos. Sur la base d'un examen sommaire du cas, il y a donc une assez forte probabilité que le recours aurait été à tout le moins partiellement bien fondé s'il avait fallu statuer sur le fond de la cause. Aussi des frais de procédure ne doivent-ils pas être mis à la charge du comité référendaire. Il s'ensuit que l'avance de frais effectuée par le comité référendaire doit être restituée à ce dernier.

4.             a. Selon l'art. 87 al. 2 LPA, la juridiction administrative peut, sur requête, allouer à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause, une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours, y compris - précise l'art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03) - les honoraires éventuels d'un mandataire.

b. Une commune n'ayant pas la taille d'une ville, donc de moins de 10'000 habitants, ne dispose pas nécessairement d'un service juridique au sein de son administration et peut dès lors d'autant plus vite être légitimée à mandater un avocat pour la défense de ses intérêts. Elle peut alors être mise au bénéfice d'une indemnité de procédure si elle obtient entièrement ou partiellement gain de cause (Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, op. cit., n. 1041).

Cette condition-ci n'est pas remplie en l'occurrence, si bien qu'il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité de procédure à la commune intimée.

c. En revanche, compte tenu de l'assez forte probabilité, du moins prima facie, que le recours aurait été à tout le moins partiellement bien fondé s'il avait fallu statuer sur le fond de la cause, et du fait que des mesures superprovisionnelles puis provisionnelles ont été ordonnées pour éviter un report du scrutin grâce à une atténuation sinon une suppression de l'impression faussement donnée par la commune intimée au commentaire du comité référendaire du fait des modifications LDS2 et LDS4 quant à la position dudit comité sur les questions évoquées, il se justifie d'allouer une indemnité de procédure au comité référendaire, à la charge de la commune intimée.

La chambre constitutionnelle dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour en fixer le montant (Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, op. cit., n. 1024), dans les limites établies par le RFPA et le principe de la proportionnalité (art. 87 al. 3 LPA), soit entre CHF 200.- et CHF 10'000.- (art. 6 RFPA).

Elle arrêtera ce montant en l'occurrence à CHF 1'000.-, compte tenu notamment de l'acte d'instruction intervenu (une audience de plus de trois heures).

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

 

dit que le recours est devenu sans objet en cours de procédure, sous réserve de la question des frais et dépens ;

raye la cause du rôle ;

dit qu'il n'est pas perçu de frais de procédure ;

alloue au comité référendaire « Les habitants du Creux-de-Genthod » une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de la commune de Genthod ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt, en copie, à Me Marc Bellon, avocat du comité référendaire « Les habitants du Creux-de-Genthod » et à Me François Bellanger, avocat de la commune de Genthod, ainsi que, pour information, au Conseil d'État.

Siégeant : M. Martin, président, Mmes Galeazzi et Montani, M. Pagan et Mme McGregor, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

le greffier-juriste :

 

 

 

 

I. Semuhire

 

 

le président siégeant :

 

 

 

 

R. Martin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :