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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4613/2007

ACOM/9/2008 du 11.02.2008 ( CRUNI ) , ADMIS

Résumé : élimination; procédure d'opposition
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

A/4613/2007-CRUNI ACOM/9/2008

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

du 11 février 2008

 

dans la cause

 

 

 

Monsieur M______

contre

 

 

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

 

et

 

 

FACULTÉ DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L’ÉDUCATION

 

 

 

(élimination ; procédure d’opposition )


EN FAIT

1. Monsieur M______, ressortissant bolivien, est immatriculé à l’Université de Genève (ci-après : l’université) depuis le mois d’octobre 2004 au sein de la faculté des sciences, afin d’y suivre les enseignements du baccalauréat universitaire en chimie. Il a toutefois échoué au terme de la première année. Il a redoublé celle-ci mais a échoué une nouvelle fois au terme de l’année académique 2005-2006, raison pour laquelle le doyen de la faculté a prononcé son élimination du baccalauréat universitaire en chimie par décision du 8 novembre 2006. Cette décision n’a pas fait l’objet d’une opposition et elle est devenue définitive.

2. Le 13 novembre 2006, M. M______ a présenté une demande de changement de faculté, souhaitant être admis au sein de la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (ci-après : FPSE).

3. Le 21 novembre 2006, le président de la section de psychologie de la FPSE l’a informé qu’il était admis pour l’année académique 2006-2007 mais à titre conditionnel, vu son parcours académique antérieur. Il devait ainsi avoir obtenu les 60 crédits de la première période, au plus tard à la session d’octobre 2007. A défaut, son élimination définitive de la section de psychologie serait prononcée, conformément au règlement d’études.

Cette décision n’a pas fait l’objet d’une opposition et elle est devenue définitive.

4. Au cours de l’année académique 2006-2007, M. M______ a présenté des examens lors des sessions de mars, juillet et septembre 2007 au terme desquelles il a obtenu 6 crédits au lieu des 60 requis.

5. Par pli recommandé du 24 septembre 2007, le doyen de la faculté lui a signifié son élimination définitive de la section de psychologie, en application des articles 5.2 et 5.3 du règlement d’études du baccalauréat universitaire en psychologie auquel il était soumis.

6. Aux termes d’un courrier électronique du 25 septembre 2007 et d’une lettre du 5 octobre 2007, l’étudiant a fait opposition en exposant sa situation personnelle. Il faisait valoir en substance les difficultés qu’il avait connues dans son pays avant de venir à Genève, sa sœur habitant depuis longtemps en Suisse. A Genève, il avait dû trouver une activité lucrative pour subvenir à ses besoins et il avait rencontré des problèmes en raison de la langue. Toutefois, il était désireux de poursuivre des études en psychologie afin d’aider d’autres personnes souffrant comme lui de manque de confiance en soi.

7. Le 12 novembre 2007, le doyen de la faculté de psychologie a signifié à M. M______ que lors de sa séance du 8 novembre 2007, le collège des professeurs avait rejeté son opposition et confirmé la décision d’élimination au vu des résultats totalement insuffisants qu’il avait obtenus au terme de la première année d’études au sein de cette faculté.

8. Par acte posté le 26 novembre 2007, M. M______ a recouru contre cette décision auprès de la commission de recours de l’université (ci-après  : CRUNI). Il n’a pas contesté les faits relatés ci-dessus mais a fait valoir une nouvelle fois les difficultés auxquelles il avait été confronté à Genève. Non seulement il avait dû trouver un travail pour payer les factures, mais il avait des problèmes de langue, ne pouvant s’exprimer comme il le voulait. Il avait développé un sentiment d’angoisse qui ne lui permettait pas de sortir dans la rue ou de rencontrer des gens car il avait très peur de se ridiculiser. Il avait changé depuis et gagné en estime de lui-même, il s’était créé des nouveaux amis et pensait que la psychologie lui permettrait de s’améliorer psychiquement et d’aider les autres qui en avaient besoin. Il demandait qu’une chance lui soit donnée.

9. Le 10 janvier 2008, l’université a conclu au rejet du recours. L’élimination du recourant avait été prononcée conformément au règlement d’études puisque, bien qu’admis à titre conditionnel au sein de la faculté, le recourant n’avait pas totalisé 60 crédits au terme de la première année d’études. De plus, les circonstances personnelles qu’il évoquait ne pouvaient être considérées comme des circonstances exceptionnelles, au sens de l’article 22 alinéa 3 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 (RU - C 1 30.06).

10. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Dirigé contre la décision sur opposition du 12 novembre 2007 et interjeté dans le délai légal et la forme prescrite auprès de l’autorité compétente, le recours posté le 26 novembre 2007 est recevable (art. 62 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 - LU – C 1 30 ; art. 88 RU ; art. 26 et 27 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 - RIOR).

2. a. Les conditions d’élimination des étudiants sont fixées par le RU (art. 63D al. 3 LU). L'article 22 alinéa 2 RU dispose que l’étudiant qui échoue à un examen ou à une session d’examens auxquels il ne peut plus se présenter en vertu du règlement d’études - RE - (litt. a) ou qui ne subit pas ses examens et ne termine pas ses études dans les délais fixés par le RE (litt. b) est éliminé.

b. En l’espèce, le recourant ayant débuté le programme de baccalauréat universitaire en psychologie en octobre 2006, il est soumis au règlement d’études 2005-2006 de la faculté (ci-après : le règlement).

3. N’ayant pas achevé avec succès sa première année en faculté des sciences, le recourant a été admis à titre conditionnel en section de psychologie aux termes du courrier du président de cette section du 21 novembre 2006. Dès cette date, le recourant savait qu’en application du chiffre 5.3 du règlement, il devait acquérir les 60 crédits de la première période au plus tard à la session d’octobre 2007, faute de quoi son élimination définitive serait prononcée, conformément à l’article 17.1 lettre d du même règlement. Le recourant n’a pas élevé d’opposition à l’encontre de cette décision.

4. Il convient d’examiner si la décision attaquée a été instruite et prise en conformité avec les règles de procédure applicables.

a. La voie de l'opposition est un moyen de droit qui oblige précisément l'autorité qui a pris la décision à la contrôler elle-même (ACOM/90/2006 du 12 octobre 2006, consid. 3 in fine ; MOOR, Droit administratif, vol. II, Berne 2002, p. 533 ; cf. également l’art. 50 al. 1 LPA, qui reprend le même concept).

b. Ainsi que l’a rappelé la juridiction de céans dans les décisions ACOM/6/2008 du 24 janvier 2008 et ACOM/90/2006 précitée, le RIOR distingue deux procédures différentes en matière d’opposition : d’une part, une procédure d’opposition en général (chapitre II, art. 4 à 14 RIOR), et, d’autre part, une procédure d’opposition en matière de contrôle des connaissances (chapitre III, art. 15 à 20). Au nombre des distinctions qui caractérisent ces deux procédures figure la désignation de l’organe ayant compétence pour instruire l’opposition et prononcer la décision subséquente. Ainsi, en matière d’opposition en général, c’est l’organe qui a pris la décision litigieuse qui instruit et statue sur l’opposition (art. 11 et 12 RIOR), alors qu’en ce qui concerne l’opposition portant sur le contrôle des connaissances, c’est une commission désignée par le collège des professeurs qui instruit et rapporte oralement à ce dernier, qui statue (art. 19 et 20 RIOR).

c. Le règlement prévoit à son article 17.2 que la décision d’élimination est prise par le doyen de la faculté.

Quant à l’article 18 du règlement, il renvoie, en cas d’opposition et de recours, au RIOR, sans autre précision.

En l’espèce, c’est en application de l’article 17.1 lettre d du règlement que la décision attaquée prononce l’élimination du recourant. L’évaluation de ses notes, qualifiées de très basses et non contestées par le recourant, est définitive. L’objet du litige ne porte donc pas sur une question de contrôle de connaissances ou d’évaluation d’un examen, mais sur le bien-fondé de l’élimination du recourant, cas échéant sur l’existence alléguée de circonstances exceptionnelles au sens de l’article 22 alinéa 3 RU. L’opposition que le recourant a formée le 5 octobre 2007, dans laquelle il déclarait expressément solliciter une nouvelle opportunité d’acquérir les crédits nécessaires était donc une opposition soumise à la procédure générale des articles 4 à 14 RIOR. Il suit de là que c’était le doyen, soit l’organe ayant rendu la décision objet de l’opposition (art. 11 et 12 RIOR), qui était compétent pour instruire et statuer sur celle-ci. Or, il appert du dossier que l’autorité intimée s’est trompée de procédure. En effet, si le doyen a certes signé la décision attaquée, il n’en ressort pas moins que c’est le collège qui a traité, puis rejeté, l’opposition du recourant, examinant à tort la situation de ce dernier sous l’angle de l’évaluation de ses résultats. Le doyen s’est contenté d’informer le recourant du résultat des délibérations auxquelles avait procédé le collège, n’instruisant pas le litige et ne se prononçant pas sur le fond. Par ailleurs, le collège n’a pas agi sur la base d’une délégation de compétences. Dès lors, force est de constater que la décision entreprise n’a pas été instruite puis rendue dans le respect des règles procédurales prévues par le RIOR. Elle est ainsi viciée tant formellement que matériellement. Il convient par conséquent de renvoyer la cause au doyen afin que celui-ci se saisisse valablement de l’opposition du recourant, au sens des considérants.

5. Il s’ensuit que le recours sera admis et la décision attaquée annulée ; le dossier sera renvoyé au doyen pour nouvelle décision au sens des considérants (art. 69. al. 3 LPA). Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 33 RIOR).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 novembre 2007 par Monsieur M______ contre la décision sur opposition de la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation du 12 novembre 2007 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision attaquée et renvoie le dossier au doyen de la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Monsieur M______, à la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, au service juridique de l’université, ainsi qu’au département de l’instruction publique.

Siégeants : Madame Hurni, présidente ;
Messieurs Schulthess et Bernard, membres

Au nom de la commission de recours de l’université :

la greffière :

 

 

 

C. Barnaoui-Blatter

 

la vice-présidente :

 

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :