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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/637/2019

ACPR/583/2019 du 02.08.2019 sur JTPM/520/2019 ( TPM ) , REJETE

Descripteurs : LIBÉRATION CONDITIONNELLE
Normes : CP.86

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/637/2019ACPR/583/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 2 août 2019

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, ______,

recourant,

contre le jugement rendu le 28 mai 2019 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 19 juillet 2019, A______ recourt contre le jugement du 28 mai 2019, notifié à une date inconnue - le greffe de la prison ayant inscrit la date du "23 mai 2019" sur l'acte de notification, soit une date antérieure à celle de la décision -, par lequel le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a ordonné sa libération conditionnelle avec effet au jour où son expulsion de Suisse aura pu être exécutée, mais au plus tôt le 28 juin 2019.

Le recourant déclare faire "opposition" à la décision querellée, en tant qu'elle ordonne son renvoi de Suisse, et souhaite pouvoir bénéficier de l'assistance juridique, ainsi que d'un avocat d'office.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né le ______ 1994, ressortissant tunisien, purge actuellement plusieurs peines, essentiellement pour vol, violation de domicile, dommages à la propriété et séjour illégal, dont les deux tiers sont venus à échéance le 8 juin 2019. Leur échéance est fixée au 3 janvier 2020.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ a déjà été condamné à quatre autres reprises, en 2016, pour des faits semblables. Il n'a jamais bénéficié d'une libération conditionnelle.

c. Aucune pièce d'identité n'a été déposée auprès du greffe de la prison.

d. Dans le formulaire qu'il a rempli en vue de l'examen de sa libération conditionnelle, A______ indique être célibataire et sans enfant. Il se dit sans papiers d'identité, mais titulaire d'un permis N et au bénéfice de l'aide de l'Hospice général qui lui verse un montant de CHF 300.- par mois. Selon ses dires, il a une dette de CHF 2'500.-. Il dit avoir effectué diverses activités, notamment en relation avec les personnes âgées et [l'association] C______. À sa sortie, il voulait payer ses dettes et "trouver un bon chemin". La prison le fatigue.

e. La direction de la prison de B______ a émis un préavis favorable à la libération conditionnelle de A______.

f. Selon un "rapport de la probation en vue de la libération conditionnelle", du 26 février 2019, le Service de probation et d'insertion (ci-après, SPI) a examiné la situation administrative de A______ en vue de sa libération conditionnelle. L'intéressé a été entendu par le SPI, avant l'établissement de ce rapport. Sa situation a été jugée "complexe". Il était suivi depuis le 4 février 2019 en raison du commencement d'un projet de formation et de la nécessité d'un accompagnement social global plus soutenu, et a été accompagné dans le cadre de ses démarches entamées auprès du Service des contraventions, auquel il aurait proposé un arrangement de paiement pour ses frais de procédure.

Le SPI a retenu qu'en raison de la situation administrative de l'intéressé, il n'était pas indiqué de le soumettre à un mandat d'assistance de probation.

Il ressort en substance de ce rapport que A______, bien que de nationalité tunisienne, serait né en Lybie. Son premier enregistrement en Europe s'était fait en Suisse. Enfant né hors mariage, il avait été rejeté par sa famille, à l'exception de ses grands-parents avec lesquels il aurait grandi. Il a expliqué ne pas avoir été scolarisé et s'être alphabétisé à la mosquée. À l'âge de 9 ans, il aurait rejoint l'Espagne avec son oncle. Après deux ans, il aurait été placé dans un foyer d'où il se serait enfuit pour se rendre en France, pays où il aurait vécu plusieurs années avec l'aide d'une famille algérienne. Il aurait suivi des cours de français, mathématique et physique dans une section d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) et aurait entamé une formation de conduite d'engins de chantier durant 8 mois.

Depuis environ 5 ans, il vivrait dans un centre d'hébergement collectif en Suisse et aurait une compagne. Dépourvu d'autres relations sociales, il a déclaré n'avoir plus aucune nouvelle de sa famille depuis le décès de sa grand-mère en 2015. Il détiendrait un permis N, plus valable. Il a allégué disposer d'un compte bancaire, d'une assurance maladie et avoir travaillé bénévolement pour l'Hospice général et C______. Il a mentionné une addiction à l'alcool avant son incarcération, déclarant bénéficier d'un suivi par le service médical de la prison. Sans documents d'identité, il souhaitait, à sa libération, se rendre à l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après, OCPM) pour régulariser sa situation. Il a évoqué la France, la Belgique et le Luxembourg comme pays de destination.

g. Le 13 mai 2019, le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) a préavisé favorablement la libération conditionnelle de A______, sous réserve qu'elle intervienne le jour de son expulsion effective de Suisse, mais au plus tôt le 8 juin 2019, et soit assortie d'un délai d'épreuve d'une année dès la date de son départ effectif.

h. Le Ministère public a requis la libération conditionnelle de A______, aux conditions proposées par le SAPEM.

i. Selon les renseignements fournis le 9 mai 2019 par l'OCPM, une décision de non-report d'expulsion judiciaire sera notifiée à A______ à la fin de sa peine. Une demande de soutien en vue de son identification a été effectuée le 12 octobre 2017 et une relance formulée le 5 novembre 2018, la procédure est toujours en cours.

C. Dans son jugement querellé, le TAPEM a retenu que, A______ ayant été condamné neuf fois en moins de trois ans, le pronostic sous l'angle du risque de récidive était à tout le moins réservé mais ne pouvait pas encore être qualifié de définitivement défavorable, l'intéressé n'ayant encore jamais bénéficié d'une libération conditionnelle. Le Tribunal fondait ainsi l'espoir que A______ saurait à l'avenir se comporter de manière conforme à l'ordre juridique suisse. Il a dès lors octroyé la libération conditionnelle à A______, qu'il a toutefois assortie de règles de conduite lui faisant obligation de collaborer aux formalités de son expulsion et de quitter le territoire suisse, puisque ses chances de réinsertion ne se trouvaient pas en Suisse. La libération conditionnelle prendrait donc effet le jour de son expulsion effective de Suisse.

D. a. Dans son recours, A______ demande le bénéfice de l'assistance judiciaire. Il déclare vouloir faire "opposition" au jugement précité, la libération conditionnelle ayant été soumise à son renvoi de Suisse. Or, sans document [d'identité], il était impossible aux autorités d'appliquer cette décision.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. La décision rendue en matière de libération conditionnelle (art. 86 CP) constitue une "autre décision ultérieure" indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3 et 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1; A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 12 ad art. 363).

Depuis le 1er janvier 2017, le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus par le TAPEM en matière de libération conditionnelle (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1 et les références citées).

1.2. La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

1.3. Le recours contre la décision querellée a été déposé selon la forme et dans le délai - faute de preuve de la date de notification du jugement querellée - (art. 385 et 396 al. 1 CPP) et émane du condamné, qui a un intérêt à l'annulation de la décision entreprise en tant que la libération conditionnelle - qui lui est favorable - a été soumise à la condition d'un renvoi de Suisse (art. 104 al. 1 let. a, 111 et 382 CPP).

1.4. La motivation du recours tient en une phrase et bien qu'invité à compléter son acte, le recourant n'a pas donné suite. Toutefois, on comprend que le recourant s'en prend au jugement querellé en tant qu'il a assorti sa libération conditionnelle à des règles de conduite et à son renvoi effectif de Suisse. Par conséquent, dès lors que le recourant agit en personne, cette motivation, bien qu'indigente, sera considérée comme suffisante, sous l'angle de l'art. 385 al. 1 CPP.

1.5. Le recourant ayant obtenu la libération conditionnelle, son intérêt à recourir est limité à la règle de conduite (art. 94 CP) ordonnée, ainsi qu'à la condition du renvoi (cf. ACPR/506/2018 du 11 septembre 2018).

Le recours sera donc déclaré recevable dans cette mesure.

2.             La Chambre de céans peut décider de rejeter les recours manifestement irrecevables ou mal fondés, sans demande d'observations à l'autorité intimée ni aux personnes mises en cause et sans débats (art. 390 al. 2, 1ère phrase, et al. 5 a contrario, CPP). Tel est le cas du présent recours, manifestement mal fondé pour les motifs énoncés ci-dessous.

3.             3.1. La Chambre de céans a déjà jugé qu'il est admissible de lier l'octroi d'une libération conditionnelle au fait que le condamné quitte effectivement la Suisse, si le pronostic est défavorable en cas de séjour en Suisse après sa libération anticipée, alors qu'il serait plus favorable en cas de retour dans son pays d'origine (ACPR/432/2018 du 7 août 2018 consid. 3.3. et ACPR/506/2018 du 11 septembre 2018 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6A.78/2000 du 3 novembre 2000 consid. 2 = BJP 2003 348; 6A.34/2006 du 30 mai 2006 consid. 2.1; A. BAECHTOLD, Exécution des peines : l'exécution des peines et mesures concernant les adultes en Suisse, Berne 2008, p. 269). Il faut alors que le juge dispose d'un minimum d'informations pour pouvoir apprécier l'éventuel risque de récidive (ACPR/432/2018 précité).

3.2. En l'espèce, le TAPEM a accordé la libération conditionnelle au recourant, considérant que le pronostic ne pouvait encore être qualifié de définitivement défavorable. Il a toutefois assorti celle-ci à des règles de conduite et à son renvoi effectif de Suisse, ses chances de réinsertion ne se trouvant pas en Suisse. Cette constatation est exempte de critique, compte tenu des antécédents judiciaires du recourant, de son absence d'intégration en Suisse, de sa situation administrative et personnelle précaire et de l'impossibilité de réinsertion constatée par le SPI, et le recourant ne la remet pas en cause.

Le recours sera dès lors rejeté.

4.             Le recourant demande la nomination d'un avocat d'office pour la procédure de recours.

4.1. À teneur des art. 29 al. 3 Cst et 132 al. 1 let. b CPP, toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire gratuite, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès; elle a droit en outre à l'assistance judiciaire gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert (arrêt du Tribunal fédéral 1B_74/2013 du 9 avril 2013 consid. 2.1).

D'après la jurisprudence, un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter. Le droit à l'assistance juridique n'est pas donné non plus lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou que les premières ne sont que légèrement inférieures aux secondes. L'élément déterminant réside dans le fait que l'indigent ne doit pas se lancer, parce qu'il plaide aux frais de la collectivité, dans des démarches vaines qu'une personne raisonnable n'entreprendrait pas si, disposant de moyens suffisants, elle devait les financer de ses propres deniers (ATF 138 III 217 consid. 2.2.4 ; 129 I 129 consid. 2.2).

4.2. En l'espèce, les griefs du recourant étaient dénués de chances de succès, compte tenu de sa situation personnelle et administrative, ainsi que de l'impossibilité de réinsertion en Suisse. Partant, l'assistance d'un avocat rémunéré par l'Etat ne se justifiait pas.

4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

La procédure relative à l'assistance judiciaire est gratuite (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au Tribunal d'application des peines et des mesures et au Ministère public.

Le communique, pour information, au SAPEM et à l'OCPM.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Sandrine JOURNET, greffière.

 

La greffière :

Sandrine JOURNET

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PM/637/2019

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

495.00

CHF

     

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

600.00