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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/527/2006

ACOM/90/2006 du 12.10.2006 ( CRUNI ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

A/527/2006-CRUNI ACOM/90/2006

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

du 12 octobre 2006

 

dans la cause

 

Monsieur J______

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

et

FACULTÉ DE DROIT

 

 

 


1. Monsieur J______, né le ______ 1963, est immatriculé à l’université de Genève, en faculté de droit (ci-après : la faculté), depuis le semestre d’hiver 2004 – 2005, et ce afin d’y suivre les études de licence.

2. A l’issue de la session d’examens de juillet 2005, l’étudiant a obtenu les notes de 1.50 en droit public général, de 1.50 en droit pénal général et de 1 en droit privé romain (procès-verbal d’examens du 12 juillet 2005).

3. Par courrier du 5 juillet 2005, M. J______ a présenté au doyen de la faculté (ci-après : le doyen) une demande d’équivalence pour quatre matières de la première série d’examens de la licence en droit, à savoir droit privé général, droit public général, droit romain et introduction au droit. Il avait suivi des études de droit au Brésil, son pays d'origine, et il avait travaillé longtemps comme juriste. Par ailleurs, il convenait de tenir compte de sa situation personnelle particulière et des graves persécutions qu'il avait subies au Brésil, qui l'avaient conduit à déposer une demande d'asile en Suisse.

4. Le 18 juillet 2005, le doyen a répondu qu’aucune équivalence ne pouvait être accordée, au motif, d’une part, que les examens de droit que l’étudiant avait présentés antérieurement ne s’inscrivaient pas dans une série d’examens complète. D’autre part, il s’agissait d’épreuves remontant au début des années 1990, alors que seules les études antérieures remontant à moins de dix ans étaient prises en compte dans le cadre d’une demande d’équivalence, selon une pratique constante de la faculté.

5. En date du 6 septembre 2005, l’étudiant a formé opposition contre la décision du doyen de ne pas lui accorder les équivalences demandées. La pratique consistant à ne pas reconnaître des examens réussis mais remontant à plus de dix ans n’était pas prévue par le règlement d’études de la faculté.

6. Par courrier du 6 octobre 2005, le doyen a informé l’étudiant qu’à titre exceptionnel, il obtenait l’équivalence demandée pour les quatre cours de 1ère série, sans report de notes. En d’autres termes, la moyenne nécessaire pour réussir la première année serait calculée exclusivement sur la base des examens effectivement présentés à la faculté.

7. Le même jour, le doyen a pris acte de l’absence de M. J______ aux examens de la session d’octobre 2005 pour raisons médicales et lui a accordé deux semestres d’études supplémentaires, soit jusqu’en octobre 2006, pour réussir la première série d’études. Conformément aux dispositions transitoires, M. J______ était soumis au nouveau règlement bachelor, pleinement applicable aux étudiants n’ayant pas réussi la première série d’examens en octobre 2005 (art. 46 al. 1 [recte art. 52 al. 1] du règlement d’études de la faculté de droit du 15 octobre 2004 ; ci-après : le RE).

8. En date du 26 octobre 2005, M. J______ a sollicité du doyen la possibilité de suivre les enseignements de deuxième série d’études en même temps qu’il poursuivait les études de première série, et ce compte tenu notamment de sa situation personnelle. Il alléguait également que le retard du décanat dans le traitement de sa demande d’équivalence était à l’origine de son échec à la session d’examens d’octobre 2005. L’étudiant considérait d’ailleurs que l’examen d’histoire du droit pour lequel il avait obtenu la note de 4.50 à la session d’octobre 2005 lui donnait droit à une équivalence pour trois options de deuxième série de baccalauréat.

9. Le 1er novembre 2005, le doyen a répondu que la demande d’accès aux enseignements de 2ème cycle, alors que le 1er cycle n’était pas encore réussi, était rejetée. En effet, selon l’article 23, alinéa 3 RE, l’accès aux examens de deuxième série était subordonné à la réussite préalable des examens de la première série, sous réserve des dérogations prévues à l’article 24 RE, dont les conditions d’application n’étaient pas réunies. Le doyen a attiré l’attention de l’étudiant sur le fait que son échec à la session d’examens d’octobre 2005 était dû à des raisons médicales, selon le certificat médical produit, et n’était donc aucunement imputable à un quelconque prétendu retard dans le traitement de la demande d’équivalence, qui n’avait d’ailleurs pas eu lieu. Enfin, la réussite de l’examen d’histoire du droit ne donnait pas l’équivalence pour trois options de 2ème série.

10. Par courrier daté du 6 décembre 2005, M. J______ a formé opposition contre la décision du 1er novembre 2005. Dans la mesure où il n’avait que trois examens de 1er série à passer, il avait tout le temps pour pouvoir suivre les enseignements de 2ème série. Par ailleurs, la décision du doyen était arbitraire, portait atteinte au principe d’égalité de traitement ainsi qu’à la loi sur l’asile et aux textes internationaux sur les réfugiés. Enfin, il se plaignait du retard avec lequel la faculté avait traité sa demande d’équivalence, à l’origine de son échec aux examens d’octobre 2005, dans la mesure où sa maladie n’était que partielle, d’après le certificat médical du Dr Subilia du 20 septembre 2005. Dans ses conclusions, l’étudiant a demandé à titre préalable une audition par le doyen.

11. Le 19 décembre 2005, M. J______ a été entendu oralement par le doyen.

12. Par décision du 12 janvier 2006, l’opposition du recourant a été rejetée. Sa situation personnelle – son statut de réfugié et son état de santé - avait déjà été prise en compte dans la décision à bien plaire d’octroi des équivalences, du 6 octobre 2005. En effet, l’application de la pratique constante de la faculté en la matière aurait dû conduire au rejet de celle-ci. Par ailleurs, la situation personnelle du recourant avait aussi été prise en compte dans la décision ayant conduit à lui accorder deux semestres supplémentaires pour terminer le premier cycle d’études. Dans ce contexte, M. J______ ne pouvait pas se prévaloir à nouveau de ces mêmes circonstances pour obtenir le droit d’accès au deuxième cycle d’études, avant même d’avoir réussi le premier cycle, compte tenu notamment des résultats obtenus à la session de juillet 2005, à savoir trois échecs sévères, qui n’étaient pas de nature à démontrer sa capacité à réussir des examens écrits.

13. Par acte daté du 9 février, remis au greffe le 10 février 2006, M. J______ a saisi la commission de recours de l’université (CRUNI). Il conclut préalablement à l’octroi de l’effet suspensif au recours et à ce que lui soit accordé, à titre provisionnel, la possibilité de suivre les cours et de présenter les examens de deuxième série aux sessions de février et juin 2006. Il demande également à la CRUNI de lui accorder le droit d’être entendu. Sur le fond, il conclut à l’annulation de la décision sur opposition querellée et à être autorisé à suivre les enseignements de deuxième série.

14. Invité à se déterminer sur la requête de mesures provisionnelles, le doyen s’est opposé, par courrier du 22 février 2006, à l’octroi de telles mesures se confondant avec les conclusions sur le fond.

15. Par décision présidentielle du 2 mars 2006, la requête de mesures provisionnelles a été rejetée, au motif que les conclusions sur mesures provisionnelles prises par le recourant se confondaient avec celles prises sur le fond.

16. Dans ses observations sur le fond, datées du 9 mars 2006, le doyen conclut au rejet du recours. Conformément au RE applicable, le recourant ne réunissait pas les conditions lui permettant de bénéficier de la dérogation prévue à l’art. 24 RE, aux termes duquel le doyen peut autoriser un candidat à subir au cours d’une même session des examens des deux séries lorsque la réussite de la première série ne dépend plus que d’un examen pour lequel la note de 3 serait suffisante ou de deux examens dont un seul de droit positif, pour lesquels une note moyenne de 2.5 serait suffisante. Partant, il devait se conformer aux modalités de réussite prévues par le RE qui prévoyaient que l’accès aux examens de la deuxième série était subordonné à la réussite des examens de première série (art. 23 alinéa 2 RE). Par ailleurs, aucun élément ne permettait d’accorder au recourant un traitement plus favorable, dans la mesure où sa situation personnelle avait déjà été prise en compte lors de l’octroi des équivalences et de deux semestres d’études supplémentaires. Enfin, vu les résultats obtenus à la session d’examens de juillet 2005, il ne se justifiait pas de l’autoriser à suivre une formation accélérée, alors qu’il n’avait pas fait la preuve de sa capacité à réussir des examens écrits de droit.

 

17. Une copie des observations de la faculté a été communiquée au recourant en date du 14 mars 2006. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

1. Dirigé contre la décision sur opposition du 12 janvier 2006 et interjeté dans le délai légal et la forme prescrite auprès de l’autorité compétente, le recours est recevable (art. 62 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 - LU – C 1 30 ; art. 87 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 - RU – C 1 30.06 ; art. 26 et 27 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 - RIOR).

2. Le recourant conclut à ce qu’il soit entendu oralement par la CRUNI.

a. Le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision touchant sa situation juridique ne soit prise, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuve pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 129 II 497, consid. 2.2 et les références citées). Il n’implique pas le droit à une audition personnelle de l’intéressé, sauf dispositions légales contraires (RDAF 2005 I 55; ATF 127 V 494, consid. 1.b; ATF 125 I 209, consid. 9.b).

b. En l’espèce, le recourant a eu largement l’occasion de développer son argumentation aussi bien au niveau de la procédure d’opposition que devant la CRUNI. Il a produit toutes les pièces qu’il estimait nécessaires. Il faut dès lors admettre qu’il a pu exercer son droit d’être entendu par écrit. Au surplus, comme il a été rappelé récemment, l’article 31 RIOR ne prévoit pas un droit à une audition personnelle devant la CRUNI (ACOM/30/2006 du 27 avril 2006). Dans ces conditions, la CRUNI s’estime renseignée et est en mesure de juger la cause qui lui est soumise, sans procéder à l’audition du recourant.

3. Le recourant se plaint du fait que la décision sur opposition a été rendue par le doyen, qui était à la fois juge et partie, dans la mesure où il s'était déjà prononcé dans la même affaire lorsqu'il avait rendu la décision initiale. La décision sur opposition devait être annulée.

a. Le RIOR distingue deux procédures différentes en matière d’opposition, soit une procédure d’opposition en général (chapitre II, art. 4 à 14) et une procédure d’opposition en matière de contrôle des connaissances (chapitre III, art. 15 à 20bis).

b. Au nombre des distinctions qui caractérisent ces deux procédures figure la désignation de l’organe ayant compétence pour instruire l’opposition et prononcer la décision subséquente.

Ainsi en matière d’opposition en général, c’est l’organe qui a pris la décision litigieuse qui instruit et statue sur l’opposition (art. 11 et 12 RIOR), alors qu’en ce qui concerne l’opposition portant sur le contrôle des connaissances, c’est une commission désignée par le collège des professeurs qui instruit et qui statue (art. 19 et 20 RIOR).

c. En l’espèce, s’agissant d’une opposition en général, c’est à juste titre le doyen, qui avait déjà statué sur la question de la dérogation à l'ordre de présentations des examens des deux cycles, de son ressort, qui a rendu la décision sur opposition. Il convient par ailleurs d'ajouter que la voie de l'opposition est un moyen de droit qui oblige précisément l'autorité qui a pris la décision à la contrôler elle-même, à la requête de l'intéressé (Pierre MOOR, Droit administratif, vol. II, Berne 2002, p. 533). Dans ces circonstances, le grief du recourant sur ce point est infondé.

4. Le recourant reproche principalement à la faculté de ne pas l'avoir autorisé à présenter les examens de la deuxième série en même temps que ceux de la première série, alors que cette possibilité était prévue par le RE.

a. A titre liminaire, il convient de constater que le recourant a été admis à la faculté de droit au semestre d'hiver 2004 - 2005. Il était partant soumis au régime de la licence, selon le RE 2004 - 2005. Dans le cadre de la mise en place de la réforme dite de "Bologne", un nouveau RE a été adopté en date du 15 octobre 2004, applicable dès la rentrée universitaire d'octobre 2005 (ci-après: RE). Aux termes de l'article 52, chiffre 1, RE, ce règlement est également applicable aux étudiants qui n'ont pas réussi la première série des examens de licence au plus tard à la session d'octobre 2005, sans avoir été éliminés. En vertu de cette disposition transitoire, le RE s'applique aussi au recourant, dès la rentrée d'octobre 2005, dans la mesure où à cette date il n'avait pas encore réussi sa première série d'examens.

b. Selon l'article 23, chiffre 3, RE, l'accès aux examens de la deuxième série est subordonné à la réussite des examens de la première série, sous réserve des dérogations prévues par le RE. Celles-ci sont énoncées à l'art. 24 RE. Le doyen a ainsi la faculté d'autoriser un candidat à subir, au cours d'une même session, des examens des deux séries, lorsque la réussite de la première ne dépend plus que d'un seul examen, pour lequel la note de 3 serait suffisante, ou de deux examens, pour lesquels une note moyenne de 2.5 serait suffisante. Il convient d'ajouter que cette solution était déjà connue sous l'ancien règlement d'études abrogé (article 15 chiffre 2 et art. 17 de l'ancien RE de la faculté).

c. En l'espèce, force est de constater que le recourant ne réunit pas les conditions posées à l'art. 24 RE, dès lors qu'il lui reste trois examens de première série à passer, pour lesquels il doit obtenir la moyenne minimum de quatre. C'est donc à juste titre que le doyen a refusé de lui accorder la dérogation sollicitée.

5. De plus, le recourant ne saurait se prévaloir de circonstances exceptionnelles, dans la mesure où le refus de la dérogation sollicitée ne fait pas obstacle au bon déroulement de ses études, la législation pertinente ne réservant la prise en compte de circonstances exceptionnelles qu'en matière d'élimination.

Dans ces circonstances, la faculté n'a pas outrepassé son pouvoir d'appréciation en refusant la dérogation demandée, les griefs de violation de l'interdiction de l'arbitraire, d'inégalité de traitement et de violations des dispositions fédérales et internationales en matière d'asile étant manifestement infondés.

6. Mal fondé, le recours doit ainsi être rejeté.

7. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 33 RIOR).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 février 2006 par Monsieur J______ contre la décision sur opposition de la faculté de droit du 12 janvier 2006  ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

communique la présente décision à Monsieur J______ ainsi qu'à la faculté de droit et au service juridique de l’université, ainsi qu’au département de l’instruction publique.

Siégeants : Madame Bovy, présidente ;
Madame Pedrazzini Rizzi et Chatton, membres

Au nom de la commission de recours de l’université :

la greffière :

 

 

 

C. Marinheiro

 

la présidente :

 

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :