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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/13869/2022

ACPR/791/2022 du 10.11.2022 sur ONMMP/3250/2022 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.12.2022, rendu le 13.02.2023, IRRECEVABLE, 6B_1517/22, 6B_1517/2022
Descripteurs : SOUPÇON;NOUVEAU MOYEN DE FAIT;NE BIS IN IDEM
Normes : CPP.310; CPP.323

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13869/2022 ACPR/791/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 10 novembre 2022

 

Entre

A______, domiciliée ______[GE], comparant en personne

recourante

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 22 septembre 2022 par le Ministère public

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3

intimé

 


EN FAIT :

A. Par actes déposés au greffe universel le 10 octobre 2022, A______ recourt contre les ordonnances rendues le 22 septembre 2022, communiquées sous pli simple, par lesquelles le Ministère public a, d’une part, refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 24 juin 2022 et, d’autre part, refusé de la mettre au bénéfice de l’assistance judiciaire.

La recourante conclut dans son premier recours, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la non-entrée en matière et à l’ouverture d’une instruction et, dans son second recours, à l'annulation de l’ordonnance attaquée et à la désignation d’un conseil d’office.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Dans sa plainte, A______ reproche, d’une part, à B______, propriétaire de l’immeuble dans lequel elle réside, d’avoir violé les règles de l’art de construire (art. 229 CP) et commis sur elle des lésions corporelles graves par empoisonnement ; et, d’autre part, à un ou des inconnu(s) d’avoir violé son domicile (art. 186 CP) et commis des dommages à la propriété (art. 144 CP).

Des émanations toxiques et pestilentielles et des moisissures avaient fait leur apparition dans son appartement depuis la mi-décembre 2021. Certains de ces défauts avaient été nettoyés durant la première quinzaine de mars 2022, au prix toutefois d’une violation de son domicile.

Elle produit un abondant dossier de plans, de photos, de décisions judiciaires.

b. Par le passé, A______ s’est déjà plainte, mais en vain, de l’état d’insalubrité de son logement (not. ACPR/324/2019), le cas échéant en demandant l’ouverture ou la reprise de poursuites que le Ministère public avait refusé d’engager (ACPR/709/2021).

c. Le 10 février 2022, elle a directement mis en cause B______ (procédure P/1______/2021). La Chambre de céans a cependant considéré que rien n’accréditait le soupçon que celui-ci eût fait preuve de négligence coupable dans la commission des infractions alléguées, pas plus qu’un inconnu fût venu se livrer à des déprédations dans son appartement (ACPR/92/2022).

d. Dans sa plainte du 24 juin 2022, A______ émet des doléances analogues en lien avec les travaux de rénovation que B______ a été autorisé à entreprendre dans l’immeuble, en octobre 2021, tout en affirmant que les émanations toxiques avaient commencé bien avant. Ces éléments appelaient aussi la reprise de la procédure P/1______/2021, notamment parce que le Ministère public s’y était fondé, à tort, sur l’acquisition de la prescription et que B______ y avait fait de fausses déclarations.

C. Dans les décisions attaquées, le Ministère public oppose le principe ne bis in idem aux accusations de A______, au motif que la plainte revenait sur des faits qui avaient fait l’objet d’une non-entrée en matière définitivement confirmée par la Chambre de céans, le 10 février 2022. Dès lors, l’assistance judiciaire ne pouvait être accordée.

D. a. À l'appui de son recours, A______ reprend les faits et arguments de sa plainte pénale. Elle avait fourni suffisamment de détails et de preuves de ses accusations pour qu’une instruction pénale fût ouverte. Le Ministère public avait appliqué le principe ne bis in idem en dépit de faits survenus postérieurement à sa plainte pénale du 21 juillet 2021. Par ailleurs, l’unité naturelle d’action entre les différentes violations, de l’art de construire ou de domicile, faisait obstacle à la prescription.

Le bien-fondé du recours contre la non-entrée en matière entraînait la désignation d’un conseil d’office et l’annulation de la décision qui la lui refusait.

b. À réception des recours, les causes ont été gardées à juger, sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Les recours sont recevables pour avoir été déposés selon la forme et – faute de date de notification établie (art. 85 al. 2 CPP) – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Leur jonction s’impose en raison de leur connexité.

3.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

4.             Dans la mesure où la recourante invoque une violation de domicile qui aurait eu lieu en mars 2022, sa plainte apparaît tardive (art. 31 et 144 CP). Quoi qu’il en soit, la recourante n’indique pas quelle mesure concrète eût dû prendre le Ministère public pour chercher à en identifier l’auteur. Ces deux circonstances, la tardiveté et l’impossibilité d’identifier un auteur, sont autant de motifs de non-entrée en matière, au sens de l’art. 310 al. 1 CPP (empêchement de procéder dans un cas, condition manquant pour ouvrir une poursuite pénale dans l’autre).

5.             La recourante se plaint d’une application erronée du principe ne bis in idem par le Ministère public.

5.1.       Selon l’art. 310 al. 1 let. b CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s’il ressort de la dénonciation ou du rapport de police qu’il existe un empêchement de procéder. La chose jugée en est un, en tout cas en l'absence de faits nouveaux, au sens de l'art. 323 CPP (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 17 ad art. 310).

5.2.       Le ministère public doit procéder à une reprise de la poursuite au sens de l'art. 323 CPP, et non à l'ouverture d'une procédure distincte, lorsque les faits dont il est nouvellement saisi sont identiques à ceux préalablement dénoncés. La qualification juridique desdits faits n'est, en revanche, pas déterminante (op. cit., n. 14 et n. 23 ad art. 323).

L'art. 323 al. 1 CPP énonce deux conditions cumulatives (ATF 141 IV 194 consid. 2.3 p. 197) qui restreignent le champ d'application de cette forme de révision. Ces deux conditions sont cependant moins sévères après une non-entrée en matière qu'après un classement (ATF 141 IV 194 consid. 2.3 p. 199). Par conséquent, l'ordonnance de non-entrée en matière bénéficie d'une autorité de chose jugée plus limitée encore que celle, déjà réputée restreinte, de l'ordonnance de classement (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.5 p. 88).

Le fait est nouveau si l'autorité n'a pas pu en avoir connaissance. L'art. 323 al. 1 CPP assimile à la connaissance concrète les situations dans lesquelles il existait déjà dans le dossier des éléments se référant au fait (A. KUHN/ Y. JEANNERET/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 20 ad art. 323). Ainsi, des moyens de preuves qui ont été cités voire administrés dans le cadre de la procédure antérieure sans être toutefois complètement exploités, ne peuvent pas être considérés comme étant nouveaux (ATF 141 IV 194 consid. 2.3. p. 197). Par faits, l'on entend toute circonstance susceptible d'influer sur l'état de fait qui fonde le jugement. Quant aux moyens de preuve, ils apportent la preuve d'un fait qui peut déjà avoir été allégué. Une opinion, une appréciation personnelle ou une conception juridique nouvelles ne peuvent pas justifier une révision (ATF 141 IV 93 consid. 2.3 ; 137 IV 59 consid. 5.1.1).

Les faits ou moyens de preuve nouveaux doivent remettre en cause les certitudes que le ministère public devait être à même d'afficher pour rendre une telle décision et, simultanément, fonder des soupçons suffisants laissant présumer qu'une infraction a été commise (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1153/2016 du 23 janvier 2018 consid. 3.2 in fine, non publié aux ATF 144 IV 81).

5.3.       En l'espèce, la recourante estime avoir dénoncé pénalement des faits qui n’ont pas été déjà traités dans la précédente ordonnance de non-entrée en matière ni dans la précédente décision de la Chambre de céans, au motif que des travaux de rénovation ont été autorisés, et entrepris, par la suite dans son immeuble, soit dès la fin de l’année 2021.

Ce faisant, elle s’oppose à une contradiction irréductible, en ce sens qu’on ne voit pas comment des travaux qui n’ont pour autre finalité que l’assainissement de l’immeuble dans lequel elle réside reviendraient à perpétuer l’état général d’insalubrité, les miasmes et les dégradations dont elle s’est plainte par le passé. La mise en œuvre de ces travaux tend à montrer que ses doléances n’ont pas été ignorées.

Si certaines de ses photos des lieux – dont rien ne permet de les rattacher à son logement – comportent des dates postérieures aux dernières décisions des autorités pénales, force est d’observer, toutefois, qu’elles ne montrent, pour les unes, que des indices de travaux en cours ou, pour les autres, que des murs, chambranles, fenêtres, plafonds, etc. qui ne sont pas ou pas encore assainis, rafraîchis ou réparés. D’ailleurs, la recourante ne prétend pas que la réfection de l’immeuble (ou de son appartement en particulier) serait terminée et que ses photos en représenteraient le résultat, illicite et dangereux pour autrui.

Pour le surplus, la recourante produit des analyses toxicologiques officielles dont la plupart sont antérieures à sa plainte pénale précédente et qui, comme telles, pouvaient à bon droit se voir opposer le principe ne bis in idem. La synthèse de ses analyses sanguines entre l’été 2019 et le mois de janvier 2022 (pièce 91) n’y change rien : ce tableau, de sa main, récapitule des données qui ne sont mises en relation de causalité ni avec une dégradation, concrète et médicalement constatée, de sa santé ni avec des nuisances dues aux travaux engagés à fin 2021. Ainsi, le certificat médical du 8 juin 2022 (pièce 99) constate explicitement que l’origine des légères élévations de certaines valeurs de métaux lourds constatées chez la recourante ne peut être déterminée.

6.             Faute de faits nouveaux ou d’indices d’infractions nouvellement commises, l'ordonnance de non-entrée en matière sera confirmée.

7.             Pour le même motif, le recours exercé sur ce point apparaît dénué de chances de succès. L’assistance judiciaire ne peut donc être accordée pour la présente instance (cf. ACPR/709/2021 et ACPR/324/2019, précités). En effet, l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite est subordonné aux chances de succès dans la cause de celui qui réclame celle-ci (cf. ATF 139 III 396 consid. 1.2 p. 397; 139 I 206 consid. 3.3.1 p. 214; 138 III 217 consid. 2.2.4 p. 18; 133 III 614 consid. 5 p. 616; 129 I 129 consid. 2.3.1 p. 135 s.). Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; il ne l'est en revanche pas lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près, ou que les premières ne sont que légèrement inférieures aux secondes. L'élément déterminant réside dans le fait que l'indigent ne doit pas se lancer, parce qu'il plaide aux frais de la collectivité, dans des démarches vaines qu'une personne raisonnable n'entreprendrait pas si, disposant de moyens suffisants, elle devait les financer de ses propres deniers (cf. ATF 139 III 396 consid. 1.2 p. 397; 138 III 217 consid. 2.2.4 p. 218; 129 I 129 consid. 2.2 p. 133 ss).

8.             Le rejet séparé, par le Ministère public, de la demande d’assistance judiciaire doit être confirmé, dès lors que la procédure pénale était d’emblée vouée à l'échec (arrêts du Tribunal fédéral 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.1 et 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1.), et pour les mêmes motifs que ci-dessus.

9.             La recourante, qui succombe dans sa contestation de la non-entrée en matière, supportera sur ce point les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En revanche, le rejet du recours contre le refus d’assistance judiciaire n’entraîne pas la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Rejette la demande d’assistance judiciaire.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/13869/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

800.00