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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19402/2020

ACPR/293/2021 du 04.05.2021 sur ONMMP/3274/2020 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : INFRACTIONS CONTRE LE PATRIMOINE;CHOSE;INFRACTIONS CONTRE LA LIBERTÉ;NOTIFICATION IRRÉGULIÈRE
Normes : CPP.87; CPP.310; CP.137; CP.138; CP.139; CP.143; CP.143bis; CP.181

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19402/2020 ACPR/293/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 4 mai 2021

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 26 octobre 2020 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 6 novembre 2020, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 octobre 2020, notifiée par pli simple à son adresse personnelle, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens chiffrés, préalablement, à ce qu'il soit autorisé à compléter son recours, répliquer ou déposer toutes observations complémentaires, à l'admission de son recours, à l'annulation de l'ordonnance précitée et au renvoi du dossier au Ministère public pour qu'il rende une ordonnance pénale à l'encontre de C______, subsidiairement, qu'il ouvre une instruction.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 15 octobre 2020, A______ a déposé plainte contre C______ pour appropriation illégitime (art. 137 CP), vol (139 CP), soustraction de données (art. 143 CP), accès indu à un système informatique (art. 143bis CP) et contrainte (art. 181 CP).

Il a expliqué qu'en 2003, il avait acquis le nom de domaine "D______.ch", pour sa société nouvellement fondée, D______ Sàrl. En septembre 2017, C______, représentant de la société auprès de laquelle il sous-louait deux places de travail pour CHF 700.- par mois, lui avait proposé une activité de support informatique pour D______ Sàrl. Pour ce faire, C______ avait transféré l'hébergement informatique du nom de domaine "D______.ch" vers la société E______, à l'aide des codes qu'il lui avait transmis. Au mois d'octobre 2018, il s'était rendu compte, par l'intermédiaire de F______ - personne chargée de l'entretien du site internet de sa société, qui n'avait pu y accéder -, que C______ s'était approprié, sans droit et sans son consentement, le nom de domaine de sa société. Sur son interpellation, C______ lui avait dit avoir agi de la sorte pour faciliter le transfert d'hébergement et qu'il rétablirait rapidement la situation. Malgré ses demandes, cela n'avait jamais été fait.

Au mois de septembre 2019, C______ lui avait demandé de libérer les deux places de travail qu'il sous-louait, avec un délai de résiliation de 3 mois. Il avait déménagé en décembre 2019 et s'était acquitté des loyers de septembre à décembre.

En 2020, après avoir une nouvelle fois rappelé à C______, par l'entremise de G______ - ami commun et informaticien -, son obligation de lui restituer les codes relatifs au nom de domaine "D______.ch", le concerné avait préalablement exigé - dans un courriel du 23 juillet 2020 adressé au précité - qu'il paie trois mois de loyers complémentaires. Par la suite, C______ avait également réclamé le règlement des licences informatiques, lesquelles avaient déjà été payées. Dernièrement, il n'était plus parvenu à joindre C______. Pour continuer son activité professionnelle, il avait dû créer une nouvelle adresse électronique et des interventions informatiques avaient été nécessaires, ce qui avait engendré des frais non prévus.

Il a sollicité une audience de confrontation, ainsi que l'audition de F______ et G______, et réservé ses conclusions civiles relatives aux préjudices matériel et moral subis.

À l'appui de sa plainte, il a notamment produit les courriels adressés par C______ à G______, datés des 23 juillet et 11 août 2020, à teneur desquels l'expéditeur contestait s'être approprié frauduleusement sans l'accord d'A______ le nom du domaine "D______.ch". En 2017, celui-ci l'avait mandaté pour s'occuper dudit nom de domaine et de son hébergement informatique. Pour ce faire, il avait expliqué à son client qu'il était plus simple de transférer le nom de domaine à son propre nom. Par la suite, à chaque fois qu'il y avait eu une difficulté, il avait expliqué la situation et résolu le problème. S'agissant des locaux, il avait été convenu avec A______ un délai de résiliation de 3 mois et ce dernier l'avait informé, fin janvier 2020, de son déménagement, de sorte qu'il était en droit de demander un loyer jusqu'au mois d'avril 2020. Dès le paiement des 2 factures de janvier 2020, correspondant « aux 3 premiers mois » de loyer, il entreprendrait les démarches nécessaires pour restituer les codes.

b. Par courrier du 23 octobre 2020, A______ a informé le Ministère public de son élection de domicile auprès de son conseil et demandé le numéro de procédure attribué à sa plainte. Cette lettre, qui figure au dossier, porte le timbre humide du Ministère public avec la date du 26 octobre 2020.

C. Aux termes de l'ordonnance querellée, adressée directement à A______, le Ministère public a considéré que le litige avec C______ s'inscrivait dans un cadre de nature purement civile, en particulier contractuel, et ne saurait dès lors être constitutif d'une quelconque infraction pénale (art. 310 al. 1 let. a CPP).

D. a. À l'appui de son recours, A______ invoque une violation grave de ses droits procéduraux, faute de notification de la décision attaquée au domicile élu. Pour ce motif déjà, ladite décision, reçue le 3 novembre 2020, devait être annulée et la cause renvoyée au Ministère public afin qu'une nouvelle notification conforme intervienne.

En outre, il reproche au Ministère public d'avoir violé son droit d'être entendu en ne répondant pas à son pli du 23 octobre 2020, avant de rendre l'ordonnance querellée, ce qui ne lui avait pas permis de comprendre l'avancée de la procédure et, en particulier, de produire les courriers qu'il avait adressés à C______ postérieurement à sa plainte.

Par ailleurs, le Ministère public avait occulté plusieurs éléments exposés dans sa plainte démontrant la commission par C______ des infractions dénoncées. Le fait que les parties avaient, par le passé, été liées contractuellement ne rendait pas moins délictueux les agissements exposés. Ainsi, compte tenu des éléments présentés, l'autorité précédente se devait d'ouvrir une instruction, en particulier de procéder aux actes d'enquêtes sollicités, et ne pouvait, au préalable, rendre une non-entrée en matière.

Il sollicite une indemnité de CHF 5'331.15.- TVA comprise, à titre de dépens, correspondant à 11 heures d'activité à CHF 450.- de l'heure (1h30 de conférence avec le client ; 1h30 d'étude de dossier ; 7h30 de rédaction du recours et 30 minutes de rédaction et préparation du bordereau de pièces).

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais. Le courrier d'élection de domicile avait été reçu le 26 octobre 2020, de sorte qu'il s'était croisé avec l'ordonnance querellée et, dans tous les cas, l'intéressé avait eu une connaissance effective et complète de ladite ordonnance et formé recours sans entrave.

Les conditions de l'art. 143 CP n'étaient pas remplies dès lors que A______ avait remis les codes d'accès à C______ et que les données n'étaient pas protégées contre l'accès de ce dernier. Seul l'abus de confiance (art. 138 ch. 1 al. 2 CP) pouvait éventuellement entrer en ligne de compte mais le dessein d'enrichissement illégitime ne paraissait pas rempli dans la mesure où, selon les déclarations du plaignant, C______ faisait valoir un droit de rétention qui semblait légitime, A______ n'indiquant pas ne pas devoir la somme réclamée. Ainsi, il apparaissait que C______ n'avait jamais eu l'intention de s'approprier les codes et le nom de domaine pour obtenir un enrichissement illégitime, ni même d'en user à son profit. Ces principes s'appliquaient également à l'infraction d'escroquerie.

L'art. 144bis CP n'était pas applicable en l'espèce, C______ ayant modifié le nom du titulaire du domaine avec l'accord de A______.

S'agissant de l'infraction à l'art. 181 CP, il s'agissait tout au plus d'une tentative. Toutefois, le Ministère public ne voyait pas que le comportement consistant à refuser de remettre un code d'accès et un nom de domaine constituait une contrainte illicite au sens de la norme précitée, voire dénotait un quelconque caractère pénal, A______ ayant été en mesure de continuer son activité professionnelle grâce à la souscription d'un nouveau nom de domaine.

Les actes d'instruction sollicités n'étaient pas propres à modifier les considérations qui précédaient.

c. Dans sa réplique, A______ précise que le courrier d'élection de domicile chez son conseil étant daté du 23 octobre 2020, la constitution de celle-ci « avait visiblement été inscrite au registre du Ministère public dès le lendemain », ce qui entraînait l'annulation « pure et simple » de la décision querellée, faute de notification au domicile élu.

En outre, contrairement à ce qu'avait retenu le Ministère public, il s'était limité à fournir à C______ le code informatique nécessaire au transfert d'hébergement de son site internet sur une autre plateforme. C'était à la suite de ce changement que C______ avait procédé au vol et à l'appropriation illégitime de la propriété du nom de domaine de sa société et de son utilisation. Il avait ainsi perdu totalement l'accès à l'intégralité de son portefeuille client. Le dessein d'enrichissement illégitime ne pouvait être exclu d'emblée, sans aucune instruction au vu des motivations variées de C______, parmi lesquelles figuraient son intérêt financier. De plus, cette appropriation illégitime était l'élément principal utilisé par C______ pour exercer des pressions inacceptables, constitutives de l'art. 181 CP, afin d'entraver sa liberté d'action et d'atteindre à ses intérêts économiques en lui soutirant de l'argent indu.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) - les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées -, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant demande à pouvoir compléter son recours, répliquer ou déposer toutes observations complémentaires.

Or, la motivation d'un acte de recours doit être entièrement contenue dans l'acte de recours lui-même et ne peut être complétée ou corrigée après l'échéance du délai de recours, lequel ne peut être prolongé (art. 89 al. 1 CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_183/2019 du 18 avril 2019 consid. 2).

En l'occurrence, non seulement l'acte déposé par le conseil du recourant est dûment motivé, mais ce dernier a eu l'occasion de répliquer, de sorte que sa demande, infondée, est de surcroît sans objet.

3.             Le recourant estime que l'ordonnance querellée, faute de notification valable devrait être annulée.

3.1. Selon l'art. 87 CPP, les autorités pénales notifient leurs prononcés au domicile du destinataire (al. 1). Si les parties sont pourvues d'un conseil juridique, les communications sont valablement notifiées à celui-ci (al. 3).

3.2. En l'espèce, le Ministère public conteste avoir eu connaissance de l'élection de domicile avant de rendre sa décision et rien ne permet d'en douter, puisque le courrier concerné a été reçu par l'autorité le 26 octobre 2020, soit à la même date que celle figurant sur l'ordonnance attaquée. Au surplus, le recourant a eu connaissance de la décision et a pu faire valoir ses droits en temps utile.

Partant, ce grief sera rejeté.

4.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir violé son droit d'être entendu en ne répondant pas à son courrier du 23 octobre 2020 avant d'avoir rendu la décision litigieuse.

4.1. Avant l'ouverture d'une instruction, le droit d'être entendu, tel que garanti par les art. 29 al. 2 Cst. féd et 107 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_368/2012 du 13 mai 2013 consid. 2.1), ne s'applique pas (art. 147 al. 1 CPP a contrario). Ainsi,avant de rendre une ordonnance de non-entrée en matière, le procureur n'a pas à interpeller les parties, pour quelque motif que ce soit. Leur droit d'être entendues sera assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours, où elles pourront faire valoir, auprès d'une autorité qui dispose d'un plein pouvoir d'examen (art. 391 al. 1 et 303 al. 2 CPP), tous leurs griefs - formels et matériels - (arrêt du Tribunal fédéral 6B_854/2018 du 23 octobre 2018 consid. 3.1).

4.2. En l'occurrence, à réception de la plainte et sans autre investigation, le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière. Dans ces circonstances, qu'il ait ou non reçu la lettre du conseil du plaignant avant de statuer, le Procureur n'était pas tenu d'interpeller le recourant, y compris de l'informer du numéro attribué à la procédure, ni de lui donner l'occasion de déposer d'éventuelles nouvelles pièces.

Partant, ce grief sera également rejeté.

5.             Le recourant fait grief au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.

5.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont pas manifestement réunis.

Le principe « in dubio pro duriore » découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. féd et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 19 al. 1 et 324 CPP ; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_185/2016 du 30 novembre 2016 consid. 2.1.2). Il signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies.

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le Procureur doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310). Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; 138 IV 86 consid. 4.1.2 ; 137 IV 285 consid. 2.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_417/2017 du 10 janvier 2018 consid. 2.1.2 ; 6B_185/2016 du 30 novembre 2016 consid. 2.1.2).

5.2. Les art. 137 (appropriation illégitime), 138 al. 1 (abus de confiance) et 139 (vol) CP répriment le comportement de celui qui se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui.

Les données informatiques ne sont pas des choses mobilières, raison pour laquelle le législateur a créé l'art. 143 s'agissant de leur soustraction, l'art. 139 CP n'étant pas applicable (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 11 ad art. 143).

La donnée peut être définie comme une information relative à un état de fait, représentée sous forme de lettres, de nombres, de signes, de dessins, etc., qui est transmise, traitée ou conservée en vue d'une utilisation ultérieure. Sont visées les données elles-mêmes et aussi les programmes ou les logiciels, soit les procédés permettant de les traiter. Par « informatique », on vise l'enregistrement de telles informations, sous une forme généralement codée ou non perceptible à l'oeil, de façon à permettre leur traitement par un système informatique (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 2 et 3 ad art. 143 et les références citées; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 7 ad art. 143).

5.3. L'art. 143 CP réprime le comportement de celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait, pour lui-même ou pour un tiers, des données enregistrées, qui ne lui étaient pas destinées et qui étaient spécialement protégées contre tout accès indu de sa part.

Pour que cet article s'applique, il faut que les données visées par la soustraction soient spécialement protégées ; il ne suffit pas qu'il s'agisse simplement de données appartenant à autrui. Cette protection, en principe informatique, se manifestera de manière générale par un mot de passe, un code ou encore un cryptage. Une interdiction morale ou contractuelle d'utiliser un accès dont on dispose ou dont on a disposé légitimement ne constitue pas une protection spéciale au sens de l'art. 143 CP. Celui qui outrepasse les limites de son droit de disposer des données ou utilise abusivement des données accessibles, en d'autres termes « l'abus de confiance informatique », n'est pas punissable (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 6 et 7 ad art. 143 et les références citées).

5.4. Selon l'art. 143bis CP, quiconque s'introduit sans droit, au moyen d'un dispositif de transmission de données, dans un système informatique appartenant à autrui et spécialement protégé contre tout accès de sa part sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Pour que l'infraction soit réalisée, il faut être en présence de trois conditions, soit un accès à un système informatique, appartenant à autrui et spécialement protégé, qui soit indu et intentionnel.

On entend par système informatique tous types d'ordinateurs (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., Berne 2010, n. 1 ad art. 143bis CP). Cependant, il faut admettre qu'eu égard à la parcellisation et la virtualisation qu'offre désormais l'informatique, que si tout traitement s'appuie nécessairement sur une installation « physique », la notion de système informatique ne se résume plus à cela. Une même machine peut s'ouvrir sur plusieurs sessions, respectivement contenir différents espaces suivant l'utilisateur et, précisément, le mot de passe pour chacun. À cet égard, l'art. 143bis CP a été construit dès l'origine comme une violation de domicile informatique, ce qui renvoie très exactement à cette notion d'espace virtuel, dont on doit pouvoir disposer en paix, soit sans intrusion. Le but du législateur était de manifester que la protection pénale s'exerce avant tout à l'égard des données elles-mêmes (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), op. cit., n. 8 ad art. 143bis et les références citées). Une boîte aux lettres électronique doit être considérée comme un sous-système informatique composé d'un ensemble de données, dont la violation tombe donc sous le coup de l'art. 143bis CP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_456/2007 du 18 mars 2008 consid. 4).

Le système informatique doit être spécialement protégé contre tout accès grâce à une barrière informatique qui peut se concrétiser par la mise sur pied d'un codage, d'un chiffrement ou encore d'un code d'accès (S. METILLE / J. AESCHLIMANN, Infrastructures et données informatiques : quelle protection au regard du code pénal suisse ?, Revue pénale suisse 2014, vol. 132, p. 299).

Le comportement punissable consiste à pénétrer un système informatique en détournant les sécurités et barrières virtuelles prévues par l'ayant droit. L'accès doit avoir été effectué sans droit, c'est-à-dire qu'il n'a pas été autorisé par la loi, par le consentement de la victime ou par un autre motif justificatif (S. METILLE / J. AESCHLIMANN, op. cit., p. 301).

5.5. Se rend coupable de contrainte selon l'art. 181 CP celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, ne pas faire ou à laisser faire un acte.

Pour qu'une menace tombe sous le coup de cet article, il faut que l'auteur menace sa victime d'un dommage sérieux. Pour que le dommage annoncé soit sérieux, il n'est pas nécessaire qu'il soit si important que la victime puisse en être alarmée ou effrayée. Il suffit que le préjudice annoncé soit suffisamment sérieux pour porter atteinte d'une manière sensible à la liberté d'action d'une personne raisonnable. La gravité du dommage ne dépend pas du résultat effectif de la pression exercée sur la victime, mais de l'importance objective de l'atteinte envisagée (ATF 96 IV 58 ; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), op. cit., n. 13 ad art. 181). On vise ici non la simple mise en garde ou l'avertissement, mais une forme de pression psychologique qui peut, par exemple, consister en la perspective de porter atteinte à un bien particulier, comme la santé, mais aussi des acquis immatériels tels que l'avenir économique (Y. JEANNERET / A. KUHN / C.  ERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 13 ad art. 181).

La contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite, notamment parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_559/2020 du 23 septembre 2020 consid. 1.1). Cette hypothèse est réalisée lorsqu'il n'y a pas de rapport interne de connexité entre l'objet de la menace et l'exigence formulée (ATF 106 IV 125 consid. 3a). La contrainte est également illicite lorsqu'un moyen de contrainte conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux moeurs (arrêt du Tribunal fédéral 6B_559/2020 précité).

La contrainte exercée par l'auteur doit amener sa victime à faire, à s'abstenir ou à tolérer et ceci contre sa volonté. Lorsque la victime ne se laisse pas intimider et n'adopte pas le comportement voulu par l'auteur, ce dernier est punissable pour tentative de contrainte (art. 22 CP ; ATF 129 IV 262 consid. 2.7 JdT 2005 IV 207).

À titre d'exemple, la Cour de cassation pénale du canton de Neuchâtel a jugé, le 8 avril 1987 (RJN 1987 p. 93 et ss), que celui qui refuse de communiquer le numéro de code permettant de libérer le programme bloqué d'un ordinateur en attendant d'obtenir le paiement d'une créance antérieure commet un acte de contrainte. Dans cet arrêt, elle a estimé que la condition du dommage sérieux était remplie - les travaux pour lesquels le programme avait été conçu ne pouvant plus être exécutés, ce qui contraignait la victime à recourir à un autre système - et que même si le droit suisse reconnaissait le droit de rétention contractuel (ATF 94 II 26), il fallait conclure qu'au vu des circonstances, il constituait un moyen de pression abusif, le créancier ayant utilisé d'autres voies légales pour obtenir le paiement de sa créance, il ne devait pas tenter d'en obtenir le paiement par ce moyen, mais attendre que la justice qu'il avait saisie statue sur la créance (consid. 4).

5.6. En l'espèce, il apparaît que, conformément aux définitions énoncées ci-dessus, le nom de domaine d'un site internet, soit l'adresse internet de celui-ci, constitue une donnée informatique qui, de par sa nature, n'est pas une chose mobilière. Partant, les infractions aux art. 137, 138 et 139 ne sont pas applicables.

Par ailleurs, selon ses déclarations, le recourant avait lui-même transmis au mis en cause les codes d'accès du nom de domaine du site internet de sa société permettant notamment à C______ de procéder à son transfert, ainsi qu'à son utilisation. Dans ces circonstances, l'élément constitutif objectif des données spécialement protégées vis-à-vis du mis en cause ne paraît pas rempli, au sens de l'art. 143 CP, étant relevé que « l'abus de confiance informatique » n'est pas punissable. Pour les mêmes raisons, l'art. 143bis CP ne paraît pas non plus réalisé.

On ne peut en revanche exclure, sous l'angle de l'art. 181 CP, que le fait de ne pas restituer le nom de domaine, en particulier les codes d'accès, à son propriétaire, et d'ainsi empêcher ce dernier de l'utiliser dans le cadre de son activité professionnelle, l'obligeant ainsi à souscrire un nouveau nom de domaine, ne constitue pas un dommage sérieux. En outre, il n'est pas possible, en l'état de la procédure, d'estimer si la prétention du mis en cause est licite ou non, notamment en lien avec un éventuel droit de rétention. En effet, l'existence d'un rapport de connexité paraît douteuse entre l'objet de la menace et l'exigence formulée, l'un concernant un accord de support informatique et l'autre une prétention découlant du bail. Au vu de ces éléments, on ne saurait retenir en l'état que les faits ne présentent aucune connotation pénale.

Partant, la cause doit être renvoyée au Ministère public pour qu'il ordonne à tout le moins une enquête préliminaire.

6.             Partiellement fondé, le recours sera admis. Partant, l'ordonnance querellée sera annulée et la cause renvoyée au Ministère public, dans le sens des considérants.

7.             Le recourant obtient gain de cause (art. 428 al. 1 CPP).

Partant, les frais afférents au recours seront laissés à la charge de l'État (art. 428 al. 4 CPP) et les sûretés versées, restituées au plaignant.

8.             Le recourant a conclu à l'octroi d'une indemnité de procédure.

8.1. En vertu de l'art. 436 al. 1 CPP, les prétentions en indemnité dans les procédures de recours sont régies par les art. 429 à 434 CPP.

L'indemnité n'est due qu'à concurrence des dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable des droits de procédure du prévenu (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1303, p. 1313 ; J. PITTELOUD, Code de procédure pénale suisse - Commentaire à l'usage des praticiens, Zurich/St-Gall 2012, n. 1349 p. 889). Le juge ne doit ainsi pas avaliser purement et simplement les notes d'honoraires qui lui sont le cas échéant soumises, mais, au contraire, examiner si l'assistance d'un conseil était nécessaire puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (cf. ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

8.2. En l'espèce, le recourant réclame une indemnité de CHF 5'331.15 pour 11 heures d'activité à CHF 450.- de l'heure. Au regard des développements topiques du recours, dont seule une partie a été retenue, et des observations, il y a lieu de lui allouer un montant de CHF 969.30.- (TVA à 7.7 % incluse).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet partiellement le recours.

Annule l'ordonnance querellée et renvoie la cause au Ministère public pour qu'il ordonne à tout le moins une enquête préliminaire.

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'État.

Invite les Services financiers du Pouvoir Judiciaire à restituer à A______ les sûretés versées (soit CHF 900.-).

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 969.30.- TTC pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).