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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/3976/2021

ACST/40/2021 du 30.11.2021 ( ELEVOT ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3976/2021-ELEVOT ACST/40/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 30 novembre 2021

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

COMMUNE D’ONEX

 


EN FAIT

1) Madame A______, ressortissante suisse, est domiciliée dans la commune d’Onex (ci-après : la commune) et y exerce ses droits politiques. Elle est présidente du conseil municipal de la commune (ci-après : le conseil municipal) ainsi que du bureau dudit conseil, où elle siège pour l’entente ECHO-Vert’libéraux.

2) Lors de sa séance du 10 novembre 2020, le conseil municipal a approuvé la délibération n° 2'292 et adopté un nouveau règlement du conseil municipal, dont l’art. 62 al. 5 était libellé de la manière suivante : « lors des débats, il est interdit de filmer, de photographier, de téléphoner ou d’enregistrer. Le Président peut accorder une autorisation spéciale pour autant qu’aucun membre du Conseil administratif ou du Conseil municipal ne s’y oppose. Ces règles ne s’appliquent pas en cas de retransmission intégrale et complète de la séance ».

3) À la suite de cette séance, il est apparu que la délibération n° 2'292 comportait une contradiction, si bien qu’il a été décidé que le règlement du conseil municipal serait remis au vote lors d’une séance ultérieure.

4) Lors de sa séance du 15 décembre 2020, le conseil municipal a décidé, par délibération n° 2'317, d’annuler la délibération n° 2'292 et d’adopter le nouveau règlement du conseil municipal, auquel aucune modification n’a été apportée, malgré les amendements déposés par les élus du groupe ECHO-Vert’libéraux, PLR et UDC qui demandaient la suppression de son art. 62 al. 5.

5) Les partis de droite, dont l’entente ECHO-Vert-libéraux, ont lancé un référendum contre la délibération n° 2'317 du conseil municipal, désignant comme mandataire Monsieur B______, conseiller municipal membre de l’entente ECHO-Vert’libéraux. L’annonce de ce référendum a été publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 5 janvier 2021, le délai de récolte des signatures ayant été fixé au 26 mars 2021 par arrêté du Conseil d’État du 20 janvier 2021, publié dans la FAO du 22 janvier 2021.

6) Par arrêté du 5 mai 2021, publié dans la FAO du 7 mai 2021, le Conseil d’État a constaté l’aboutissement du référendum communal contre la délibération n° 2'317 du conseil municipal.

7) Par arrêté du 7 juillet 2021, publié dans FAO du 9 juillet 2021, le Conseil d’État a fixé au 28 novembre 2021 la votation communale sur la délibération n° 2'317 du conseil municipal et imparti un délai au 20 septembre 2021 aux partis politiques, autres associations ou groupements pour le dépôt de leurs prises de position.

8) Par courriel du 17 septembre 2021, la secrétaire générale adjointe de la commune (ci-après : la secrétaire générale adjointe) a transmis à Mme A______ et aux membres du bureau le projet de commentaire des autorités devant figurer dans la brochure relative au scrutin communal du 28 novembre 2021, leur demandant de lui faire parvenir leurs observations d’ici au 21 septembre 2021, à 12h00.

9) À l’issue de ce délai, soit le 21 septembre 2021 à 12h25, la secrétaire générale adjointe a constaté qu’aucune observation du bureau ne lui était parvenue.

10) En vue du scrutin du 28 novembre 2021, le matériel de vote transmis aux citoyens de la commune contenait une brochure explicative, dont la « synthèse brève et neutre » indiquait qu’en cas d’acceptation de la délibération n° 2'317, le nouveau règlement du conseil municipal entrerait en vigueur. En cas de refus de ladite délibération, ce serait toutefois celle du 10 novembre 2020, annulée, qui redeviendrait applicable. Or, la délibération n° 2'292 prévoyait aussi l’adoption du nouveau règlement du conseil municipal et comprenait le même art. 62 al. 5 attaqué par référendum. Ainsi, indépendamment de l’issue du scrutin, l’interdiction de filmer, de photographier et d’enregistrer les débats du conseil municipal, sauf autorisation spéciale ou transmission complète et intégrale, s’appliquerait.

11) Le 12 novembre 2021 est paru dans la Tribune de Genève (ci-après : TdG) un article intitulé « Onex votera sur une gabegie administrative ». Le scrutin avait trait à l’autorisation de filmer, sans autorisation préalable, les débats du conseil municipal, mais personne ne savait ce qui se passerait à son issue. Les référendaires n’avaient pas forcément prévu qu’en cas de victoire, c’était la délibération précédente qui devait être appliquée, laquelle comprenait la même clause controversée, comme l’avait relevé la commune dans la brochure de vote relative au scrutin. Interrogés, les référendaires se disaient dépités par cette situation et avaient annoncé une riposte.

12) Par acte déposé au guichet le 22 novembre 2021, Mme A______ a saisi la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) d’un recours contre la brochure explicative des autorités communales d’Onex, concluant à l’annulation du scrutin communal du 28 novembre 2021 et au remboursement des frais de campagne du comité référendaire.

En sa qualité de citoyenne exerçant ses droits politiques dans la commune, elle avait constaté que la brochure était erronée, dès lors qu’elle indiquait, à tort, que le scrutin n’aurait aucune incidence sur le règlement litigieux. Le comité référendaire avait d’ailleurs écrit à ce sujet au service des affaires communales le 11 novembre 2021, qui ne lui avait pas répondu. Elle demandait dès lors que la chambre constitutionnelle statue sur sa requête.

13) Le 23 novembre 2021, la chambre constitutionnelle a demandé à Mme A______ des renseignements complémentaires s’agissant du moment auquel elle avait eu connaissance du texte de la brochure qu’elle contestait, que ce soit en sa qualité de citoyenne, d’éventuelle membre du comité référendaire ou de présidente du conseil municipal, qualité qu’elle ne mentionnait pas dans son recours. Par ailleurs, dès lors que la TdG du 12 novembre 2021 mentionnait expressément le passage contesté de la brochure, il lui était demandé de s’expliquer au sujet de sa prise de connaissance de cet article.

14) a. Le 24 novembre 2021, Mme A______ a indiqué que son matériel de vote était parvenu dans sa boîte aux lettres en fin de « semaine 44 ». En sa qualité de membre du comité référendaire, elle connaissait la teneur du texte litigieux, de même que l’article de la TdG du 12 novembre 2021. Le 11 novembre 2021, le comité référendaire avait écrit au service des affaires communales, qui l’avait renvoyé, par courrier du 16 novembre 2021, au conseil administratif de la commune (ci-après : le conseil administratif). Lors de la séance du conseil municipal du même jour, le mandataire du comité référendaire avait interpellé le conseil administratif, lequel lui avait demandé de formuler préalablement une question écrite, ce qui avait été fait à l’issue de ladite séance. À ce jour, le comité référendaire n’avait reçu de réponse d’aucune autorité et elle ignorait si le service des affaires communales avait informé la commune des erreurs figurant dans la brochure, raison pour laquelle elle avait déposé un recours.

b. Elle a joint à son courrier :

- un courriel de M. B______ du 11 novembre 2021 et un courrier non daté au même contenu adressés au service des affaires communales, aux termes desquels il se disait étonné de la teneur de la brochure, qui indiquait qu’en cas de refus de la délibération n° 2'317, celle précédemment annulée serait applicable, ce qui était faux. Il était donc erroné d’affirmer que, quelle que soit l’issue du scrutin, celui-ci n’aurait aucune influence sur la disposition contestée du règlement, sous peine d’influencer de manière illicite les électeurs ;

- la réponse du service des affaires communales du 16 novembre 2021 renvoyant M. B______ à s’adresser au conseil administratif, qui l’avait saisi de la même question ;

- un courriel de M. B______ adressé le 16 novembre 2021 au conseil administratif lui demandant de l’informer au sujet de la réponse du service des affaires communales et la réponse du conseil administratif du même jour lui indiquant qu’il serait, dès que possible, répondu à sa demande.

15) Le 24 novembre 2021, la commune s’est déterminée, indiquant que Mme A______, en sa qualité de présidente du conseil municipal, présidait également son bureau et que, dans ce cadre, elle avait accepté, sans observations, comme d’ailleurs l’ensemble des membres du bureau, le texte proposé de la brochure.

16) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) La chambre constitutionnelle est compétente pour connaître du recours – qui est un recours pour violation des droits politiques – en vertu de l’art. 124 let. b de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), concrétisé en cette matière notamment par l’art. 130B al. 1 let. b de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) et par l’art. 180 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05). Entrent dans le cadre des opérations électorales, et sont donc sujets à recours au sens de cette dernière disposition, tous les actes destinés au corps électoral, de nature à influencer la libre formation et expression du droit de vote telle qu’elle est garantie par les art. 34 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 44 Cst-GE. Tel est le cas en l’occurrence du matériel de vote, en particulier la brochure explicative transmise aux citoyens de la commune, qui fait partie de la procédure des opérations électorales et peut faire l’objet d’un recours auprès de la chambre de céans (ACST/30/2020 du 2 octobre 2020 consid. 1b ; ACST/16/2017 du 21 septembre 2017 consid. 3b).

2) a. Les recours en matière de votations et d’élections doivent être formés dans les six jours (art. 62 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), délai non susceptible d’être suspendu (art. 63 al. 2 let. a LPA). Ce délai court dès le lendemain du jour où, en faisant montre à cet égard de la diligence commandée par les circonstances, le recourant a pris connaissance de l’irrégularité entachant, selon lui, les opérations électorales (ACST/9/2021 du 23 mars 2021 consid. 3a).

Selon la jurisprudence constante rendue en matière de votations et d’élections, le citoyen qui veut s’en prendre aux dispositions de l’autorité fixant les modalités du vote doit en principe former son recours immédiatement, sans attendre le résultat du scrutin ; s’il omet de le faire alors qu’il en a la possibilité, il s’expose aux risques de la péremption de son droit de recourir. Dans de tels cas, le délai commence à courir au moment où l’intéressé a connaissance de l’acte préparatoire qu’il critique. Il serait contraire aux principes de la bonne foi et de l’économie de procédure démocratique que le recourant attende le résultat du vote pour attaquer les actes antérieurs dont il pourrait, encore avant le vote, faire cas échéant corriger l’irrégularité alléguée (ATF 140 I 338 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_346/2018 du 4 mars 2019 consid. 1.2 ; ACST/11/2020 du 9 mars 2020 consid. 3c).

b. Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 phr. 1 LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ACST/11/2020 précité consid. 3d ; ATA/1165/2021 du 2 novembre 2021 consid. 4b). Les cas de force majeure restent toutefois réservés (art. 16 al. 1 phr. 2 LPA).

3) À Genève, pour les votations cantonale et communales, l’art. 53 LEDP prévoit que les électeurs reçoivent de l’État pour les votations cantonales et des communes pour les votations communales, au plut tôt quatre semaines avant le jour de la votation mais au plus tard trois semaines avant cette date, le bulletin de vote, le texte soumis à la votation, des explications qui comportent, s’il y a lieu, un commentaire des autorités d’une part et des auteurs du référendum ou de l’initiative d’autre part, les recommandations du Grand Conseil ou du conseil municipal (al. 1). En matière communale, le commentaire des autorités est rédigé par l’exécutif. Il comprend une synthèse brève et neutre de chaque objet soumis à votation, défend de façon objective le point de vue du conseil municipal et indique le résultat du vote en mentionnant, le cas échéant, l’avis de l’exécutif et d’importantes minorités. L’exécutif soumet son projet de commentaire au bureau du conseil municipal, dont il recueille les observations (al. 4).

4) En l’espèce, il ressort du dossier qu’en application de l’art. 53 al. 4 LEDP, la secrétaire générale adjointe a transmis, par courriel du 17 septembre 2021, aux membres du bureau, y compris à la recourante qui en est la présidente, un projet de commentaire des autorités qui devait figurer dans la brochure explicative relative au scrutin du 28 novembre 2021 en vue de recueillir leurs observations. La recourante avait dès lors connaissance du texte de la brochure dès cette date, même si elle n’a fourni aucune observation la concernant, pas plus d’ailleurs que les autres membres du bureau. Par ailleurs, dans ses observations du 24 novembre 2021, la recourante a indiqué que son matériel de vote était arrivé dans sa boîte aux lettres en fin de « semaine 44 », soit la semaine du lundi 1er au dimanche 7 novembre 2021. Elle ne prétend pas qu’elle n’aurait pas ouvert son matériel de vote ni pris connaissance de la brochure, ce qui paraît du reste peu probable au regard de ses fonctions politiques au sein de la commune et en tant que membre du comité référendaire.

La recourante ne saurait soutenir que l’irrégularité alléguée de la brochure ne serait pas manifeste, puisque son texte indique expressément que l’issue du référendum dont le comité est à l’origine n’aurait aucune conséquence sur la disposition attaquée, à savoir l’art. 62 al. 5 du règlement du conseil municipal, ce qui rendrait dès lors vain le scrutin. À cela s’ajoute que, comme la recourante l’a indiqué, le comité référendaire dont elle fait partie a réagi, à tout le moins dès le 11 novembre 2021, au sujet du texte de la brochure, envoyant un courriel au service des affaires communales en lui demandant de se déterminer sur l’irrégularité alléguée. Le fait que ledit service et le conseil administratif n’aient répondu que le 16 novembre 2021 n’apparaît pas pertinent du point de vue du moment auquel la recourante a pris connaissance du texte contesté. Au surplus, un article paru dans la TdG du 12 novembre 2021 fait précisément état dudit texte et du problème qu’il pose au comité référendaire, dont fait partie la recourante, qui s’est dit dépité par la situation.

Déposé le 22 novembre 2021, le recours est dès lors tardif, au vu de l’ensemble de ces éléments, la recourante ne faisant au demeurant valoir aucun cas de force majeure qui l’aurait empêché de procéder dans le délai, ce qui ne ressort pas non plus du dossier. Le fait que le comité référendaire se soit adressé le 11 novembre 2021 au service des affaires communales n'est à cet égard pas pertinent puisque, comme déjà mentionné, le délai de recours n'était pas susceptible d’être suspendu. Le recours sera par conséquent déclaré irrecevable, sans que l’ouverture d’une instruction soit nécessaire (art. 72 LPA).

5) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

déclare irrecevable le recours interjeté le 22 novembre 2021 par Madame A______ contre la brochure explicative des autorités communales d’Onex en vue du scrutin communal du 28 novembre 2021 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, à la commune d’Onex, ainsi que, pour information, au service des votations et élections.

Siégeant : M. Verniory, président, M. Pagan, Mme Lauber, MM. Knupfer et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la greffière-juriste :

 

 

C. Gutzwiller

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :